Robert Wishart (mort en 1316)
Évêque de Glasgow
Pendant le commencement des guerres d’indépendance de l’Écosse [1], il et l’un des principaux partisans de William Wallace et de Robert Bruce. Pour Wishart et de nombreux autres hommes d’église, la liberté de l’Écosse et celle de l’Église écossaise vont alors de pair. Son soutien à la cause nationale a été crucial pendant cette période critique.
Issu des Wisharts ou Wisehearts de Pittarrow, dans le Kincardineshire [2]. Il provient d’une famille d’origine anglo-normande. Il est le cousin ou le neveu de William Wishart , évêque de St Andrews [3], un précédent chancelier d’Écosse [4].
La première mention de Robert Wishart exerçant une fonction dans l’Église est celle d’archidiacre [5] de St Andrews. Il est nommé évêque de Glasgow [6] en 1273. Bien qu’homme d’Église, il devient une éminente figure politique pendant le règne d’Alexandre III.
Après la mort du roi Alexandre en 1286, Wishart est l’un des six gardiens de l’Écosse [7] désignés pour prendre en charge les affaires de la nation pour le compte de la jeune reine Marguerite. Bien que lui et les autres gardiens signent le traité de Birgham [8] le 18 juillet 1290, qui envisage l’union de Marguerite avec le prince Édouard, le fils aîné et héritier d’Édouard 1er, roi d’Angleterre, leur accord est subordonné au préalable que le traité ne doit pas être une menace pour l’intégrité du royaume d’Écosse.
La mort prématurée de la jeune fille en septembre 1290 ne laisse pas d’héritier incontestable au trône d’Écosse. Devant la menace d’une guerre civile dynastique entre les partisans de Robert Bruce 5ème seigneur d’Annandale , grand-père du futur roi Robert 1er, et ceux de Jean Balliol, Robert Wishart est étroitement impliqué dans toutes les négociations diplomatiques avec le roi Édouard 1er, invité à trancher entre les prétendants rivaux.
Lorsque Édouard insiste pour être reconnu seigneur éminent et suzerain d’Écosse avant de prendre une décision à ce sujet, Wishart fait remarquer que le royaume d’Écosse n’est pas tenu en hommage ou ne doit hommage à qui que ce soit, si ce n’est Dieu seul. Édouard évite simplement ces objections et, n’ayant aucun moyen de régler la question par un processus interne quelconque, est finalement accepté comme suzerain et arbitre par les gardiens et les prétendants.
Lors de la grande cour féodale qui se tient à Berwick-upon-Tweed [9] à l’automne 1292, Robert Bruce et Jean Balliol sont autorisés à présenter chacun 40 auditeurs pour soutenir leur cause. Pour sa part, Wishart prend place dans le camp des Bruce. Il demeure constant dans son soutien, contrairement à certains des autres auditeurs qui finalement votent pour Balliol, en considérant que ses droits au trône sont supérieurs dans le cadre du droit féodal.
Même après cela, il reste un éminent homme d’Église dans la gestion des affaires publiques pendant le règne du roi Jean 1er et est l’un de ceux qui ratifient le traité d’alliance franco-écossais, bien connu sous le nom d’Auld Alliance [10], en février 1296. Après la conquête de l’Écosse par Édouard 1er en juillet de la même année, Wishart jure fidélité au roi d’Angleterre, tout comme les principaux personnages du royaume.
Au début de 1297, avant même que William Wallace n’entre en scène, Wishart est parmi les premiers chefs qui s’élèvent contre l’occupation anglaise. Selon la Chronique de Lanercost [11], il correspond avec James Stuart , 5ème grand sénéchal d’Écosse [12], qui préfigure l’action de Wallace.
La première action de Wishart s’achève prématurément en juillet 1297 lorsqu’il doit se rendre aux Anglais à Irvine [13], dans le North Ayrshire [14], mais il ne s’estime pas vaincu. L’évêque rebelle est emprisonné quelque temps et contraint de jurer de nouveau fidélité à Édouard 1er, mais il brise son serment dès qu’il est relâché.
En mai 1301, Édouard en personne écrit au pape Boniface VIII dans un état de frustration évident, et lui demande que Wishart soit déchu de son siège épiscopal de Glasgow. Boniface s’y refuse mais il écrit à Wishart en exigeant qu’il renonce à son opposition à Édouard et le dénonce en tant qu’acteur principal et instigateur de tout le tumulte et de la dissension qui s’est élevé entre son fils le plus cher en Christ, Édouard, roi d’Angleterre, et les Écossais. Lors de la reddition du parti patriotique en février 1304, Wishart est initialement condamné à être banni d’Écosse pendant 2 ou 3 ans en raison des grands maux qu’il a causés.
