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L’histoire pour le plaisir

Jean-Baptiste Rousseau

dimanche 12 mai 2019, par lucien jallamion

Jean-Baptiste Rousseau (1669 ou 1670-1741)

Poète et dramaturge français

Fils d’un cordonnier enrichi, Jean-Baptiste Rousseau fut élevé avec soin et fit de bonnes études chez les Jésuites [1] au collège Louis-le-Grand.

Pour s’accorder à l’esprit de dévotion que Madame de Maintenon répandait sur la fin du règne de Louis XIV, Jean-Baptiste Rousseau commença par composer l’imitation d’un psaume qu’il mit, dit-on, entre les mains du maréchal de Noailles.

Le poème plut et son auteur fut appelé à composer des odes religieuses pour l’édification du duc de Bourgogne Louis de France . Dans le même temps, il rimait en secret des épigrammes licencieuses pour le grand prieur de Vendôme Philippe de Vendôme et la Société du Temple [2], dans laquelle il avait été introduit par le marquis de La Fare Charles-Auguste de La Fare et l’abbé de Chaulieu. On a dit qu’il composait ses psaumes sans dévotion et ses épigrammes, qu’il appelait les Gloria patri des premiers, sans libertinage. Il fut des invités dela duchesse du Maine à ses salons littéraires et aux fêtes des Grandes Nuits de Sceaux [3], dans le cercle des Chevaliers de la Mouche à Miel [4] au Château de Sceaux [5].

L’habileté qu’il montrait dans la versification lui attira la protection de Boileau, qui le guida de ses conseils et le considérait comme le seul qui fût capable de continuer la manière classique. Il fut également protégé par le baron de Breteuil , introducteur des Ambassadeurs et père de la marquise du Châtelet Émilie du Châtelet , et le futur maréchal de Tallard Camille d’Hostun . Ce dernier l’emmena avec lui en 1697 lors de son ambassade à Londres auprès de Guillaume III d’Angleterre, ce qui lui permit de faire la connaissance de Charles de Saint-Évremond .

Rousseau rentra en France en avril 1699. Peu après son retour, le directeur des finances, Hilaire Rouillé du Coudray , se fit son mécène. Ce grand amateur du goût italien était proche de Philippe d’Orléans, futur Régent.

En 1708, Rouillé offrit à Rousseau un emploi de directeur des fermes que le poète se vante d’avoir refusé comme peu compatible avec la nécessaire indépendance d’un homme de lettres. En 1701, il fut élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres [6].

Rousseau s’était essayé au théâtre mais sans succès il avait donné trois comédies et deux opéras. Un seul de ces ouvrages, la comédie “Le Flatteur”, avait eu quelque succès au début, avant de tomber à la reprise.

L’auteur, furieux de ces revers, les attribua à des cabales montées par ses ennemis et désigna certains habitués du café de la veuve Laurent, situé rue Dauphine à proximité du Théâtre-français [7], où se réunissaient des hommes de lettres. On sait aussi que d’autres artistes et intellectuels parmi lesquels des musiciens fréquentaient ce célèbre café.

Rousseau entreprit d’exercer sa vindicte sur ses ennemis désignés. On commença par trouver sous les tables du café des vers satiriques contre Danchet, qu’on reconnut aisément pour l’œuvre de l’irascible poète. Le même procédé se répéta plusieurs fois, si bien que la veuve Laurent pria Rousseau de ne plus remettre les pieds dans son établissement. Les épigrammes se mirent alors à arriver par la poste, expédiées de Versailles où Rousseau demeurait. La police fut prévenue et les envois cessèrent.

En 1710, Rousseau se présenta à l’Académie française [8] contre Houdar de la Motte et fut battu. Il en conçut un très vif dépit. Les couplets recommencèrent et devinrent véritablement odieux, remplis d’injures pour ses adversaires mais aussi contre de hauts personnages et de blasphèmes contre la religion. Rousseau reçut, au Palais-Royal [9], une correction de La Faye, capitaine aux gardes et poète à qui on les avait attribués.

Rousseau porta plainte contre La Faye pour voie de fait, mais La Faye riposta par une plainte en diffamation. Rousseau se désista alors de sa plainte, entraînant le retrait de celle de son adversaire, mais ce fut pour accuser Saurin d’être l’auteur des couplets. Saurin fut arrêté, mais il put démontrer que les témoins produits contre lui avaient été subornés. Un arrêt du Parlement de Paris [10] en date du 27 mars 1711 le relaxa et condamna Rousseau à lui verser 4 000 livres de dommages et intérêts. Un second arrêt, en date du 7 avril 1712, condamna Rousseau au bannissement à perpétuité.

Rousseau, devançant l’arrêt du Parlement, avait quitté la France et s’était d’abord rendu en Suisse, auprès de l’ambassadeur de France, le comte du Luc Charles-François de Vintimille du Luc . Ce dernier l’emmena avec lui au congrès de Bade, où il fut présenté au prince Eugène, auprès de qui il passa 3 ans à Vienne. Il s’installa ensuite chez le duc d’Arenberg Léopold-Philippe d’Arenberg à Bruxelles, où le baron de Breteuil lui fit obtenir, en 1717, des lettres de grâce. Rousseau ne voulut cependant pas en user, réclamant d’être rejugé, ce qui ne put lui être accordé.

En 1722, à Bruxelles, Rousseau rencontra Voltaire . Ce qui se passa exactement durant cette entrevue n’est pas clair, mais il en résulta, entre les deux auteurs, une profonde et violente inimitié.

