3ème fils d’Étienne-Henri comte de Blois-Chartres et d’Adèle, fille de Guillaume le Conquérant et sœur d’Henri 1er d’Angleterre. Son père est l’un des principaux barons engagés dans la première croisade. Il s’attire une réputation de traître et de lâche en s’enfuyant de la ville assiégée d’Antioche en 1098, pensant que les croisés vont tous se faire massacrer. De retour dans son comté, il subit les foudres de sa femme qui le renvoie en Terre sainte reconquérir son honneur. Il est tué durant la bataille de Rama en 1102. Il a pour frère aîné Thibaut IV de Blois, qui succède au comté de Blois en 1102, et pour cadet Henri, moine à Cluny, puis abbé de Glastonbury et évêque de Winchester, qui jouera un rôle important durant son règne. Il est le cousin germain de Mathilde l’Emperesse et Robert de Gloucester, respectivement fille légitime et fils illégitime d’Henri 1er d’Angleterre.
Étienne est éduqué avec ses deux frères aînés à Blois, sous le tutorat de Guillaume le Normand.
Son oncle maternel Henri 1er d’Angleterre le prend sous son aile aux alentours de 1113. Au début des années 1120, il a des possessions dans 22 des comtés anglais, et est l’un des plus riches barons du royaume. Sa nouvelle position à Mortain l’oblige très rapidement à entrer en conflit armé avec ses voisins angevin et capétien. Les intérêts anglo-normands concordent avec ceux de son frère Thibaut IV de Blois. Les 2 princes s’allient donc contre leurs ennemis. Durant les années 1116-1119, Étienne défend son comté et vient aussi en aide à son frère. Il commande notamment l’ost bléso-normand qu’il amène à Brie, de crainte que le roi de France Louis VI le Gros ne s’empare de la ville durant une absence de Thibaut. Il vient aussi à son secours, début novembre 1118, quand il est capturé au combat par la garnison du château de L’Aigle, et le libère. Au même moment, les citoyens de la ville d’Alençon, ville frontière, exaspérés par la brutalité du traitement que leur réserve Étienne et sa garnison, se rebellent et en appellent à l’aide du comte Foulque V d’Anjou. Celui-ci s’empare de la ville et assiège la forteresse. Étienne et son frère Thibaut, devancent l’ost d’Henri 1er et partent libérer la ville avec leurs propres hommes. Ils sont battus dans un engagement qui a lieu en dehors de la ville, et Henri 1er est obligé de se retirer. Le comte angevin s’empare finalement du château, et Étienne perd ses intérêts dans la région.
En 1119, pendant une révolte de barons normands, il est à la tête d’une importante force normande qui attaque et incendie Évreux. En novembre 1120, le seul fils légitime du roi, Guillaume Adelin, meurt dans le naufrage de la Blanche-Nef. Henri 1er se remarie très rapidement pour essayer d’enfanter un nouvel héritier mâle. Dans les années qui suivent, Étienne est principalement en Normandie.
En 1125, il épouse Mathilde de Boulogne, fille et héritière du comte de Boulogne Eustache III et de Marie d’Écosse. Le comté de Boulogne est un comté autonome de la Flandre. Il a pour avantage d’avoir des ports sur la Manche qui permettent d’en contrôler le trafic. En plus du comté, Étienne acquiert aussi l’honneur de Boulogne, un ensemble de domaines acquis par Eustache II de Boulogne en Angleterre principalement dans l’Essex et dans le sud-est de la Normandie. Eustache III abdique en faveur de sa fille, et Étienne devient comte de Boulogne en droit de sa femme. Ils règnent sur le comté jusqu’en 1146-1147, date à laquelle ils le transmettent à leur fils aîné Eustache. L’énergie de sa femme lui sera d’un grand secours durant les heures les plus dures de la guerre civile.
Ce mariage fait de lui le principal baron de la sphère anglo-normande. À cette époque, le roi d’Angleterre n’a pas d’héritier, et il est probable qu’Étienne soit alors son candidat préféré. Il a toute la légitimité pour lui succéder, car il est un descendant du Conquérant, et surtout il n’est pas Guillaume Cliton, le fils de son frère aîné Robert Courteheuse, candidat préféré de nombreux barons normands, mais que le roi méprise. Toutefois, cette même année, Mathilde l’Emperesse devient veuve et revient peu après en Normandie. Son père décide alors qu’elle lui succédera, car son mariage avec Adélaïde de Louvain est toujours infructueux. À partir de 1127, Henri demande aux barons de Normandie et d’Angleterre de la reconnaître comme son héritière et successeur dans tous ses biens. Étienne est d’ailleurs le premier laïc à lui prêter serment, en 1127.
