Publius Sittius (mort en 44 av. jc)
Aventurier, financier et chef d’armée mercenaire romain
Il obtint plusieurs victoires en Afrique du nord pour le parti de Jules César qui lui accorda une partie de la Numidie [1] occidentale, constituant une marche occidentale de la nouvelle province de l’Africa Nova [2] .
La famille de Publius Sittius est originaire de Nucérie [3], en Campanie [4], et son père s’était rangé du côté des Romains lors de la Guerre Marsique [5].
Sittius issue de l’élite locale de sa cité s’affirma d’abord en tant que faiseur d’affaires financières, semble-t-il assez avisé puisqu’on lui devait, d’après Cicéron qui se réclame alors de son amitié, des sommes énormes dans les provinces et les royaumes.
En 64 av. jc, il fait liquider ses affaires en Italie par Publius Cornelius Sylla neveu de Sylla, afin de payer ses dettes à Rome et s’en va régler un grand compte avec le roi de Maurétanie [6]. À la suite de ce départ, il est soupçonné de sédition au profit de Publius Sylla, ce que Cicéron réfute dans son Pro Sulla. Les raisons et motivations précises de son départ ne sont pas cependant claires, certains auteurs évoquant une proscription. Selon Salluste, il aurait été lié à Catilina, celui-ci affirmant à ses conjurés que Publius Sittius Nucerinus était en Maurétanie avec une armée, au courant de son projet.
Après différentes pérégrinations notamment en Hispanie [7] et en Maurétanie, Sittius forme en Afrique une armée mercenaire composée essentiellement d’Italiens proscrits, mécontents ou ruinés par les guerres civiles qui lui étaient dévoués. Il met ces troupes au service des potentats du nord de l’Afrique, en proie à de nombreux conflits, n’hésitant pas, au gré des enchères à changer de camp. Il y conquit fortune et une réputation de bon stratège.
Lorsque César arrive en Afrique fin 47 av. jc pour y combattre les derniers partisans de Pompée commandés par Metellus Scipion, Sittius est à la tête d’une troupe et d’une flotte qu’il décide de mettre au service de César, bien que les deux hommes ne se connaissent pas. Ainsi rangé au parti de César qui a cantonné ses troupes à Ruspina [8] et est en mauvaise posture, Sittius, rejoint par le roi de Maurétanie, Bocchus II , envahit par l’ouest le royaume de Numidie du roi Juba 1er parti renforcer Metellus Scipion avec une importante troupe.
Sittius s’empare de la capitale Cirta [9] puis ravage la campagne et désole les villes. Juba 1er rebrousse chemin pour défendre son royaume n’envoyant à Scipion que 30 éléphants, ce qui évite à César, dont les troupes ne sont pas nombreuses, d’être submergé par une armée aux forces bien supérieures.
Il n’y a pas de source concernant l’opposition entre Sittius et Juba mais après quelques mois, Juba rejoint Metellus Scipion, laissant le soin à son lieutenant Saburra de combattre Sittius et Bochus. Ceux-ci défont Saburra en même temps que César écrase le parti pompéien à la bataille de Thapsus [10] à la suite de laquelle Juba trouve la mort ce qui permet l’annexion de son royaume par Rome.
Avec une petite troupe, Sittius capture par embuscade les généraux Afranius et Faustus Cornelius Sulla qui essayaient de se réfugier en Hispanie par la Maurétanie à la tête de 1500 cavaliers, et les livrent à César. C’est également la flotte de Publius Sittius, mouillée à Hippone [11], qui envoie par le fond les vaisseaux de Scipion et des autres vaincus cherchant également à rejoindre l’Hispanie.
En échange des services rendus, César accorde à Sittius et ses troupes de pouvoir s’installer dans la région nord-ouest de la Numidie autour de quatre villes qui deviennent des colonies, Cirta que Pline appelle au 1er siècle colonia Cirta Sittianorum cognomine, Rusicade [12], Milev [13] et Chullu [14] dans ce qui constitue un territoire autonome de la nouvelle province d’Africa Nova.
Après la mort de César, en 44 av. jc, le prince numide Arabion , fils du dernier roi de Numidie occidentale Massinissa, rentre d’Hispanie où il s’était réfugié chez un des fils de Pompée.
Il tente alors de reconquérir son royaume et, après avoir chassé Bocchus du trône de son père s’attaque au territoire contrôlé par Sittius. C’est dans ces circonstances que Publius Sittius trouvera la mort.
