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Jeanne d’Arc dite La pucelle d’Orléans

mercredi 1er juin 2022, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 3 octobre 2012).

Jeanne d’Arc dite La pucelle d’Orléans (1412-1431)

Jeanne d'Arc dite La pucelle d'Orléans

Née vers le 6 janvier 1412 dans le Barrois [1] à Domrémy [2] pendant la période d’affaiblissement finale de la paix fixée par la trêve de Leulinghen [3].

Elle est la fille de Jacques Darc (ou Tarc ou Dare,) et d’ Isabelle Romée , paysans aisés. A l’époque Domrémy se trouvait en fait aux frontières du duché de Bourgogne [4] et du Saint Empire romain germanique [5].

Selon différents témoignages, elle entendit des voix célestes à l’âge de 13 ans, celles de saint Michel et des martyres sainte Catherine et sainte Marguerite, qui lui enjoignaient de libérer le royaume de France de l’occupation anglaise et de faire sacrer le dauphin futur Charles VII roi de France à Reims.

En mai 1428, elle va trouver le représentant du roi à Vaucouleurs [6] le capitaine Robert de Baudricourt qui la traite de folle et la renvoie chez elle.

Le 12 février 1429, elle fait une nouvelle tentative et sous la pression de ses partisans et après une séance d’exorcisme d’où elle sort victorieuse, Baudricourt cède et lui accorde une escorte armée. En 11 jours la petite troupe partie le 13 février de Vaucouleurs par la porte de France, arrive à Chinon [7] résidence du Dauphin [8].

Jeanne d’Arc ne connaît pas le Dauphin et quand elle entre dans la salle du château il y a de nombreux gentilshommes. Charles VII est parmi eux sans aucun signe distinctif, le comte de Clermont qui a pour mission de se faire passer pour le Dauphin s’avance, Jeanne l’ignore et va directement s’agenouiller devant Charles.

Pendant une heure ils vont s’entretenir à l’écart des autres, ce qu’ils se sont dits nul ne le sais. Charles a les yeux embués de larmes et précise qu’elle vient de lui confier un secret que personne ne connaissait et ne pouvait connaître, si ce n’est Dieu.

Jeanne doit alors se soumettre à une enquête menée par les maîtres de l’Université à Poitiers afin de prouver qu’elle n’est pas sorcière. Elle passe l’épreuve avec succès et adresse au roi d’Angleterre et au duc de Bedford le 22 mars 1429 une lettre dans laquelle elle se déclare “ envoyée de par Dieu, le roi du ciel”, pour combattre les Anglais et les “bouter hors de France”.

Charles VII offre à Jeanne une armure et elle même fait confectionner l’étendard qui l’accompagnera tout au long de son aventure : blanc, le Christ au jugement, avec un ange tenant une fleur de lys, l’inscription “Jésus Maria”.

A la tête des troupes royales Jeanne d’Arc entre dans Orléans en avril. Après quelques assauts, les Anglais lèvent le siège le 8 mai 1429. Cette victoire apparaît comme le signe de l’intervention divine, d’autant que Jeanne avait prédit la mort de Glasdale, l’un des chefs anglais ; sa popularité devint alors immense. Jeanne rejoint le roi à Loches [9] le 11 mai et le persuade de partir pour Reims : Charles est couronné et sacré le 17 juillet dans la cathédrale, comme ses ancêtres et selon le même rituel. Jeanne se trouve au premier rang, tenant fièrement son étendard.

Charles VII est décidé à mener désormais la politique de son choix. Il négocie la paix du royaume et l’entente avec Philippe de Bourgogne. Jeanne ne pouvant se résoudre à l’inaction poursuivit la guérilla : à Saint-Pierre-le-Moûtier [10], à La Charité-sur-Loire [11]. En tentant de prendre Paris aux Anglo-Bourguignons, elle est blessée à la porte Saint-honoré le 8 septembre 1429, puis, après s’être repliée, échoue à la Charité-sur-Loire.

Appelée à l’aide par les habitants de Compiègne [12] assiégée, elle est capturée par les Bourguignons le 23 mai 1430 et leur chef Jean de Luxembourg Ligny, la livre aux Anglais contre rançon. Ces derniers la remettent à la justice de l’Église tout en déclarant qu’ils la reprendraient si elle n’était pas déclarée hérétique.