En mars 1127, Guillaume Cliton se voit offrir le comté de Flandre. Sur requête de son oncle, Étienne entreprend de former une coalition de barons du nord de la France contre lui. L’année suivante, la menace Cliton disparaît avec sa mort. En 1128, Mathilde l’Emperesse épouse Geoffroy dit Plantagenêt, comte d’Anjou. Ce mariage permet au roi d’Angleterre de nouer une alliance avec l’un de ses principaux ennemis et ainsi de sécuriser la frontière sud-ouest de son duché. Durant les années suivantes, Étienne est souvent à la cour royale, bénéficiant des privilèges liés à son rang. Il est notamment avec le roi à Rouen en 1135 quand est proclamée la Paix de Dieu.
À la mort du roi Henri 1er d’Angleterre, le 1er décembre 1135, le trône doit revenir à sa fille Mathilde l’Emperesse. Comme tous les nobles du royaume, Étienne a par 2 fois fait le serment de la reconnaître pour reine. Mais Henri 1er n’a jamais convaincu ses barons que Mathilde pourrait gouverner par elle-même. Il a aussi refusé leur suggestion qu’elle pourrait gouverner comme régente pour son petit-fils Henri. Au moment de sa mort, il n’y a donc pas de consensus ferme parmi le baronnage anglo-normand pour accepter Mathilde. Prévenu de la mort du roi, Étienne de Blois en profite. Il traverse la Manche à partir de Wissant et rejoint au plus vite Londres. Là, les citoyens le reconnaissent pour roi.
Il se rend ensuite à Winchester, siège du trésor et de l’administration royale, où son frère est évêque. Grâce à ce dernier, il s’assure du soutien de l’évêque Roger de Salisbury, le chef de l’administration, et de Guillaume du Pont de l’Arche, le gardien du trésor royal. En retour, il promet d’être un souverain modèle envers l’Église. Il garantit au clergé une certaine autonomie, notamment dans l’élection des principaux évêques et archevêques. Ses concessions aux barons du royaume sont plus restreintes. Il a notamment été prétendu qu’il aurait promis la suppression du geld, l’impôt foncier.
Le 22 décembre 1135, après que Hugues Bigot ait fait le serment que, sur son lit de mort, le roi avait désigné Étienne comme son successeur, il se fait couronner par Guillaume, l’archevêque de Cantorbéry. Sur le continent, les barons du duché de Normandie avaient proposé à son frère aîné Thibaut de devenir leur suzerain. Mais une fois informés du couronnement d’Étienne, ils l’acceptent pour duc. Ils n’étaient pas prêts à revivre les problèmes posés par les devoirs de loyauté à 2 suzerains différents.
Quasi immédiatement, il doit faire face à l’invasion du nord de l’Angleterre par le roi David 1er d’Écosse. Le roi écossais, cousin de Mathilde l’Emperesse, s’empare notamment des villes de Carlisle et Newcastle-upon-Tyne. Étienne doit réagir vite, car le roi écossais semble agir en faveur de sa cousine, et il impose aux barons anglais qu’il soumet de faire serment d’allégeance à celle-ci. David 1er comprend vite qu’il s’est engagé trop rapidement en Angleterre, et qu’il aura du mal à maintenir sa position sur le nord. Aussi quand Étienne arrive à York avec une imposante force, payée avec le trésor royal, il lui propose une conférence pour régler la situation à l’amiable. Elle se tient à Durham entre le 5 et le 20 février 1136. Il en résulte le premier traité de Durham par lequel Étienne abandonne Carlisle et Doncaster à son adversaire, et accorde entre autres l’honneur de Huntingdon à son fils Henry.
Au printemps 1136, Étienne tient sa cour de Pâques à Oxford. Il y signe la Charte de Libertés qui reprend les promesses faites lors de son couronnement au clergé et aux barons. À cette époque, il a déjà reçu l’hommage de quasiment tous les barons du royaume, dont Robert, le comte de Gloucester et fils illégitime du roi. Son adhésion est une excellente nouvelle pour le roi, car il est très puissant et influent. Le seul Baudouin de Reviers refuse de le reconnaître pour roi, probablement parce qu’il n’a pas obtenu un office qu’il demandait à Étienne. Le baron s’empare du château d’Exeter et le fortifie. Étienne conduit lui-même le siège du château pendant les 3 mois qu’il dure, et reçoit la soumission de la garnison à l’été. Il ne punit pas les rebelles, et ses barons sont étonnés de son indulgence. Plus tard, Baudouin de Reviers est simplement forcé à l’exil, et s’en va à la cour du comte angevin.
