Boleslas 1er le Vaillant (967-1025)

Il est le premier souverain polonais à être couronné roi en 1025. Il a réussi à unir les tribus des Slaves de l’ouest et à régner seul pendant 33 ans.
Fils aîné du duc Mieszko 1er et de sa première épouse, la duchesse tchèque Dubravka. En 984, il épousa Heminilde, fille de Rigdag, le margrave [1] de Misnie [2], ce qui lui permit de se rapprocher des Saxons, mais il chassera son épouse peu après. En 986, il se remaria avec Judith de Hongrie, la fille du duc de HongrieGéza. Il la chassera également très vite. En 987, il épousa Emnilda, fille du duc Dobromir de Lusace. Elle sera la mère de Mieszko II Lambert.
A la mort de son père le 25 mai 992, il lui succède, s’attacha à éliminer ses rivaux et à unifier le pays. C’est dans ce contexte qu’il expulsa Oda et ses 3 demi-frères, faisant également crever les yeux de leurs partisans en 994.
Souhaitant conserver de bonnes relations avec le Saint Empire, il soutient Otton III dans sa guerre contre les Obodrites [3] en 995. Voulant mener une politique d’expansion en Prusse, il y envoie plusieurs missionnaires dont Adalbert, l’ancien évêque de Prague, qui partit en 997 pour convertir les Prussiens au christianisme. Celui-ci fut tué par ceux-ci tout près de Gdańsk [4].
Pour se protéger de tout danger sur la frontière occidentale, il tente d’unir Polonais, Tchèques et Slovaques pour former un grand État, et faire face ensemble aux invasions. En 999, il annexe la Moravie [5] et en 1000-1001, il annexe la Slovaquie.
En l’an 1000, avec l’autorisation du pape Sylvestre II, il ouvre un archidiocèse à Gniezno [6] et des évêchés à Cracovie [7], à Kołobrzeg [8] et à Wrocław [9].
Othon III se rend en pèlerinage à Gniezno, accepta la création de l’archevêché et proclama Boleslas “Frater et Cooperator Imperii”, geste qui démontre une relation qui n’est pas celle d’un vassal. Radzim Gaudenty est nommé archevêque de Gniezno. En 1001, il envoie l’abbé Astryk-Anastazy auprès du pape afin de lui demander une couronne royale mais celui-ci trahit Boleslas au profit d’Étienne 1er de Hongrie qui veut également être couronné roi.
En 1002, la mort prématurée d’Othon III met fin au rêve de relations de bon voisinage avec le Saint Empire. Profitant de la lutte pour le pouvoir dans le Saint Empire, il envahit la Lusace [10] et la Misnie [11]. En 1003, il se proclame duc de Bohême et de Moravie, et envoie le moine Antoine à Rome, afin de manœuvrer pour lui obtenir une couronne royale.
En 1004, Henri II le chassa de Prague [12] et celui-ci ne conserva plus que la Moravie. En août 1005, Henri II lança une attaque à partir de Magdebourg et refoula les Polonais jusqu’à Poznań [13], les privant de toute influence sur la Poméranie occidentale. En 1007, Boleslas attaqua Magdebourg [14] et réoccupa la Lusace pendant qu’Henri II était occupé par une révolte en Lotharingie. La même année, il conclut une alliance avec le prince Vladimir 1er de Kiev contre la Hongrie.
Sviatopolk, le neveu de Vladimir, épousa une fille de Boleslas. En 1012, le Saint Empire lança une nouvelle offensive contre la Pologne mais Henri II fut rappelé par une nouvelle révolte en Lotharingie [15], laissant Boleslas s’emparer de Lubusz, coupée de l’ouest par une crûe de l’Elbe.
