Publius Clodius Pulcher (92 av jc-52 av jc)
Homme politique romain du courant des populares [1], démagogue, adversaire farouche de Titus Annius Milon et de Cicéron. Fils de Appius Claudius Pulcher et de Caecilia Metella Balearica, né sur l’aristocratique colline du Palatin [2], descendant de l’illustre famille patricienne des Claudii [3], il choisit ainsi que sa sœur Claudia Pulchra Tercia dite Clodia ou Clodia Metelli de se ranger dans la plèbe. Il épousa Fulvia et eut une fille, Clodia Pulchra, brièvement mariée à Octave.
Sa carrière militaire fut confuse. Il prit part à la 3ème guerre de Mithridate [4] sous les ordres de son beau-frère Lucius Licinius Lucullus. S’estimant traité avec insuffisamment de considération, il fomenta une révolte des soldats. Un autre de ses beaux-frères, Quintus Marcius Rex, gouverneur de Cilicie [5] lui confia le commandement de sa flotte, mais il fut capturé par des pirates. Libéré, il reparut en Syrie, où il manqua de perdre la vie lors d’une mutinerie, dont on le suspecta d’être à l’origine.
Revenu à Rome en 65 av jc, il entama une carrière politique. Il intenta une action judiciaire contre Catilina pour extorsion de fonds, mais se laissa acheter contre un acquittement.
L’affaire des mystères de la Bona Dea [6], provoqua la rupture entre Clodius et Cicéron en Décembre 62 av jc. Clodius, habillé en femme, pénétra dans la maison de Jules César, alors pontifex maximus [7], durant la célébration de ces mystères. On insinua que Clodius avait revêtu ce déguisement pour rencontrer l’épouse de César, Pompeia Sulla. Il fut démasqué et jugé, mais il échappa à une condamnation en corrompant les jurés.
Au retour de sa questure en Sicile durant l’année 61 av jc, il décida de renoncer à son rang de patricien. Ayant obtenu l’accord du Sénat et avec la connivence de César, il se fit adopter dans la branche plébéienne de sa famille par un certain Fonteius en 59 av jc. Ainsi, il pu se faire élire tribun de la plèbe en décembre de la même année.
Son premier acte fut de proposer des lois destinées à lui assurer la faveur populaire. Il fit remplacer les ventes de blé à bas prix par des distributions gratuites pendant 1 mois. Ensuite, il fit passer une série de mesures qui augmentait le pouvoir des assemblées populaires sur lesquelles il s’appuyait : Le droit de prendre les augures et d’empêcher la tenue des comices s’ils étaient défavorables, exercé par chaque magistrat selon la Lex Aelia Fufia [8], fut aboli. Cette mesure lui permettait d’empêcher toute manœuvre d’obstruction à la tenue d’assemblées populaires. Les anciennes associations d’artisans furent rétablies, associations qui se transformèrent vite en bandes de partisans armées. On interdit enfin aux censeurs [9] d’exclure un citoyen du Sénat ou de lui infliger une sanction sans accusation et condamnation publique préalable.
Clodius attaqua Cicéron pour avoir fait exécuter les complices de Catilina sans leur avoir permis d’exercer leur droit d’appel à l’assemblée des citoyens, et parvint à le forcer à l’exil. Les propriétés de Cicéron furent confisquées sur ordre de Clodius, sa maison du Palatin fut détruite et son terrain mis aux enchères. Clodius en fit l’acquisition grâce à un prête-nom.
Après le départ de César en Gaule, Clodius devint quasiment le maître de Rome. En 57 av jc, un des tribuns proposa le rappel de Cicéron, et Clodius eut recours à la force pour empêcher le décret de passer. Il fut contré par Milon, qui dirigeait une bande armée assez forte pour le tenir en échec. Clodius s’attaqua ensuite aux ouvriers qui reconstruisaient la maison de Cicéron, attaqua Cicéron lui-même dans la rue et fit mettre le feu à la maison de son frère Quintus Tullius Cicero. Il ne cessa ses agressions qu’après l’intervention de Pompée.
En 56 av jc, étant édile curule [10], il attaqua Milon en justice pour violence publique à la suite de la défense de sa maison contre une attaque de la bande de Clodius, et l’accusa d’employer des bandes armées.
