Né à Châtillon-sur-Marne [1] Gaucher V de Châtillon est le fils de Gaucher IV de Châtillon seigneur de Châtillon, et de sa femme Isabelle de Villehardouin. Il est le petit-fils de Hugues 1er de Châtillon comte de Blois et Saint-Pol.
En 1284, Philippe III le nomme connétable [2] de la province de Champagne [3].
Au cours d’un engagement contre la flotte aragonaise commandée par Roger de Lauria , Charles II d’Anjou est fait prisonnier en 1284. Il reste captif à Barcelone pendant 4 ans. Gaucher V de Châtillon réussit à le faire libérer des geôles aragonaises. Philippe le Bel lui en est très reconnaissant. Le prince, parent et allié du roi de France, se fait couronner roi de Naples.
Le fief de Château-Porcien [4], situé dans les Ardennes, devient possession de Philippe le Bel par son mariage avec Jeanne, fille du roi Henri 1er de Navarre, et le roi l’érigea en comté. La Champagne étant, par ce mariage, unie à la France et le roi souhaitant établir une prévôté royale, il échange en janvier 1289 le comté de Porcien [5], Rozoy [6] et Gandelu, qu’il avait donné à Gaucher V, contre le domaine de Châtillon-sur-Marne*, ainsi que la châtellenie [7] de Crécy-en-Brie [8], celle de Crèvecœur, et un fief du côté de Roucy*. Gaucher conserva la seigneurie du château de Châtillon, réservée à lui et à ses descendants.
En 1291, Gaucher V, désormais de Châtillon, chasse de Champagne l’armée du comte Henri III de Bar , gendre du roi Édouard 1er d’Angleterre. Il conseille au roi une politique de fermeté face aux prétentions des Anglais. Il les combat en Guyenne en 1296, et il débarque à Douvres, prend la ville et la brûle, créant ainsi une diversion.
En 1302, pendant le conflit entre le pape Boniface VIII et Philippe le Bel, Châtillon essaie de convaincre la noblesse qu’un roi de France n’a de compte à rendre qu’à Dieu. Le roi se venge de plusieurs années d’affronts et d’actes hostiles, et le vieux pape se retrouve en prison.
En Flandre, en 1302, Gaucher V de Châtillon étouffe la révolte de Bruges [9], et fait construire dans cette ville une citadelle aux dépens des habitants. Il en fait élever deux autres à Lille et à Courtrai [10]. Il fortifie plusieurs autres places qui avaient été démantelées et surcharge la Flandre d’impôts. Bientôt le mécontentement devient général. L’explosion est terrible. Bruges, Gand , Dam et Ardembourg se soulèvent. Guillaume de Juliers, neveu du comte de Flandre, vient se joindre aux révoltés.
Châtillon rassemble ses troupes et entre dans Bruges. Mais le bruit s’étant répandu que, parmi ses bagages se trouvent des tonneaux remplis de cordes pour pendre un grand nombre d’habitants, le peuple prend les armes. 1500 cavaliers français et environ 2000 fantassins sont tués ou assommés. Châtillon a son cheval tué sous lui. Il se sauve dans la maison d’un gentilhomme, qui le cache, et dans la nuit il s’évade déguisé en prêtre en traversant à la nage le fossé de la ville.
Bientôt, Guillaume de Juliers, élu général, s’empare de Furnes, de Bergues, de Vindale et de Cassel. Gui de Flandre, arrive suivi de quelques troupes allemandes. Courtrai, Audenarde, Ypres lui ouvrent leurs portes.
Châtillon se rend en France pour accélérer l’envoi d’une puissante armée. Elle ne tarde pas à s’avancer sous le commandement de Robert II d’Artois. Il y a en Flandre un parti français considérable, qu’on appelle la faction du lis, qui, de concert avec Châtillon, n’a pu arrêter les progrès de la révolte, se réunit à l’armée française, forte de 47 000 soldats.
Les deux armées se rencontrent à la bataille de Courtrai [11], le 11 juillet 1302, qui voit la victoire des Flamands. Après la mort de Raoul II de Clermont , tué durant la bataille, Philippe IV de France le nomme connétable de France. Il prend une part importante à la victoire de Mons-en-Pévèle [12] sur les Flamands le 18 août 1304. L’armée française, désormais sous les ordres de Gaucher V de Châtillon, obtient quelques succès pendant l’hiver. Une trêve est conclue au printemps 1305.
