Publius Vatinius
Homme d’État du dernier siècle de la République romaine
Il est principalement connu grâce à Cicéron, qui plaida contre lui et le dépeint donc de façon négative.
En 63 av. jc, il est questeur [1], l’année où Cicéron est consul. Cicéron pense alors que l’élection de Vatinius a été obtenue par l’influence d’un des consuls de l’année précédente. Il l’envoie à Pouzzoles [2] mais ses extorsions sont si accablantes que les habitants s’en plaignent à Cicéron.
Il sert ensuite le proconsul [3] d’Espagne Caius Cosconius. Encore une fois, Cicéron l’accuse de vol et d’extorsion.
En 59 av. jc, il est tribun de la plèbe [4], et vend ses services à Jules César, qui était alors consul avec Marcus Calpurnius Bibulus. Il défend plusieurs propositions de loi afin que César reçoive comme charge de proconsul les provinces de Gaule cisalpine [5] et d’Illyrie [6] pendant 5 ans, le sénat ajoutant ensuite la province de Gaule transalpine [7].
C’est pendant son tribunat et à son instigation que Lucius Vettius accuse des hommes d’État, dont un célèbre orateur, c’est-à-dire Cicéron, de participer à un complot contre la vie de Pompée. César alors consul fait arrêter et exécuter Vettius, évitant toute investigation, mais plus tard Cicéron évoque l’affaire lorsqu’il attaque Vatinius.
Il quitte Rome avec César, en tant que légat de légion en Gaule. Il revient rapidement à Rome, comme candidat à la charge de préteur [8], mais il échoue.
Son animosité envers Cicéron continue et il apparaît en 56 av. jc comme témoin contre Milon et Sestius, deux amis de Cicéron. Cicéron l’attaque sans ménagement dans son discours In Vatinium, qui passe en revue tous les reproches possibles sur les antécédents de Vatinius. Cicéron va jusqu’à moquer son physique ingrat, souffrant de tuméfactions sur le visage et le cou, en le traitant de membre gangréné.
En 55 av. jc, après de nombreux remous, Pompée et Crassus sont élus consuls, Caton est alors candidat comme préteur soutenu par les aristocrates.
Pour le contrer, les deux consuls proposent Vatinius, qui remporte l’élection. A l’expiration de son mandat, Vatinius est attaqué en justice par Caius Licinius Calvus dans une plaidoirie brillante. Cicéron, qui est devenu l’obligé de Pompée qui le protège contre Clodius Pulcher, doit assurer la défense de Vatinius pour ne pas heurter son protecteur.
En 51 av. jc, il retourne en Gaule, comme légat [9] de Jules César qui lui donne le commandement d’une légion en Belgique [10]. Il reste avec César pendant le début de la guerre civile [11].
En 48, César l’envoie en Grèce avec des propositions de paix à Pompée, que Labiénus repousse. Mais il ne prend pas part à la bataille de Pharsale [12], car César lui a confié la défense de ses bases arrière à Brindisi [13] contre Decimus Laelius, qui mène une attaque sur la ville avec une partie de la flotte de Pompée. César le récompense en lui accordant le titre de consul suffect [14] en décembre 47 av. jc.
En 46 av. jc, il bat Marcus Octavius, un partisan de Pompée avec une grande armée, en Illyrie [15], acte qui lui vaut une ovation. En 44 av. jc, après la mort de César, il est encore en Illyrie, mais il est forcé par ses soldats d’abandonner ses trois légions à Marcus Junius Brutus quand Brutus se rend en Macédoine [16] prendre le commandement de sa province.
Vers cette époque, il échange avec Cicéron des lettres montrant que tous deux sont apparemment en bons termes. Les dernières traces de lui datent de décembre 43 av.jc, où il est récompensé par un triomphe
Notes
[1] Dans la Rome antique, les questeurs sont des magistrats romains annuels comptables des finances, responsables du règlement des dépenses et de l’encaissement des recettes publiques. Ils sont les gardiens du Trésor public, chargés des finances de l’armée et des provinces, en relation avec les consuls, les promagistrats et les publicains.