Un tribunal ecclésiastique est constitué par Pierre Cauchon évêque de Beauvais [13], diocèse sur le territoire duquel Jeanne avait été prise. Son diocèse étant aux mains des Français, cet universitaire parisien, devenu une créature des Anglais, était replié à Rouen.

Depuis longtemps gagné aux Bourguignons, il était l’un des rédacteurs de l’ordonnance “progressiste” de 1413, dite ordonnance “cabochienne”. Il s’adjoignit, malgré les réticences de celui-ci, le dominicain frère Jean le Maître, vicaire de l’inquisiteur de France à Rouen. Ce furent les deux seuls juges de Jeanne, entourés d’un certain nombre de conseillers et d’assesseurs à titre consultatif.

Le procès s’ouvre à Rouen le 9 janvier 1431. Malgré quelques entorses aux règlements il est conforme à la légalité inquisitoriale. La partialité se manifestera surtout dans la façon de conduire les interrogatoires et d’abuser de l’ignorance de Jeanne. L’Université de Paris à qui sont confiées les déclarations de Jeanne d’Arc déclare solennellement le 14 mai 1431 qu’elle est idolâtre, invocatrice de démons, schismatique et apostate. Cette même institution lui offrira deux choix possibles : soit elle abjure publiquement ses erreurs et dans ce cas elle sera libre, sinon elle sera abandonnée au bras séculier. Jeanne qui a résisté aux menaces de torture, “abjure” le 24 mai au cimetière de Saint-Ouen. Elle se ressaisit bientôt et en signe de fidélité envers ses voix et Dieu, elle reprend le 27 mai ses habits d’homme. Un nouveau procès est expédié et, le 30 mai 1431, Jeanne hérétique et relapse, est brûlée sur le bûcher installé sur la place du Vieux Marché de Rouen.

En 1455, à la demande de la mère de Jeanne, débute un nouveau procès d’inquisition. Le Dominicain Jean Bréhal, grand inquisiteur de France se dépense sans compter en la faveur de la mémoire de Jeanne d’Arc.

Le 7 juillet 1456, dans la grande salle du palais archiépiscopal de Rouen, les commissaires pontificaux, sous la présidence de Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims [14], déclarèrent le procès de condamnation de Jeanne et la sentence “entachés de vol, de calomnie, d’iniquité, de contradiction, d’erreur manifeste en fait et en droit y compris l’abjuration, les exécutions et toutes leurs conséquences” et, par suite, “nuls, invalides, sans valeur et sans autorité”. Cette décision est publiée solennellement dans les principales villes du royaume.

Elle sera ensuite béatifiée en 1909 et canonisée en 1920 par le pape Benoît XV .

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Pierre Duparc ( éd.) (trad. du latin), Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc, t. III : Traduction, Paris, C. Klincksieck (Société de l’histoire de France), 1983, X-302 p. (ISBN 2-252-02418-6).

Notes

[1] Relevant à la fois du Saint Empire romain germanique mais aussi du domaine royal de France (partie du duché située à l’ouest de la Meuse), le comté, puis duché de Bar, fut formé au 10ème siècle par Ferry d’Ardennes, frère de l’évêque de Metz Adalbéron. Il fut annexé par la France en 1766. Ses villes principales étaient Bar-le-Duc, la capitale, Pont-à-Mousson sur la Moselle, au pied du château de Mousson, Briey et Longwy. Ses frontières bordaient le comté de Champagne, la principauté épiscopale de Verdun, le comté puis duché de Luxembourg, la principauté épiscopale de Metz, le duché de Lorraine et la principauté épiscopale de Toul.

[2] Domrémy-la-Pucelle ou Domremy-la-Pucelle est une commune française située dans le département des Vosges en Lorraine. Domremy-la-Pucelle est connue pour être la patrie de Jeanne d’Arc. Au 15ème siècle, du vivant de Jeanne d’Arc, la paroisse était divisée en deux parties : l’une dépendait du comté de Champagne, française, l’autre du Barrois mouvant. La jeune Jeanne d’Arc aimait se rendre en la chapelle de Bermont, près de Greux, pour prier, comme à l’église de Domrémy où elle avait reçu le baptême. Domrémy ou du moins la partie dans laquelle se trouvait la maison de Jeanne d’Arc, à savoir la partie nord du village fut exempté d’impôts par Charles VII après son couronnement lors de l’anoblissement de Jeanne d’Arc. En 1571, le village de Domrémy fut officiellement rattaché à la Lorraine et perdit le privilège (le duché de Lorraine relevait du Saint Empire romain germanique). Il fut rattaché au royaume de France près de deux siècles plus tard sous Louis XV. En revanche, le village de Greux demeura territoire français et conserva le privilège jusqu’en 1766. La paroisse de Domrémy devint en 1578 Domrémy-la-Pucelle. Elle passa au statut de commune à la Révolution française.

