Fille du roi Charles 1er d’Angleterre et d’Écosse et de la reine Henriette Marie de France. Elle est donc la petite-fille d’Henri IV, la nièce de Louis XIII et la cousine germaine de Louis XIV.
Henriette-Anne naît à Exeter [1] en Angleterre, au plus fort de la guerre civile opposant son père aux parlementaires anglais tout d’abord puis à Cromwell ensuite. Sa mère, dont cet accouchement a temporairement interrompu la fuite hors d’Angleterre, se soucie peu d’elle et gagne la France, avec un amant, juste après la naissance, la laissant à la garde de sa gouvernante, Lady Dalkeith, comtesse de Morton.
Au vu du contexte politique de l’époque, son père ordonne prudemment que la princesse Henriette soit rapidement baptisée selon le rite anglican [2]. Quelques mois plus tard, après la défaite de Naseby [3], Charles 1er envoie par sécurité son fils aîné, le prince de Galles [4], rejoindre sa mère en France.
Lady Morton est transférée de force avec Henriette près de Londres [5], mais refuse de livrer l’enfant au Parlement. Craignant pour la vie de la petite princesse dont elle a la responsabilité, elle s’échappe durant l’été 1646 pour rejoindre les réfugiés anglais à la cour de Louis XIV, déguisée en paysanne et faisant passer l’enfant pour son fils. Elle est accueillie assez fraîchement par la reine Henriette-Marie, puis congédiée assez rapidement.
La princesse fut élevée dans le catholicisme au couvent de Chaillot [6] par les sœurs de la Visitation [7]. Ses premières années en France sont assez rudes pour une princesse de sang royal. La monarchie française est en train d’affronter le soulèvement de la Fronde, les caisses sont vides et la régente, Anne d’Autriche, a d’autres soucis que celui de s’occuper du bien-être de sa belle-sœur et de sa nièce.
La petite Henriette passe donc avec sa mère des hivers pénibles dans l’appartement qui leur a été dévolu au Louvre. Les chroniqueurs relatent qu’elles y vivaient très chichement, ayant à peine de quoi se chauffer, qu’elles ne pouvaient se vêtir selon leur rang et que la reine déchue d’Angleterre avait dû vendre tous ses bijoux et sa vaisselle pour assurer sa subsistance et celle de sa fille.
De plus, les deux femmes étaient tenues à l’écart de la vie de cour, femme et fille d’un roi déchu et exécuté, pauvres, héritières d’une lignée royale les Stuart [8] que l’on croyait déchue à jamais, Henriette et sa mère n’intéressaient personne.
Lord Jermyn, l’amant de sa mère qui avait accompagnée celle-ci lors de sa fuite d’Angleterre et qui partageait la vie des deux femmes, était un buveur et violent qui paraît-il, battait sa maîtresse. Malgré ces difficultés matérielles et ce climat familial déplorable, il semble qu’Henriette bénéficia d’une éducation acceptable.
Cette situation changea lorsque, en 1660, le frère aîné d’Henriette, Charles, contre toute attente, réussit à reconquérir, sous le nom de Charles II, le trône d’Angleterre qui avait été enlevé à son père, Charles 1er, décapité sur ordre de Cromwell en 1649. Henriette était très liée avec ce frère aîné.
Elle qui avait été oubliée, négligée, tenue à l’écart jusqu’alors par la monarchie française, devient, à 16 ans, la sœur d’un roi en exercice, donc une personne digne d’intérêt. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là que la régente, Anne d’Autriche commença à s’occuper de sa nièce.
Le 31 mars 1661, à l’âge de 17 ans, elle épousa son cousin Philippe 1er, duc d’Orléans dit Monsieur, frère de Louis XIV une pratique courante dans les cours royales de l’époque. Le mariage d’Henriette et de Monsieur fut décidé par Louis XIV et sa mère Anne d’Autriche, l’année même où Mazarin mourut et où Louis XIV prenait réellement le pouvoir en main.
Ce mariage était important : il fallait en effet marier Monsieur, dont les penchants homosexuels très déclarés créaient quelques désordres à la cour de France. Mais il fallait lui trouver une épouse d’un rang élevé, impérativement de sang royal. Par ailleurs, ce mariage avait un intérêt diplomatique : il renforçait les liens entre la France et l’Angleterre, entre la maison des Bourbon [9] et celle des Stuart récemment remontée sur son trône.
À partir de son mariage, Henriette porta le titre de Madame, qui était dévolu à l’épouse de Monsieur. Le couple eut plusieurs enfants, car Monsieur, d’un naturel jaloux et par peur de devoir endosser une paternité illégitime, consentait quelquefois à délaisser ses amants pour faire un enfant à Henriette.
Leur ménage ne fut pas harmonieux. Monsieur, dont les penchants homosexuels étaient connus, mais jalousait l’influence de son épouse auprès du roi. Henriette était en effet très proche de son beau-frère Louis XIV, qui appréciait sa beauté, sa culture et son goût du luxe. En fait, Louis XIV avait été séduit par sa radieuse belle-sœur.
Si Henriette parvint à obtenir diverses faveurs et postes de commandements pour ses favoris, elle n’obtint jamais rien pour son époux, qui lui en tenait une vive rigueur. Mais elle n’en était pas responsable car Louis XIV, hanté par le souvenir de la Fronde, n’accordait guère de confiance à son frère, ni aux autres princes de sa Maison.
Il est certain qu’Henriette fut la reine incontestée de nombreuses fêtes que Louis XIV donnait. Pour faire pièce aux médisants, elle aurait suggéré de faire appel à un paravent, un leurre, une jeune fille innocente que le roi courtiserait et avec laquelle on lui prêterait une idylle. Le choix se serait porté sur Louise de La Vallière. Mais Louis XIV se serait épris réellement de Louise de La Vallière et se serait éloigné un peu d’Henriette qui demeura tout de même la reine des bals de la Cour.
En 1670, au grand dam de son entourage jaloux, Henriette fut chargée par le roi d’une mission diplomatique. Elle se rendit en grand apparat en Angleterre visiter son frère Charles II qui l’aimait tendrement et contribua à la signature du traité de Douvres [10], qui scellait le rapprochement entre l’Angleterre et la France.
Deux semaines après son retour de Londres Madame fut saisie de violentes douleurs au côté après avoir bu un verre de chicorée. Son agonie dura plusieurs heures. Elle mourut à 26 ans, le 30 juin 1670, à deux heures et demie du matin environ, au château de Saint-Cloud [11], peut-être d’une péritonite biliaire.
Jacques Bénigne Bossuet composa pour Henriette-Anne une oraison funèbre dont certaines phrases sont passées à la postérité . Monsieur se remaria en 1671 avec la fille de l’Électeur Palatin, Élisabeth-Charlotte de Bavière, qui était une petite cousine d’Henriette d’Angleterre du côté Stuart.