La procédure fut entravée par des violences et finalement abandonnée.
En 53 av jc Milon fut candidat au consulat et Clodius à la préture, leurs bandes armées s’affrontèrent dans Rome, retardant la tenue des élections.
Le 18 janvier 52 av jc, Clodius fut tué par les hommes de Milon à Bovillae [11], sur la via Appia [12].
Notes
[1] Les populares formaient une tendance politique populiste qui marqua la République romaine, notamment au 2ème siècle av. jc, en s’appuyant sur les revendications des couches les plus pauvres de la société romaine et des non citoyens. Ce ne fut pas un parti politique au sens moderne, mais un clivage majeur dans les luttes politiques et sociales romaines, permettant aux acteurs politiques de se situer face au conservatisme des optimates au sein d’alliances personnelles souvent mouvantes. Lancé par des aristocrates réformistes comme les Gracques, qui gagnèrent l’appui de la classe montante des chevaliers, le mouvement évolua vers la démagogie et le populisme, et fut récupéré par des ambitieux tels que Marius, Cinna, Catilina ou des agitateurs comme les tribuns Saturninus et Clodius Pulcher. Pompée, d’origine équestre puis Jules César, patricien ambitieux, s’appuyèrent sur les populares pour leur ascension au pouvoir. La fin des guerres civiles et la consolidation du pouvoir d’Auguste correspondent à l’extinction du mouvement populares, avec la satisfaction des revendications qui étaient à son origine et avec la fin des luttes de pouvoir.
[2] Le mont Palatin est une des sept collines de Rome. Il occupe une position centrale dans l’ancienne Rome dont c’est une des parties les plus anciennes. Il donne sur le Forum Romain au nord et sur le Circus Maximus au sud. Sous l’Empire, le Palatin est occupé par d’imposantes demeures construites pour les empereurs, ce qui a donné naissance au mot « palais ». Leurs ruines occupent encore aujourd’hui une grande partie de la colline.
[3] Les Claudii sont les membres de la gens Claudia, l’une des plus anciennes et plus importantes familles romaines. Selon la tradition, les Claudii sont les descendants d’un Attus Clausus, un Sabin qui est en faveur de la paix avec Rome, une position alors impopulaire parmi son peuple qui le contraint à quitter Inregillumn avec ses clients environ 5 ans après l’expulsion des rois, soit vers 504 av. jc. Ils sont accueillis à Rome, fait citoyens romains, admis parmi les familles patriciennes et des terres leur sont accordées
[4] La troisième guerre mithridatique se déroule de 74 à 63 av. jc entre Rome et le Royaume du Pont. Elle se conclut par la victoire de Rome, dont le Royaume du Pont, joint à la Bithynie, devient une province romaine, et par le suicide de Mithridate.
[5] La Cilicie est une ancienne province romaine située dans la moitié orientale du sud de l’Asie Mineure en Turquie. Elle était bordée au nord par la Cappadoce et la Lycaonie, à l’est par la Pisidie et la Pamphylie, au sud par la Méditerranée et au sud-est par la Syrie. Elle correspond approximativement aujourd’hui à la province d’Adana : région comprise entre les monts Taurus, les monts Amanos et la Méditerranée. Vers 27, sous l’empereur Tibère, la Cilicie est rattachée à la province de Syrie. Certaines parties de la région restent néanmoins dirigée par des souverains locaux jusqu’à l’annexion complète par Vespasien en 74. La province est suffisamment importante pour qu’un proconsul y soit nommé.
[6] Bona Dea (la Bonne Déesse) est une divinité romaine de la chasteté à la personnalité assez floue, qui fut importée à Rome dans la première moitié du 3ème siècle avant jc, après la prise de Tarente en 272. On trouve des traces de sa pratique dans plusieurs cités de l’Italie centrale, dont Ostie1 et Bovillae, près de Rome. On n’en parlerait guère s’il n’y avait eu, en 62 av. jc, le scandale que provoqua la découverte d’un homme, Publius Clodius Pulcher, qui, déguisé en joueuse de flûte, avait réussi à s’introduire dans les mystères de la Bona Dea, afin d’y rencontrer la femme de Jules César, Pompeia Sulla, dont il était épris.
