Il fut le fondateur d’une école de rhétorique [1] célèbre, qui forma nombre d’orateurs. Son idéal de culture, qu’il appela "philosophie", enseignait que l’art de bien parler passait par l’art de bien penser. Il s’opposa aux sophistes [2] et à Platon. Toute sa vie, il n’eut de cesse d’appeler les Grecs à l’union pour lutter contre l’ennemi héréditaire que représentaient les Barbares, à savoir les Perses. Souvent comparé à Lysias, il a su donner à la prose une valeur artistique, comparable à celle de la poésie, qui a servi de modèle à l’ensemble des orateurs antiques, aussi bien de langue grecque que latine.
Né dans le dème [3] d’Erchia [4], en Attique [5], fils de Théodoros et d’Hédyto. Son père possédait des esclaves qui fabriquaient des flûtes et son commerce lui assura une fortune qui le faisait appartenir à la classe moyenne. Plus tard, des comiques, dont Aristophane, le raillèrent au sujet du commerce de son père. Il reçue une éducation de qualité. Il assista à Athènes aux cours de Prodicos, de Tisias, de Théramène, de Gorgias entre 415 et 403, lors d’un voyage en Thessalie [6], et assista aux discussions de Socrate.
Cependant, si ses études le destinaient à la carrière politique, sa timidité et la faiblesse de sa voix l’empêchèrent de se présenter devant l’assemblée du peuple. En effet, Isocrate ne prononça jamais aucun discours. Pour pallier ses difficultés à s’exprimer en public, Isocrate se lance alors dans une carrière de logographe [7], il écrit des discours judiciaires sur demande. Il s’adonna à ce métier pendant une dizaine d’années, y gagnant une grande renommée, qui dépassa le territoire de l’Attique, puisque un Siphnien [8] qui plaidait à Égine [9] fit appel à lui. Mais son activité de logographe ne répondait pas à ses ambitions politiques : il abandonna alors sa carrière, et parla par la suite de l’éloquence judiciaire avec beaucoup de mépris.
A défaut de pouvoir s’adresser directement au public à cause de sa timidité, il décida alors de fonder une école de rhétorique en 393, école dont la notoriété fut immense. Désormais, il se consacra pendant les 50 dernières années de sa vie à l’enseignement. Ses élèves furent nombreux, célèbres et vinrent de tout le monde grec pour assister à ses cours. On compte parmi ses élèves le stratège Timothée d’Athène, les historiens Théopompe de Chios et Éphore de Cumes, Asclépiadès, Nicoclès, le roi de Chypre et fils d’Évagoras, Théodecte de Phasélis, Léodamas d’Acharnes, Lacritos, les orateurs Hypéride, Isée, Lycurgue et Python de Byzance, orateur de Philippe.
Parallèlement à son activité d’enseignement, Isocrate se lance dans le discours épidictique [10], c’est-à-dire dans l’éloquence d’apparat, pour diffuser ses idées politiques. Mais comme sa timidité l’empêchait d’intervenir directement dans les affaires politiques, il a recours au discours fictif.
Ses idées politiques sont fixées depuis “le Panégyrique” [11], dès 380 : “il est impossible d’avoir une paix assurée si nous ne faisons pas en commun la guerre aux Barbares”. Cette phrase résume à elle seule ce qui fut son leitmotiv, l’union de tous les Grecs, et la lutte contre l’ennemi commun que représente la Perse. Seul a varié le personnage chargé de coordonner cette union panhellénique. L’hellénisme est pour l’orateur une communauté de civilisation, dont les intérêts sont également communs. Ces idées, relativement simples, sont inspirées par le siècle précédent. Pour Isocrate, le bonheur et la paix dépendent de l’union des Grecs, mais les cités doivent toutefois garder leur indépendance.
Il a défendu ces idées inlassablement pendant 50 ans. Cependant, il est conscient des changements de son époque. En effet, le choix d’une puissance directrice, qui puisse coordonner l’union de tous les Grecs, est la condition nécessaire à la victoire sur les Barbares. Or, en fonction des événements, il modifie le choix de la puissance directrice, il propose d’abord Athènes, dès le Panégyrique, en 380, avant de se tourner vers Sparte et Archidamos, vers Jason de Phères et la Thessalie, Denys le Jeune et la Sicile ou Nicoclès… Ses démarches se solvant par des échecs, il se retourne finalement vers Athènes en 356. En 346 av. jc, grâce à la paix de Philocrate [12], Philippe intervient dans les affaires de la Grèce, il croit alors trouver l’homme qui pourra être à la tête de tous les Grecs. Il cherche la collaboration plutôt que la domination macédonienne.
Pour ce qui est de sa vie privée, Isocrate a vécu avec une courtisane, Lagiské, avant d’épouser Plathané, veuve du rhéteur Hippias, dont il adopta un fils, Aphareus. Il mourut en octobre 338 à 98 ans, sous l’archontat [13] de Chérondas, après la nouvelle de la bataille de Chéronée [14], lors des funérailles des morts. Il fut enterré aux frais de l’État, au sud-ouest d’Athènes, près du gymnase du Cynosarge [15].