C’est alors que le roi envoie le futur Louis X, son fils, en Navarre, pour prendre possession de ce royaume, dont il a hérité par la mort de Jeanne de Navarre, sa mère. Le connétable était jusqu’ici en quelque sorte chargé de l’éducation de ce jeune prince.
Comme la ville de Pampelune, capitale de cet état, est divisée en deux partis, on craint quelque soulèvement. Il est décidé que Gaucher V de Châtillon accompagnera Louis dans son voyage, avec entre autres, le comte de Boulogne. Cette nombreuse suite inquiète d’abord le roi d’Aragon. Il craint que Louis n’entreprenne de lui faire la guerre, mais voyant que ce prince se contente de visiter ses terres, il se rassure. Louis est couronné roi le 1er octobre 1307. Mais à son retour, Gaucher V de Châtillon est blâmé, car il n’a pas attaqué les Aragonais.
Louis X de France est sacré roi de France en 1314. Ce prince lui confie alors les affaires les plus importantes de l’État. Les Flamands se soulèvent à nouveau. Le roi doit faire revenir les Juifs dans le royaume et libérer les serfs pour se procurer l’argent permettant de lever une armée. La campagne contre les Flamands est un échec.
Gaucher V de Châtillon, lors du Conseil de Régence, réuni quelques semaines après la mort du roi Louis X de France, le 5 juin 1316, propose de décréter l’impossibilité pour les filles d’accéder à la couronne, bien qu’aucune coutume du passé ne semble légitimer cette solution.
À la mort de Louis le Hutin, la reine est enceinte du futur Jean 1er. Philippe frère du roi décédé devient régent du royaume. Gaucher V de Châtillon a été nommé exécuteur testamentaire par Louis X. Charles de Valois, oncle de Philippe V, soutenu par le parti féodal, veut s’emparer de la régence, mais le connétable Gaucher V de Chatillon arme les bourgeois de Paris, qui n’aiment pas Charles, et avec eux chasse du Louvre ses gens d’armes.
Le jeune Robert III d’Artois, petit-fils du comte d’Artois, Robert, mort à Courtrai, a en vain réclamé ce comté en 1309. La cour des pairs l’a attribué à sa tante, la comtesse de Bourgogne Mahaut d’Artois. En 1316, durant la régence, Robert proteste contre cette décision. Soutenu par la noblesse du pays, il repousse Gaucher de Châtillon, prend Arras et Saint-Omer et force le régent à déployer l’oriflamme à la basilique de Saint Denis, le 30 octobre.
Gaucher de Châtillon assiste au sacre de Philippe le long, en 1317. Il fait fermer les portes de la ville et surveiller les rues par de nombreux corps de gardes. Puis il part combattre les Flamands. Il met le pays à feu et à sang et fait beaucoup de prisonniers.
Peu de temps avant sa mort, Philippe veut aller à la croisade. Et comme le pays connaît de grandes épidémies, le roi accuse les juifs et les lépreux, agissant pour le compte des princes mahométans, d’empoisonner les puits, les fontaines et les sources. La totalité des juifs sont à nouveau expulsés, et quelques lépreux sont brûlés vifs.
Le roi meurt à 28 ans, officiellement de dysenterie. Gaucher V de Châtillon se charge de la succession. Gaucher de Châtillon assiste au sacre de Charles le Bel, qui le choisit, en 1324, pour être l’un de ses exécuteurs testamentaires.
Il signe, comme commissaire au nom du roi, les traités de paix faits avec l’Angleterre en 1325 et 1326, puis en 1328. Il est ministre, même s’il doit aller combattre les Anglais en Guyenne. Ces traités de paix sans cesse rompus et ces guerres annoncent déjà la guerre de Cent Ans.
Gaucher V de Châtillon met sur le trône Philippe VI, malgré les prétentions du roi d’Angleterre à la couronne de France. Malgré ses 80 ans, il se distingue à la bataille de Cassel [13] le 23 août 1328 qui voit la défaite des Flamands à nouveau révoltés.
Gaucher V de Châtillon meurt, au début du long règne de Philippe VI, en 1329, au milieu de sa nombreuse famille et est inhumé en l’abbaye de Pont-aux-Dames [14] à Couilly-Pont-aux-Dames [15].