[3] Plusieurs trêves ont été signées à Leulinghem lieu traditionnel de conférences entre le royaume de France et le royaume d’Angleterre au cours de la guerre de Cent Ans, à la frontière picarde.

- 26 janvier 1384 : Trêve pour neuf mois entre la France et l’Angleterre, incluant l’Écosse et la Castille, alliées de la France, et les Gantois, alliés de l’Angleterre. Le 14 septembre, elle est prorogée jusqu’au 1er mai 1385.

- 18 juin 1389 : Trêve signée pour la Guyenne et les pays en deçà de la Loire. Elle court du 1er août 1389 jusqu’au 1er août 1392. Aucune ville ou forteresse ne devait être bâtie ou réparée à la distance de sept lieues d’une ville de l’autre partie, sans congé de l’adversaire.

- 28 avril 1393 : Charles VI de France étant de nouveau victime de ses crises de démence causées par la tragédie du bal des ardents du 28 janvier 1393, ses oncles le représentent lors des négociations avec les Anglais à Leulinghem. Richard II d’Angleterre gouvernait dorénavant seul et il désirait instaurer la paix entre les deux royaumes. Au cours de cette négociation est prévue la remise de Cherbourg à la France et le mariage d’Isabelle de France avec Richard II3. Une trêve est décidée entre les deux parties. La trêve est prorogée jusqu’au 29 septembre 1394 puis le 27 mai 1394 pour quatre ans jusqu’au 28 septembre 1398, puis pour 28 ans à partir de septembre 1398 le 9 mars 1396

[4] Le duché de Bourgogne est fondé en 880 à partir du royaume de Bourgogne, par les rois carolingiens Louis III et Carloman II et les membres princiers de leur famille qui se partagent l’Empire carolingien de Charlemagne dont ils ont hérité. Ils féodalisent tous les royaumes carolingiens de France en duchés et comtés vassaux des rois de France. Richard II de Bourgogne (dit Richard le Justicier) est nommé marquis puis premier duc de Bourgogne et un des six pairs laïcs primitifs de France par son suzerain le roi Louis III.

[5] Sacrum Imperium Nationis Germanicae

[6] Vaucouleurs est une commune française, située dans le département de la Meuse. Elle a donné son nom à cette partie du cours de la Meuse, appelée Val des Couleurs. Vaucouleurs est également considéré comme une ville johannique. En 1165, le roi de France Louis VII le Jeune rencontre l’empereur du Saint Empire romain germanique, Frédéric Barberousse à Vaucouleurs. Le 19 novembre 1212, le futur roi de France Louis VIII y rencontre le futur empereur des Romains Frédéric II, prélude à l’intronisation de ce dernier. Le 13 mai 1428, Robert de Baudricourt, gouverneur du roi à Vaucouleurs, reçoit la visite d’une jeune fille de 16 ans, venue de Domrémy. Vaucouleurs est alors une garnison française située aux confins des terres du duc de Bourgogne allié aux Anglais, et du duché de Lorraine, dépendant du Saint Empire romain germanique. Elle se dit l’envoyée de Dieu et réclame le commandement général des troupes du royaume. Pour toute réponse, Baudricourt la fait souffleter et la renvoie à ses moutons.

[7] La forteresse royale de Chinon, comme beaucoup de châteaux, est construite sur un éperon rocheux dominant la Vienne et la ville. Cette position stratégique lui permet de s’assurer le contrôle du passage sur la Vienne, affluent de la Loire. Le bourg s’est développé en contrebas, sur la rive.

[8] Le titre de dauphin était attribué à sa naissance au fils aîné du roi de France régnant. En cas de mort du Dauphin, son frère cadet recevait à sa place le titre de dauphin. Dauphin fut à l’origine le surnom, puis le titre, des seigneurs du Dauphiné de Viennois, comtes d’Albon-Viennois et, à partir du « transport » du Dauphiné au royaume de France, en 1349, le titre porté par le fils aîné du roi de France.

