La France de 1703 à 1710
En France, le 19 novembre 1703, un mystérieux prisonnier au masque de fer meurt à la Bastille où il est enfermé depuis 1698.
Il a environ 45 ans et il a vécu en captivité pendant 24 ans, à Pignerol [1] puis à Sainte Marguerite de Lérins [2].
C’est sous le nom de Marchiali qu’il est enterré quelques jours après au cimetière Saint-Paul [3].
8 ans plus tard, la princesse Palatine le sort de l’anonymat et dans sa correspondance, le présente comme un milord anglais qui aurait comploté contre la France.
La littérature et la légende vont dès lors s’emparer du personnage et le rendre célèbre sous le surnom de “Masque de fer” car nul n’a jamais pu voir son visage caché par un masque de velours noir et non de fer. Pourquoi ? Personne ne le sait.
L’identité de ce prisonnier suscite bien des hypothèses. Est-il le frère jumeau de Louis XIV, comme l’a prétendu Voltaire ? Le fils adultérin d’Anne d’Autriche et du duc de Buckingham ? Est-il, comme le croient d’autres, son bâtard ? Le duc de Beaufort ? Le comte de Vermandois ? Le surintendant Fouquet ? Avec son talent accoutumé, Alexandre Dumas va faire revivre dans “Le vicomte de Bragelonne” l’hypothèse d’un frère jumeau de Louis XIV, né 8 heures après ce dernier.
Le 20 septembre 1703 Victoire franco bavaroise contre les Impériaux à Höchstädt [4], le 8 novembre 1703 La Savoie rompt son alliance avec la France pour s’allier à l’Autriche.
Les premières opérations militaires, en Italie, dans les Flandres et en Allemagne, donnent au Prince Eugène et au duc de Marlborough un rôle de premier plan contre des armées françaises débordées.
Ils s’illustrent par leur victoire de Blenheim [5], en Bavière le 13 août 1704, et la conquête de Lille [6], en 1708.
Les Français, conduits par Catinat et François de Neufville dit le maréchal de Villeroi , subissent de lourdes défaites cependant qu’en Espagne, le roi Philippe V est chassé de son trône. La France, pays de loin le plus puissant d’Europe, est épuisée. Le Trésor est vide et les campagnes affamées. Les frontières sont menacées en tous points. En 1704, les Français sont cette fois battus à Hochstaedt et Villars, accouru en catastrophe, arrive tout juste à sauver l’Alsace de l’invasion.
Depuis 2 ans, dans cette guerre de Succession d’Espagne [7], les armées du roi de France vont d’échecs en défaites. Le duc de Vendôme, quand bien même il n’est pas l’un des favoris du roi, permet par son habileté et son courage de remporter une victoire contre le prince Eugène de Savoie par la victoire de Cassano le 16 Août 1705 [8]. L’année précédente, ce dernier avait défait les armées françaises à Höchstädt.
Mais, le 7 septembre 1706 devant Turin [9] c’est la défaite contre les Impériaux et les Savoyards.
En février 1707, Vauban est disgracié. Il mourra le 30 mars de la même année. Puis le 11 juillet 1708 c’est de nouveau la défaite française devant Audenarde [10].
En Février 1709, la France subit une nouvelle famine. Dans la même période, Louis XIV s’humilie et sollicite la paix mais sa demande est repoussée avec hauteur. Le roi en appelle alors à la nation. Lui-même donne l’exemple en vendant sa vaisselle d’or. Il forme une nouvelle armée et la confie au maréchal Claude de Villars. Celui-ci mène campagne dans le Piémont italien. Puis il livre bataille au prince Eugène et au duc Marlborough à Malplaquet, dans les Flandres, le 11 septembre 1709 [11]. L’issue de la bataille reste indécise mais les coalisés austro anglais ont subi de si lourdes pertes qu’il n’est plus question pour eux d’envahir la France.
Villars est blessé grièvement au genou au cours de la bataille, ce qui lui vaut de séjourner au château de Versailles. Il est fait pair de France.
Pendant ce temps, le duc de Vendôme se porte au-delà des Pyrénées et par la victoire de Villaviciosa, en décembre 1710 [12], restaure le roi Philippe V sur le trône d’Espagne.
La chance commence à sourire à Louis XIV. A Londres, la duchesse de Marlborough tombe en disgrâce et entraîne son mari dans celle-ci. La reine Anne retire sa confiance au duc et à ses alliés whigs [13]. Elle appelle les tories [14] au pouvoir.
