Née au château de Heidelberg [1], princesse palatine [2], fille du comte Charles 1er Louis et de la princesse Charlotte de Hesse-Cassel .
Élisabeth-Charlotte épouse par procuration le 16 novembre 1671 le duc Philippe d’Orléans, frère du roi Louis XIV, Élisabeth-Charlotte devient duchesse d’Orléans et porte à la cour le titre de Madame [3]. Adoptant immédiatement les deux filles issues du précédent mariage de son mari (Marie-Louise et Anne-Marie ).
En France, par convention et du fait de son appartenance à la maison de Wittelsbach [4], elle est appelée Charlotte-Élisabeth de Bavière
Originaire d’une petite cour allemande protestante cultivée, elle est élevée dans la religion réformée à Heidelberg [5] puis à partir de 1657, date du divorce de ses parents et du remariage de son père avec sa maîtresse, à Hanovre [6] et Herrenhausen [7], chez sa tante paternelle la duchesse de Brunswick-Lunebourg [8].
Celle-ci a pour secrétaire et bibliothécaire Leibniz et fait donner à sa nièce une éducation humaniste et ouverte où Montaigne et Rabelais tiennent une place de choix.
De retour à la cour paternelle en 1662, Élisabeth-Charlotte se trouve confrontée à l’épouse morganatique de son père et à ses nombreux demi-frères et sœurs. Malgré l’affection qu’elle leur porte, la jeune princesse gardera toute sa vie un certain mépris voire de la haine pour les situations fausses.
Aimant son pays, sa liberté et la vie au grand air, Élisabeth-Charlotte refuse tous les partis qu’on lui présente au grand dam de son père. Cependant en 1670 meurt une lointaine cousine Henriette d’Angleterre , épouse de Philippe d’Orléans, frère du roi Louis XIV.
Une tante par alliance d’Élisabeth-Charlotte, Anne de Gonzague de Clèves, fort bien introduite à la cour de France et qui par ses talents d’entremetteuse a déjà marié sa fille aînée avec un prince du sang, négocie alors le remariage du duc d’Orléans avec Élisabeth-Charlotte : malgré sa faible dot et sa religion protestante, cela permettrait la neutralité du palatinat du Rhin [9] dans le conflit récurrent qui oppose le roi de France aux Habsbourg [10]. L’électeur accepte avec joie cette union brillantissime pour sa fille.
Après s’être convertie au catholicisme à Metz [11], elle épouse par procuration le 16 novembre 1671 devant l’évêque de la ville Georges d’Aubusson de La Feuillade en la cathédrale de Metz [12], le duc Philippe d’Orléans, fils cadet de Louis XIII. Elle rencontre puis épouse son mari en personne 3 jours plus tard dans la chapelle de l’évêché de Châlons-sur-Marne [13]. À 19 ans, la jeune provinciale jalouse de sa liberté est devenue Madame, belle-sœur du roi, la plus importante dame de la cour après la reine.
Sachant apprécier la nature, Montaigne, Rabelais et la liberté, elle ne s’est jamais sentie très à son aise à la cour de Versailles régie par une étiquette rigoureuse, où fleurissent des intrigues de toutes sortes, et où les relations humaines ne sont fondées que sur l’intérêt et l’égoïsme.
Son mari, menant un train de vie dispendieux et indifférent aux charmes féminins, ne lui montre que l’empressement strictement nécessaire pour assurer une descendance. Pétillante d’esprit, indépendante, la princesse se consacre alors à une correspondance très abondante qui lui vaut le surnom d’Océan d’encre. Ses lettres, au nombre de 60 000, rédigées dans un style savoureux, constituent une source d’informations précieuse sur la vie à la cour de France. La princesse reste allemande de cœur et elle abhorre la cour et l’étiquette. Si on l’en croit ses lettres, la dépravation attribuée à la Régence règne déjà dans toute la seconde moitié du grand règne.
Consciente de son rang et de ses devoirs, elle ne dissimule pas ses antipathies, en particulier contre sa deuxième belle-sœur, Madame de Maintenon, qu’elle surnomme entre autres “la ripopée ou la vieille conne”. Elle ne recule pas, on le voit, devant le mot trivial. Méprisant la famille illégitime du roi, elle surnomme par exemple le comte de Toulouse Louis-Alexandre de Bourbon fils du roi et de madame de Montespan “la chiure de souris”, ou, à propos de la sœur de ce dernier, Mademoiselle de Blois , que son fils Philippe a épousée. Elle s’est d’ailleurs fortement indignée de ce mariage.
D’après le duc de Saint-Simon, elle serait allée jusqu’à gifler son fils sous les yeux de toute la Cour quand elle apprend que celui-ci a accepté ces épousailles qu’elle juge indignes de son rang. En revanche, elle montre toujours le plus grand respect envers le roi, tout en déplorant l’influence des gens qui l’entourent.
Elle parle souvent de son fils en déplorant ses mauvaises fréquentations mais en admirant son intelligence et ses succès militaires. Par contre, elle se montre une mère attentive, et sa correspondance avec sa fille détruite en grande partie en 1719, la duchesse de Lorraine et de Bar, est pleine de conseils maternels.
La princesse suit les débats d’idées de son temps et entretient même une correspondance avec Leibniz, mais elle ne partage pas le penchant de plus en plus dévot que suit le règne de Louis XIV.
Elle partage dans ses lettres ses doutes sur de nombreux points de religion. Elle-même protestante convertie par devoir au catholicisme, à Metz, pour pouvoir épouser le frère du roi de France, elle reste fidèle dans son cœur à la foi de son enfance, et du reste, témoin de la Révocation de l’édit de Nantes, elle ne comprend pas pourquoi des peuples peuvent se dresser les uns contre les autres sur des points qui lui paraissent mineurs.
Jamais elle ne se console de la détresse du Palatinat, sa région d’origine, ravagée par les armées du roi, son beau-frère, et tient Louvois pour responsable de la mort de son père en 1680 et de son frère en 1685. Jusque dans les dernières années, elle regrette sa jeunesse à Heidelberg. Elle souffre aussi des avanies et des intrigues de l’entourage de son mari.
À la mort de son mari en 1701, elle brûle les lettres compromettantes du duc et de ses amants auxquels il lègue une grande partie de ses biens alors qu’il laisse de nombreuses dettes à sa femme. Elle doit donc vendre pierreries et tableaux. Son contrat de mariage stipule qu’en cas de veuvage, l’héritage doit revenir à son fils aîné.
Aussi craint-elle que le roi ne l’envoie dans un couvent ou au château de Montargis [14]. Louis XIV qui apprécie sa belle-sœur l’autorise à conserver son rang, ses résidences et ses appartements au château de Versailles, lui fournissant même une rente de 250 000 livres.