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Damascios le Diadoque

lundi 25 juillet 2022, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 24 juin 2012).

Damascios le Diadoque (vers 460-vers 538)

Philosophe néoplatonicien

L'École d'Athènes de Raphaël (1511).Né à Damas [1] dans une famille aisée, disciple d’Isidore de Gaza et de Marinos de Néapolis, maître de Simplicios ou Simplice de Cilicie et d’Olympiodore le Jeune, il fut l’un des derniers défenseurs du paganisme dans l’Antiquité tardive.

Il fut le dernier diadoque ou scolarque [2] de l’Académie d’Athènes [3], fondée par Platon en 387 av. jc, ou de l’école néoplatonicienne d’Athènes [4], fondée par Plutarque d’Athènes vers 400, illustrée par Proclos à partir de 438. L’école philosophique d’Athènes fut fermée sur ordre de Justinien 1er en 529.

Au début des années 480, avec son frère Julien, ils allèrent étudier la rhétorique [5] à Alexandrie [6], dans la célèbre école du rhéteur Horapollon , un Égyptien spécialiste de l’ancienne culture du pays, et païen convaincu, qui en convertissant des étudiants à ses croyances avait acquis auprès des chrétiens le surnom de destructeur d’âmes.

Le père d’Horapollon, Asclépiade, et son oncle Héraïscos étaient également des païens très érudits et quelque peu mystiques, qui jouissaient d’une grande renommée à Alexandrie. Héraïscos était l’auteur d’un grand ouvrage sur l’ancienne religion égyptienne, dédié à Proclos, et très apprécié dans les milieux intellectuels païens. L’un des disciples les plus proches et les plus brillants des 2 frères était alors Isidore de Gaza, qui commençait dans l’école d’Horapollon, où se tenaient à la fois des cours de rhétorique et de philosophie, un enseignement très admiré des étudiants, parmi lesquels Damascios, dont il devint le pédagogue [7].

Damascios suivit pendant 3 ans les cours du rhéteur Théon, qui ne paraît pas lui avoir laissé un grand souvenir. Mais vite repéré comme un élément brillant, il fut introduit dans la société d’Aidesia, veuve du philosophe Hermias et mère d’Ammonios. Elle était alors âgée, et lorsqu’elle mourut, Damascios, encore un très jeune homme, se vit accorder l’honneur de prononcer son oraison funèbre.

Jouissait également d’un grand prestige dans ce milieu l’ascète païen Sarapion, qui vivait dans la solitude, méditant sur les poèmes d’Orphée, sa seule lecture, et n’acceptant de recevoir qu’Isidore de Gaza, qu’il avait choisi comme son unique disciple. Damascios, qui le présente comme le dernier survivant de l’âge d’or, vit en lui son grand-père spirituel, bien qu’il n’ait jamais été autorisé à le rencontrer.

Arrive alors à Alexandrie fin 481 ou début 482 un autre lettré païen, Pamprépios, un homme très ambitieux et qui va contribuer à attirer la persécution sur le milieu intellectuel attaché au paganisme. En effet celui-ci est un proche du magister officiorum [8] Illus et tente de gagner ses coreligionnaires païens à un complot contre l’empereur Zénon, publiant par ailleurs des oracles et prophéties annonçant la prochaine défaite et disparition du christianisme.

Mais les sympathisants du paganisme tenaient encore de hautes positions dans l’État, et les choses en restèrent provisoirement là, jusqu’à la défaite définitive d’Illus et de ses partisans en 488. Un délégué impérial du nom de Nicomède fut alors dépêché à Alexandrie avec la mission d’enquêter sur les milieux païens de la ville, avec particulièrement en ligne de mire l’école d’Horapollon.

Quand ils furent convoqués pour interrogatoire, la plupart des enseignants et étudiants préférèrent entrer dans la clandestinité, sauf Ammonios fils d’Hermias et d’Aidesia, que Damascius accuse d’avoir trahi et livré plusieurs de ses collègues et étudiants, passant un accord avec le chef de la doctrine qui prévalait. Horapollon et son oncle Héraïscos furent arrêtés et torturés, ainsi que Julien, le frère cadet de Damascius, mais aucun de ceux-là ne dit un mot. Isidore de Gaza s’était d’abord réfugié chez Damascios. Les 2 hommes quittèrent clandestinement Alexandrie, comptant rejoindre Athènes [9].

Isidore et Damascius gagnèrent d’abord Gaza [10], où ils furent accueillis par un rhéteur d’Alexandrie nommé Antoine, pas très brillant professionnellement, mais païen très pieux.

Ensuite ils se rendirent à Bostra [11], où leur hôte fut le philosophe aristotélicien Dorus.