Arabion prend ensuite le parti d’Octave en s’alliant à Sextius ancien lieutenant de César, devenu gouverneur de l’Africa Nova, ainsi que le font les Sittiens [15], par fidélité au clan de César.
Arabion ayant à nouveau changé de camp et s’étant rapproché de Sextus Pompée, est à son tour éliminé en 41 av. jc par Sextius. L’Afrique romaine est unie peu après.
Notes
[1] La Numidie est d’abord un ancien royaume berbère, qui alterna ensuite entre le statut de province et d’état vassal de l’Empire romain. Elle est située sur la bordure nord de l’Algérie moderne, bordé par la province romaine de Maurétanie, de nos jours l’Algérie et le Maroc, à l’ouest, la province romaine d’Afrique, la Tunisie, à l’est, la mer Méditerranée vers le nord , et le désert du Sahara vers le sud. Ses habitants étaient les Numides.
[2] L’Afrique ou Afrique proconsulaire, est une ancienne province romaine qui correspond à l’actuelle Nord et sud Est Tunisien, plus une partie de l’Algérie et de la Libye actuelle. La province d’Afrique est créée en 146 av. jc, après la destruction de Carthage, au terme de la 3ème guerre punique ; ayant Utique pour capitale, elle est séparée du royaume de Numidie par une ligne de démarcation, la fossa regia. En 46 av. jc, Rome annexe la Numidie avec le nom de « nouvelle province d’Afrique » (Africa Nova) pour la distinguer de la première (Africa Vetus). Vers 40-39 av. jc, les deux provinces sont réunies dans la province dite d’Afrique proconsulaire ; ayant Carthage pour capitale, elle s’étend, d’ouest en est, de l’embouchure de l’Ampsaga (auj. l’Oued-el-Kebir, en Algérie) au promontoire de l’Autel des frères Philènes (auj. Ras el-Ali, en Libye). En 303, celle-ci est divisée par Dioclétien en trois provinces : la Tripolitaine, la Byzacène et l’Afrique proconsulaire résiduelle, aussi appelée Zeugitane.
[3] Nocera Inferiore est une ville italienne de la province de Salerne dans la région Campanie en Italie. La ville antique, qui remonte au Bronze ancien, est située entre Nocera Superiore et Nocera Inferiore. Son nom dérive de Nuvkrinum (la « nouvelle roche »). Au 5ème siècle av. jc, le toponyme Alfaternum lui fut ajouté, d’après la tribu samnite des Alfaternes, ce qui donna en latin Nuceria Alfaterna. Elle prit le nom de Nuceria Constantia quand elle acquit le statut de municipe en 42 av. jc, puis celui de colonie romaine en 57.
[4] La région de Campanie, plus couramment appelée la Campanie, est une région d’Italie méridionale. Elle fut associée au Latium, une des 11 régions de l’Italie romaine créées par l’empereur Auguste au 1er siècle av.jc Érigée en province à part entière au début du 4ème siècle au temps de l’empereur Dioclétien, la Campanie fut ensuite sous domination lombarde puis byzantine. Elle fut ensuite morcelée par l’indépendance que quelques-unes de ses villes adoptèrent.
[5] La Guerre sociale, ou Guerre Marsique, oppose la République romaine et les alliés italiens entre 90 et 88 av. jc. Elle éclate à la suite de l’assassinat du tribun de la plèbe Livius Drusus en octobre 91 av. jc, alors qu’il tentait de faire obtenir la citoyenneté romaine aux Italiens alliés de Rome.