Le 14 octobre 1710 Louis XIV établit l’impôt du dixième. Cet impôt du dixième est perçu sur tous les revenus à titre provisoire pour financer l’effort de guerre qu’implique la guerre de Succession d’Autriche.
Notes
[1] Pignerol est une ville italienne de la province de Turin, dans la région du Piémont. Du 12 au 16ème siècles, l’église vaudoise en fit son centre religieux. La ville fut française à différentes époques avant d’être savoyarde puis italienne. Conquise en 1630, la ville et ses environs sont attribués à la France par le traité de Cherasco le 30 mai 1631. Pignerol est soigneusement fortifiée par Jean de Beins, et constitue jusqu’à la fin du siècle une défense importante du royaume de France.
[2] Les îles de Lérins forment un archipel français, situé en région Provence Alpes Côte d’Azur, sur la Côte d’Azur, et administré par la commune cannoise. Situées au sud-est de la Croisette, en face de Cannes, elles séparent le golfe de la Napoule, à l’ouest, du golfe de Juan, à l’est. L’archipel de Lérins, baignant dans une Méditerranée limpide, se compose de deux grandes îles : Sainte Marguerite, la plus étendue, célèbre pour son fort qui aurait abrité le célèbre Homme au masque de fer, et Saint-Honorat, plus petite, bien connue pour son monastère. Chacune de ces îles principales est accompagnée d’un îlot inhabité, respectivement celui de la Tradelière et l’îlot Saint-Ferréol. L’archipel englobe également un rocher dénommé très simplement l’Îlot, situé à l’extrême sud de Saint-Honorat, qui porte à cinq le nombre d’îles de Lérins.
[3] L’église Saint-Paul-Saint-Louis, précédemment appelée église Saint-Louis-des-Jésuites, située dans le quartier du Marais à Paris (4e arrondissement), est une église catholique construite au 17ème siècle par les architectes jésuites Étienne Martellange et François Derand, sur ordre de Louis XIII. Située rue Saint-Antoine, l’église jouxte le lycée Charlemagne, ancienne maison professe des jésuites à Paris.
[4] La deuxième bataille de Höchstädt , également appelée bataille de Hochstett ou encore bataille de Blenheim, livrée le 13 août 1704, fut une bataille majeure de la guerre de Succession d’Espagne.
[5] Au début de 1704, la guerre de la Succession d’Espagne semble près de se conclure par une victoire française. La situation de l’Autriche semble désespérée : les Français et leurs alliés bavarois approchent de Vienne. Pour sauver la capitale des Habsbourg, le Prince Eugène, commandant l’armée impériale, accourt d’Italie tandis que le duc de Marlborough quitte les Flandres à la tête d’une armée anglo-hollandaise, traversant l’Allemagne à marches forcées. Le 13 août, l’armée franco-bavaroise, commandée par l’électeur Maximilien-Emmanuel, allié de Louis XIV, et par les maréchaux de Tallard et de Marcin, rencontre celle de Marlborough et du Prince Eugène entre la ville d’Höchstädt, sur le Danube, et le village de Blenheim.
[6] Lille est une ville du nord de la France, préfecture du département du Nord. Le comté de Flandre, dont Lille devient l’une des capitales avec Gand, Bruges et Saint-Omer, est constitué progressivement à partir de 866 par Baudouin 1er de Flandre. En 1066, lorsque le comte Baudouin V de Flandre établit la grande charte de dotation de la collégiale Saint-pierre, Lille est déjà une petite ville avec remparts, accolée à son château fort, le château de la Motte-Madame, et qui commence à se développer autour du faubourg marchand de la paroisse Saint-Étienne, situé au sud du castrum. À l’est, le village de Fins possède, lui aussi, une église, l’église Saint-Maurice. Il sera intégré à Lille au cours du siècle suivant. La ville se développe grâce à son emplacement privilégié de traversée de la Deûle, au blé qu’on récoltait alentour en abondance et à ses relations avec les autres villes du prospère Comté de Flandre. Une foire au drap est ainsi fondée au 12ème siècle. En 1127 et 1128, Lille connaît ses premiers sièges par les armées du Roi de France, Louis VI de France, lors des affrontements entre Guillaume Cliton, fils du duc de Normandie, et Thierry d’Alsace, comte d’Alsace, pour la succession du comté de Flandre. En juin 1213, c’est Philippe Auguste qui fait le siège de Lille et remporte la ville en trois jours. Elle est reprise par Ferrand de Portugal en septembre de la même année, puis par Philippe Auguste qui incendie la ville, avant de remporter, l’année suivante, la bataille de Bouvines. À partir de 1214, Jeanne de Constantinople, comtesse de Flandre et de