Publius Sulpicius Quirinius dit Quirinius (vers51 av. jc-21 ap. jc)
Aristocrate romain
Après le bannissement de l’ethnarque [1] Hérode Archélaüs de la tétrarchie [2] de Judée en l’an 6, Quirinius fut nommé gouverneur légat [3] de Syrie [4], à laquelle la province de Judée avait été ajoutée aux fins d’un recensement.
Né dans une famille peu distinguée, fils de Publius Sulpicius Quirinus et petit-fils paternel de Publius Sulpicius Quirinius, de Gens Sulpicia [5], dans le quartier de Lanuvium [6], Quirinius a suivi le chemin normal du service pour un jeune homme ambitieux de sa classe sociale.
Selon l’historien romain Florus, Quirinius a vaincu les Marmaridae [7], peut-être alors qu’il était gouverneur de Crète* et de Cyrène [8] vers 14 av. jc, mais a néanmoins refusé le nom honorifique de Marmaricus. En 3 av. jc, il est nommé consul, signe qu’il jouit de la faveur d’Auguste.
De 12 à 1 av. jc, il mena une campagne contre les Homanades ou Homonadenses [9], vers 5-3 av. jc, probablement en tant que légat de Galatie [10]. Il a gagné la campagne en réduisant leurs bastions et en affamant les défenseurs. Pour cette victoire, il est triomphalement élu duumvir [11] par la colonie d’Antioche de Pisidie [12].
En 1 ap. jc, Quirinius est nommé précepteur du petit-fils d’Auguste, Caius Julius Caesar Vipsanianus, jusqu’à ce que ce dernier meure des suites de blessures subies en campagne. Lorsque le soutien d’Auguste se porta sur son beau-fils Tibère, Quirinius changea d’allégeance.
Ayant été marié à Claudia Appia, dont on sait peu de choses, il divorça et vers 3 après jc et épousa Aemilia Lepida, fille de Quintus Aemilius Lepidus et sœur de Manius Aemilius Lepidus , qui avait été à l’origine fiancé à Lucius Caesar.
Quelques années plus tard, ils ont divorcé : en 20 après jc, il l’a accusée d’avoir prétendu qu’il était le père de son fils, et plus tard d’avoir tenté de l’empoisonner pendant leur mariage. Tacite prétend qu’elle était populaire auprès du public, qui considérait que Quirinius la poursuivait par dépit.
Après le bannissement de l’ethnarque Hérode Archélaüs en 6 après jc, la Judée [13] passa sous administration romaine directe, avec Coponius nommé préfet*. Dans le même temps, Quirinius fut nommé légat de Syrie, avec pour instruction d’évaluer la province de Judée à des fins fiscales. L’une de ses premières tâches a été d’effectuer un recensement dans le cadre de cet ordre.
Les Juifs haïssaient déjà leurs conquérants païens, et les recensements étaient interdits par la loi juive. L’évaluation a été grandement mal accueillie par les Juifs, et la révolte ouverte n’a été empêchée que par les efforts du grand prêtre Joazar. Malgré les efforts pour empêcher la révolte, le recensement a déclenché la révolte de Judas de Galilée et la formation du parti des Zélotes [14], selon Flavius Josèphe et dont Luc parle dans les Actes des Apôtres [15].
Quirinius a servi comme gouverneur de Syrie avec autorité sur la Judée jusqu’en 12 après jc, quand il est retourné à Rome en tant que proche associé de Tibère. 9 ans plus tard, il mourut et eut droit à des funérailles publiques.
L’historien romain Tacite a écrit dans ses Annales Livre III que lorsque Quirinius mourut en 21, Tibère César demanda que le Sénat lui rende tribut avec des funérailles publiques, et le décrit comme un soldat infatigable, qui était devenu consul par ses loyaux services sous le règne d’Auguste et plus tard fut nommé conseiller de Caius Caesar dans le gouvernement de l’Arménie [16].
Notes
[1] Le titre, qui ne semble pas un terme technique, est utilisé dans l’Empire romain, surtout en Orient, pour désigner les gouvernants de royaumes vassaux qui n’avaient pas le titre de rois.
[2] Un tétrarque, dérivé de tessares signifiant quatre, et d’archon, chef était au sens propre le dirigeant d’une des quatre parties d’un royaume dans le cas de la Palestine ou d’un empire (Empire romain). Ce terme sera employé plus tard sans qu’il y ait réellement une division rigoureuse d’un territoire en quatre parties.