Ils y restèrent plus longuement, leur hôte les intéressant à l’archéologie de la région et les conduisant sur les sites du Hauran [12], hauts lieux de traditions religieuses et paysages impressionnants, où Damascios éprouva une véritable conversion spirituelle et en même temps, Isidore convertissait aussi Dorus au platonisme.

Les 3 hommes se rendirent dans la ville sainte d’Héliopolis [13], où il semble que leur présence causa des troubles. Isidore fut même apparemment arrêté et subit des mauvais traitements en prison, tandis que Damascios se démenait pour le faire libérer, ce qu’il obtint au bout d’un temps assez long.

Les 3 hommes prirent alors le chemin d’Aphrodise [14], où ils furent reçus par le philosophe Asclépiodote, le dévot d’Isis.

Celui-ci les guida dans des excursions jusqu’à Hiérapolis, il leur fit découvrir les traditions spirituelles de la région, mais Damascius semble d’ailleurs avoir été assez irrité par sa personnalité. Il le présente comme l’homme le plus versé de son époque en matière de sciences naturelles, mais ne comprenant pas grand-chose, malgré sa haute réputation, à la théologie platonicienne. Il est quand même impressionné par son activisme pour la cause, car il a fait de sa patrie Aphrodise, à la suite de son beau-père, un haut lieu du paganisme. En 490, Isidore et Damascios s’embarquèrent à Éphèse [15] pour Samos [16], et de là firent voile vers Le Pirée [17].

Arrivé à Athènes, Damascios avait définitivement abandonné la rhétorique, c’est-à-dire l’érudition littéraire, pour la philosophie, avec la connotation religieuse qu’avait ce mot à l’époque. Il devint un étudiant à plein temps de l’Académie platonicienne, suivant d’abord les cours de mathématiques de Marinos de Néapolis, qui avait pris la succession de Proclos à la tête de l’école en 485, et que Damascios ne tenait pas intellectuellement en haute estime, et ensuite les cours de philosophie de Zénodote, qui avait été l’élève préféré de Proclos.

Il semble qu’au bout d’un certain temps Damascios soit reparti lui aussi pour Alexandrie, où, suivant le témoignage de Photius, il suivit les cours de philosophie platonicienne et d’astronomie ptolémaïque d’Ammonios fils d’Hermias, qu’il considérait, malgré son aversion pour son comportement pendant la persécution, comme le plus grand philosophe de sa génération, spécialement dans les disciplines mathématiques.

Au bout d’un laps de temps impossible à évaluer, il revint à Athènes et y prit la succession, comme diadoque, soit de Zénodote, soit d’Hégias. L’activité très importante de Damascios comme diadoque fait penser qu’il s’installa dans cette fonction longtemps avant 529, probablement avant 515 et même peut-être plusieurs années avant.

Comme diadoque de Platon, Damascios s’efforça de mener une ambitieuse action de restauration du prestige de l’Académie, qui pour lui passait par un retour aux sources. Il se préoccupa aussi de restaurer matériellement les installations de l’école, avec l’appui de l’aristocratie locale sympathisante du paganisme.

En 529, un édit de l’empereur Justinien interdit l’enseignement de la philosophie à Athènes. Frappés dans leurs croyances, dans leur profession, dans leurs moyens d’existence, et menacés apparemment de persécution, les maîtres de l’Académie (Damascios, Simplicios de Cilicie, Priscien de Lydie , Eulamios de Phrygie , Hermias de Phénicie , Diogène de Phénicie , Isidore de Gaza décidèrent d’aller chercher asile à la cour du roi des Perses à Ctésiphon [18].

Les idées positives que ces philosophes se faisaient de la monarchie des Perses, et de leur religion le mazdéisme [19], étaient traditionnelles dans l’école platonicienne. Ils effectuèrent donc le long voyage d’Athènes à Ctésiphon, s’attardant certainement, selon la pratique du « tourisme philosophique » de l’époque, dans quelques-uns des sites prestigieux du trajet, notamment Harran, place-forte et ville sainte du paganisme à l’époque.

À leur arrivée à Ctésiphon, ils eurent affaire au tout jeune Khosrô 1er, qui venait de monter sur le trône en 531, et qui était passionné de culture et de philosophie grecques.

Le jeune roi bombarda les philosophes de questions portant sur la nature de l’âme, son rapport avec le corps, sa destinée après la mort, les visions et les rêves, et des sujets de géographie et d’anthropologie.

Mais cette grande curiosité intellectuelle coexistait dans l’esprit du roi avec un tempérament tyrannique et une propension à la cruauté aggravée par un humour noir de mauvais goût.

