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Louis XVI et la guerre d’Indépendance américaine

lundi 22 juillet 2013, par lucien jallamion

Louis XVI et la guerre d’Indépendance américaine

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Benjamin Franklin à la cour française à Versailles en 1784

Sans autre ambition que défendre ses colonies, la France se lance dans la guerre d’Indépendance américaine. Elle parvient ainsi à contenir l’expansionnisme britannique.

Bien qu’attachés tous deux à la monarchie absolue, Louis XVI et Vergennes, son ministre des Affaires étrangères, soutiennent des sujets révoltés contre leur souverain légitime. Le roi n’éprouve d’ailleurs aucune sympathie pour les colons américains qui, 20 ans plus tôt, ont mené une guerre terrible contre les Acadiens et les postes français de la vallée de l’Ohio. Il n’a, non plus, aucun désir de reconquête du Canada. Ce jeune roi déteste la guerre. Rien de commun avec l’insatiable appétit d’agrandissements territoriaux de son ancêtre Louis XIV ou de son beau-frère Joseph II. D’ailleurs, les Canadiens, satisfaits de la liberté religieuse accordée par George III, ne manqueraient pas, dans ce cas, de rester loyaux à leur nouveau maître, et la seule perspective d’un retour des Français au Canada suffirait à réconcilier et à coaliser contre eux Anglais et insurgés.

Par contre, Louis XVI prête l’oreille à Maurepas et à Vergennes, qui tiennent le commerce maritime pour la vraie source de la richesse et redoutent que les Anglais n’abusent de leur maîtrise des mers pour l’interdire aux autres. A chaque menace de guerre, la Royal Navy s’arroge le droit d’arraisonner les navires neutres en route vers un ennemi potentiel, et de saisir toutes les cargaisons d’armes ou de bois de marine. Si Louis XVI crée une marine aussi forte, ce n’est pas pour accroître ou reconstituer un empire colonial, mais pour dissuader l’Angleterre d’imposer sa loi sur les mers. Sans aller jusqu’à prendre de mesures excessives susceptibles de l’alarmer, il ne veut pas voir se rééditer les événements de 1755. Cette année-là, en pleine paix, les Anglais avaient arraisonné par surprise deux transports français de troupes en route vers le Canada et sept cents navires marchands, capturant ainsi 10 000 matelots, ce qui priva la Royale de toute source de recrutement.

Depuis 1763, bien que normalisées, les relations entre Versailles et Londres restent empreintes de défiance. L’Angleterre se tient à l’écart des conflits sur le continent européen, mais ne fait pas mystère de ses ambitions outre-mer. Si elle triomphe de ses colonies insurgées ou si elle se réconcilie avec elles, ne se retournera-t-elle pas vers Cuba et les Antilles françaises pour étendre encore sa domination sur le négoce international ? En cette fin du 18ème siècle, où l’industrie reste encore à inventer, les gens d’influence, la classe montante, ce sont les négociants. Ils ont fait leur deuil des fourrures du Canada, mais leur grande affaire est le café et l’indigo de la Martinique et, plus encore, le sucre de canne de Saint-Domingue, si utile pour agrémenter et conserver les aliments. Appert n’a pas encore inventé les conserves, ni Delessert le sucre de betterave. Saint-Domingue, du moins la partie française de l’île, l’actuelle Haïti, cultive la canne à sucre grâce au travail forcé de 300 000 esclaves noirs. Le privilège de l’exclusif assure aux négociants de Nantes, de La Rochelle et de Bordeaux, le quasi-monopole mondial du sucre qu’ils exportent dans toute l’Europe. Pas question dans ces conditions de tuer la poule aux oeufs d’or en abolissant l’esclavage ni de laisser les Anglais s’emparer de Saint-Domingue et de la Martinique. Mieux vaut freiner l’expansionnisme anglais avant qu’il ne s’emballe. Comme l’écrit Louis XVI : « Si nous sommes obligés de faire la guerre à l’Angleterre, ce doit être pour défendre nos colonies et réduire l’hégémonie britannique, non pour reconquérir des territoires. En soutenant la rébellion et en la séparant de ses colonies, nous avons une chance d’affaiblir son commerce. »

Le meilleur espion de Vergennes en Angleterre n’est autre que Beaumarchais, l’auteur du Barbier de Séville. En 1775, celui-ci juge que le conflit entre Londres et ses colonies offre une occasion unique d’affaiblir l’Angleterre et de la mettre hors d’état de nuire. Il adresse au ministre et même au roi mémoire sur mémoire pour recommander une guerre préventive. Mais est-il prudent d’aider des sujets révoltés contre leur maître, des sujets qui professent des opinions républicaines ? D’autant que la France possède, elle aussi, des colonies.