Hainaut, s’emploie à reconstruire la ville et ses fortifications. Elle fonde notamment l’hôpital Saint-Sauveur et l’hospice Comtesse. Lille est réunie une première fois au domaine royal en 1304. Entre 1297 et 1304, Lille a connu trois sièges, par les armées de Philippe le Bel d’abord, lors des affrontements qui l’opposent à Guy de Dampierre, par Jean 1er de Namur ensuite, lors des évènements qui font suite aux matines de Bruges et à la bataille de Courtrai en 1302, puis de nouveau par Philippe le Bel après la bataille de Mons-en-Pévèle. En 1369, Lille est cédée par le Roi Charles V de France, avec Douai et Orchies, à Philippe II de Bourgogne lorsqu’il épouse la fille de Louis II de Flandre, Marguerite III de Flandre. S’ouvre alors une période de prospérité au cours de laquelle Lille devient une des trois capitales des possessions du duc de Bourgogne, avec Dijon et Bruxelles. Elle devient aussi un pôle administratif de premier plan et accueille la Cour des comptes de l’État bourguignon en 1385. Le premier chapitre de l’ordre de la toison d’or est constitué à Lille en 1431. En 1477, à la mort de Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne épouse Maximilien 1er du Saint Empire et apporte la ville aux Habsbourg. Lille rejoint ainsi le Saint-Empire romain germanique et partage le destin des Pays-Bas pendant plus de 150 ans.
[7] La guerre de Succession d’Espagne est un conflit qui a opposé plusieurs puissances européennes de 1701 à 1714, dont l’enjeu était la succession au trône d’Espagne à la suite de la mort sans descendance du dernier Habsbourg espagnol Charles II et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle permit à la France d’installer un monarque français à Madrid : Philippe V, mais avec un pouvoir réduit, et le renoncement, pour lui et pour sa descendance, au trône de France, même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. Ces conditions ne permettaient pas une union aussi étroite que celle qui était espérée par Louis XIV. La guerre de succession donna néanmoins naissance à la dynastie des Bourbons d’Espagne, qui règne toujours aujourd’hui.
[8] La bataille de Cassano eut lieu le 16 août 1705 pendant la guerre de Succession d’Espagne à Cassano en Lombardie (nord de l’Italie). Les deux camps subirent de fortes pertes, mais les Français en sortirent victorieux.
[9] Turin est une ville italienne, chef-lieu de la province du même nom et de la région du Piémont. Turin fut la capitale des États de Savoie de 1563 à 1720, du royaume de Piémont Sardaigne de 1720 à 1861 et du royaume d’Italie de 1861 à 1865.
[10] La bataille d’Audenarde est une bataille de la guerre de Succession d’Espagne qui eut lieu aux abords de la ville flamande du même nom, en Belgique, le 11 juillet 1708. L’armée française du duc de Vendôme y fut battue par les Impériaux du Prince Eugène et les Anglais du duc de Marlborough.
[11] La bataille de Malplaquet eut lieu le 11 septembre 1709 au cours de la guerre de Succession d’Espagne au sud de Mons dans les Pays-Bas espagnols (sur le territoire de l’actuelle commune de Taisnières-sur-Hon en France). Les forces commandées par le général John Churchill, duc de Marlborough et le prince Eugène de Savoie, essentiellement autrichiennes et néerlandaises, affrontèrent les Français commandés par le maréchal de Villars. L’armée de Marlborough conquiert le terrain, mais au prix de pertes quatre fois plus importantes que celle de l’armée française, qui fit retraite en bon ordre, et avec toute son artillerie, préservant ainsi le Royaume de France d’une invasion.
[12] La bataille de Villaviciosa eut lieu le 10 décembre 1710, deux jours après la bataille de Brihuega, pendant la guerre de Succession d’Espagne.
[13] Le parti Whig est un parti politique apparu au 17ème siècle en Angleterre qui, à compter de la fin du 17ème siècle, militait en faveur d’un parlement fort en s’opposant à l’absolutisme royal. Il s’opposait au parti Tory de l’époque.
[14] Le terme Tories désigne les partisans d’une philosophie politique traditionaliste anglo-saxonne. Au Royaume-Uni, les Tories constituaient l’un des deux groupes parlementaires britanniques à partir du 17ème siècle, ancêtres du Parti conservateur. Réputés proches de la dynastie Stuart, ils étaient favorables à un pouvoir royal fort et défendaient les intérêts de l’aristocratie foncière. Inspirant la méfiance de la Maison de Hanovre, qui les suspectait de collusion avec la dynastie précédente, les rois du 18ème siècle leur préféraient les Whigs.