De plus, son avènement ne fut pas de tout repos, et les premiers mois de son règne furent mouvementés. Quoi qu’il en soit, quelles qu’aient pu être leurs raisons, les philosophes voulurent rentrer en territoire romain après un temps relativement court passé à Ctésiphon, et le roi Khosrô se prêta à discuter avec eux de la meilleure solution pour leur avenir.

Celle qui fut trouvée fut la suivante : dans le traité de paix perpétuelle conclu entre Khosrô et Justinien en septembre 532, une clause stipulait que “ces hommes, en rentrant chez eux, devaient passer le reste de leur vie sans crainte, comme des individus privés, sans jamais être forcés de professer une croyance contraire à leur conscience ou de changer leurs convictions ancestrales”, phrase dans laquelle certains savants ont reconnu le style de Damascios lui-même. Le dernier signe de vie de Damascios que nous possédions date de 538.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia Damascios/ Portail de la philosophie/ Catégories  : Philosophe de la Grèce antique/ Philosophe du 6ème siècle/ Philosophe néoplatonicien/ Philosophe syrien

Notes

[1] Damas est l’une des plus anciennes villes continuellement habitées. Elle est aussi la ville la plus peuplée de la grande Syrie (Assyrie) (des traces archéologiques remontent au 4ème millénaire av. jc). Elle est citée dans la Bible, dans le livre de la Genèse, et plusieurs fois dans les Livres des Rois et des Prophètes. Damas connut l’influence de nombreuses civilisations dont celles des Assyriens, Perses, Grecs, Séleucides, Romains, Arabes et Turcs. De la fin du 12ème siècle av. jc à 734 av. jc, elle est la capitale du royaume d’Aram-Damas. Elle fut l’un des berceaux du christianisme et vit saint Paul prononcer ses premières prédications, notamment dans la maison d’Ananie, où celui-ci a ouvert une église domestique dès l’année 37. Cette dernière est la plus vieille de Syrie (aujourd’hui dans le quartier chrétien de Bab Touma). En 635, Damas se soumit aux musulmans et devint la capitale de la dynastie des Omeyyades de 661 à 750. Avec l’adoption de la langue arabe, elle devint le centre culturel et administratif de l’empire musulman durant près d’un siècle. Par la suite, elle demeura un foyer culturel majeur et un pôle économique de premier plan profitant de sa situation géographique privilégiée, à la croisée des chemins de La Mecque, l’Afrique, l’Anatolie, la mer Méditerranée et l’Asie (route de la soie en direction de la Chine et du commerce des épices avec l’Inde).

[2] En Grèce antique, le scholarque est le directeur d’une école de philosophie, garant de la cohérence de la doctrine.

[3] L’académie est l’école philosophique fondée dans Athènes par Platon vers 387 av. jc. Elle dure jusqu’en 86 av. jc. L’académie tire son nom du domaine dans lequel elle est située, fait de jardins et de portiques et qui se trouve près du tombeau du héros Académos. Platon et Aristote ont enseigné dans cette école.

[4] L’École néoplatonicienne d’Athènes est un courant à l’intérieur du vaste mouvement du néoplatonisme, allant du milieu du 4ème au milieu du 6ème siècle qui réussit à « se greffer sur l’antique Académie de Platon », pourtant disparue sous Sylla en 86 av. jc.

[5] La rhétorique est d’abord l’art de l’éloquence. Elle a d’abord concerné la communication orale. La rhétorique traditionnelle comportait cinq parties : l’inventio (invention ; art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre), la dispositio (disposition ; art d’exposer des arguments de manière ordonnée et efficace), l’elocutio (élocution ; art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments → style), l’actio (diction, gestes de l’orateur, etc.) et la memoria (procédés pour mémoriser le discours).

[6] Alexandrie est une ville en Égypte. Elle fut fondée par Alexandre le Grand en -331 av. jc. Dans l’Antiquité, elle a été la capitale du pays, un grand centre de commerce (port d’Égypte) et un des plus grands foyers culturels hellénistiques de la mer Méditerranée centré sur la fameuse bibliothèque, qui fonda sa notoriété. La ville d’Alexandrie est située à l’ouest du delta du Nil, entre le lac Maréotis et l’île de Pharos. Cette dernière était rattachée à la création de la ville par l’Heptastade, sorte de digue servant aussi d’aqueduc, qui a permis non seulement l’extension de la ville mais aussi la création de deux ports maritimes.