[2] Pouzzoles est une ville située en bord de mer, immédiatement à l’ouest de Naples en Campanie (Italie), connue dès l’Antiquité, et ses environs sont caractérisés par une grande activité volcanique. De son port à l’extrémité nord du golfe de Naples partent les bateaux pour les îles de Ischia et Procida.
[3] La fonction de proconsul dans la Rome antique correspond à la notion actuelle de gouverneur. Étymologiquement, ce terme vient du préfixe latin pro, à la place de, et consul. Le premier cas de proconsulat historiquement cité par Denys d’Halicarnasse date de 464 av. jc, lorsque Titus Quinctius Capitolinus Barbatus reçut le pouvoir de diriger une armée (imperium) pour aller au secours d’un consul assiégé. Il s’agit alors d’une solution improvisée sous la pression des événements. La fonction réapparaît avec l’agrandissement de la République romaine au 4ème siècle av. jc, lorsqu’un consul doit finir une campagne militaire ou doit gouverner un territoire au-delà de la durée normale de son mandat de consul (un an). Son pouvoir (imperium consulaire) est alors prolongé, en général pour une durée d’un an et toujours sur un territoire précis, le plus souvent une province. Le terme « proconsul » tient au fait que son titulaire exerçait un pouvoir consulaire ; cependant, tous les proconsuls n’étaient pas forcément d’anciens consuls.
[4] Dans la Rome antique, les tribuns de la plèbe sont les représentants de la plèbe, élus pour une durée d’un an par le concile plébéien.
[5] La Gaule cisalpine est la partie de la Gaule qui couvrait l’Italie du Nord. Elle était ainsi nommée par les Romains en raison de sa position en-deçà des Alpes (par opposition à la Gaule transalpine, s’étendant au-delà).
[6] L’Illyrie est un royaume fondé à Shkodra, Albanie actuelle, en 385 av.jc, par le roi Bardylis. Annexée par Rome durant l’Antiquité, elle désignera plus tard une région historique des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près actuellement à l’ouest de la Croatie, de la Slovénie, de la Bosnie-Herzégovine, du Montenegro de l’Albanie et du Kosovo.
[7] Le concept de « Gaule transalpine » (Gallia Transalpina ou Gallia Ulterior) est une dénomination romaine pour désigner une région qui comprend presque l’ensemble des Gaules, en dehors de la Gaule cisalpine. Le terme signifie Gaule au-delà des Alpes. Elle se distingue ainsi de la Gaule cisalpine, qui était avant les Alpes du point de vue romain.
[8] Le préteur est un magistrat de la Rome antique. Il était de rang sénatorial, pouvait s’asseoir sur la chaise curule, et porter la toge prétexte. Il était assisté par 2 licteurs à l’intérieur de Rome, et 6 hors du pomerium de l’Urbs. Il était élu pour une durée de 1 an par les comices centuriates. La fonction de préteur fut créée vers 366 av. jc pour alléger la charge des consuls, en particulier dans le domaine de la justice. Le premier préteur élu fut le patricien Spurius Furius, le fils de Marcus Furius Camillu. Égal en pouvoir au consul, auquel il n’a pas de compte à rendre, le préteur prêtait le même serment, le même jour, et détenait le même pouvoir. À l’origine, il n’y en avait qu’un seul, le préteur urbain, auquel s’est ajouté vers 242 av. jc le préteur pérégrin qui était chargé de rendre la justice dans les affaires impliquant les étrangers. Cette figure permit le développement du ius gentium, véritable droit commercial, par contraste avec le ius civile applicable uniquement aux litiges entre citoyens romain. Pour recruter, pour former ou pour mener des armées au combat ; sur le terrain, le préteur n’est soumis à personne. Les préteurs ont aussi un rôle religieux, et doivent mener des occasions religieuses telles que sacrifices et des jeux. Ils remplissent d’autres fonctions diverses, comme l’investigation sur les subversions, la désignation de commissionnaires, et la distribution d’aides. Lors de la vacance du consulat, les préteurs, avant la création des consuls suffects, pouvaient remplacer les consuls : on parle alors de préteurs consulaires.