Le 10 février 1306, Robert Bruce et quelques partisans assassinent John III Comyn , le chef du parti rival, dans l’église des franciscains [15] de Dumfries [16]. C’est un acte de rébellion politique mais, peut-être plus grave encore, il s’agit d’un sacrilège suprême. Bruce doit désormais faire face à l’avenir comme hors-la-loi et excommunié, ennemi de l’État et de l’Église. Il lui faudra longtemps avant que le pape Jean XXII lui accorde son pardon mais, dans les circonstances présentes, le soutien de Robert Wishart et des évêques écossais, est d’une inestimable importance pendant ce moment de crise.
Bruce se rend à Glasgow, où il rencontre Wishart, évêque du diocèse dans lequel le meurtre a été commis. Au lieu d’excommunier le mécréant comme la loi de l’Église l’exige, Wishart l’absout immédiatement et exhorte ses diocésains à le soutenir. Il accompagne ensuite Bruce à Scone [17], le lieu de couronnement royal écossais du passé, avec les évêques de St Andrews et de Moray, ainsi que d’autre éminents hommes d’Église, ce qui laisse penser qu’il s’agissait d’un plan prémédité.
Moins de 7 semaines après le meurtre de Dumfries, aux côtés d’importants seigneurs laïcs, Robert Wishart est témoin du couronnement du roi Robert 1er, le 25 mars 1306. Le pays est immédiatement mis sur le pied de guerre par Wishart lui-même qui, malgré son âge avancé, est à la pointe des préparatifs guerriers. Le bois que les Anglais lui ont donné pour réparer le clocher de la cathédrale de Glasgow sert ainsi à fabriquer des engins de siège. Il se charge personnellement de l’assaut du château de Cupar [18] dans le Fife [19].
Tous les espoirs et les efforts de Wishart sont pourtant annihilés par l’avancée de l’armée anglaise d’Aymar de Valence au cours de l’été 1306 : Bruce est défait lors de la bataille de Methven [20] et est bientôt contraint de ce cacher. Wishart est capturé à Cupar, enchaîné et incarcéré dans un donjon anglais, et n’est sauvé de l’exécution qu’uniquement par son statut d’ecclésiastique.
Édouard 1er, ravi aux nouvelles de la capture de ce traître et rebelle, écrit au pape Clément V en septembre 1306 pour lui dire que les évêques de Glasgow et de St Andrews sont détenus dans un enfermement sévère, et que le bénéfice du siège épiscopal de Glasgow a été attribué à Geoffrey de Mowbray.
Wishart reste emprisonné pendant les 8 années suivantes et devient aveugle au cours de sa captivité. Ce n’est qu’après le triomphe du roi Robert 1er lors de la bataille de Bannockburn [21] en juin 1314 qu’il est relâché dans le cadre d’un échange de prisonniers. Il revient en Écosse pour terminer sa vie dans une quiétude relative. Finalement, Robert Wishart meurt à Glasgow en novembre 1316.
Notes
[1] Les guerres d’indépendance de l’Écosse furent une série de campagnes militaires qui opposèrent l’Écosse à l’Angleterre durant la fin du 13ème siècle et le début du 14ème siècle. La première guerre (1296-1328) débuta avec l’invasion anglaise de l’Écosse et se termina avec la signature du traité d’Édimbourg-Northampton en 1328. La deuxième guerre (1332-1357) éclata lors de l’invasion d’Édouard Balliol, soutenu par les Anglais, en 1332, et se termina en 1357 à la signature du traité de Berwick. Ces guerres firent partie d’une grande crise nationale pour l’Écosse et l’époque fut décisive pour l’histoire du pays. À la fin des deux guerres, l’Écosse maintint son statut de nation libre et indépendante, ce qui fut son objectif tout au long du conflit. Ces guerres furent notables pour d’autres raisons, comme l’émergence de l’arc long en tant qu’élément clé de l’armement médiéval.
[2] Le Kincardineshire, ou les Mearns, était un comté d’Écosse jusqu’en 1975 et une région de lieutenance. Sa capitale la plus récente était Stonehaven.
