Petit gentilhomme de Bourgogne, né à Saint-Léger de Foucherets, petit village du Morvan. Il s’engage à 17 ans dans les troupes du prince de Condé, lors de la Fronde.
C’est Mazarin qui convainc le cadet de se mettre au service du roi. Formé par l’ingénieur militaire de Clerville il participe à diverses opérations comme officier d’infanterie du régiment de Picardie. Ingénieur ordinaire du roi en 1655, il est chargé, en 1662, de fortifier la ville de Dunkerque.
Commissaire général des fortifications en 1678, il est 10 ans plus tard lieutenant général des armées du roi, le plus haut grade de l’armée de Louis XIV. Durant ces 10 ans il a aménagé près de 300 places fortes, en a construit une trentaine, et au cours de 53 sièges et de près de 140 combats, il a été blessé à 8 reprises.
En étudiant les travaux de Blaise de Pagan, Vauban perfectionne les méthodes d’attaque et de défense des places. Il veut à tout prix éviter les pertes en hommes en réduisant la durée des sièges. Il conçoit un système de tranchées souterraines tracées en lignes brisées et reliées entre elles par des parallèles ceignant les fortifications de la ville.
Il fut un des rares catholiques à ne pas craindre de s’opposer au roi lors de la révocation de l’édit de Nantes en 1685 dont il souligne les conséquences catastrophiques pour l’économie. Il se préoccupe d’analyser les remèdes à la misère du peuple et les conditions économiques du maintien de la puissance française.
En 1705 il est maréchal de France et chevalier du Saint Esprit. En 1706, sans avoir obtenu l’autorisation du roi, il publie un Projet d’une dîme royale qui propose la création d’un impôt proportionnel sur les revenus et l’abandon des privilèges. Cette liberté de ton provoque sa disgrâce en 1707. Vauban en meurt de désespoir.
Il préfigure, par nombre de ses écrits, les philosophes du siècle des Lumières. Il a toujours cherché à résoudre et à améliorer des situations concrètes au service des hommes : d’abord, des soldats dont il a voulu à tout prix protéger la vie dans la boue des tranchées ou dans la fureur sanglante des batailles. Mais il n’a cessé aussi de s’intéresser aux plus humbles sujets du roi, « accablés de taille, de gabelle, et encore plus de la famine qui a achevé de les épuiser ».
Il est aussi dans le grand mouvement de penseurs précurseurs des physiocrates par son intérêt pour l’agronomie et l’économie. Il prône les valeurs qui seront défendues au 18ème siècle par Quesnay, et il encourage les nobles à quitter la cour pour le service des armes mais aussi la mise en valeur de leurs domaines dans un mémoire intitulé Idée d’une excellente noblesse et des moyens de la distinguer par les Générations.
Il fut un précurseur de Montesquieu par sa conception d’un État chargé avant tout d’assumer la protection de tous et leur bien-être et veut lutter contre la misère, la corruption, l’incompétence, le mépris du service public.
Il pris, à partir de la fin des années 1680, une distance de plus en plus critique par rapport au roi, en fustigeant une politique qui lui semble s’éloigner de ses convictions de grandeur et de défense de sa patrie, le tout au nom du bien public. Bien qu’il soit militaire, Vauban n’hésite pas à donner son avis dans les affaires de l’État, ainsi, en 1683, il propose un traité de paix avec l’Allemagne en précisant les conditions soit « la cession pure et simple de la part de l’empereur des pays nouvellement réunis aux trois évêchés, de toute l’Alsace et notamment de la ville de Strasbourg ». En échange, Louis XIV donnerait les villes de Brisach et de Fribourg. Cette proposition était loin d’être innocente puisque d’après l’intéressé, ces deux places étaient plus une charge qu’autre chose pour le royaume de France. Cette proposition lui vaudra une remontrance de Louvois par un courrier du 24 août 1683.
