Au commencement, les hommes vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche et de la cueillette... Peu nombreux, ils se déplaçaient en petits groupes et jouissaient sans trop de mal des fruits de la Terre.
Tout change vers 12 500 ans av. jc. Avec la fin des grandes glaciations, le Moyen-Orient se couvre de graminées [1]. Les hommes de cette région n’ont plus besoin de se déplacer pour quérir leur nourriture. Ils se regroupent dans des villages pour des raisons sociales, culturelles, rituelles... et aussi parce qu’ils y trouvent plus de confort. C’est le cas en particulier des femmes enceintes ou en charge de nourrissons, des handicapés et des personnes âgées.
Mais avec le confort, les villages voient leur population s’accroître. Les habitants doivent chercher la nourriture de plus en plus loin. Pour s’épargner cette peine, les plus astucieux ensemencent eux-mêmes les abords de leur village.
Avec la naissance de l’agriculture, notre ancêtre va doucement bouleverser son rapport avec la nature, ne se contentant plus de collecter les richesses du monde environnant, par la chasse, la pêche et la cueillette, mais choisissant de le domestiquer. Il se met ainsi à sélectionner plantes et animaux autrefois sauvages pour mieux maîtriser son approvisionnement. Après le chien, animal de compagnie et compagnon de chasse, le premier animal domestique est la chèvre.
Le paysan met son adresse au service de l’élaboration d’outils lui permettant de travailler la terre et ses productions : bâtons à fouir ou à battre les épis mais aussi haches, dont la lame polie est moins cassante, et faucilles en silex dentelé fixées avec du bitume sur des manches en bois démontables. Il broie les grains dans des mortiers ou dans des meules qui lui font découvrir les vertus du polissage de la pierre. Il développe la vannerie, la céramique et la poterie en vue de trier et stocker les céréales.
Vers 4000 av. jc naît l’araire [2], qui permet de creuser des sillons dans la terre pour y jeter les semences. On ne tarde pas à la compléter par un semoir : les semences sont versées non plus à la volée mais à travers un tube en roseau fixé au manche de l’araire. Cet outil-verseur va augmenter de moitié les rendements céréaliers par rapport au semis à la volée.
En Égypte, sur les sols rendus meubles par les inondations du Nil les paysans utilisent bientôt une araire améliorée, avec un versoir qui rejette la terre sur le côté. C’est une ébauche de la charrue.
La charrue [3], apparue plus tardivement, se diffuse autour de la Méditerranée et surtout dans la plaine du nord de l’Europe, où elle permet la mise en culture des sols lourds et argileux.
C’est en Anatolie [4] que le cuivre est d’abord utilisé pour la fabrication de petits objets ou bijoux. Mais rapidement, au 5ème millénaire en Mésopotamie [5], le travail du métal permet à l’humanité de faire un bond en avant : en perfectionnant les fours, les artisans parviennent à élaborer des instruments plus grands et solides. L’innovation conforte en particulier la menuiserie qui voit ses outils gagner en précision.
La découverte de la technique de l’alliage, il y a 5 000 ans, permet aux habitants de Mésopotamie de produire des outils en bronze, mélange de cuivre et d’étain, plus résistants et faciles à travailler. Avec l’arrivée du fer, mis au point par les Hittites [6] vers 1500 av. jc, les moyens de traction et de défrichement gagnent encore en solidité. Relativement répandu, le fer devient un composant essentiel du monde agricole auquel il fournit des outils robustes et finalement assez bon marché : houe, bêche, pioche... Le Croissant fertile, de la Mésopotamie à l’Égypte, en profitent largement.
Quand, vers 3400 av. jc, un scribe [7] mésopotamien a reproduit sur sa tablette un simple rond, il ne savait pas que cette première représentation de la roue, sous forme de pictographe, allait marquer une étape majeure dans le progrès technique. Cette création, issue probablement de l’utilisation de rondins de bois, va susciter l’apparition du tour du potier, de la charrette et du char de combat.
D’abord composée d’un seul bloc puis de trois éléments, la roue est progressivement allégée jusqu’à se constituer de rayons, avec un essieu indépendant, au 18ème siècle av. jc. en Mésopotamie. Les Gaulois auront l’idée de renforcer la roue avec un cerclage en fer pour en éviter l’usure.
Au 1er millénaire av. jc, la montée en puissance des cités grecques puis de Rome ne débouche sur aucune avancée dans la vie des paysans. Les ingénieurs, tel Archimède, emploient leur talent dans les applications militaires ou les infrastructures urbaines. Pour les durs travaux de la terre, Grecs et Romains se satisfont de la main-d’œuvre servile procurée par les campagnes militaires.
En matière de progrès agricoles, c’est du nord que vient l’innovation : les Celtes, conçoivent le tonneau en bois, plus pratique que les amphores en terre cuite, pour la conservation et le transport du vin. Ce peuple, très en avance en matière de charronnerie, met sa maîtrise des métaux au service du travail de la terre en inventant le soc de l’araire gauloise qui permet d’approfondir le sillon tracé et cultiver des sols plus difficiles.
Au 1er siècle de notre ère, le vallus, [8], voit même le jour. Elle est décrite par Pline : Dans les grands domaines des Gaules, de puissantes moissonneuses, pourvues de dents, sont poussées sur deux roues à travers la moisson par une bête de trait attelée en sens contraire : elles arrachent les épis qui tombent dans la moissonneuse » [9]
Née en Mésopotamie, dans le pays des grands fleuves aux crues violentes et imprévisibles, le Tigre [10] et l’Euphrate [11], l’agriculture a su très vite apprivoiser l’eau dont elle ne peut se passer.
Dès 5000 av. jc, les habitants de la région créent canaux, vannes et rigoles pour irriguer leurs terres semi-arides. Dans les régions isolées, ils s’aident d’engins élévatoires appelés chadoufs composés d’un levier, d’un contre-poids et d’un seau pour extraire de leurs puits le précieux liquide.
En Perse, 1000 ans av. jc, des équipes de puisatiers creusent des qanats [12] à la recherche des nappes phréatiques. Les ingénieurs arabes, quant à eux, exploitent les techniques de l’Antiquité, de la Grèce à l’Égypte, pour mettre au point d’impressionnantes norias.
De la même façon, les Chinois tirent profit de la souplesse du bambou pour construire des roues à eau et alimenter leurs immenses rizières. Dans certaines régions, des systèmes d’engrenages [13] améliorent encore les pompes en diminuant la force de traction nécessaire à leur fonctionnement.
En Amérique au contraire, ce sont les techniques de terrassement et de drainage qui sont à la pointe du progrès : les Aztèques [14] assèchent ainsi des zones entières de marais qu’ils protégeaient ensuite par des digues.