En mars 1137, Étienne d’Angleterre se rend en Normandie et y passe pratiquement toute l’année. En mai, son fils Eustache rend hommage pour la Normandie au roi de France Louis VI Le Gros. L’année précédente, Geoffroy Plantagenêt avait envahi le sud-est du duché et forcé les barons normands qu’il avait sous son contrôle à faire serment d’allégeance à sa femme, l’Emperesse. Il avait installé un poste avancé à Argentan. En juin 1137, Étienne vient à Lisieux avec l’espoir d’assiéger le comte d’Anjou à Argentan, mais des divisions dans son camp entre ses mercenaires flamands, sous le commandement de Guillaume d’Ypres, et les Normands l’obligent à abandonner ce projet. En juillet, il conclut une trêve avec le comte, l’achetant avec une rente de 2000 livres sterling par an.
Ses relations avec Robert, le comte de Gloucester, se dégradent, ce dernier étant convaincu que le roi cherche à le faire tuer. Finalement Étienne rentre dans son royaume à la fin de l’année, en ayant accompli peu de choses. Il doit immédiatement aller assiéger le château de Bedford dont s’est emparé Miles de Beauchamp. Celui-ci, tentant de profiter des difficultés du roi, lui promet son aide s’il lui laisse le contrôle du château. Il ne le reprend qu’après 5 semaines. Puis il doit aller dans le nord car les Écossais font des raids dans la Northumbrie. À son arrivée, début février 1138, il repousse les Écossais dans leur royaume. En représailles, il applique une méthode déjà employée par son aïeul Guillaume le Conquérant quelques décennies plus tôt, en pratiquant la politique de la terre brûlée sur une bonne partie des terres du roi écossais.
Durant les fêtes de Pâques 1139, le cas de l’élection d’Étienne est examiné par le second concile de Latran. Les avocats de l’Emperesse arguent qu’Étienne est un usurpateur et un parjure. Le pape refuse de se prononcer et préfère attendre que les événements se décantent d’eux-même. À l’été 1139, influencé par les jumeaux Robert II de Beaumont, 2ème comte de Leicester et surtout Galéran IV, comte de Meulan, Étienne commet une grave erreur politique en arrêtant le chancelier Roger, l’évêque de Salisbury, et ses 2 neveux, les évêques Alexandre de Lincoln et Néel d’Ely. Probalement victimes d’un coup monté, les 3 hommes, qui dirigeaient l’administration anglo-normande, doivent rendre leurs châteaux pour avoir brisé la paix du royaume. À cause de cette manœuvre, Étienne s’aliène le clergé, ce qui affaiblit considérablement sa position. Il est convoqué par le légat papal, qui n’est autre que son frère, pour s’expliquer de cet acte. Aubrey II de Vere, lui servant d’avocat, argumente qu’il est du droit du roi, en temps de guerre, de réquisitionner les châteaux stratégiques, et que Roger de Salisbury a été arrêté en tant que baron déloyal et non en tant qu’évêque. Le clergé ne peut rien contre le roi, ce qui ne calme pas son ressentiment.
Le 30 septembre 1139, Mathilde débarque en Angleterre, avec son demi-frère Robert de Gloucester, pour porter la contestation plus avant et exploiter le mécontentement ambiant. Elle est accueillie par sa belle-mère Adélaïde de Louvain, au château d’Arundel. Étant sous la protection d’une reine douairière, Étienne accepte de lui donner un sauf-conduit jusqu’à Bristol, convaincu par son frère qu’il vaut mieux confiner ses adversaires dans une seule région. Elle y est escortée par Henri de Blois, l’évêque de Winchester, et Galéran IV, le comte de Meulan. Elle y reçoit l’allégeance de Miles de Gloucester et de Brian FitzCount, puis s’installe à Gloucester, la ville principale de son demi-frère Robert. Le sud-ouest de l’Angleterre s’affirme comme la base territoriale des enfants d’Henri 1er. Son soutien ne vient pas vraiment de ceux qui voient en elle le successeur légal au trône, mais surtout de ceux qui ont été floués par Henri 1er et ceux qui ont besoin de protection pour cause de rivalités locales. Pendant que l’Emperesse est occupée à renforcer son contrôle sur le sud-ouest du royaume, Étienne gère les problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentent. Dans les 6 premiers mois de l’année 1140, il va assiéger l’évêque Néel d’Ely et le chasse de son diocèse. Il traverse tout le royaume pour aller combattre Reginald de Dunstanville, un fils illégitime d’Henri 1er, que sa demi-sœur l’Emperesse a nommé comte de Cornouailles. Enfin, peu après les fêtes de la Pentecôte, il va assiéger Hugues Bigot dans son château de Bungay.