[6] La Maurétanie désigne le territoire des Maures dans l’Antiquité. Il s’étendait sur une partie du nord marocain et sur le nord-ouest et le centre de l’actuelle Algérie. Sous Rome, le territoire fut divisé en province
[7] L’Hispanie est le nom donné par les Romains à la péninsule Ibérique. Depuis le 15ème siècle l’Hispanie est l’hôte des États modernes espagnol et portugais. Au début les Carthaginois installent des comptoirs commerciaux sur la côte, sans pousser plus profondément à l’intérieur de l’Hispanie. En 501 av.jc, ils s’emparent de Gadès (Cadix), une ancienne colonie phénicienne. Après la première Guerre punique, les Carthaginois s’étendent rapidement dans le Sud, sous la conduite des Barcides. Ils y exploitent des mines d’or et redonnent à Carthage sa puissance économique et commerciale. En 230, ils fondent Carthagène, la nouvelle Carthage (Cartago Nova). En 218 av.jc, Hannibal forme une puissante armée qui comprend un contingent d’Ibères, et commence la deuxième Guerre punique en prenant Sagonte, puis en marchant vers l’Italie. Les Romains ne peuvent l’intercepter en Gaule, et dirigent une partie des leurs forces sur l’Hispanie, qui devient un théâtre d’opération de cette guerre. Après divers affrontements, Scipion l’Africain prend Carthagène en 209, et en 207, Hasdrubal mène les dernières forces carthaginoises de l’Hispanie vers l’Italie. En 202, la capitulation de Carthage livre officiellement l’Hispanie carthaginoise à Rome. En 197 av.jc, les Romains divisent l’Hispanie en deux provinces : Hispanie citérieure, donnant sur la Méditerranée, et Hispanie ultérieure (car plus éloignée de Rome), comprenant le Sud et tournée vers l’océan.
[8] Ruspina est une ville antique d’Afrique du Nord fondée par des Phéniciens originaires de Tyr au 4ème siècle av. jc. Le nom Rous Penna signifie en phénicien « cap » ou plus précisément « presqu’île ». Elle s’étend sur plus de huit hectares sur un site stratégique à l’abri des incursions extérieures. Elle correspond aujourd’hui au site de la ville de Monastir.
[9] Cirta fut capitale du royaume de Numidie, puis romaine pour laisser place à la ville actuelle de Constantine. Cirta au temps de Massinissa prend une importance stratégique de par sa position géographique.
[10] La bataille de Thapsus se déroule le 6 février 46 av. jc près de Thapsus (aujourd’hui Rass Dimass, en Tunisie). L’armée du parti conservateur (les Optimates), conduite par Metellus Scipion et de son allié Juba 1er de Numidie, se bat contre les forces de Jules César, qui finissent par avoir le dessus. Avec cette victoire, César brise les résistances contre son pouvoir en Afrique et s’approche encore plus du pouvoir absolu.
[11] Hippone est le nom antique de la ville d’Annaba, se trouvant au Nord-Est de l’Algérie. Elle devint l’une des principales citées de l’Afrique romaine. Saint Augustin fut évêque de la ville de 396 jusqu’à sa mort en 430. Au 5ème siècle, Hippone est devenue le foyer du christianisme sous l’épiscopat de Saint Augustin évêque de la ville de 396 jusqu’à sa mort en 430. Hippone est ensuite prise par les Vandales en 431 puis par les Byzantins en 533.
[12] Skikda, anciennement appelée Rusicade à l’époque romaine et Philippeville lors de la colonisation française, est une commune algérienne située en bordure de la mer Méditerranée, à 345 km à l’est d’Alger, dans la wilaya de Skikda. Elle est le chef-lieu éponyme de la wilaya de Skikda et de la daïra de Skikda.
[13] Mila, est une ville dans le Nord-Est de l’Algérie, chef-lieu de la wilaya du même nom. Elle est située à l’est d’Alger, à proximité de Constantine. La ville a été l’une des plus importantes cités du roi Massinissa qui était le premier souverain de la Numidie unifiée. Après la conquête romaine, elle était l’un des quatre grands castellums qui assuraient la protection de Cirta Régina (Constantine). Mila était une ville importante dans l’antiquité, elle s’appelait Milev.
[14] Collo est une ville portuaire, chef-lieu de commune de la wilaya de Skikda située dans la région du massif de Collo , dans le Nord-Est de l’Algérie, à environ 500 km à l’est d’Alger. Collo était un comptoir phénicien, Chullu, en 430 avant notre ère, puis un port numide par lequel le roi Bocchus aurait livré son gendre Jugurtha aux Romains. Selon Pline c’était la seconde cité numide après Cirta. À l’époque césarienne, elle était une colonie portuaire puis un municipe romano-numide de qui dépendait, ce que Pline appelle au 1er siècle la colonia Cirta Sittianorum avec Rusicade, Milev et Cuicul dans ce qui constitue un territoire autonome de la nouvelle province d’Africa Nova. À l’époque romaine Collo fut la Chulli Municipum sous Antonin en 138 de notre ère
[15] partisan de Sittius)