En 1013, il envoya son fils Mieszko négocier la paix avec le Saint Empire. Lors de la rencontre de Mersebourg, il obtint la Lusace en échange d’un serment d’allégeance à Henri II qui mit fin provisoirement à la guerre entre Polonais et Allemands. Ayant sécurisé la frontière occidentale de la Pologne, il lança une offensive contre Kiev pour soutenir Sviatopolk, avec l’aide des Allemands et des Petchenègues [16]. Il s’empara de Przemyśl [17] et de Belz [18]. En 1014, il refusa de se joindre à Henri II pour marcher contre les Romains. Il reçoit Knut le Grand, accompagné de sa mère Swietoslawa, et lui donna 300 cavaliers pour l’aider à reconquérir l’Angleterre. En 1015, le Saint Empire, qui veut reprendre la Lusace et la région de Meissen, rouvre les hostilités avec la Pologne.
Le 30 janvier 1018, la Paix de Bautzen [19] met un terme à la guerre. Ayant vaincu en 1017 une coalition de l’Empire avec les Tchèques et Kiev, il obtint la reconnaissance d’une frontière Ouest. La Pologne garda la Moravie, la Lusace et la région de Milsko, Henri II obtint la Bohême, accepta l’indépendance de la Pologne et accepta d’envoyer des troupes contre son ancien allié Iaroslav de Kiev. Il épousa Oda de Misnie , sœur d’Herman de Misnie, et fille d’Ekkehard, le margrave de Misnie.
En 1018, il met sur pied une nouvelle expédition militaire contre Kiev pour soutenir Sviatopolk dans la guerre de succession qui l’opposait à Iaroslav. Le résultat de la victoire contre Kiev fut l’établissement de la frontière sur le Bug, la Ruthénie rouge et la région de Przemyśl seront annexées. Le 14 août 1018, Sviatopolk, son beau-fils fut placé sur le trône de Kiev. 2 soeurs de Iaroslav furent emmenées en captivité en Pologne. Il envoya une Proclamation d’une paix triomphante et amicale aux empereurs du Saint Empire et de Byzance, par laquelle il exprimait clairement son objectif de maintenir l’Europe orientale en dehors de toute autorité impériale.
Le 18 avril 1025, il fut couronné roi par Hipolit, archevêque de Gniezno, sans l’approbation de l’empereur germanique et sans attendre l’autorisation du pape. Ce couronnement symbolisa l’indépendance du pays et confirma sa positon de puissance en Europe.
Le 17 juin 1025, il décède à l’âge de 57 ans. Il fut inhumé dans la cathédrale de Poznan.
Notes
[1] Le titre de margrave était donné aux chefs militaires des marches (ou mark), dans l’empire carolingien, puis à certains princes du Saint Empire romain germanique. Le titre équivalent en français est marquis. Le margraviat est la juridiction sur laquelle il a autorité.
[2] La Marche de Misnie ou Margraviat de Misnie était une principauté médiévale, une marche du Saint Empire romain, qui se trouvait dans la région de l’actuel land de Saxe. La Marche de Misnie fut parfois aussi appelée la Marche de Thuringe. Habituellement, ce nom était plutôt utilisé pour désigner la partie orientale de la Marche de Misnie, les territoires situés à l’est de l’Elbe et de la Saale habités par les Slaves, les Milceni ancêtres des Sorabes. Autrefois, la « Marche de Thuringe » était aussi appelée la Marche Sorabe.
[3] Les Abodrites ou Obodrites, Obotrites sont une confédération tribale slave établie au 6ème siècle dans les régions connues aujourd’hui sous le nom de Holstein et de Mecklembourg, au Nord-Est de l’Allemagne. Sa capitale est Luibice, l’actuelle Lübeck. À partir de 1147, les Abodrites deviennent la cible de croisades avant d’être intégrés au Saint Empire romain germanique en 1164. La confédération abodrite est composée de trois tribus principales : les Wagriens, les Polabes et les Abodrites à proprement parler. Elle est gouvernée par un roi, mais les familles nobles ont un pouvoir très important.
[4] Gdańsk ou Dantzick en français, située sur la mer Baltique, est la 6ème ville de Pologne par sa population et la plus grande ville portuaire de ce pays.