Début 1141, il commet une nouvelle erreur politique en précipitant le puissant baron Ranulf de Gernon, 2ème comte de Chester dans les bras de ses adversaires. Ce dernier, qui est pourtant un important soutien pour Étienne du fait de sa position territoriale face aux terres accordées au roi écossais, revendique le château de Lincoln que sa mère possédait avant sa mort. Fin 1140, aidé par son demi-frère utérin Guillaume de Roumare, il s’en empare par la ruse. Après avoir conclu un pacte avec les 2 frères reconnaissant leur revendication sur celui-ci, Étienne revient quelques semaines plus tard pour les assiéger. Ranulf de Gernon parviennent à s’enfuir et, rallient la cause de Mathilde l’Emperesse. Le 2 février 1141 a lieu la bataille de Lincoln. 2 importantes armées s’affrontent sur le champ de bataille devant la ville. Alors que les troupes d’Étienne sont mises en difficulté par la fuite de plusieurs de ses contingents et de ses commandants, il refuse de se retirer, et est finalement capturé. Il est alors emprisonné à Gloucester, puis à Bristol sous la surveillance de Robert de Gloucester.
Avec Étienne en captivité, son parti se délite, et l’Emperesse se trouve en position de force dans le royaume. Le 3 mars, elle se proclame Domina Anglorum, “Dame des Anglais”, avec l’accord d’Henri de Blois. Dans le même temps, la Normandie se laisse conquérir par Geoffroy Plantagenêt. Il s’empare du duché, à part quelques poches de résistance qui seront éliminées au fur et à mesure jusqu’en 1144. Le 7 avril, Mathilde l’Emperesse est proclamée Angliae Normanniaeque domina, “Dame des Anglais et des Normands”, au concile de Winchester. Des dispositions sont prises pour qu’elle soit couronnée à Westminster. Bien qu’elle contrôle dorénavant le royaume, son soutien militaire est faible. Elle commet alors elle aussi une erreur politique en étant intransigeante. Elle refuse la proposition qui lui est faite de libérer Étienne à condition qu’il se fasse moine ou se retire de la vie politique. Henri de Blois, dont le soutien est capital pour pouvoir être couronnée, l’abandonne.
En juin 1141, les Londoniens, furieux contre l’Emperesse, qui n’a pas su acheter leur soutien, attaquent Westminster et l’obligent à quitter la ville en catastrophe. En septembre, elle décide d’emmener ses troupes à Winchester pour forcer Henri de Blois à la couronner. Mathilde de Boulogne, l’épouse d’Étienne, et Guillaume d’Ypres, le commandant de ses mercenaires, voient là l’opportunité de reprendre l’avantage. Alors que l’armée de l’Emperesse assiège le château de Winchester, leur armée vient assiéger la ville elle-même. Pris en sandwich, les troupes angevines préfèrent abandonner leur siège, et en couvrant la fuite de sa demi-sœur, Robert de Gloucester est capturé. Après un mois de négociation, les deux partis s’entendent pour échanger leur prisonnier. Étienne recouvre la liberté le 1er novembre 1141 et retrouve le trône anglais et, durant les fêtes de Noël qu’il passe à Cantorbéry, il réaffirme son autorité par une cérémonie de couronnement.
Dans les années suivantes, le conflit se résume à quelques engagements mineurs et des campagnes pour le contrôle de villes et châteaux stratégiques. Les belligérants ne semblent pas vouloir jouer leur va-tout sur une seule bataille d’ampleur ou ne pas en avoir les moyens. Étienne ne contrôle plus que l’ouest et le nord de son royaume. Ses revenus s’en trouvent donc affectés, et par conséquent son pouvoir aussi. Il n’a pas les moyens, occupé par les affaires anglaises, de contester la Normandie à Geoffroy Plantagenêt, et en 1143, la perte totale est imminente.