[9] Titre porté par les représentants officiels de la Rome antique. Les ambassadeurs étaient des légats du Sénat romain. Sous la République romaine, les consuls, proconsuls, préteurs en campagne pouvaient charger temporairement des légats du commandement de la cavalerie, des réserves ou même d’une légion entière et de plusieurs légions. Sous l’Empire romain, à partir d’Auguste, la fonction de ces légats militaires devint permanente. Désignés par l’empereur, ils le représentaient dans les provinces et les légions. On distingua alors les légats consulaires et les légats prétoriens, qui gouvernaient les provinces « impériales » et exerçaient le pouvoir militaire, et les légats de légion, officiers expérimentés, de rang sénatorial, qui étaient chef d’une légion. Le titre de légat se transmit de l’Empire romain à l’Église catholique
[10] La Gaule belgique est une des trois parties entre lesquelles, d’après Jules César, la Gaule était divisée lors de la guerre des Gaules (58-51/50 av. jc). Elle correspond à la partie de la Gaule qui était habitée par les Belges. D’après César, elle comprenait le Belgium, région habitée par les Calètes, les Véliocasses, les Bellovaques, les Ambiens et les Suessions ainsi, peut-être, que par les Atrébates et les Viromanduens. D’après César, la Gaule belgique comprenait, d’autre part, la région habitée par les peuples qu’il qualifie de Germains cisrhénans, à savoir : les Condruses, les Éburons, les Caerèses, les Pémanes et les Sègnes. D’après César, la Gaule belgique comprenait, enfin, les régions habitées par les Morins, les Ménapiens, les Nerviens, les Aduatuques, les Trévires et les Rèmes.
[11] La guerre civile de César, appelée aussi guerre civile romaine de 49 av. J.-C. ou guerre civile entre César et Pompée, est un des derniers conflits intérieurs de la République romaine, et fait partie de la liste des nombreuses guerres civiles romaines. Elle a consisté en une série de heurts politiques et militaires entre Jules César, ses alliés politiques et ses légions d’une part, et la faction conservatrice du Sénat romain, appelée aussi optimates, épaulée par les légions de Pompée d’autre part.
[12] La bataille de Pharsale s’est déroulée en Thessalie, près de la ville du même nom, le 9 août 48 av.jc, pendant la guerre civile romaine qui opposait le clan de César à celui de Pompée. En gagnant cette bataille dans laquelle il était en grande infériorité numérique, César prit un avantage décisif sur le camp adverse.
[13] Brindisi est une ville de la province de Brindisi dans les Pouilles en Italie. C’est une ville importante de la côte adriatique, célèbre depuis l’antiquité. Son port en branches de cerf, le seul vraiment protégé de la côte adriatique, en a fait une porte vers l’Orient dès l’époque romaine. Cité grecque à l’origine et capitales des Salentins, Brindisium est conquise par le consul Marcus Atilius Regulus en 267 av., achevant la conquête romaine du sud de l’Italie. Transformée en colonie romaine en -244, elle fut rapidement reliée à Rome par la via Appia, puis par la Via Trajana.
[14] Parfois, un consul décède ou démissionne avant la fin de son mandat de douze mois. Le consul restant rétablit la collégialité par l’élection intermédiaire si le délai restant le permet ou par la désignation directe d’un consul suffectus (du participe passé du verbe sufficere, « remplacer »). Ce consul entre en fonction immédiatement, il a les mêmes privilèges et les mêmes pouvoirs que le consul remplacé mais il n’est en charge que pour la durée du mandat qui reste à couvrir. Enfin, le consul suffect ne donne pas son nom à l’année, à l’inverse du consul dit ordinaire.
[15] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers 1300 av. jc ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au 7ème siècle av. jc et 6ème siècle av. jc, l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.
[16] La province romaine de Macédoine s’étendait sur le nord de la Grèce actuelle. Elle englobait l’Albanie et la République de Macédoine actuelles. La province fut fondée en 146 av. jc. Elle succédait au royaume de Macédoine dont le dernier souverain, Andriscus, avait été défait en 148 av. jc par le général Q. Cæcilius Metellus. Cette province était sénatoriale gouvernée par un ancien préteur.