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Adèle de Blois dite Adèle d’Angleterre ou de Normandie

mardi 5 juillet 2016, par lucien jallamion

Adèle de Blois dite Adèle d’Angleterre ou de Normandie (vers 1067-1137)

Princesse anglaise

Adèle de Normandie, dans une miniature du 14ème siècle. Source : wiki/Adèle de Normandie/ Domaine publicElle fut régente de la principauté de Blois-Chartres*, et mère du roi Étienne d’Angleterre.

Fille de Guillaume le Conquérant duc de Normandie et roi d’Angleterre, et de Mathilde de Flandre .

Des sources tardives relatent que, encore enfant, elle est promise à Simon de Crépy , le comte d’Amiens [1] et héritier présomptif des comtés de Valois et Mantes [2]. Mais en 1077, il embrasse la vie monastique.

Elle est finalement fiancée à Étienne Henri comte de Blois , Châteaudun, Chartres et Meaux, et elle l’épouse entre 1080 et 1085 à Bourgueil.

Elle s’implique dans la gestion de la principauté de son mari, puisqu’on la retrouve régulièrement témoin des chartes de celui-ci. Elle s’occupe aussi du patronage ecclésiastique du comté, et s’allie avec l’évêque Yves de Chartres pour faire régner la paix et l’ordre dans le comté.

Ayant hérité de l’appétit et de l’habileté à régner de son père, elle persuade son faible mari de rejoindre la première croisade [3] en 1096, afin de pouvoir régir elle-même ses comtés. Étienne-Henri, responsable des fonds de la croisade, découragé par les rigueurs et les difficultés du siège d’Antioche [4], déserte de la ville assiégée en 1098, afin d’éviter une mort inéluctable. Mais des croisés survivent, et réussissent à reprendre Jérusalem en 1099.

De retour à Blois, il est fraîchement accueilli par Adèle qui se dit offusquée d’être mariée à un lâche. Après une campagne de harcèlement moral, elle le persuade de penser à sa réputation, et de retourner en Terre sainte. Étienne-Henri repart en 1101, et trouve une mort digne l’année suivante à Ramla [5].

Pendant ses absences, Adèle contrôle totalement la gestion de la principauté, et continue de la régir seule jusqu’en 1107, quand son fils Thibaut est adoubé chevalier. Ils gèrent alors le comté ensemble jusqu’en 1120. Elle maintient son réseau de contacts politiques, notamment avec son frère Henri 1er d’Angleterre, à qui elle a confié deux de ses fils, Étienne, qui lui succédera sur le trône d’Angleterre, et Henri qui recevra le plus riche évêché d’Angleterre, Winchester.

Elle semble très proche de son frère Henri. Lorsque, en 1105, celui-ci est sur le point de se faire excommunier par le pape Pascal II à la suite de la querelle des investitures [6] laïques, Adèle sert de conciliatrice et arrange une rencontre entre les deux hommes en Normandie qui se conclut par une trêve. Anselme de Cantorbéry, dans une lettre adressée au pape, vante ses qualités de négociatrice et la décrit comme un ardent soutien du mouvement de réforme [7].

En 1101, elle envoie cent chevaliers de ses comtés à l’ost du roi Louis VI, pour le siège de Montmorency [8], parce que ses fils Guillaume et Thibault sont trop jeunes pour conduire leurs troupes. Elle utilise encore ses talents de conciliatrice dans le conflit qui oppose le roi de France et ses alliés à son frère Henri 1er d’Angleterre et son fils Théobald, en 1113 et encore en 1118.

Elle se retire à l’abbaye clunisienne de Marcigny [9] entre 1120 et 1122, et elle y meurt en 1137.

Elle s’intéressait particulièrement aux sciences géographiques et astronomiques. Elle comptait parmi ses amis deux intellectuels importants de son époque, le canoniste Yves de Chartres, et Anselme de Cantorbéry. Son goût pour la littérature, la poésie et les sciences indique qu’elle a reçu une éducation très soignée, probablement dans un environnement monastique ou par des précepteurs.

