Marcus Aemilius Scaurus (Préteur en 56 av. jc)
Homme politique
Selon Pline l’Ancien, il est le premier grand collectionneur romain de pierres précieuses taillées.
Il est un des Aemilii Scauri [1], membres de la gens des Aemilii [2]. Fils de Marcus Aemilius Scaurus et de Caecilia Metella Dalmatica qui se remarie plus tard à Sylla, dont Scaurus hérite une grande fortune.
Il épouse Mucia Tertia qui a été mariée auparavant à Pompée. De ce mariage naît un fils appelé Marcus Aemilius Scaurus (sénateur) demi-frère de Sextus Pompée, le fils de Pompée et Murcia.
Marcus Aemilius Scaurus perd son père alors qu’il est encore très jeune. Son éducation est prise en charge par plusieurs amis de la famille. Parmi ceux-ci, Pompée, brièvement marié à Aemilia Scaura , sœur de Scaurus, avant qu’elle ne meurt en couche, porte un intérêt particulier au jeune homme.
Durant la 3ème guerre de Mithridate [3], Pompée nomme Scaurus tribun militaire [4]. Pompée profite de la victoire sur Mithridate pour étendre la domination romaine sur la région et crée la province de Syrie [5] à la tête de laquelle il place Scaurus comme légat [6].
En 64 av. jc, il est envoyé en Judée avec pour mission de gérer le conflit entre les frères Hyrcan et Aristobule, fils de la reine Salomé Alexandra, qui se disputent le trône du royaume hasmonéen [7]. Aristobule parvient à s’emparer du trône et de la fonction de grand prêtre [8]. En réaction, Hyrcan s’allie à Arétas III de Nabatène [9] à qui il promet des concessions territoriales en échange d’un soutien militaire. Arétas envoie alors 50 000 hommes en Judée et assiège Aristobule dans Jérusalem [10].
Bloqué dans Jérusalem, Aristobule en appelle à Pompée par l’intermédiaire de Scaurus, offrant une importante compensation financière. Scaurus contraint Aretas III à lever le siège mais Aristobule, une fois libéré, l’accuse de lui avoir extorqué mille talents. Aristobule poursuit alors l’armée des Nabatéens qu’il défait à Papyron. Pompée intervient en personne pour régler le conflit entre les deux frères et en 63 av. jc, il place Hyrcan à la tête de la Judée. En 62 av. jc, alors que Pompée retourne à Rome, Scaurus porte la guerre sur le territoire des Nabatéens et assiège Pétra [11], leur capitale. Il lève le siège en échange du paiement de 300 talents.
En 58 av. jc, alors qu’il est édile curule [12], Scaurus organise des jeux édiliciens, les jeux Megalenses [13], comportant une représentation théâtrale et qui resteront en mémoire du fait de leur extravagance. Il y consacre en effet la fortune que lui a légué son père et fait construire un immense mur de scène comptant 360 colonnes sur trois étages et orné de près de 3 000 statues. D’après Pline l’Ancien, le premier étage fait un peu plus de 11 mètres de haut, soit une hauteur totale pour le mur de scène de près de 40 mètres pour une scène longue de 90 mètres. Toujours selon Pline l’Ancien, les gradins sont prévus pour accueillir 80 000 spectateurs, faisant de ce théâtre le plus grand du monde romain. Peu après, Pompée fait construire un autre grand théâtre, permanent cette fois-ci, pour rivaliser avec la réalisation de Scaurus.
Préteur [14] en 56 av. jc puis propréteur [15] en Sardaigne en 55 av. jc, Scaurus revient à Rome en 54 et brigue le consulat pour l’année 53. Mais au cours de la période électorale, les consuls en fonction, qui se sont déjà entendus avec 2 candidats pour leur succéder, portent contre Scaurus une accusation de repetundis [16].
