Né à Antioche [1] sur l’Oronte [2], il fut l’un des plus importants historiens de l’Antiquité tardive avec Procope de Césarée .
Quoique d’origine grecque, il écrivait en latin et fut le dernier grand historien à utiliser cette langue. C’est aussi l’un des derniers auteurs païens d’importance.
Son œuvre principale, “Res gestae”, couvre la période de 96 à 378. Seule la partie correspondant aux années 353 à 378 a été conservée. Il s’agit de la partie la plus détaillée de l’œuvre, elle comprend dix-sept des trente et un livres des Res Gestae originelles. La partie qui a survécu traite de la période où commencèrent les grandes invasions, époque qu’il a vécue comme militaire sous Constance II et Julien.
Il s’efforce d’être objectif, bien que certaines de ses positions soient clairement exprimées. S’il juge sévèrement le règne de Constance II, il manifeste une très grande admiration pour l’empereur Julien. Les Res gestae demeurent une source essentielle pour comprendre le 4ème siècle.
À la naissance d’Ammien, Constantin 1er règne depuis de nombreuses années déjà sur l’empire réunifié. Le contrôle des frontières est, de façon globale, assuré et, dans les derniers mois de sa vie, Constantin prépare une campagne contre le nouvel empire perse des Sassanides, le grand rival de Rome au Proche-Orient ; sa mort, le 22 mai 337, l’empêchera de réaliser ce projet.
L’empire romain passe au cours du règne de Constantin par une période de profonde mutation sur le plan religieux. Le christianisme, réprimé jusqu’alors, s’affirme de plus en plus et deviendra religion d’État sous Théodose 1er. Le paganisme, terme recouvrant des croyances religieuses diverses allant du culte romain traditionnel aux différents courants du néoplatonisme [3] , est en nette perte de vitesse et n’est pratiqué que par une minorité de gens de plus en plus réduite. L’empire s’affirme de plus en plus comme un empire chrétien où l’empereur est considéré comme le vicaire de Dieu sur la terre. Le rapport du politique au religieux prend une signification nouvelle.
Des problèmes d’un genre nouveau surgissent avec la christianisation progressive de l’État et de la société. La doctrine chrétienne n’étant pas encore fixée, de nombreux schismes et hérésies éclatent, ces dernières portant surtout sur la nature du Christ, comme l’hérésie arienne [4].
Constance II, seul empereur à partir de 353, doit tout au cours de son règne non seulement lutter contre le paganisme mais tenter de maintenir l’unité d’une Église confrontée au schisme donatien et à l’hérésie arienne.
À la même époque, les pressions s’accentuent aux frontières. L’Est de l’empire est en état de guerre pratiquement permanent à partir de 337/338. Les Perses déferlent sans arrêt sur les provinces orientales de l’empire. À l’Ouest, des Gaulois faisant partie de tribus germaniques envahissent le territoire. Le pouvoir impérial lui-même est déstabilisé par différents usurpateurs comme Magnence. L’empire survit, mais avec difficulté. Marcellin vécut lui-même une bonne partie de ces événements qu’il inclura dans son œuvre, laissant ainsi à la postérité l’image d’un monde en pleine transformation qui annonce la fin de l’Antiquité.
On sait peu de choses sur la vie de Marcellin, bien que certains détails puissent se déduire à partir de son œuvre. Il est vraisemblablement issu d’une famille grecque fortunée et a manifestement reçu une excellente instruction. Il semble avoir une excellente connaissance des littératures grecque et latine.
Encore jeune, Ammien devint officier dans l’armée et servit comme protector domesticus [5]. À ce titre, il devait accompagner et protéger son supérieur, le général en chef de l’armée [6], Ursicinus , lequel aurait été son protecteur et mécène.
En 354, il accompagna Ursicinus à Antioche où régnaient le césar Constantius Gallus et sa femme Constantina. L’année suivante il participa à la mission devant mettre un terme à l’usurpation de Sivanus à Cologne. Jusqu’en 357, il suivit Ursicinus en Gaule où Julien, un cousin de Constance II, avait le titre de césar. Il en fera un héros de son Histoire, qui sera par la suite incorporée aux Res Gestae. Il partit ensuite avec Ursicinus pour l’Orient où il prit part aux combats contre le roi perse Shahpur II. C’est pendant cette série de batailles que se situe pour Ammien un évènement décisif. En 359, au cours de la deuxième série d’invasion perse contre Rome, Amida [7] fut prise, les Romains massacrés et Ammien n’échappa que de justesse. Il tracera du reste une description exhaustive du siège et de la prise d’Amida En 360, Ursicinus fut renvoyé, mais Ammien demeura dans l’armée et prit part en 363 à la campagne de Julien qui devait se terminer par une catastrophe.
En 363, après la mort de l’empereur Julien, Ammien quitta l’armée et voyagea à travers la Grèce, la Thrace [8] et l’Égypte. Il retourna à Rome en 380 qu’il dut quitter lors de l’expulsion des étrangers qui suivit la famine de 383. Il est de retour en 393 et jouit de la renommée que lui procure son œuvre connue sous le nom de Res Gestae, publiée l’année précédente. On sait, grâce à une lettre du célèbre rhéteur Libanios avec qui Ammien était peut-être en contact, que cette œuvre eut un immense succès.
Selon les propres dires de l’auteur, son œuvre prend la relève des “Histoires de Tacite” et s’étend de l’avènement de l’empereur Nerva en 96 jusqu’à la chute d’Andrinople en 378. Une partie des 31 livres qui forment l’œuvre fut publiée en 391, les autres (à partir du livre 26) suivirent plus tard, peut-être en 394.
Ammien a écrit un mélange de biographies impériales et d’histoire de l’empire. Le récit chronologique de chaque règne suit une description concise de chaque empereur, à quoi s’ajoutent de nombreuses digressions qui interrompent le récit pour donner au lecteur la toile de fonds d’un sujet donné. Elles sont rédigées de façon précise et portent un jugement sur la virtus et les vitia, c’est-à-dire sur les vertus et défauts du souverain.