[3] L’évêque de St Andrews est le chef ecclésiastique du diocèse de St Andrews, en Écosse. Il est élevé au rang d’archevêque en 1472. Son siège est la cathédrale de St Andrews. L’évêché lui-même a été créé entre 700 et 900 lors de la fusion des églises des Pictes et Scots devenue effective sous le règne du roi Constantin 1er d’Écosse. Au 11ème siècle, il s’agit du plus important évêché du royaume d’Écosse.
[4] Le lord chancelier d’Écosse était un grand officier d’État en Écosse avant l’union avec l’Angleterre de 1707. Les titulaires de la charge sont connus depuis 1123, mais celle-ci fut assumée par période par une personne de moindre rang avec le titre de gardien du Grand sceau de l’Écosse. À partir du 15ème siècle, le Lord chancelier était habituellement un comte ou un évêque.
[5] Un archidiacre est un vicaire épiscopal à qui l’évêque confie certaines fonctions administratives pour un groupe de paroisses.
[6] L’archidiocèse de Glasgow était l’un des treize (puis 14 à partir de 1633) diocèses de l’Église catholique d’Écosse. C’était le second plus grand diocèse du royaume, comprenant des districts de la moitié sud : Clydesdale, Tweeddale, Liddesdale, Annandale, Nithsdale, Cunninghame, Kyle, Strathgryfe et le Kirkcudbrightshire. Glasgow devint un archevêché en 1472 et obtint les diocèses de Galloway, Argyll et des îles comme suffragants. L’Église d’Écosse rompit son allégeance à Rome en 1560, mais continua d’avoir des évêques à Glasgow par intermittence jusqu’en 1689.
[7] Entre les 13ème et 16ème siècles, l’histoire du royaume d’Écosse se caractérise par de nombreuses minorités, périodes au cours desquelles, les rois sont captifs, absents ou empêchés, voire de vacances du pouvoir qui impliquèrent la mise en place de régences, parfois collectives, pendant lesquelles le pouvoir fut exercé par des Régents ou des Gardiens du Royaume.
[8] Le traité de Birgham, aussi appelé traité de Salisbury, comporte deux traités visant à garantir l’indépendance de l’Écosse après la mort d’Alexandre III sans descendance en 1286. Garanti par le roi d’Angleterre Édouard 1er, le but du traité était de mettre un terme aux revendications concurrentes de la maison de Balliol et de la maison de Bruce. Les traités ont été rédigés à Salisbury en 1289 et Birgham, dans le Berwickshire, en 1290. Sous la condition que l’héritière de l’Écosse, Margaret, la jeune fille de Norvège, épouserait le fils d’Édouard, l’Écosse devait rester séparée et divisée de l’Angleterre dans ses limites légitimes, libre et sans sujétion. Le traité s’est avéré inefficace, à la fois parce que Margaret est morte lors de son voyage pour l’Écosse en 1290, et parce que les négociateurs anglais avaient inclus des réserves suffisantes pour rendre les clauses sur l’indépendance inutiles. En 1291, Édouard convoque les nobles écossais pour le rencontrer à Norham-on-Tweed et s’est proclamé seigneur d’Écosse (seigneur suzerain de l’Écosse) et force les prétendants au trône écossais à le reconnaître comme leur supérieur féodal.
[9] Berwick-upon-Tweed, ou simplement Berwick, est située dans le comté de Northumberland et est la ville la plus au nord de l’Angleterre, sur la côte Est, à l’embouchure de la Tweed. Elle est située à 4km au sud de la frontière écossaise. La ville a été fondée durant la période du royaume de Northumbrie qui faisait alors partie de l’Heptarchie. Le site a joué un rôle central dans les guerres qui ont opposé l’Angleterre et l’Écosse pendant des siècles ; la dernière fois que la ville a changé de main fut en 1482 quand les Anglais l’ont reconquise.
[10] La Vieille Alliance, souvent désignée en français comme en anglais par son nom en scots, Auld Alliance, est une alliance nouée entre les royaumes de France et d’Écosse contre l’Angleterre. Bien que le traité d’Édimbourg de 1560 ait mis fin de fait à la plupart de ses dispositions, l’alliance et ses prolongements ont marqué les relations franco-écossaises de 1295 jusqu’à l’époque contemporaine.
[11] La Chronique de Lanercost est une chronique médiévale contant les années 1201 à 1346 dans le nord de l’Angleterre et l’Écosse. Elle couvre en grande partie la période historique des Guerres d’indépendance de l’Écosse, mais donne également des éclairages sur la vie en Écosse et en Angleterre au 13ème siècle.
[12] Le grand steward d’Écosse est une fonction honorifique et héréditaire écossaise correspondant à celle de grand-sénéchal ou intendant.