[5] La Moravie est une région historique d’Europe centrale, ayant jadis englobé l’actuelle Tchéquie et un large territoire autour, mais formant aujourd’hui le tiers oriental de la Tchéquie. Ses villes principales sont Brno et Olomouc. Depuis le premier tiers du 11ème siècle, le margraviat de Moravie (ou duché de Méranie) forme, avec la Bohême, la région historique de Bohême-Moravie.
[6] L’archidiocèse de Gniezno est un archidiocèse catholique situé en Pologne. Sa fondation, en l’an mil, marqua la création de l’Église de Pologne, en hommage au martyre de Wojciech. Traditionnellement, l’archevêque de Gniezno porte le titre de primat de Pologne.
[7] Le diocèse aurait été créé un peu avant l’an 1000, et l’on a suggéré qu’il aurait pu avoir été fondé par Mieszko 1er, le roi de Pologne en 984. L’invasion tchèque de 1039 a détruit les archives ecclésiastiques, et en conséquence, les premiers évêques, appelés Prochorus, Proculpus et Proppo, sont méconnus ou légendaires. La première liste épiscopale a été compilée en 1266, la deuxième en 1347. Au départ, le diocèse comprenait les villes de Sandomir et Lublin, et toute la Petite-Pologne. Les évêques étaient parfois ducs de la Sévérie (Sievers), entre la Silésie et Cracovie.
[8] Le diocèse de Koszalin-Kolobrzeg est un diocèse de l’Église catholique en Pologne couvrant la partie Est de la voïvodie de Poméranie-Occidentale, ainsi que certains territoires adjacents des voïvodies de Poméranie et de Grande-Pologne. C’est l’un des deux diocèses suffragants de l’archidiosèse de Szczecin-Kamień.
[9] L’archidiocèse de Wrocław est un archidiocèse de rite romain de l’Église catholique. Il a pour cathédrale Wrocław en Pologne. Depuis sa création en évêché en 1000 jusqu’à 1821, il dépendait de l’archidiocèse de Gniezno en Grande-Pologne. De 1821 à 1930 il dépendait directement du Siège apostolique. Entre 1821 et 1972, il était appelé officiellement (archi)diocèse de Breslau.
[10] La Lusace est une région du nord-est de l’Allemagne, aux confins de la Pologne (Silésie) et de la République tchèque (Bohême), à l’est de la Saxe et au sud du Brandebourg. On distingue deux parties : Haute Lusace et Basse Lusace. La Lusace est toujours habitée par la minorité slave des Sorabes dont les ancêtres, le peuple des Milceni s’installèrent sur ce territoire au 9ème siècle. La Lusace fut province hongroise de 1469 à 1490.
[11] La Marche de Misnie ou Margraviat de Misnie était une principauté médiévale, une marche du Saint Empire romain, qui se trouvait dans la région de l’actuel land de Saxe. La Marche de Misnie fut parfois aussi appelée la Marche de Thuringe. Habituellement, ce nom était plutôt utilisé pour désigner la partie orientale de la Marche de Misnie, les territoires situés à l’est de l’Elbe et de la Saale habités par les Slaves, les Milceni ancêtres des Sorabes. Autrefois, la « Marche de Thuringe » était aussi appelée la Marche Sorabe.
[12] Prague est la capitale et la plus grande ville de la République tchèque, en Bohême. Située au cœur de l’Europe centrale, à l’ouest du pays, la ville est édifiée sur les rives de la Vltava. Capitale historique du royaume de Bohême, berceau du peuple tchèque, Prague connaît son apogée au 14ème siècle sous le règne du roi de Bohême et empereur germanique Charles IV qui en fait la capitale de l’Empire. Elle est alors un centre culturel et religieux de première importance, où naissent les balbutiements de la réforme protestante lorsque Jan Hus prêche contre les abus de la hiérarchie catholique et le commerce des indulgences. Brièvement redevenue capitale impériale et culturelle au tournant des 16ème et 17ème siècles sous le règne de Rodolphe II, Prague perd progressivement en importance jusqu’à la Renaissance nationale tchèque au 19ème siècle puis la création de la Tchécoslovaquie au lendemain de la Première Guerre mondiale, en 1918, dont elle devient la capitale.