Entre l’abstention totale et l’engagement à leurs côtés, un pas que Louis XVI ne se décide pas à sauter, il y a des solutions intermédiaires.

Beaumarchais propose de commencer par des secours clandestins. On ira plus loin lorsqu’on verra plus clair sur les chances de succès. Vergennes se laisse convaincre. Par petits pas, il enveloppe le jeune roi de tant d’insinuations et de suggestions qu’il finit par l’amener à un choix pourtant contraire à ses principes. Plutôt que de livrer ouvertement des armes aux insurgés, ce qui, à coup sûr, déclencherait les hostilités, on financera en sous-main un trafic d’armes et de matériel et on laissera partir quelques volontaires. Le gouvernement n’y paraîtra en rien, tout se fera au nom d’une entreprise privée financée sur fonds secrets. Et, comble de dissimulation, au lieu d’une société commerciale ayant pignon sur rue à Nantes ou à Bordeaux, on emploiera un obscur intermédiaire, facile à démentir en cas de fuite, la société Rodrigue Hortales, créée pour les besoins de la cause par Beaumarchais lui-même.

Turgot tente de dissuader Louis XVI d’intervenir dans le conflit. A ses yeux, tôt ou tard, toutes les colonies d’Amérique, anglaises, espagnoles, portugaises ou françaises, peu importe, finiront par devenir indépendantes et commerceront librement avec un partenaire solvable, quel qu’il soit. Il suffit de laisser le fruit mûrir. Un peu de patience, voilà tout. Son raisonnement comporte cependant une faille : sans l’aide de la France et de sa marine reconstituée, les insurgés courent à la défaite ou à la réconciliation avec la mère patrie. S’ils font la paix avec Londres, ils risquent de recevoir en prime nos îles à sucre. En tout cas, une fois soumis, ils prêteraient, de gré ou de force, main-forte aux appétits expansionnistes de l’Angleterre. A coup sûr, si la France laisse faire, elle perdra très rapidement ses îles à sucre, à café et à indigo. Une perte pire que les arpents de neige du Canada.

Persuadé que l’alliance américaine offre une protection pour les Antilles françaises, Louis XVI fait remettre à Beaumarchais deux millions de livres avec lesquels la société Rodrigue Hortales arme sept navires marchands qui expédient en Amérique, en l’espace de quelques mois, 164 canons et 37 000 fusils. Ainsi qu’une quantité considérable de munitions, de toiles de tente, de couvertures, de chaussettes et de chaussures.

Le 11 avril 1777, La Fayette arrive en Amérique. Lié à Benjamin Franklin, le jeune lieutenant, qui a 20 ans se joint aux troupes de Virginie des “insurgents”, avec lesquels la France négocie secrètement depuis 2 ans, moins par amour de la liberté que pour prendre une revanche sur l’Angleterre.

Le 28 mai 1777 Vergennes, ministre des Affaires étrangères de Louis XVI, modifie le traité entre la France et les cantons de 1715 conclu entre les cantons helvétiques catholiques et la France. Il fait ajouter : “ Tous les cantons catholiques ou protestants sont alliés à la France. ”

Et, en février 1778, à la nouvelle de la victoire des insurgés à Saratoga, Louis XVI se décide à reconnaître leur indépendance et autorise la signature d’un traité de commerce et d’amitié avec les 3 représentants du Congrès à Paris, Franklin, Deane et Lee. Les colonistes reconnaissent les droits de la France sur ses Antilles. Par ailleurs, la France et les insurgés s’engagent à ne pas conclure de paix séparée avec l’Angleterre. En Europe, Louis XVI réussit à profiter de l’alliance espagnole sans se laisser entraîner, comme le souhaitent ces derniers, dans une guerre terrestre contre le Portugal. Et, pour conserver à son alliance avec l’Autriche de Joseph II, son beau-frère, un caractère purement défensif, il s’emploie, avec une surprenante force de caractère, à modérer ses ambitions. Car Joseph II voudrait s’emparer de la Bavière. Il évite ainsi, à la différence de tant de chefs d’Etat français, d’engluer le pays dans un conflit continental. Dès lors, à partir du moment où la France entre ouvertement en guerre, les opérations se jouent surtout sur mer.