Elle semble aussi très impliquée dans la vie ecclésiastique. Notamment, le pape Pascal II fait un long séjour dans ses domaines lors de sa tournée en France de 1107. Elle correspond aussi avec l’évêque Hildebert du Mans et Baudri de Bourgueil qui devient, peut-être grâce à son soutien, évêque de Dol [10].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Christopher Tyerman, « Adela of Blois », dans Who’s Who in Early Medieval England, 1066-1272, Éd. Shepheard-Walwyn, 1996

Notes

[1] Les comtes d’Amiens dominaient l’Amiénois. Le comté d’Amiens exista de la fin du 11ème siècle à 1185, date à laquelle, il fut rétrocédé au roi Philippe Auguste par Adélaïde de Vermandois

[2] Avant 741 : à la division du royaume des Francs en comtés par Charles Martel, l’un des premiers comtes du Vexin fut Witram, un de ses antrustions, il administra aussi les régions du Pincerais et la Madrie.

[3] La première croisade s’est déroulée de 1096 à 1099 à la suite, entre autres, du refus intervenu en 1078 des Turcs Seldjoukides de laisser libre le passage aux pèlerins chrétiens vers Jérusalem. Cette croisade s’achève par la prise de Jérusalem et la création du royaume chrétien de Jérusalem.

[4] Le premier siège d’Antioche eut lieu du 21 octobre 1097 au 2 juin 1098. Le second siège lui succède lorsque les musulmans tentèrent de reprendre la ville aux croisés et dura du 7 juin au 28 juin 1098.

[5] Le 7 septembre 1101, 260 chevaliers et 900 fantassins du Royaume de Jérusalem, commandés par le roi Baudouin, mettent en déroute une armée fatimide dix fois supérieure en nombre tout en perdant eux-mêmes un tiers de leurs effectifs.

[6] La querelle des Investitures est le conflit qui opposa la papauté et le Saint Empire romain germanique entre 1075 et 1122. Elle tire son nom de l’investiture des évêques. Au Moyen Âge, l’investiture est un acte par lequel une personne met une autre en possession d’une chose. Au 11ème siècle, les souverains estiment que le fait de confier à un évêque ou à un curé des biens matériels leur permet de choisir l’officiant et de lui accorder les investitures spirituelles. Cette mainmise du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel a comme conséquence une défaillance profonde du clergé, qui n’assure plus son rôle. La réforme grégorienne qui débute au milieu du 11ème siècle entend lutter contre les manquements du clergé à ses devoirs, ce qui incite le pape à vouloir le contrôler, au détriment du pouvoir politique. Les monarques du Saint Empire romain germanique, pour qui les évêques sont aussi des relais de l’autorité impériale, s’opposent alors à cette prétention. Après une lutte sans merci entre les empereurs et les papes, la querelle des Investitures aboutit à une victoire provisoire du spirituel sur le temporel.

[7] La réforme grégorienne est une politique menée durant le Moyen Âge sous l’impulsion de la papauté. Elle est accompagnée du chant grégorien et caractérisée par le contrôle des prêtres par un moine tous les mois. Si les historiens admettent que le pape Léon IX a commencé le redressement de l’Église, c’est pourtant le pape Grégoire VII qui a laissé son nom à la réforme. De plus, les efforts pour sortir l’Église catholique d’une crise généralisée depuis le 10ème siècle se poursuivent bien après le pontificat de Grégoire VII. Ainsi l’expression « réforme grégorienne » peut paraître impropre puisqu’elle ne s’est pas limitée à quelques années mais concerne au total près de trois siècles.

[8] Montmorency est une commune française, chef-lieu de canton du Val-d’Oise, située à environ 13 kilomètres au nord des portes de Paris, et 21 kilomètres par la route de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle.

[9] Le prieuré de la Sainte Trinité de Marcigny-lès-Nonnains est le premier édifice religieux de moniales et moines bénédictins du 11ème siècle sur la commune de Marcigny dans le département de la Saône-et-Loire en Bourgogne dans le Brionnais. Il sera jusqu’à la Révolution, l’un des trois plus importants monastères de religieuses bénédictines.

[10] L’existence de l’évêché de Dol est attestée dès le 6ème siècle. La tradition donne saint Samson comme étant son fondateur. En 848, Nominoë, qui se fait couronner roi à Dol, y érige un siège archiépiscopal avec les évêchés de Saint-Pol-de-Léon, de Saint-Malo, de Saint-Brieuc et de Tréguier comme suffragants. Mais le siège de Dol ne fut jamais reconnu comme métropolitain par les archevêques de Tours, qui réussirent à le faire réduire au simple rang d’évêché par le pape Innocent III en 1209. Le 29 novembre 1801, l’évêché fut supprimé. Le territoire du diocèse fut rattaché aux diocèses de Saint-Brieuc et de Rennes.