[7] À Rome, les pontifes sont chargés de l’entretien du pont sacré (pont Sublicius) et de surveiller la bonne observance des pratiques religieuses. Les pontifes s’occupent aussi des temples ne disposant pas de clergé propre. À la tête du collège pontifical, le grand Pontife (pontifex maximus) portait le titre le plus élevé de la religion romaine.
[8] Leges Aelia Fufia (154 av.jc) qui donnent aux consuls le droit d’obnuntiato, qui leur donne le moyen, par un emploi habile des auspices, d’exercer vis-à-vis des tribuns un véritable droit de veto.
[9] Le censeur est un magistrat romain. Deux censeurs sont élus tous les cinq ans parmi les anciens consuls par les comices centuriates. Le pouvoir des censeurs est absolu : aucun magistrat ne peut s’opposer à leurs décisions, seul un autre censeur qui leur succède peut les annuler. Après 18 mois de mandat, ils président une grande cérémonie de purification, le lustrum, à la suite de laquelle ils abdiquent. La censure est la seule magistrature romaine qui n’autorise pas la réélection. Les censeurs ne sont plus élus à partir de la dictature de Sylla, et leurs pouvoirs sont repris par les empereurs romains.
[10] Les édiles étaient des magistrats de la Rome antique. Leur fonction primitive était liée à l’administration urbaine de Rome. L’édilité est intégrée au cursus honorum. En 365 av.jc, le Sénat crée deux nouveaux édiles, les édiles curules, qui sont eux recrutés parmi les patriciens. Ils furent mis en place parce que les deux édiles plébéiens refusaient d’étendre les ludi maximi à quatre jours au lieu de trois. L’édilité curule fut néanmoins ouverte rapidement aux plébéiens. Les deux édiles curules sont supérieurs aux deux édiles plébéiens : ils disposent de la chaise curule (les édiles plébéiens doivent se contenter du subsellium), de la toge prétexte, ils ont le ius edicendi, c’est-à-dire le pouvoir de publier des édits dans leurs domaines d’action. Au Sénat ils ont la préséance sur leurs collègues plébéiens.
[11] Bovillae est une cité antique latine puis romaine qui se trouve au sud de Rome. Aujourd’hui, le site archéologique est sur le territoire de la commune de Marino, dans la province de Rome, dans la région des Castelli Romani. Bovillae est la première ville traversée par la Via Appia, en partant de Rome. Il s’agit d’une des routes les plus fréquentées d’Italie, ce qui confère au site une certaine importance. Après la destruction d’Albe la Longue sous le règne de Tullus Hostilius, les habitants sont transférés à Bovillae où ils perpétuent les plus importantes institutions religieuses latines, au moins jusqu’à la fin de la monarchie romaine. La ville, qui est devenue une des plus florissantes de la région, est pillée par les Volsques en 490 av. jc, marquant le début d’une longue période de déclin. En 17, Tibère instaure dans la ville d’origine de la gens Iulia le collège sacerdotal des Sodales Augustales et les Ludi augustales, jeux solennels donnés en l’honneur d’Auguste. Après la chute de l’Empire romain, la ville tombe dans l’oubli pour plusieurs siècles
[12] La voie Appienne (Via Appia) est une voie romaine de près de 500 km de longueur, partant de Rome, longeant la côte tyrrhénienne, traversant les terres de la Campanie et de la Basilicate pour terminer dans les Pouilles. Elle fut construite en 312 av. jc. Elle joignait à l’origine Rome à Capoue, puis fut prolongée jusqu’à Brindes (Brundisium). À l’issue de la Troisième Guerre servile en 71 av. jc, les esclaves sous le commandement de Spartacus furent écrasés par Crassus, les 6 000 survivants furent crucifiés le long de la voie Appienne. La voie Appienne est certainement la voie romaine la mieux conservée, et de nos jours de nombreux vestiges sont encore visibles. Son importance est confirmée par le surnom de « Reine des voies » (Regina Viarum) que lui donnaient les Romains, à l’origine de l’expression prendre « la voie royale ».