[3] Titre porté par les représentants officiels de la Rome antique. Les ambassadeurs étaient des légats du Sénat romain. Sous la République romaine, les consuls, proconsuls, préteurs en campagne pouvaient charger temporairement des légats du commandement de la cavalerie, des réserves ou même d’une légion entière et de plusieurs légions. Sous l’Empire romain, à partir d’Auguste, la fonction de ces légats militaires devint permanente. Désignés par l’empereur, ils le représentaient dans les provinces et les légions. On distingua alors les légats consulaires et les légats prétoriens, qui gouvernaient les provinces « impériales » et exerçaient le pouvoir militaire, et les légats de légion, officiers expérimentés, de rang sénatorial, qui étaient chef d’une légion. Le titre de légat se transmit de l’Empire romain à l’Église catholique
[4] La Syrie est l’une des provinces les plus importantes de l’Empire romain, tant par sa richesse que sur le plan militaire. Étendue de la Méditerranée à l’Euphrate, elle constitue un riche creuset de civilisations, composées entre autres de Juifs, de Phéniciens, ou de Nabatéens, hellénisés pour la plupart d’entre eux. La Syrie est conquise par Pompée en 64 av. jc. En 63 av. jc, après avoir vaincu le roi Mithridate VI, il transforme le royaume de Syrie en province romaine, mettant ainsi fin à la dynastie séleucide. L’acquisition du territoire n’est cependant pas sa mission originelle. Le gouvernement de cette riche région constitue rapidement un enjeu majeur à Rome. Crassus, qui l’a obtenu, y trouve la mort en tentant une expédition militaire contre les Parthes en 53 av. jc, à Carrhes. Sous Auguste, la province est placée sous l’autorité d’un légat d’Auguste propréteur de rang consulaire, résidant à Antioche, la capitale. Les frontières de la province connaissent à plusieurs reprises des modifications. Le royaume de Judée, devenu province de Judée, est renommé Syrie-Palestine durant le règne de l’empereur Hadrien, mais n’appartient pas à la province de Syrie proprement dite. Les frontières varient aussi avec l’Arabie nabatéenne. La Syrie englobe l’Iturée et le territoire de Palmyre. Si les conquêtes de Trajan sont éphémères, la frontière sur l’Euphrate est durablement déplacée jusqu’à Doura Europos, lors de la guerre parthique de Lucius Verus, entre 161 et 166. À partir de la seconde moitié du 2ème siècle, le sénat romain comprend un nombre important de Syriens, comme Claudius Pompeianus ou Avidius Cassius sous Marc Aurèle. Dans la première moitié du 3ème siècle, des Syriens accèdent au pouvoir impérial, avec la dynastie des Sévères
[5] Les Sulpicii (au singulier : Sulpicius) sont les membres de la gens romaine patricienne Sulpicia. Ils occupent de hautes magistratures tout au long de la République romaine. Les principaux cognomina sont Camerinus, Galba et Saverrio.
[6] ville latine près de Rome
[7] une tribu de pillards du désert de Cyrénaïque
[8] Cyrène, l’ancienne ville grecque (en Libye actuelle), est la plus ancienne et la plus importante des cinq colonies grecques dans la région et lui donne son nom de Cyrénaïque, qui est encore utilisé aujourd’hui. Ancien évêché, elle se situe dans la vallée de Djebel Akhdar.
[9] une tribu basée dans la région montagneuse de Galatie et de Cilicie
[10] La Galatie est une région historique d’Anatolie (autour de l’actuelle Ankara), dont le nom vient d’un peuple celte (les Galates) qui y a migré dans l’Antiquité, aux alentours de 279 av. jc. Géographiquement, elle est délimitée par le royaume du Pont et la Paphlagonie au nord, la Cappadoce à l’est, le royaume de Pergame au sud et la Bithynie à l’ouest.
[11] Un duumvir (dérivé du latin duo, deux) est, dans la période romaine antique, un magistrat d’un collège de deux membres, institué pour exercer conjointement certaines fonctions spéciales, le plus souvent temporaires. Cette magistrature municipale s’appelle le duovirat.
[12] Antioche de Pisidie est une ancienne cité de Pisidie, la région des lacs en Turquie, la province moderne d’Isparta. Elle se situait à la croisée des mers Méditerranée et Égée, ainsi que dans la région centrale d’Anatolie, près de l’ancienne frontière entre la Pisidie et la Phrygie. De ce fait, elle est connue jusqu’au début du 1er siècle sous le nom d’Antioche de Phrygie. Le site se trouve à environ 1 km au nord de Yalvaç (ou Yalobatch), ville moderne de la province d’Isparta. Antioche de Pisidie était située sur une colline dont le point le plus haut est à 1 236 m. La ville était bordée à l’est du ravin profond de la rivière Anthius qui se jette dans le lac d’Eğirdir.
[13] le conglomérat de Samarie, Judée et Idumée
[14] Les Zélotes, sont les groupes qui combattent le pouvoir romain les armes à la main pendant la Première Guerre judéo romaine. Appelés aussi Galiléens, ils se révoltent initialement contre le recensement de Quirinius en 6 : le recensement viole d’une part un interdit biblique (seul Dieu est le comptable autorisé des âmes) mais d’autre part prépare l’institution de l’impôt « par tête ». En se radicalisant, ils finissent par s’attaquer aussi bien à leurs compatriotes jugés timorés ou soupçonnés de collaborer avec les Romains, qu’aux païens qui pensent-ils souillent la Terre promise par leur seule présence. Les Zélotes constituent un des courants actifs du judaïsme du premier siècle. Secte juive anti-romaine, ils sont les principaux instigateurs de la révolte contre Rome : ils se défendent contre Titus avec acharnement, pendant le siège et après la prise de Jérusalem, en 70. La répression romaine est sans appel : ceux qui sont faits prisonniers sont crucifiés. Beaucoup préfèrent mourir dans des suicides collectifs
[15] Les Actes sont composés pour un tiers de discours. Or, dans la primitive Eglise, aucun secrétaire n’a pris en notes les propos des apôtres. Ces propos ont été reconstitués par Luc. C’est conforme au modèle des historiens de l’Antiquité qui aimaient placer des discours sur les lèvres de leurs héros. Mais personne n’avait pris de notes.
[16] L’Arménie Mineure ou Arménie Inférieure, également appelée Petite Arménie, couvre les régions autrefois peuplées d’Arméniens situées à l’ouest et au nord-ouest du royaume d’Arménie. Cette couverture géographique a quelque peu varié avec le temps. Durant l’Antiquité, l’Arménie Mineure connaît une lignée arménienne de rois, ultérieurement remplacés par des rois désignés par Rome, dont le dernier est Aristobule ; la région est alors annexée à l’Empire romain.