Ayant recours à 6 avocats, dont Cicéron, Quintus Hortensius Hortalus et Clodius, et 9 consulaires qui témoignent en sa faveur, il est acquitté. Il perd néanmoins le soutien de Pompée. Les autres candidats ayant été également convaincus de malversations, les élections sont reportées par les tribuns jusqu’à ce que l’année débute, sans consul élu. Il faut attendre le mois de juillet pour que Marcus Valerius Messalla Rufus et Cnaeus Domitius Calvinus soient élus consuls.
En 53, Scaurus est accusé d’ambitio [17] et est condamné à l’exil. Malgré le prestige de sa famille et sa fortune, il n’atteint jamais le consulat.
Du fait de ses liens avec Sextus Pompée, il est possible que Scaurus ait figuré sur la liste de la proscription [18] de 43 av. jc.
Notes
[1] Les Aemilii Scauri sont des patriciens romains membres d’une branche de la gens des Aemilii. Le cognomen Scaurus qu’ils portent signifie « qui a un pied bot ».
[2] Les Aemilii sont les membres de la gens Aemilia, l’une des familles patriciennes les plus importantes et les plus influentes de l’histoire romaine.
[3] La troisième guerre mithridatique opposa de 74 av. jc à 63 av. jc la République romaine à Mithridate VI, roi du Pont. Elle se termina par la victoire finale de Rome et par le suicide de Mithridate, dont le Royaume du Pont, joint à la Bithynie, devint une province romaine.
[4] Le tribun militaire (en latin Tribunus militum) est un officier supérieur qui sert dans la légion romaine sous la Rome antique.
[5] La Syrie est l’une des provinces les plus importantes de l’Empire romain, tant par sa richesse que sur le plan militaire. Étendue de la Méditerranée à l’Euphrate, elle constitue un riche creuset de civilisations, composées entre autres de Juifs, de Phéniciens, ou de Nabatéens, hellénisés pour la plupart d’entre eux. La Syrie est conquise par Pompée en 64 av. jc. En 63 av. jc, après avoir vaincu le roi Mithridate VI, il transforme le royaume de Syrie en province romaine, mettant ainsi fin à la dynastie séleucide. L’acquisition du territoire n’est cependant pas sa mission originelle. Le gouvernement de cette riche région constitue rapidement un enjeu majeur à Rome. Crassus, qui l’a obtenu, y trouve la mort en tentant une expédition militaire contre les Parthes en 53 av. jc, à Carrhes. Sous Auguste, la province est placée sous l’autorité d’un légat d’Auguste propréteur de rang consulaire, résidant à Antioche, la capitale. Les frontières de la province connaissent à plusieurs reprises des modifications. Le royaume de Judée, devenu province de Judée, est renommé Syrie-Palestine durant le règne de l’empereur Hadrien, mais n’appartient pas à la province de Syrie proprement dite. Les frontières varient aussi avec l’Arabie nabatéenne. La Syrie englobe l’Iturée et le territoire de Palmyre. Si les conquêtes de Trajan sont éphémères, la frontière sur l’Euphrate est durablement déplacée jusqu’à Doura Europos, lors de la guerre parthique de Lucius Verus, entre 161 et 166. À partir de la seconde moitié du 2ème siècle, le sénat romain comprend un nombre important de Syriens, comme Claudius Pompeianus ou Avidius Cassius sous Marc Aurèle. Dans la première moitié du 3ème siècle, des Syriens accèdent au pouvoir impérial, avec la dynastie des Sévères.
