- Copie de la Liste royale sumérienne (« prisme Weld-Blundell ») provenant de Larsa, 19ème siècle av. jc Ashmolean Museum.
Située au sud de l’Irak actuel, Sumer est une région de l’antique Mésopotamie [1], une expression qui veut dire : le pays d’entre les fleuves, d’après les mots grecs méso, (milieu), et potamos (fleuve).
Cette région du Moyen-Orient, très ensoleillée et manquant de pluies, doit son nom au fait qu’elle est traversée par deux grands fleuves, le Tigre [2] et l’Euphrate [3]. Ces fleuves ont attiré très tôt de nombreuses communautés humaines et favorisé le développement de l’agriculture. On peut distinguer trois phases principales dans l’histoire de Sumer. La première, qui va de 3360 à 2400 avant jc, a été appelée la période archaïque. Il s’agit pour l’essentiel de guerres entre cités-Etats qui s’affirment, qui disparaissent.
Des fortifications, l’emploi de la roue à des fins militaires et la mise au point de chariots mal dégrossis à quatre roues, sont les seuls témoignages qui nous restent de ces affrontements.
Vers le milieu de cette phase de 900 ans, des dynasties locales commencent à s’implanter avec un certain succès. Ourouk, première cité-État
Vers 3 300 av. jc, se produit la révolution urbaine avec l’apparition, dans la région de Sumer, de nombreuses cités avec une organisation sociale hiérarchisée, dominée par un roi-prêtre. Ces communautés pratiquent le culte de la déesse de la fécondité.
L’une des plus prestigieuses de ces cités-États est Ourouk [4]. Peuplée à son apogée de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, elle a engendré la légende épique du roi-héros Gilgamesh . Cette légende évoque un déluge semblable à celui dont parle la Bible.
Our, la cité d’Abraham
Sur les bords de l’Euphrate se développe au cours du millénaire suivant, la cité d’Our [5]. De cette cité serait originaire Abraham , à l’origine du peuple hébreu.
La nécropole d’Our témoigne de la grandeur de la civilisation sumérienne. Avec environ 2 000 tombes dont beaucoup richement meublées et décorées, elle est contemporaine des pyramides d’Égypte.
Nous avons conservé de l’époque sumérienne de nombreux cylindres-sceaux, des milliers de tablettes d’argile recouvertes de caractères cunéiformes et bien sûr d’innombrables oeuvres d’art : représentations de dieux et de rois. Elles témoignent des avancées exceptionnelles de cette première civilisation en matière intellectuelle et technologique.
Ainsi la production textile prend-elle son essor jusqu’à atteindre des dimensions industrielles. À la fin du 3ème millénaire av. jc, les tablettes d’argile mésopotamiennes font état de manufactures employant jusqu’à 6 000 femmes et, à la même époque, la Mésopotamie possède un cheptel de plusieurs dizaines de millions de moutons.
En agriculture, vers 3 000 av. jc, les paysans inventent l’irrigation et aussi l’araire [6] à semoir : les semences sont versées non plus à la volée mais à travers un tube en roseau fixé au manche de l’araire. Cet outil-verseur augmente de moitié les rendements céréaliers par rapport au semis à la volée.
À la même époque apparaissent les premières roues dévoluent au transport. Il s’agit de roues pleines formées de planches assemblées par des pièces métalliques.
A l’origine, la société sumérienne semble avoir connu un régime représentatif et même démocratique, mais son développement, avec le changement d’échelle qu’il impliquait, entraîna l’apparition de rois, distincts des premiers prêtres dirigeants.
Il s’est probablement agi au début de chefs de guerre auxquels les cités avaient confié le commandement de leurs troupes et qui ne rendirent pas le pouvoir une fois passée l’urgence qui avait justifié leur nomination. Ils créèrent des dynasties qui se combattirent entre elles.
Vers 2300 av. jc, la région de Sumer est soumise par un conquérant venu du pays d’Akkad, au nord de la Mésopotamie. Il s’agit de Sargon d’Akkad roi de la cité sémite d’Akkad [7], qui conquit la Mésopotamie en 2334 av. jc et instaura la suprématie des Akkadiens.
Les nouveaux maîtres, semblent être des Sémites venus de la péninsule arabe. Leur langue est parente de l’arabe comme de l’hébreu. Ils tirent leur supériorité militaire de la maîtrise de l’arc.
Il fut le premier d’une longue lignée de bâtisseurs d’empire. On pense qu’il a envoyé ses troupes en Egypte et en Ethiopie.
La façon dont Sargon exerçait son pouvoir ne reposait pas sur la supériorité relative d’une cité-Etat sur une autre. Le régime qu’il mit en place favorisait jusqu’à un certain degré l’intégration.
Son peuple figura parmi ceux qui, pendant des milliers d’années, firent pression depuis l’extérieur sur les civilisations des vallées fluviales. Ayant réussi à s’imposer, il emprunta à ces civilisations ce qui lui convenait. D’où un nouveau style dans l’art sumérien, caractérisé par le thème de la victoire royale.