Ce divorce avec la politique du roi est particulièrement apparent dans son Mémoire sur les huguenots, dans lequel il tire les conséquences, très négatives, de la révocation de l’Édit de Nantes en 1685, en soulignant que l’intérêt général est préférable à l’unité du royaume quand les deux ne sont pas compatibles. D’autant que travaillant sur le canal du Midi en 1685-1686, il a vu les effets des dragonnades sur la population. Dans ce mémoire, Vauban estime le nombre des protestants sortis du royaume à « 80 000 ou 100 000 personnes de toutes conditions, occasionnant la ruine du commerce et des manufactures, et renforçant d’autant les puissances ennemies de la France ». À la fin de sa vie, on sent Vauban littéralement écartelé entre sa fidélité au roi et son amour de la patrie au nom du bien général qui ne peut plus être confondu avec celui du roi. Cet écartèlement, il l’exprime dès le 26 avril 1697 dans une lettre au marquis de Cavoye.
En octobre 1706, Vauban se trouve à Dunkerque, une ville forte qu’il considérait comme sa plus belle réussite, qu’il avait transformé en une cité imprenable. Pourquoi est-il à Dunkerque ? Parce que le roi lui a confié le commandement de la frontière maritime des Flandres alors sérieusement menacée. Il a aussi obtenu l’autorisation de construire un camp retranché à Dunkerque, puis un deuxième entre Dunkerque et Bergues. Mais les fonds nécessaires n’arrivent pas et il s’en plaint au maréchal de Villeroy, qui lui répond le 17 juillet “vous être le seul à pouvoir obtenir de la cour l’argent et les moyens nécessaires pour terminer les travaux des camps retranchés qui sont bien utiles.” Vauban écrit à Chamillard, le ministre de la guerre et des finances, le 10 août : “si M. Le Pelletier s’obstine davantage sur ce que je lui demande, je serai obligé d’en écrire au roi et de le prier de me retirer d’ici.” C’est ce qu’il fait le 25 octobre 1706. C’est là, à Dunkerque, que Vauban demande à être relevé de son commandement. Il avait 73 ans.
Dans les derniers jours de l’année 1706, il rentre à Paris dans son hôtel de la rue Saint-Vincent dans la paroisse Saint-Roch loué aux neveux de Bossuet, où il s’était installé à partir de 1702. Il y retrouve, semble-t-il, Charlotte de Mesgrigny, sa fille. Plus que jamais sa bronchite chronique ne fait qu’empirer, son vieux corps est miné, mais son esprit a gardé toute sa vivacité. C’est alors qu’il décide d’imprimer son livre, cette Dîme royale, celui, de tous ses écrits, qu’il estime le plus.
En effet, la contribution majeure de Vauban à la réforme des impôts est la publication en 1707 malgré son interdiction de cet ouvrage dans lequel il met en garde contre de forts impôts qui détournent des activités productives. Vauban propose dans cet essai de remplacer les impôts existants par un impôt unique de dix pour cent sur tous les revenus, sans exemption pour les ordres privilégiés, le roi inclus. Plus exactement, Vauban propose une segmentation en classes fiscales en fonction des revenus, soumises à un impôt progressif de 5 % à 10 %.
Bien qu’interdit, cet ouvrage bénéficie de nombreuses éditions à travers toute l’Europe, une traduction anglaise paraît dès 1710, et ce texte alimente les discussions fiscales pendant une grande partie du 18ème siècle.
Il fut inhumé dans l’église de Bazoches, petit village du Morvan proche du lieu de sa naissance et dont il avait acheté le château en 1675. Mais son cœur est aux Invalides depuis la décision de Napoléon en 1808. Vauban était un humaniste, passionné pour la justice sociale, il est réputé, par exemple, pour avoir partagé ses primes et ses soldes avec les officiers moins fortunés, et il prenait même parfois sur lui les punitions des soldats sous son commandement lorsqu’il les trouvait injustes. C’était en même temps un homme de caractère, exigeant dans son travail et très soucieux du respect de ses instructions.
Il eut aussi une vie de simplicité et des rapports très humains avec son entourage, qu’ils soient des gens de sa région natale, où il aimait à revenir lorsqu’il le pouvait, ou des proches. Il faut rappeler qu’il été éduqué très jeune par son père, Urbain le Prestre, au respect des autres, quelles que soient leurs origines.
De par ses écrits progressistes, Vauban est considéré comme un précurseur des encyclopédistes, des physiocrates et de Montesquieu.