[6] Titre porté par les représentants officiels de la Rome antique. Les ambassadeurs étaient des légats du Sénat romain. Sous la République romaine, les consuls, proconsuls, préteurs en campagne pouvaient charger temporairement des légats du commandement de la cavalerie, des réserves ou même d’une légion entière et de plusieurs légions. Sous l’Empire romain, à partir d’Auguste, la fonction de ces légats militaires devint permanente. Désignés par l’empereur, ils le représentaient dans les provinces et les légions. On distingua alors les légats consulaires et les légats prétoriens, qui gouvernaient les provinces « impériales » et exerçaient le pouvoir militaire, et les légats de légion, officiers expérimentés, de rang sénatorial, qui étaient chef d’une légion. Le titre de légat se transmit de l’Empire romain à l’Église catholique
[7] Les Hasmonéens sont une dynastie qui parvient au pouvoir en Judée au cours de la révolte des Maccabées que Mattathias un prêtre de la lignée sacerdotale de Yehoyarib initie en 168-167 av. jc et auxquels se joignent les hassidéens. Dans les livres qui n’ont été conservés que par la tradition chrétienne, cette dynastie est aussi appelée Maccabées.
[8] Le grand prêtre est le titre que portait le premier des prêtres dans la religion israélite ancienne et dans le judaïsme classique, depuis l’émergence de la nation israélite jusqu’à la destruction du Second Temple de Jérusalem. Les grands prêtres, comme d’ailleurs tous les prêtres, appartenaient à la lignée d’Aaron. Pendant la période du Second Temple, le grand prêtre exerça souvent la charge de président du Sanhédrin. Son rôle déclina avec l’occupation romaine (à partir de 63 av. jc) puis la fonction de grand Prêtre disparut avec la destruction du Second Temple.
[9] Les Nabatéens étaient un peuple commerçant du sud de la Jordanie et de Canaan, et du nord de l’Arabie, dont les peuplements dans les oasis au temps de Flavius Josèphe ont donné le nom de Nabatène à la région frontalière entre la Syrie et l’Arabie, entre l’Euphrate et la mer Rouge. Leur capitale était la cité troglodytique de Pétra, située aujourd’hui en territoire jordanien. Leur commerce se déroulait principalement entre les oasis, où ils pratiquaient l’agriculture de manière intensive. Ces oasis étaient reliées par des routes commerçantes. Les frontières de cet ensemble n’étaient pas précisément définies. L’empereur romain Trajan soumet les Nabatéens définitivement et les incorpore à l’Empire, où leur culture se dissipe et disparaît.
[10] Le siège de Jérusalem qui se déroula en 63 av. jc eut lieu lors des campagnes de Pompée à l’Est, peu après le succès de sa conclusion de la troisième guerre mithridatique. Pompée avait été invité à intervenir dans une querelle sur l’héritage du royaume hasmonéen, qui se transforma en guerre entre Hyrcan II et Aristobule II. Sa conquête de Jérusalem sonna la fin de l’indépendance juive et de l’incorporation de la Judée en tant que royaume client de la République romaine.
[11] Pétra, est une ancienne cité cananéenne de l’actuelle Jordanie située dans le Wadi Rum. Créée dans l’Antiquité vers la fin du 8ème siècle av. jc par les Édomites, elle est ensuite occupée vers le 6ème siècle av. jc par les Nabatéens qui la font prospérer grâce à sa position sur la route des caravanes transportant l’encens, les épices et d’autres produits précieux entre l’Égypte, la Syrie, l’Arabie du Sud et la Méditerranée.
[12] En 365 av.jc, selon Tite-Live le Sénat crée deux nouveaux édiles, les édiles curules, qui sont eux recrutés parmi les patriciens. Ils furent mis en place parce que les deux édiles plébéiens refusaient d’étendre les ludi maximi à quatre jours au lieu de trois. L’édilité curule fut néanmoins ouverte rapidement aux plébéiens. Les deux édiles curules sont supérieurs aux deux édiles plébéiens : ils disposent de la chaise curule (les édiles plébéiens doivent se contenter du subsellium), de la toge prétexte, ils ont le ius edicendi, c’est-à-dire le pouvoir de publier des édits dans leurs domaines d’action. Au Sénat ils ont la préséance sur leurs collègues plébéiens. À noter enfin qu’ils sont sacro-saints tout comme les édiles plébéiens et les tribuns de la plèbe.