Cela débute par une escarmouche au large d’Ouessant, où les Anglais prennent la fuite, ce que Versailles célèbre comme un triomphe. Et, après avoir longuement croisé toute l’année 1778 devant les côtes américaines, l’escadre de l’amiral d’Estaing se contente d’appareiller pour les Antilles, où elle s’empare de trois possessions anglaises : Tobago, Saint-Vincent et la Grenade. En 1779, lorsqu’après d’interminables négociations, Vergennes réussit à s’assurer le concours des Espagnols, on tente un débarquement combiné à l’île de Wight, puis en Cornouailles ; l’opération semble un moment près de réussir, mais les lenteurs de la préparation et les ravages du scorbut amènent finalement l’amiral d’Orvilliers à renoncer. En 1780, un petit corps expéditionnaire commandé par Rochambeau débarque à Newport, Rhode Island. Mais pendant onze mois, ses 6 000 soldats, dont un tiers de mercenaires étrangers, se contentent de faire l’exercice en uniforme blanc, aux revers et boutons de couleurs vives. Désespéré par cette inaction, Franklin prévient Vergennes que si les insurgés sont contraints de conclure une paix séparée, l’Angleterre disposera avec l’appoint de ses colonies d’une force suffisante pour s’emparer des îles à sucre.

Au printemps 1781, le char du temps prend soudain une accélération vertigineuse. Les arguments de Franklin décident Louis XVI à envoyer une nouvelle escadre, commandée par Grasse. L’amiral a des instructions très strictes de se borner à la défense des Antilles, mais il reçoit de Rochambeau et de Washington un appel pressant et, par solidarité avec ses frères d’armes, il désobéit à son ministre. A Saint-Domingue, il embarque les 3 000 hommes de la garnison, commandés par Saint-Simon, ainsi qu’une artillerie de premier ordre, des canons modèle Gribeauval. Il lui faut encore affréter des navires marchands pour charger matériels et approvisionnements ; cela nécessitant de l’argent, il hypothèque ses propriétés personnelles de Saint-Domingue et emprunte un million de livres à des banquiers espagnols de La Havane. Washington, Rochambeau et de Grasse peuvent alors monter une opération combinée. Tandis que Washington laisse 3 000 hommes devant New York pour retenir l’une des deux armées anglaises, Rochambeau emmène ses 5 000 hommes à marche forcée 800 km plus au sud, faire leur jonction avec les 2 400 Américains, aux ordres, eux, de La Fayette, qui assiègent la seconde armée anglaise enfermée dans Yorktown. Trois mille miliciens de Washington les rejoignent, augmentés des 3 000 hommes débarqués par Grasse malgré le voisinage d’une escadre britannique. L’armée anglaise se trouve alors encerclée par terre et par mer par des forces supérieures en nombre : 8 000 Français et 5 400 Américains. En octobre 1781, après 3 semaines de siège, le général anglais Cornwallis capitule. Ses hommes déposent les armes. 4 ans, jour pour jour après Saratoga, cette victoire, largement due à la France, marque un tournant décisif dans la guerre.

La paix signée en 1783 consacre l’indépendance des 13 colonies et leur abandonne en prime tout le territoire entre les Appalaches, le Mississippi et le Canada. L’Espagne recouvre Minorque, mais rétrocède à la France la Louisiane, qui redevient française jusqu’en 1803. La France récupère en outre Gorée, Saint-Louis du Sénégal et la possession pleine et entière de Dunkerque.

P.-S.

Source : Monique Hermite Historia mensuel - 01/01/2006 - N° 709, Hérodote, Dictionnaire le Petit mourre, encyclopédie Imago Mundi, Wikipédia, Louis XV de François Bluche, les hommes de la liberté tome 1 à 5 de Claude Manceron édition Laffont....