C’est dans le château de Roccasecca [1] près d’Aquino [2] appartenant à sa famille que naît Thomas.
Après avoir été élevé par les bénédictins du mont Cassin [3], il poursuit ses études à l’université de Naples [4], et à l’issu de celles-ci, prend la décision de rejoindre l’ordre dominicain [5] en 1244.
Riche, sa famille ne tolère pas qu’il puisse entrer dans un ordre mendiant et elle le fait emprisonner pendant plus d’une année à Roccasecca. Après cet emprisonnement, il poursuit ses études à Paris pendant 3 années puis accompagne encore à Cologne [6] l’un de ses maîtres, Albert Le Grand qui tente d’accorder la théologie à la philosophie. Il y est ordonné prêtre en 1250.
Thomas revient à Paris enseigner à l’université, de 1252 à 1259. Puis c’est à Rome qu’il enseigne. Il commence d’y rédiger ses premiers écrits théologiques. Après avoir obtenu un doctorat et prêché dans plusieurs villes d’Italie, il revient à la demande du roi et de l’université à Paris où il enseigne à nouveau de 1269 à 1272.
Il devient ensuite régent des études à Naples. C’est là, le 6 décembre 1273 qu’il a une vision qui provoque l’écriture de sa Somme théologique. Cet ouvrage qu’il dicte à des secrétaires, a recours à la dialectique comme à la scolastique, pour élaborer une explication de la foi qui s’accorde à la raison.
La pertinence de son œuvre qui comprend encore une Somme contre les Gentils, traité sur Dieu et la création, un Commentaire des sentences, d’autres traités de théologie, lui valent d’être surnommé après sa mort le « Docteur Angélique » et d’être canonisé en 1323.
Son œuvre a fondé, par sa rigueur et son autorité, la doctrine de l’Église catholique, apostolique, romaine. Mort sur la route du Concile de Lyon [7], le 7 mars 1274, âgé approximativement de 50 ans, au monastère cistercien [8] de Fossanova [9]. Il y reposera jusqu’à la translation de sa dépouille mortelle en 1369 à Toulouse [10], aux Jacobins [11].
En 1368. Pie V l’a proclamé Docteur de l’Église en 1567.
Thomas d’Aquin a mis la philosophie au service de la pensée théologique et particulièrement la philosophie d’Aristote, mais en la dépassant là où elle était historiquement conditionnée. La pensée de Saint Thomas reste l’œuvre maîtresse de la pensée théologique et on l’appelle le docteur commun. Avec un grand respect de la tradition et un grand courage intellectuel, il a cherché la clarté, la mise en ordre des idées, la réduction des problèmes particuliers aux premiers principes. Il a réussi à unir la raison et la Révélation, la nature et la grâce, le monde et l’Église. Développée par toute une école la pensée thomiste est vraiment majeure pour des questions centrales de la théologie.
"Comprendre Dieu est impossible à un intellect créé quel qu’il soit ; mais que notre esprit l’atteigne de quelque manière, c’est déjà une grande béatitude, selon St Augustin.
Pour en avoir l’évidence, il faut savoir que « comprendre » c’est connaître parfaitement, c’est-à-dire connaître un objet autant qu’il est connaissable. Aussi, lorsqu’une vérité est démontrable scientifiquement, celui qui ne la connaît qu’à la manière d’une opinion, pour une raison seulement plausible, ne la comprend pas. Par exemple, si quelqu’un sait par démonstration que la somme des trois angles d’un triangle est égale à deux droits, il comprend cette vérité ; mais si un autre la reçoit comme probable par le fait que des savants ou la plupart des hommes l’affirment ainsi, celui-là ne comprend pas ; car il ne parvient pas à cette manière parfaite de connaissance dont cette vérité est susceptible.
Or, nul intellect créé ne peut parvenir à cette manière parfaite de connaître l’essence divine telle qu’elle est connaissable, et en voici la preuve. Un objet quelconque est connaissable dans la mesure où il est un être en acte. Dieu, dont l’être est infini, ainsi qu’on l’a fait voir, est donc infiniment connaissable. Or, nul intellect créé ne peut connaître Dieu infiniment. En effet, un intellect créé connaît l’essence divine plus parfaitement ou moins selon qu’il est pénétré d’une plus grande ou d’une moindre lumière de gloire. Puisque la lumière de gloire, qui est créée, dans quelque intellect créé qu’elle soit reçue, ne peut jamais y être infinie, il est donc impossible qu’un intellect créé connaisse Dieu infiniment. Par suite, est impossible qu’il ait de Dieu une connaissance compréhensive." Saint Thomas s’inscrit dans le grand courant de la scolastique. La scolastique [12] commence avec Saint Anselme et fait recours à la logique et à la dialectique comme mode de connaissance philosophique et théologique. L’enseignement consiste d’abord en une lecture de la Bible suivie des commentaires du maître.