[9] Loches est une commune française située dans le département d’Indre-et-Loire. Au 15ème siècle, Agnès Sorel, favorite de Charles VII, habite souvent dans les châteaux aménagés de Loches et de Beaulieu de 1444 à 1449. Elle abandonne la cour de Chinon, où le Dauphin (futur Louis XI) lui a créé bien des difficultés. En effet, ce dernier ne supporte pas la relation d’Agnès avec son père le roi Charles VII. Il estime que sa mère est bafouée et a de plus en plus de mal à l’accepter. Un jour il laisse éclater sa rancœur et poursuit, l’épée à la main, l’infortunée Agnès dans les pièces de la maison royale. Agnès Sorel se réfugie à Loches et Charles VII, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la cour et l’envoie gouverner le Dauphiné. Après avoir servi de résidence royale, le château de Loches devient une prison d’État sous Louis XI. Le clergé séculier, du diocèse de Tours, fonde à Loches, un collège en 1576. Vers 1640, ce collège est repris par les Barnabites.

[10] Saint-Pierre-le-Moûtier est une commune française, située dans le département de la Nièvre. Le 4 novembre 1422 le bailliage de Saint-Pierre rendit une sentence, contraignant les habitants de la terre de Poussery au finage de Montaron à assurer le guet et garde au château de Poussery, comme le demande le seigneur des lieux : Gaucher de Courvol. Ce bailliage rendit au fils de ce dernier : Philibert de Courvol, une autre sentence le 25 mars 1451, l’autorisant à faire passer le ruisseau des Ruaux, dans son pré de Chaulgy. La ville est prise d’assaut, puis libérée par Jeanne d’arc le 4 novembre 1429.

[11] La Charité-sur-Loire est une commune française située dans le département de la Nièvre. La Charité-sur-Loire s’est développée autour d’un prieuré clunisien et de deux églises érigées par les moines en 1059, le tout protégé par des remparts. L’église Notre-Dame, la plus grande d’Europe après celle de l’abbaye de Cluny, est édifiée à partir du 11ème siècle. Le prieuré bénédictin devient rapidement l’un des plus beaux, des plus riches et des plus renommés d’Europe. Le pape Pascal II le consacre en 1107. Il compte près de 400 dépendances dans tout le monde chrétien jusqu’aux portes de la Terre sainte à Constantinople. Aujourd’hui, subsiste le chœur et l’abside du monastère prioral.

[12] Compiègne est une commune située dans le département de l’Oise, dont elle est l’une des sous-préfectures. Jusqu’à la fin du 14ème siècle les rois réunirent souvent les États-généraux à Compiègne. En 1358, le régent Charles y réunit les États de Langue d’oïl pour rétablir l’autorité royale face aux menées d’Étienne Marcel. En 1374, il commence la construction d’un nouveau château sur l’emplacement actuel du Palais. Compiègne est désormais séjour royal et séjour de la cour, et reçoit la visite de nombreux princes. Compiègne a vu naître Pierre d’Ailly, cardinal-évêque de Cambrai, chancelier de l’Université de Paris, diplomate qui contribua à mettre fin au Grand Schisme d’Occident, auteur de plusieurs ouvrages d’érudition. L’un de ses ouvrages permit à Christophe Colomb de préparer la découverte de l’Amérique. Pendant la guerre de Cent Ans, Compiègne fut assiégée et prise plusieurs fois par les Bourguignons

[13] Depuis qu’il a été érigé au 3ème siècle, le diocèse de Beauvais a connu plusieurs évêques. À l’occasion du concordat de 1801, le diocèse fut supprimé le 21 novembre 1801 et regroupé avec celui d’Amiens, mais, reconstitué le 6 octobre 1822, le diocèse est depuis la réforme des circonscriptions françaises de 2002 appelé « diocèse de Beauvais, de Noyon et de Senlis ».

[14] Le diocèse de Reims a été érigé au 3ème siècle et a été élevé en archevêché dès le 4ème siècle. Une des prérogatives des archevêques de Reims fut de sacrer les rois de France, avec l’huile de la Sainte Ampoule. Dans la cathédrale de Reims, de Henri 1er à Charles X, trente rois de France furent sacrés en ces lieux.