Avec ses difficultés financières, il comprend que sa victoire en Angleterre ne sera possible que grâce au soutien de ses barons. Aussi, dans les premiers mois de 1142, il intervient pour qu’un conflit ne dégénère pas entre 2 de ses soutiens, Guillaume le Gros, 1er comte d’York, et Alain le Noir, lord de Richmond. C’est alors qu’il tombe soudainement malade, et reste souffrant à Northampton entre Pâques et la Pentecôte. Il reprend ses activités à l’automne, venant assiéger Mathilde l’Emperesse pendant 3 mois dans son château d’Oxford. Vers Noël, elle réussit toutefois à lui échapper par une évasion audacieuse. En 1143, il tente sans succès de reprendre le port de Wareham* (Dorset) à Robert de Gloucester. Le 1er juin, avec son frère Henri ils affrontent Robert de Gloucester à Wilton. Ils sont mis en déroute.
Étienne se met à craindre une invasion angevine. Il décide de se débarrasser de Geoffrey de Mandeville, que l’Emperesse a fait 1er comte d’Essex, quand il avait brièvement rejoint ses rangs en 1141. En effet, Étienne avait donné à Mandeville le château le plus important du royaume, la Tour de Londres, et l’autorité sur les 4 comtés les plus proches du siège du gouvernement. En arrêtant son baron, il essaie de corriger une situation intenable. Mandeville est donc arrêté à la cour royale qui se tient à St Albans, en septembre 1143. C’est une chose normalement inconcevable dans les coutumes féodales, car le roi doit la sécurité à ses sujets lorsqu’ils sont à sa cour. Mais Étienne passe outre, comme il le fera en 1146 avec Ranulph de Gernon. Mandeville est emprisonné et forcé à rendre toutes ses terres et tous ses châteaux. Après cela, Étienne commet l’erreur de lui rendre sa liberté. Évidemment Mandeville prend immédiatement les armes se sentant trahi par un roi qui n’est pas capable de tenir sa parole. Il se lance dans une campagne de destruction et de pillage dans les Fens et l’Est-Anglie, et est tué en 1144.
En 1145, le camp royaliste reprend un certain ascendant après quelques bonnes nouvelles sur le plan politique et militaire. Parmi elles, il y a la réconciliation avec Ranulf de Gernon, le 4ème comte de Chester, et la soumission de Philippe, le fils de Robert de Gloucester. Toutefois, en 1146, les conseillers d’Étienne voient dans une demande d’aide du comte de Chester, une possible tentative d’embuscade. Le comte, en qui aucun des deux camps n’a confiance à cause de ses fréquents changements d’allégeance, est arrêté à Northampton et emprisonné. Une fois de plus, Étienne arrête l’un de ses barons à la cour, et en plus, il viole son serment de réconciliation. Le comte est obligé de rendre ses châteaux, dont celui de Lincoln, puis est relâché.
Son fils étant dorénavant majeur, Étienne essaye de le faire couronner roi de son vivant pour lui assurer la succession, suivant en cela la tradition capétienne. Mais ses relations avec l’Église étant tendues, il doit renoncer devant le refus de ses évêques. Il est le seul roi d’Angleterre avec Jacques II à ne pas avoir réussi à assurer la succession pour son héritier légitime. Le clergé lui reproche plusieurs choses. D’abord, l’arrestation de l’évêque de Salisbury en 1139, mais surtout les promesses non tenues en matière de libre choix des évêques et des abbés. En effet, contrairement à ce qu’il avait promis lors de son couronnement, Étienne et son frère Henri sont intervenus régulièrement dans les élections pour promouvoir leurs proches. Ainsi, Gervaise, l’un de ses fils illégitimes est nommé abbé de Westminster en 1138, Henri de Sully, un neveu, est nommé abbé de Fécamp en 1140. Il promeut aussi Guillaume FitzHerbert à l’archevêché d’York en 1140, et Hugues du Puiset, son neveu, à l’évêché de Durham en 1153. L’élection de FitzHerbert est disputée, et finalement Henri Murdac est consacré à sa place et sans son consentement.
