Diodote II ou Diodotus II Theos
Souverain du royaume gréco-bactrien de 238/234 av. jc à 230/221 av. jc
Fils de Diodote 1er auquel il succéda vers 238 av. jc. D’après les monnaies, il semble que Diodote II fut associé très tôt au pouvoir, comme corégent, dès l’époque de l’émancipation du pouvoir séleucide de son père vers 250 av jc, ce qui explique les portraits jeune / vieux des monnaies avec la légende d‘Antiochos II.
Diodote II organisa un second atelier de frappe de monnaies où il put graver son portrait et ainsi mieux se faire connaître de la population des colons grecs.
On ne sait s’il participa à la victoire contre l’invasion des nomades parthes* de son père.
À la mort de Diodote 1er vers 238 av. jc, Diodote II prit la succession de son père.
Il héritait d’un vaste territoire comprenant les provinces de Bactriane [1], de Margiane [2], ainsi que de Sogdiane [3], toujours officiellement sous le pouvoir séleucide [4], c’est-à-dire de Séleucos II, bien que les monnaies fussent toujours frappées du nom de son prédécesseur Antiochos II.
Diodote 1er avait amorcé la transition entre la province séleucide et le royaume indépendant. Sur les monnaies frappées en Bactriane, il avait changé le portrait du roi séleucide par le sien et avait remplacé le type de l’Apollon séleucide en un Zeus foudroyant mais en gardant le nom du roi séleucide Antiochos II.
Il semble que ce soit à la mort de son père que Diodote II décida de franchir le pas que son père n’avait pas osé en frappant des monnaies en son nom avec le titre de roi.
Les Parthes, après avoir été repoussés de Bactriane par Diodote 1er, s’étaient installés dans la satrapie de Parthiène, coupant les voies de communication directe de Syrie [5] vers la Bactriane. Cette invasion était un grave danger pour les Séleucides, menaçant le plateau iranien dont la satrapie de Médie [6]. C’était aussi un danger pour la Bactriane, limitant les communications vers le monde hellénistique [7] et menaçant la frontière de l’ouest.
Il semble donc que Diodote 1er et le roi séleucide Séleucos II Kallinikos aient projeté une attaque conjointe contre les Parthes. Néanmoins, Diodote 1er mourut avant l’expédition. Son fils, Diodote II renversa l’alliance et fit la paix avec Tiridate 1er, roi des Parthes, frère et successeur d’Arsace 1er, fondateur de la dynastie arsacide [8].
Les Parthes purent ainsi concentrer leurs forces contre l’attaque séleucide.
Séleucos II Kallinikos attaqua vers 228 av. jc. Après une défaite initiale, Séleucos contre-attaqua et réussit à refouler Arsace qui trouva refuge dans la steppe, peut-être auprès des Sakas [9].
La route était ouverte pour châtier Diodote II de Bactriane. Mais de nouvelles complications occidentales empêchèrent le roi séleucide d’exploiter son succès, sûrement l’invasion de l’Asie Mineure [10] séleucide d’Antiochos Hiérax par Attale 1er de Pergame ou la tentative de son frère d’envahir la Syrie.
En 227 av. jc, Séleucos II Kallinikos dut retourner rapidement en occident. Le roi séleucide fit la paix avec Arsace qui reconnaît sa suzeraineté. Mais une fois les Séleucides partis, Arsace se déclara roi de Parthie. La tentative de reprise de contrôle des hautes satrapies avait échoué.
On peut supposer que Diodote II profita de l’échec du roi séleucide en envahissant l’Arie [11] encore fidèle au pouvoir séleucide.
Contrairement à son père qui ne s’était pas proclamé officiellement roi et frappait toujours monnaie au nom d’Antiochos, Diodote II prit officiellement le titre de roi sur les monnaies.
Il était donc clairement en rébellion contre le pouvoir séleucide. On peut donc supposer que Diodote II craignant que Séleucos II n’attaque la Parthie puis la Bactriane, ne le punisse de sa rébellion. Diodote II avait donc intérêt à une victoire parthe et à la constitution d’un royaume tampon entre la Bactriane et le royaume séleucide.