[13] Les Megalesia (Mégalésies) ou Megalensia étaient des fêtes accompagnées de jeux (ludi), de concours et de représentations théâtrales avec un caractère votif accentué, les Jeux mégalésiens, que l’on célébrait dans la Rome antique en avril en l’honneur de Cybèle, d’où le nom de ces fêtes et de ces jeux.
[14] Le préteur est un magistrat de la Rome antique. Il était de rang sénatorial, pouvait s’asseoir sur la chaise curule, et porter la toge prétexte. Il était assisté par 2 licteurs à l’intérieur de Rome, et 6 hors du pomerium de l’Urbs. Il était élu pour une durée de 1 an par les comices centuriates. La fonction de préteur fut créée vers 366 av. jc pour alléger la charge des consuls, en particulier dans le domaine de la justice. Le premier préteur élu fut le patricien Spurius Furius, le fils de Marcus Furius Camillu. Égal en pouvoir au consul, auquel il n’a pas de compte à rendre, le préteur prêtait le même serment, le même jour, et détenait le même pouvoir. À l’origine, il n’y en avait qu’un seul, le préteur urbain, auquel s’est ajouté vers 242 av. jc le préteur pérégrin qui était chargé de rendre la justice dans les affaires impliquant les étrangers. Cette figure permit le développement du ius gentium, véritable droit commercial, par contraste avec le ius civile applicable uniquement aux litiges entre citoyens romain. Pour recruter, pour former ou pour mener des armées au combat ; sur le terrain, le préteur n’est soumis à personne. Les préteurs ont aussi un rôle religieux, et doivent mener des occasions religieuses telles que sacrifices et des jeux. Ils remplissent d’autres fonctions diverses, comme l’investigation sur les subversions, la désignation de commissionnaires, et la distribution d’aides. Lors de la vacance du consulat, les préteurs, avant la création des consuls suffects, pouvaient remplacer les consuls : on parle alors de préteurs consulaires.
[15] Un propréteur est le nom donné à ceux qui ont exercé la charge de préteur pendant 1 an, et plus tard à ceux qui dirigent les provinces avec l’autorité de préteur. Il s’agit d’une prorogation de leur pouvoir, c’est un promagistrat. Sous la République romaine, les préteurs, comme les consuls, sont élus par le peuple romain assemblé en comices ; à l’issue de leur charge, ils peuvent devenir propréteurs, ou gouverneurs, de provinces, pour un mandat de 1 an. On retrouve le premier propréteur en 241 av. jc, et la fonction se généralise les 2 siècles suivants, jusqu’à ce que Sylla rende obligatoire aux anciens magistrats à imperium de servir dans une province comme gouverneur pour 1 an. A la suite de la réorganisation provinciale au début de l’Empire, chaque province impériale est dirigée par un propréteur qui est sous l’autorité proconsulaire de l’empereur. Il porte ce titre qu’il soit ancien consul ou préteur. La durée du mandat est variable.
[16] c’est-à-dire qu’il est accusé d’avoir abusé de son pouvoir de propréteur en Sardaigne
[17] « amour du pouvoir » qui est cause de corruption et d’immoralité
[18] La proscription de 43 av. jc est une procédure utilisée par les triumvirs Marc Antoine, Octavien et Lépide peu après la formation du Second triumvirat, leur permettant de renforcer leurs positions politiques en éliminant les potentiels opposants politiques. La procédure reprend dans les grandes lignes les dispositions de la proscription que Sylla a lancé en 82 av. jc. Certains proscrits perdent leurs biens mais sauvent leurs vies, comme Lucius Iulius Caesar ou le frère de Lépide, mais d’autres n’ont pas cette chance et meurent exécutés, comme Cicéron, son frère Quintus Tullius ou encore Marcus Favonius. Une fois la situation à Rome stabilisée, les triumvirs se lancent dans une guerre extérieure contre les Césaricides Cassius et Brutus.