L’essor urbain des 11ème et 12ème siècles conduit à un accroissement des écoles et un développement de quaestiones [13], nouveaux problèmes théologiques suscités par l’actualité. On commence à confronter foi et raison ce qui choque les théologiens traditionalistes comme Saint Bernard. La quaestio donne naissance à la disputatio [14].
Abélard introduit systématiquement le procédé du doute en amenant des arguments dans un sens puis dans l’autre venant de l’Écriture ou des Pères avant de trancher et de répondre aux arguments. Un peu approximatif d’un point de vue théologique, il est condamné par le concile de Sens en 1140 à l’instigation de Saint Bernard.
Pierre Lombard mettra cette technique à profit avec ses sentences, exposé d’ensemble de la foi chrétienne, qui sera pendant des années l’ouvrage de base de l’enseignement théologique.
L’âge d’or de la scolastique, c’est la fin du 12ème et le 13ème siècle. On découvre et traduit les philosophes perses, arabes [15] et juifs [16] qui ont été en contact direct avec Aristote, puis on dispose des textes mêmes d’Aristote. Albert le grand et Thomas d’Aquin estiment avoir trouvé chez Aristote le système philosophique le plus adéquat pour la construction d’une théologie chrétienne. La controverse s’engage avec les tenants du courant traditionnel défendu par les dominicain Bonaventure et Duns Scot fidèles au néoplatonisme [17] de saint Augustin.
Thomas d’Aquin n’a pas écrit de traité spécial sur l’Église, parfois ces études relèvent maints détails intéressants ; d’autres fois, elles recueillent nombre de textes sur des points où Thomas n’a pas d’originalité. Pour lui, Il s’agit de communier au mystère de Dieu en sa divinité. L’Église, en sa réalité la plus profonde, qui est aussi ce par quoi elle connaît son extension la plus totale et ce qui demeurera d’elle éternellement, est communion divinisante avec Dieu. Mais, dans notre situation terrestre, charnelle et historique, ceci ne se réalise que par le Christ, Verbe incarné, et par ce qu’il nous a apporté : foi, sacrements, institutions. C’est pourquoi, bien qu’il n’y ait qu’une Église, il faut en parler en deux fois. On peut en effet, et même on doit distinguer en elle comme deux registres de bien commun de loi deux critères de hiérarchie.
L’Église est foncièrement et principalement union avec Dieu en sa divinité : dans le ciel, gloire et vision ; ici-bas, grâce et foi. Mais la grâce est le germe de la gloire, et la foi de la vision, en sorte qu’il y a unité de principe d’existence entre les anges et les comprehensores ou l’Église du ciel d’une part, les fidèles ou l’Église de la terre d’autre part. Tel est le sens fort que Thomas donne à la formule ecclesia = congregatio (coetus, collectio, universitas, societas, collegium) fidelium, formule fréquente à toutes les époques mais dont il fait sa définition de l’Église. Cette Église englobe tous ceux qui croient dans le Christ, soit à venir, soit venu : thème de l’ecclesia ab Abel ou de l’ecclesia universalis. Ainsi l’Église est-elle vue comme l’ensemble ou l’unité surnaturelle des esprits vivifiés par la grâce de Dieu, bref comme opus ou effectus gratiae. Et comme, étant relatif au Christ comme à sa mesure, son souverain et son principe, cet opus gratiae mérite pour autant le nom de corpus Christi, Thomas conçoit aussi le Corps mystique d’abord simplement comme societas sanctorum, sans y inclure, à ce niveau, la note de visibilité ou de structure hiérarchique. Mais il faut avouer que Thomas n’a guère détaillé cet aspect.
Mais Thomas lui-même tenait ses distances à l’égard de la hiérocratie [18] d’un Innocent IV à la fin du pontificat duquel il écrivait.