[13] Poznań est une ville de l’Ouest de la Pologne sur la Warta, capitale de la voïvodie de Grande-Pologne. Les origines de Poznań sont étroitement liées aux débuts de l’État polonais. Les premières bourgades slaves découvertes dans la région datent du 9ème siècle : un château fut alors construit sur Ostrów Tumski, île sur la Warta. Le développement de la ville débuta au temps du prince Mieszko 1er et du roi Boleslas le Vaillant, les premiers souverains polonais. Dès 968, un évêché y fut fondé. Poznań était alors un des deux centres clés de l’État polonais ; l’autre était Gniezno.
[14] La principauté archiépiscopale de Magdebourg ou archevêché de Magdebourg fut un État du Saint-Empire romain germanique. Les archevêques de Magdebourg qui relevaient du duché de Saxe, obtinrent l’immédiateté impériale comme seigneurs temporels de la principauté épiscopale au 12ème siècle. Le siège de la principauté et de l’archidiocèse aujourd’hui disparu était à Magdebourg sur l’Elbe. Les frontières de la principauté et de l’archidiocèse ne coïncidaient pas. Dans le périmètre de l’archidiocèse fondé en 968, l’autorité spirituelle de l’archevêque, en tant qu’évêque métropolite, s’étendait à proprement parler sur la province ecclésiastique, de laquelle dépendaient au Moyen Âge central les diocèses de Brandebourg, de Havelberg, de Zeitz, de Mersebourg et de Meissen (Misnie). Les archevêques faisaient partie du collège des princes ecclésiastiques à la Diète d’Empire. Lors de la diète à Augsbourg en 1500, la principauté archiépiscopale de Magdebourg rejoint le Cercle de Basse-Saxe. Après la guerre de Trente Ans et les décisions prises dans les traités de Westphalie, la principauté ecclésiastique fut sécularisée en 1680 et devint alors le duché de Magdebourg, un fief de l’État de Brandebourg-Prusse.
[15] a Lotharingie désigne le royaume de Lothaire II du latin Lotharii Regnum, arrière-petit-fils de Charlemagne. Il fut constitué en 855. Après sa mort, elle fut l’enjeu de luttes entre les royaumes de Francie occidentale et de Francie orientale, avant d’être rattachée au Saint Empire romain germanique en 880. Il devint un duché au début du 10ème siècle. Dans la deuxième moitié du 10ème siècle, le duché fut scindé en un duché de Basse Lotharingie et un duché de Haute Lotharingie, qui deviendra la Lorraine.
[16] Les Petchénègues ou Petchenègues, sont un peuple nomade d’origine turque qui apparaît à la frontière sud-est de l’empire khazar au 8ème siècle. Ils s’installent au 10ème siècle au nord de la mer Caspienne.
[17] Przemyśl est une ville de la voïvodie des Basses Carpates, dans le sud-est de la Pologne, à la frontière de l’Ukraine. Elle est le chef-lieu du powiat de Przemyśl sans en faire partie et constitue un powiat-ville.
[18] Belz est une petite ville de l’oblast de Lviv, en Ukraine. Belz est située à proximité de la frontière polonaise, à 61 km au nord de Lviv.
[19] Le traité de Bautzen (Budziszyn en polonais), signé le 30 janvier 1018 à Bautzen, met fin à la guerre germano-polonaise (1002-1018) entre l’empereur du Saint Empire romain germanique, Henri II et le duc et roi de Pologne Boleslas 1er de Pologne. Le traité est signé en présence du margrave Hermann 1er de Misnie, gendre de Boleslas. Par ce traité la Marche de Lusace, le Milzenland et la Moravie reviennent à la Pologne et la Bohême à Henri II ; celui-ci accepte l’indépendance de la Pologne et d’envoyer des troupes contre son ancien allié Iaroslav de Kiev.