En 1147, il propose au pape Eugène III une liste de candidats, tous des proches, pour le siège épiscopal vacant de Lincoln. Mais celui-ci la rejette. Il reproche ce tracas à Thibaut du Bec, l’archevêque de Cantorbéry, et ne l’autorise pas à assister au concile de Reims de 1148, ce qui est à 2 doigts de lui valoir l’excommunication. En 1152, il accepte officiellement Henri Murdac, espérant en retour le soutien papal pour le couronnement de son fils, mais Eugène III refuse de prendre parti dans le conflit. De plus, Étienne est régulièrement pris à parti par Bernard de Clairvaux, le grand réformateur cistercien. Son frère Henri de Blois, l’évêque de Winchester a perdu son autorité en même temps que son mandat de légat en 1143, et il ne lui est plus d’aucune aide.
En 1147, Robert de Gloucester, le charismatique commandant militaire de l’Emperesse meurt. Quelques mois plus tard, cette dernière, qui se reposait totalement sur lui, se retire du royaume. Elle laisse le soin à son jeune fils Henri Plantagenêt de poursuivre la lutte pour son propre compte. Pour Étienne aussi, l’heure est au passage de génération. Son fils Eustache est armé chevalier et reçoit le comté de Boulogne. Henri Plantagenêt, qui n’a alors que 16 ans, vient en Angleterre tenter sa chance, mais il attaque sans succès son cousin Philippe de Gloucester, et se retrouve à court de fond pour quitter le royaume. Étienne décide alors de payer les troupes du jeune prétendant à sa place pour se débarrasser de lui.
L’Angevin est de retour dans le royaume 2 ans plus tard. Il se rend auprès de son oncle David 1er d’Écosse, qui l’arme chevalier. Leur plan de campagne dans le Yorkshire doit être abandonné, car Étienne anticipe leur mouvement en venant à York avec une armée. Henri est ensuite pris en chasse par Eustache dans l’ouest du royaume et dans les marches galloises. Les troupes royalistes pillent et pratiquent la politique de la terre brûlée sur les terres de leurs ennemis. Le jeune prince angevin doit retourner en Normandie au début de l’année suivante, sans avoir rien réussi.
En 1150 sur le continent, Henri Plantagenêt est investi du duché de Normandie par son père. Il prépare alors une invasion de l’Angleterre, mais la mort de son père en 1151 lui fait repousser le projet. En 1152, ses partisans le pressent de venir, car l’influence d’Étienne va grandissante. Toutefois, en mai 1152, Mathilde de Boulogne, l’épouse du roi et son principal soutien et compagnon meurt. C’est un premier coup dur pour Étienne. En janvier 1153, quand Henri débarque dans le royaume, il est duc de Normandie, comte d’Anjou et gouverneur d’Aquitaine. Il a dorénavant les ressources financières pour entreprendre une grande campagne qu’il veut décisive, et réunir à nouveau la Normandie et l’Angleterre, ce qu’il est le seul à pouvoir faire.
Les barons et le clergé, exaspérés par cette guerre civile qui n’en finit plus, veulent maintenant y mettre fin. Étienne est informé que plusieurs de ses barons ont envoyé des émissaires secrets au duc de Normandie pour faire la paix avec lui. Après quelques affrontements armés, le roi est forcé par ses barons à accepter une trêve dans le conflit. En août 1153, les 2 camps se rejoignent à Wallingford, château de Brian FitzCount, fidèle de la cause angevine. Là, les adversaires s’entendent pour discuter des détails d’un traité de paix. Des négociations avaient déjà eu lieu en 1140, 1141 et 1146, mais cette fois-ci, avec la mort récente de son fils Eustache, la situation est plus favorable.
Les 2 camps s’entendent pour que Étienne reconnaisse Henri Plantagenêt comme son fils et successeur, et qu’il reste sur le trône le reste de sa vie durant. Le traité ne lèse personne et satisfait donc tout le monde. Ses termes sont les mêmes que ceux proposés par Henri de Blois en 1141 pendant l’emprisonnement d’Étienne. L’intransigeance de l’Emperesse a donc conduit à 12 années de guerre civile supplémentaire. Quand Henri retourne en Normandie, au printemps 1154, il ne s’attend pas à ce qu’Étienne meure dans les mois qui suivent. Le 25 octobre 1154 le roi d’Angleterre meurt au prieuré de Douvres, après de violents maux de ventre, accompagnés de saignements. Il est inhumé aux côtés de sa femme et de son fils aîné dans l’abbaye de Faversham.