Né à Paris, fils aîné de Louis de La Bruyère, contrôleur général des rentes de l’Hôtel de Ville, bourgeois de Paris, et d’Elisabeth Hamonyer. Son trisaïeul paternel, Jean de La Bruyère, apothicaire dans la rue Saint-Denis, et son bisaïeul, Mathias de La Bruyère, lieutenant civil de la prévôté et vicomté de Paris, avaient joué, au 16ème siècle, un rôle actif dans la Ligue [1].
Il fréquenta le collège des Oratoriens, puis fit des études de droit à Orléans et obtient sa licence en droit en 1665. Devenu avocat, il acheta une charge de trésorier des Finances [2] en 1673 à Caen, puis Il revint vivre à Paris avec sa famille, dont la situation de fortune était assez aisée, et fut inscrit au barreau, mais plaida peu ou point.. L’année suivante, il devient conseiller du roi, titre qui lui vaut à la fois la noblesse et de substantiels revenus. Il ne met les pieds à Caen qu’à 2 reprises, pour y prendre sa fonction et pour y revendre sa charge en 1686.
Entre-temps il a, auprès de Bossuet et d’autres, participé à l’éducation du Grand Dauphin. Le 15 août 1684, grâce à Bossuet, il fut nommé précepteur du duc de Bourbon, Louis III de Bourbon-Condé, petit-fils du Grand Condé. Le jeune duc de Bourbon était âgé de 16 ans, et il venait d’achever sa seconde année de philosophie au collège de Clermont [3], qui était dirigé par les jésuites. C’est avec 2 jésuites encore, les pères Alleaume et du Rosel, et avec le mathématicien Sauveur, que La Bruyère partagea le soin d’achever l’éducation du jeune duc, auquel il était chargé d’enseigner, pour sa part, l’histoire et la géographie, la philosophie, les institutions de la France et la généalogie.
Condé suivait de près les études de son petit-fils, et La Bruyère, comme les autres maîtres, devait lui faire connaître le programme de ses leçons et les progrès de son élève, qui, à vrai dire, était un élève assez médiocre. Le 24 juillet 1685, le duc de Bourbon épousa Mlle de Nantes Louise Françoise de Bourbon, fille de Louis XIV et de Françoise de Montespan, qui était âgée de 11 ans et 10 mois ; La Bruyère fut invité à partager ses leçons entre les 2 jeunes époux. Le 11 décembre 1686, Condé mourut à Fontainebleau, et l’éducation du duc de Bourbon fut considérée comme terminée. La Bruyère resta néanmoins bibliothécaire dans la maison de Condé et le titre de gentilhomme de la maison de monsieur le duc lui permet de disposer d’une pension et de logements à Chantilly, à Versailles et à Paris. Ce sont ces charges qui lui procurèrent l’occasion d’observer les mœurs de la cour.
D’origine bourgeoise et de formation juridique, il est comme étranger au monde où il vit, de manière solitaire et contemplative. Dans la vie on décrit sa touchante volonté de plaire, il est inoffensif et par conséquent délaissé.
En littérature, en revanche, il porte à sa perfection l’art de la médisance, son extrême politesse est une façade qui cache sa misanthropie et, en véritable entomologiste, il prend des notes, classifie, épingle, trie et classe dans des tiroirs les spécimens humains. 3 ans avant sa mort, en 1693, il accède à la reconnaissance et entre à l’Académie, après 2 échecs, ce fut un triomphe pour les Anciens [4], dans son discours de réception, il brava à la fois les Modernes et les défenseurs de Corneille, en réservant ses louanges à La Fontaine, Bossuet, Boileau et Racine, qui sont tous des Anciens.
Il est l’homme d’un seul livre et le créateur du genre qu’il perfectionne sans cesse. Il commence à travailler “aux Caractères” dès 1670, la première édition, en 1688, est anonyme. La Bruyère ne signe pas son livre mais le place sous le patronage du philosophe grec Théophraste, disciple d’Aristote, dont il traduit les caractères, et dont les siens se donnent sous la forme d’une modeste suite, intitulée "Les caractères ou moeurs de ce siècle". Le livre rencontre un succès immédiat, 8 autres éditions suivront de son vivant, comprenant de nombreux enrichissements et modifications.
La Bruyère se présenta à l’Académie en 1691, et ce fut Pavillon qui fut élu. Il se représenta 2 ans plus tard et cette fois, fut élu, le 14 mai 1693, en remplacement de l’abbé de La Chambre. Il avait été chaudement recommandé par le contrôleur général Pontchartrain. Lors de la querelle des Anciens et des Modernes, La Bruyère prit parti pour les Anciens, défenseurs des valeurs de l’Antiquité et du classicisme.
La Bruyère fait allusion auxMaximes de La Rochefoucauld et aux Pensées de Pascal comme des ouvrages comparables quoiqu’un peu différent. Face à la part du burlesque dans son style, on peut dire qu’il prolonge également Scarron. Il annonce aussi Montesquieu et Voltaire . Son projet de moraliste, décrire les caractères et moeurs de son temps pour en révéler les ridicules et les injustices, dépasse l’étude des individus pour aborder l’analyse sociale et même politique. S’intéressant à l’homme dans la société, il stigmatise la corruption, les injustices et inégalités, les excès et les ambiguïtés de l’église.
Les dernières années de la vie de La Bruyère furent consacrées à la préparation d’un nouvel ouvrage, dont il avait pris l’idée dans ses fréquents entretiens avec Bossuet : à savoir “les Dialogues sur le Quiétisme”, qu’il laissa inachevés. Il s’éteint le 11 mai 1696, à Versailles d’une attaque d’apoplexie non sans avoir apporté encore quelques corrections à la neuvième édition des Caractères. La Bruyère mourut célibataire et pauvre.