La sœur de Séleucos II, veuve du défunt roi Diodote 1er à la cour de Diodote II, ne pouvait rester sans rien faire devant l’alliance bactrienne avec les Parthes contre les Séleucides. Elle maria sa propre fille à Euthydème, sûrement un des satrapes de Diodote et le persuada de tuer Diodote II pour trahison envers les Grecs.
Euthydème de Magnésie élimina Diodote II, sans doute avec le soutien populaire le détrôna vers 230 av. jc et lui succéda.
La date de la fin de règne Diodote, diverge selon les auteurs, selon Polybe, Euthydème prit le pouvoir en éliminant Diodote II vers 230 av. jc. Selon Strabon, la révolte d’Euthydème se passa en même temps que la guerre fratricide séleucide vers 223/221 av. jc.
On a trouvé à Aï Khanoum [12] des traces d’attaques qui sont datées de 225 av. jc et qui pourraient correspondre à la révolte d’Euthydème. Des traces d’incendie, ainsi que du travail de sape ont été identifiés sur les remparts de la ville.
Ainsi se termina la dynastie des Diodotes, héritière d’Alexandre le Grand qui avait organisé un royaume indépendant hellénistique aux confins de l’Orient.
Notes
[1] La Bactriane ou Bactrie est une région à cheval sur les États actuels d’Afghanistan, du Pakistan, de la Chine, du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan et aussi un peu du Turkménistan, située entre les montagnes de l’Hindū-Kūsh et la rivière Amou-Daria. Elle était beaucoup plus grande autrefois. Elle avait pour bornes : au sud les Paropamisades et l’Inde ; au nord, la Sogdiane ; à l’est, la Scythie extra Imaum ; à l’ouest, l’Hyrcanie, et contenait, entre autres contrées, la Margiane, la Guriane, la Bubacène, le pays des Tochares et des Marucéens.
[2] La Margiane est une satrapie de la Perse achéménide, sur le cours du Murghab, située autour de l’antique Alexandrie de Margiane, appelée Merv au Moyen Âge et devenue l’actuelle Mary au Turkménistan. Cette satrapie, sur les territoires actuels du Turkménistan et de l’Afghanistan, était entourée par l’Arie (ouest), la Sogdiane (nord), la Bactriane (est), la Parthie (sud-ouest).
[3] La Sogdiane ou Sogdie est une région historique recouvrant en partie l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et l’Afghanistan et englobant les villes historiques de Samarcande et Boukhara et la vallée irriguée de Zeravchan (ancienne Polytimetus). Elle se situe au nord de la Bactriane, à l’est de Khwarezm et au sud-est de Kangju entre l’Oxus (Amou-Daria) et le Jaxartes (Syr-Daria). La Sogdiane fut la 18ème province de l’Empire perse achéménide, selon l’Inscription de Behistun de Darius 1er.
[4] Les Séleucides sont une dynastie hellénistique issue de Séleucos 1er, l’un des diadoques d’Alexandre le Grand, qui a constitué un empire formé de la majeure partie des territoires orientaux conquis par Alexandre, allant de l’Anatolie à l’Indus. Le cœur politique du royaume se situe en Syrie, d’où l’appellation courante de « rois de Syrie ». Les Séleucides règnent jusqu’au 2ème siècle av. jc sur la Babylonie et la Mésopotamie dans la continuité des Perses achéménides.