[13] Irvine est une ville nouvelle d’Écosse, située dans le council area du North Ayrshire (dont elle est la capitale administrative), dans la région de lieutenance d’Ayrshire and Arran et dans l’ancien comté de l’Ayrshire, sur la côte au sud-ouest de Glasgow. Irvine a été la capitale militaire de l’Écosse au 12ème siècle et l’ancien siège du Lord High Constable of Scotland, Hugues de Morville. Elle a également été la capitale du Cunninghame. La ville était autrefois un repaire de Robert Burns. Il est connu pour y avoir travaillé dans une filature de lin. En dépit de son classement comme une ville nouvelle (new town), Irvine possède une longue histoire qui remonte à plusieurs siècles et a été classée comme « Burgh royal ».
[14] Le North Ayrshire est une des 32 divisions administratives de l’Écosse. Elle représente une grande partie de l’ancien comté d’Ayrshire. Le North Ayrshire est frontalier du Renfrewshire à l’est, de l’East Ayrshire et du South Ayrshire au sud. Le North Ayrshire possède l’île d’Arran et également quelques îles dans le Firth of Clyde telles que Great Cumbrae et Little Cumbrae.
[15] Moines de l’ordre mineur de frères laïcs mendiants fondé par saint François d’Assise en 1209, sur les principes rigoureux de l’humilité totale et de la pauvreté extrême. Les franciscains ont une mission de prédication itinérante. Au 13ème siècle, l’ordre se divise, malgré les tentatives de conciliation de saint Bonaventure, entre les adeptes de la règle de pauvreté originelle et les spirituels, qui jugent la mission d’enseignement incompatible avec la misère matérielle. Malgré ces dissensions, et les diverses branches qui en découlent, les franciscains poursuivent une lutte active contre les hérésies et se répandent rapidement au travers de la chrétienté. Les franciscains portent une robe brune avec une corde pour ceinture (ce qui leur a valu le nom de cordeliers), habit des pauvres de leur temps. A la fin du 13ème siècle, il existe déjà 1500 maisons de franciscains. L’ordre franciscain s’est diversifié en trois courants : les frères mineurs, les frères mineurs conventuels et les frères mineurs capucins. Il existe aussi un tiers ordre de laïcs. Les franciscains sont partis en mission dans le monde entier.
[16] Dumfries est une ville britannique et un ancien burgh royal d’Écosse, capitale administrative du council area (après avoir été celle de la région) de Dumfries and Galloway et appartenant à la région de lieutenance du Dumfriesshire.
[17] Scone est un village d’Écosse, dans la région de Perth and Kinross. À Scone se trouvait la Pierre du destin, dite aussi Pierre de Scone, sur laquelle les rois d’Écosse étaient couronnés. La pierre fut emmenée comme butin de guerre à Westminster par le roi Édouard 1er d’Angleterre en 1296. Mais les rois écossais continuèrent à se faire couronner à Scone, jusqu’à Charles II, en 1651.
[18] Cupar est une ville et ancien burgh royal d’Écosse, situé dans le council area et région de lieutenance du Fife, à 20 kilomètres au sud de Dundee.
[19] Le Fife (officiellement Kingdom of Fife) est une région côtière de l’est de l’Écosse, entre les estuaires de la Forth (Firth of Forth) et du Tay (Firth of Tay). Formant ainsi une péninsule naturelle, ses frontières ont peu bougé à travers les âges. C’est à la fois une subdivision actuelle de l’Écosse, un comté historique, une région de lieutenance et une ancienne région d’Écosse.
[20] La bataille de Methven est une bataille qui eut lieu le 19 juin 1306 près de Methven. Ce fut un engagement militaire de la première guerre pour l’indépendance écossaise (1296-1328). Il opposa les troupes de l’Angleterre commandées par Aymar de Valence qui marchent vers le nord et qui après avoir occupé Perth mettent en déroute l’armée du nouveau roi Robert 1er d’Écosse.
[21] La bataille de Bannockburn est une écrasante victoire de l’armée écossaise menée par Robert Bruce sur les troupes anglaises dirigées par Édouard II d’Angleterre pendant la première guerre d’indépendance écossaise. Elle est marquée par l’utilisation par Robert Bruce de carrés de piquiers nommés schiltrons sur lesquels viennent s’écraser les charges de cavalerie anglaises. Cette bataille entraîne une remise en question tactique de l’armée anglaise, ce qui aura un impact majeur sur les tactiques de combat de la guerre de Cent Ans.