Il est un proche compagnon d’Alexandre, mais périt de la propre main du souverain lors d’un banquet. Fils de Dropidès, un noble macédonien [1], Cleitos est, au début de la conquête, un des officiers les plus proches d’Alexandre le Grand qu’il connaît depuis l’enfance étant le frère de Lanicé, sa nourrice. Il semble avoir bénéficié d’une haute considération déjà sous le règne de Philippe II. Il appartient à la garde royale des Compagnons au moment où l’armée macédonienne débarque en Asie Mineure en 334 av. jc.
Durant la bataille du Granique [2], il sauve la vie du roi ; un épisode dont le récit diffère fortement selon les sources antiques.
À la bataille de Gaugamèles [3], il commande l’escadron royal. À partir de 330, il dirige avec Héphaistion la cavalerie après la mise à mort de Philotas. Quand le satrape Artabaze se retire, le roi confie à Cleitos la Bactriane [4].
Malgré les honneurs conférés par Alexandre, une violente altercation oppose en 328 av. jc les deux amis durant un banquet organisé en Sogdiane [5], dans un palais situé sur la colline d’Afrasiab [6], dans l’actuelle Samarcande [7], en l’honneur des Dioscures [8], alors que les Macédoniens étaient censés ce jour-là vénérer Dionysos .
Pendant la beuverie, des convives affirment qu’Alexandre surpasse Castor et Pollux , et vont même jusqu’à railler Héraclès et ses travaux.
Cleitos, qui déjà n’approuve pas la politique d’union avec les barbares, ne peut tolérer ces outrages faits à la divinité et aux héros. Il affirme que la gloire d’Alexandre est d’abord l’œuvre collective des Macédoniens. En réponse à la colère de Cleitos, des invités cherchent à flatter le roi en dénigrant la mémoire de son père, Philippe II.
Cleitos rétorque alors que les exploits de Philippe méritent célébration tout en reprochant à Alexandre la mort d’Attale et de Parménion. Cleitos, manifestement ivre, se montre injurieux et rappelle au roi qu’il lui a sauvé la vie à la bataille du Granique. Cleitos est alors évacué de la salle de banquet par Ptolémée mais revient brusquement sur ses pas et reçoit alors un coup de javeline, ou de sarisse [9] selon Lucien de Samosate, de la part d’un Alexandre fou d’ivresse et de rage ; tout en atteignant son ami, il lui suggère d’aller rejoindre Philippe, Attale et Parménion dans l’au-delà.
Alexandre se rend immédiatement compte de l’horreur de son acte et tente de se tuer sur le corps de son ami, mais il en est empêché par ses gardes qui le transportent dans sa tente. Le roi se lamente en appelant de leurs noms Cleitos et Lanicé, la nourrice qui l’a élevé, et se prive de nourriture pendant 3 jours.
L’ivresse n’est pas la seule explication à cette fin tragique. Car Cleitos, qui appartient à une génération plus ancienne qu’Alexandre et ses proches compagnons, se fait le porte-parole des vétérans qui n’apprécient pas la politique d’assimilation menée par Alexandre envers les Perses, dont la proskynèse [10] devant le roi. Il témoigne également d’un sentiment de trahison du fait de l’exécution de Parménion et de son fils Philotas, considéré comme le plus fidèle général de Philippe II. Alexandre, tout en éprouvant une peine, semble-t-il, sincère, justifie le meurtre de Cleitos en l’imputant à la fureur de Dionysos, dont la colère, initiée par la destruction de Thèbes, a été entretenue par le fait qu’Alexandre a sacrifié ce jour-là aux Dioscures.
Alexandre consent à lui offrir de grandioses funérailles dignes de son rang, malgré l’avis contraire de son entourage. D’après Arrien, au sujet de ce meurtre, le philosophe Anaxarque exprime à Alexandre le principe selon lequel les actes du roi sont forcément justes.
Pour autant la mort de Cleitos a pu écorner le loyalisme d’une partie des Macédoniens à l’égard d’Alexandre, comme en témoigne la conjuration des Pages durement réprimée et l’exécution de Callisthène qui s’ensuit en 328 av.jc.