[5] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[6] À l’époque hellénistique, la Médie tombe sous le contrôle des Grecs, et est incluse après les conflits opposant les Diadoques dans les territoires contrôlés par les Séleucides, après avoir été un temps dominée par Antigone le Borgne. L’ancien général Atropatès qui dirigeait le contingent mède de l’armée perse à la bataille de Gaugamèles, se rallie par la suite à Alexandre le Grand et devient satrape du nord de la Médie, qui devient la Médie Atropatène, futur Azerbaïdjan, qu’il parvient à rendre autonome du pouvoir séleucide. La capitale de ce royaume se trouvait à Gazaca. Après plusieurs décennies d’indépendance, le roi Artabanzanes doit conclure un traité de vassalité avec Antiochos III en 220 av.jc. Cette région reste peu hellénisée, à la différence du sud de la Médie, centré autour d’Ecbatane. Plusieurs villes nouvelles y sont fondées par les souverains séleucides, et l’ancienne Rhaga est renommée Europa. Un satrape local, Molon, se révolte en 220 contre Antiochos III, qui le défait. Entre 163 et 160, c’est un autre satrape de Médie, Timarque, qui se révolte contre Démétrios 1er Sôter, et réussit à prendre le pouvoir en Babylonie, avant d’être finalement soumis. Les révoltes qui secouent le royaume séleucide vers 150 profitent au roi parthe Mithridate 1er qui prend alors la Médie, ainsi que l’Atropatène. Après plusieurs décennies de luttes, le pouvoir des Arsacides est finalement assuré en Médie, en dépit des attaques des nomades orientaux, Scythes ou Tokhariens. La région est réorganisée administrativement, et la ville de Rhaga/Europa est renommée Arsacia.
[7] commerce, colons, artisans, artistes…
[8] Les Arsacides sont la dynastie des rois parthes ayant régné sur l’Iran pour former l’empire parthe. Fondée en 250 av. jc par Arsace 1er, elle conserve le trône jusqu’en l’an 224 de notre ère, et est remplacée par celle des Sassanides. Selon les Chroniques géorgiennes, une lignée de princes arsacides règne également sur l’Ibérie (Karthli) à partir de 189 avec Rev 1er le Juste fils d’un « Grand Roi » parthe anonyme identifié par Cyrille Toumanoff avec Vologèse V et d’une princesse autochtone. Cette famille s’éteint avec la princesse Abechoura, fille du roi Aspagour 1er, qui épouse en 284 Mirvan III d’Ibérie, le fondateur de la dynastie dite des Chosroïdes.
[9] Les Sakas ou Saces sont un ensemble mal délimité de peuples indo-européens qui vivaient dans l’Antiquité en Asie centrale, dans une région couvrant le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Afghanistan, et une partie du Pakistan et de l’Iran, et parfois étendue jusqu’aux monts Altaï et à la Sibérie méridionale en Russie selon les auteurs. Il s’agit des branches orientales des peuples Scythes, ceux qui sont le plus souvent mentionnés dans les sources perses sous le terme "saka". Les Scythes étaient un vaste ensemble de peuples indo-européens d’Eurasie centrale parlant des langues iraniennes
[10] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[11] L’Arie est le nom de l’une des satrapies de l’Empire perse Achéménide. Elle était située au Nord de la Drangiane et au Sud-est de la Parthie. Elle correspondait à la partie orientale du Khorāsān Iranien et à la région de Hérat dans l’Afghanistan actuel. Elle bordait principalement la vallée de la rivière Hari qui, dans l’antiquité, était considérée comme particulièrement fertile et riche en vin. Cette satrapie fut conquise par Alexandre le Grand en 330 av. jc qui y fonda la ville d’Alexandrie d’Arie qui correspond à Hérat. Satibarzane, le satrape d’Arie se révolta après avoir fait semblant de se soumettre. Alexandre le Grand dut envoyer deux corps d’armée, dont l’un fut vaincu, pour venir à bout de sa résistance.
[12] Aï Khanoum ou Ay Khanum est une cité antique située aujourd’hui dans le Nord-Est de l’Afghanistan, dans la province de Kondoz, près de la frontière tadjike. Elle se situe au confluent du fleuve Amou-Daria (anciennement Oxus) et de la rivière Kokcha. Elle est fondée au 4ème siècle av. jc par les Grecs dans le sillage de l’épopée d’Alexandre le Grand dans sa route vers l’Inde. La ville est surnommée l’Alexandrie de l’Oxus par le géographe Ptolémée et peut-être appelée plus tard Eucratidia sous le règne du souverain gréco-bactrien Eucratide 1er. Un temps capitale du royaume gréco-bactrien, elle est détruite durant la seconde moitié du 2ème siècle av. jc par des attaques successives de nomades et des prédations aux fins de récupération de matériaux de construction effectuées par des populations autochtones après l’évacuation de la région par les populations hellénisées.