L’Empire akkadien marqua la deuxième grande phase de son histoire. A l’époque de Sargon, un véritable Etat prend forme. La distinction entre autorité séculaire et autorité religieuse, qui avait fait son apparition dans les premiers temps de Sumer, est fondamentale. Même si le surnaturel imprègne encore la vie quotidienne à tous les niveaux, l’autorité des laïcs ne se confond plus avec celle des prêtres. La construction dans les villes sumériennes de palais situés à côté des temples en apporte la preuve matérielle.
Même si la façon dont les notables des premières cités se sont transformées en rois demeure obscure, l’évolution du métier de soldat a probablement joué un rôle. Une infanterie disciplinée, évoluant en phalange, avec des boucliers qui se superposent et des épieux dressés, figure à Ur sur des monuments.
A mesure que s’accroissait la population, le principal devoir du gouvernant a dû être de mobiliser suffisamment de bras pour entreprendre les grands travaux d’irrigation et de protection contre les inondations. Y parvenir pouvait être aussi un moyen de se procurer des soldats. L’équipement, devenant de plus en plus complexe et de plus en plus coûteux. la professionnalisation n’a pas dû tarder à s’instaurer. L’une des raisons du succès des Akkadiens tient à une nouvelle arme, l’arc composite, fait de lames de bois et de corne. L’hégémonie des Akkadiens dura relativement peu.
C’est apparemment un peuple des collines orientales, appelé les Gutiens [8], qui y mit un terme 200 ans plus tard, sous l’arrière-petit-fils de Sargon. Ce fut le début de la dernière phase de Sumer, que les spécialistes appellent néo-sumérienne. Pendant 2 siècles environ, jusque vers 2000 av. jc, le pouvoir revint dans les mains d’authentiques Sumériens.
Le déclin rapide de la dynastie akkadienne entraîne une renaissance des cités sumériennes, à commencer par Our. L’une des principales rivales d’Our est Lagash [9], dont le prince le plus célèbre est Goudéa ou Gudea .
Nous en avons gardé de nombreuses et belles représentations en calcite.
Grâce aux réseaux d’irrigation, la paysannerie obtient des surplus importants qui permettent de nourrir de nombreux citadins. De la sorte, les plus grandes des cités sumériennes atteignent jusqu’à 40 000 habitants, à une époque où la population totale de la planète n’excède pas quelques dizaines de millions d’hommes. C’est Ur, cette fois, qui en fut le centre, et le premier roi de la troisième dynastie d’Ur à entrer en fonction choisit de s’appeler roi de Sumer et d’Akkad.
L’art sumérien qui caractérise cette phase montre une nouvelle tendance à exalter le pouvoir du Prince. La représentation de gens du peuple, qui était une tradition de la période archaïque, fut pratiquement abandonnée. On réaménagea les temples, qui devinrent plus vastes et plus beaux. Et les rois semblent avoir cherché à faire des ziggourats [10] le symbole de leur grandeur. Des documents administratifs montrent le rôle important que joua également l’héritage akkadien ; la culture néo-sumérienne présente bien des traits sémites et l’aspiration à une royauté élargie reflète peut-être cet héritage. Les provinces qui payaient tribut au dernier grand roi d’Ur s’étendaient depuis Suse [11], aux frontières de l’Elam [12], sur le cours inférieur du Tigre, jusqu’à Byblos [13], sur la côte du Liban.
Ainsi s’acheva l’histoire du premier peuple à avoir réussi à bâtir une civilisation. Les Sumériens, bien évidemment, ne disparurent pas, mais ils se fondirent, et leurs particularités avec eux, dans l’histoire plus générale de la Mésopotamie et du Moyen-Orient.
Aux frontières, les ennemis ne manquaient pas. Vers 2000 av. jc, les Elamites arrivèrent et Ur tomba entre leurs mains.
Sumer avait bâti en près de 15 siècles les fondements d’une civilisation en Mésopotamie, en s’inscrivant dans le droit-fil de ses prédécesseurs, c’est-à-dire de ceux qui lui avaient assuré son assise matérielle. Les Sumériens ont laissé derrière eux l’écriture, des constructions monumentales, une idée de la justice et de la légalité, les premiers rudiments des mathématiques et une grande tradition religieuse.
Au tournant du 3ème millénaire au 2ème millénaire, après l’an 2 000 av. jc, ces cités vont laisser place à une cité de Mésopotamie centrale promise à la plus glorieuse des destinées : Babylone [14]. Plus tard, au 18ème siècle av. jc, apparaîtront les roues à rayons. Plus légères, elles permettront l’emploi de chars de guerre légers et rapides.
Les apports de Sumer s’étendent à l’astronomie et au calcul. Bénéficiant d’un ciel très pur, les habitants de la région ont pris le temps d’observer les astres. Ils sont devenus très férus d’astronomie et nous leur devons la division sexagésimale du temps et du cercle : 60 minutes dans une heure, 24 heures dans une journée, 360 degrés dans un cercle.
À la lumière de toutes ces avancées civilisatrices, on conçoit que les auteurs de la Bible aient situé le paradis terrestre en Mésopotamie, sur le site actuel de Bagdad [15].