[7] tuteur philosophique

[8] Le magister officiorum ou maître des offices est un haut fonctionnaire romain de l’époque du Bas-Empire. Créé sous Constantin Ier vers 320, ce fonctionnaire est à un poste clé et est membre du consistoire sacré, ou conseil de l’empereur et dirige la majeure partie de l’administration centrale. Il remplace le préfet du prétoire comme commandant de la nouvelle garde impériale, les scholæ palatinæ et à la direction des fabriques d’armes. Il contrôle l’ensemble de l’administration impériale par l’intermédiaire du corps des agentes in rebus, chargés de mission qui acheminent les courriers et les ordres officiels, et qui enquêtent dans les provinces, surveillant les gouverneurs locaux, au point qu’on les surnomme les curiosi. Enfin, il reçoit les ambassadeurs, et par extension, surveille les réceptions et les cérémonies officielles à la Cour, et a une autorité disciplinaire sur le personnel du cubiculum, domesticité personnelle de l’empereur.

[9] Athènes est l’une des plus anciennes villes au monde, avec une présence humaine attestée dès le Néolithique. Fondée vers 800 av. jc autour de la colline de l’Acropole par le héros Thésée, selon la légende, la cité domine la Grèce au cours du 1er millénaire av. jc. Elle connaît son âge d’or au 5ème siècle av. jc, sous la domination du stratège Périclès

[10] Gaza, parfois appelée en anglais Gaza City pour la distinguer de la bande de Gaza qui désigne la région dans son ensemble, est la ville qui donne son nom à ce territoire longiligne appelé « bande de Gaza ».

[11] Bosra ou Bostra, est une ville du sud de la Syrie, capitale de la région du Hauran. Située dans une région très fertile, au débouché des caravanes venant d’Arabie, Bosra connut la prospérité et joua un important rôle commercial, comptant jusqu’à 50 000 habitants. Jadis capitale de la province romaine d’Arabie et importante étape sur l’ancienne route caravanière de La Mecque, Bosra conserve, enserrés dans ses épaisses murailles, un théâtre romain du 2ème siècle, des ruines paléochrétiennes et plusieurs mosquées.

[12] Le Hauran est une région de la Syrie méridionale, dans les gouvernorats de Qouneitra, As-Suwayda, et Deraa, et a pour capitale la ville de Bosra. Son nom moderne dérive de son nom antique, l’Auranitide (en latin Auranitis, d’après la ville d’Auran), et signifie littéralement région caverneuse. Elle est limitée par le mont Hermon au nord, et par la Jordanie, Jerash,Irbid et Ajlon sud.

[13] Baalbek

[14] Aphrodisias est une petite cité antique de Carie, en Asie mineure. Le site archéologique est situé près du village de Geyre, en Turquie, à environ 230 km d’Izmir.

[15] Éphèse est l’une des plus anciennes et plus importantes cités grecques d’Asie Mineure, la première de l’Ionie. Bien que ses vestiges soient situés près de 7 kilomètres à l’intérieur des terres, près des villes de Selçuk et Kuşadası dans l’Ouest de l’actuelle Turquie, Éphèse était dans l’Antiquité, et encore à l’époque byzantine, l’un des ports les plus actifs de la mer Égée ; il est situé près de l’embouchure du grand fleuve anatolien Caystre. L’Artémision, le grand sanctuaire dédié à Artémis, la déesse tutélaire de la cité, qui comptait parmi les Sept merveilles du monde et auquel Éphèse devait une grande part de sa renommée, était ainsi à l’origine situé sur le rivage.

[16] Samos est une île grecque de la mer Égée, proche de l’Asie Mineure et située à 70 kilomètres au Sud-ouest de Smyrne, aujourd’hui Izmir en Turquie. Elle forme un dème (municipalité) et un district régional de la périphérie d’Égée-Septentrionale. Son chef-lieu est la ville de Vathy ; les deux autres villes sont Chora et Pythagorion (Tigani).

[17] Le Pirée est le principal port d’Athènes. Il est aussi le premier port et le principal centre industriel de Grèce. Il est le point de départ des voyageurs vers les îles de la mer Égée. Il est situé dans la région d’Attique (appelée jusqu’en 2010 nomarchie du Pirée, maintenant périphérie de l’Attique), sur la côte est du golfe Saronique. Il fait partie de la zone urbaine d’Athènes, à 12 km au sud-ouest du centre de la cité. Elle est néanmoins la capitale du diocèse décentralisé d’Égée constitué de deux périphéries extérieures à son territoire.

[18] Ctésiphon est une ancienne ville parthe, située face à Séleucie du Tigre, sur la rive gauche du Tigre, à 30 km au sud-est de la ville actuelle de Bagdad, en Irak. La ville s’étendait sur 30 km².

[19] Le mazdéisme est une religion iranienne qui doit son nom à son dieu principal, Ahura Mazda. Le livre sacré du mazdéisme est l’Avesta. Le zoroastrisme, du nom de Zoroastre/Zarathoustra, est une réforme du mazdéisme. Le zoroastrisme est la forme monothéiste sous laquelle s’est répandue cette religion, qui existe toujours.