En 1737, fatigué de l’exil, Rousseau sollicita l’autorisation de revenir en France. Ses protecteurs lui ayant conseillé de venir à Paris, il s’y rendit vers la fin de 1738 et y résida quelques mois incognito, sous le nom de Richer.

Les démarches faites en sa faveur ne furent pas couronnées de succès et il dut reprendre la route de Bruxelles en février 1739. Il y mourut en 1741.

Pour ses contemporains, Rousseau était considéré comme « le prince de nos poètes lyriques ». Lorsqu’il mourut, Lefranc de Pompignan lui consacra une ode magnifique dont Sainte-Beuve a dit avec malice qu’elle était la plus belle ode due à Rousseau.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Jérôme Dorival, La Cantate française au xviiie siècle, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 3476), 1999, 127 p. (ISBN 2-13-049974-0, OCLC 237398633, notice BnF no FRBNF37045546)

Notes

[1] La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique masculin dont les membres sont des clercs réguliers appelés « jésuites ». La Compagnie est fondée par Ignace de Loyola et les premiers compagnons en 1539 et approuvée en 1540 par le pape Paul III.

[2] La société du Temple est une société littéraire et philosophique de la fin du 17ème siècle et du début du 18ème siècle qui se réunit dans l’enclos du Temple où se retrouvent des libertins et beaux esprits qui font l’apologie du plaisir, et qui prônent une philosophie déiste selon laquelle la nature est bonne puisque créée par un dieu bon.En firent notamment partie Voltaire et Jean-Baptiste Rousseau, le premier introduit par son parrain, l’abbé de Châteauneuf, le second par le marquis de La Fare et l’abbé de Chaulieu.

[3] Les Grandes Nuits de Sceaux est un ensemble de fêtes et divertissements donnés par Louise Bénédicte de Bourbon (1676-1753) en son château de Sceaux entre 1705 et 1753.

[4] L’ordre de la Mouche à miel est une parodie1 d’ordre de chevalerie créé en 1703 par Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine pour attacher à sa personne la Cour qu’elle avait rassemblée au château de Sceaux. C’est pour récompenser les personnes de sa Cour et les attacher à sa personne qu’Anne Louise Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine, eut la fantaisie de créer en juin 1703 un ordre de chevalerie dit « ordre de la Mouche à miel ». Cette « ingénieuse plaisanterie », devise que la duchesse avait adoptée lors de son mariage, lui donna l’idée de la création de cet ordre. Cette devise trouve sa source dans l’Aminte du Tasse. La petite taille de la duchesse la faisait comparer à une mouche à miel (c’est-à-dire une abeille), ainsi que son caractère emporté. Il n’était pas recommandé de perdre cette médaille. L’ordre était ouvert aux femmes et aux hommes, au nombre d’une quarantaine

[5] Au début du 17ème siècle, les Potier de Gesvres, seigneurs de Sceaux depuis 1597, font construire un château de style Henri IV ou Louis XIII. C’est une famille de bourgeois qui finiront par devenir ducs : ducs de Tresmes et ensuite ducs de Gesvres. Sceaux est érigée en châtellenie en 1612 et en baronnie en 1619-1624 pour le fils cadet de Louis, Antoine Potier de Sceaux, greffier des ordres du Roi. En 1670, Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, qui souhaite disposer d’un domaine près de Paris et non loin de Versailles, pour y établir sa maison de campagne, achète la terre de Sceaux aux trois héritiers de René Potier, marquis de Gesvres, duc de Tresmes.

[6] L’Académie des inscriptions et belles-lettres a été fondée par Colbert en 1663 sous le nom de La Petite Académie. C’est en 1816 que son appellation actuelle apparaît. Au début, elle devait établir les inscriptions et devises des monuments et médailles en l’honneur de Louis XIV. Par la suite, elle s’est tournée vers l’histoire et l’archéologie. Aujourd’hui intégrée à l’Institut de France, elle poursuit cette mission.

[7] La Comédie-Française ou Théâtre-Français (surnommé « Le Français ») est une institution culturelle française fondée en 1680 et résidant depuis 1799 salle Richelieu au cœur du Palais-Royal dans le 1er arrondissement de Paris. Établissement public à caractère industriel et commercial depuis 1995, c’est le seul théâtre d’État en France disposant d’une troupe permanente de comédiens, la Troupe des Comédiens-Français. Bien que mort depuis sept ans quand la troupe a été créée, Molière est considéré comme le « patron » de l’institution, surnommée la « Maison de Molière ». Le fauteuil dans lequel il entra en agonie lors d’une représentation du Malade imaginaire est toujours exposé au fond de la galerie des bustes, après le Foyer Public

[8] L’Académie française, fondée en 1634 et officialisée le 29 janvier 1635, sous le règne de Louis XIII par le cardinal de Richelieu, est une institution française dont la fonction est de normaliser et de perfectionner la langue française. Elle se compose de quarante membres élus par leurs pairs. Intégrée à l’Institut de France lors de la création de celui-ci le 25 octobre 1795, elle est la première de ses cinq académies. La mission qui lui est assignée dès l’origine, et qui sera précisée le 29 janvier 1635 par lettres patentes de Louis XIII, est de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure et compréhensible par tous, donc d’uniformiser cette dernière. Elle doit dans cet esprit commencer par composer un dictionnaire : la première édition du Dictionnaire de l’Académie française est publiée en 1694 et la neuvième est en cours d’élaboration. L’Académie française rassemble des personnalités marquantes de la vie culturelle : poètes, romanciers, dramaturges, critiques littéraires, philosophes, historiens et des scientifiques qui ont illustré la langue française, et, par tradition, des militaires de haut rang, des hommes d’État et des dignitaires religieux.

[9] Le Palais-Royal, ensemble monumental (palais, jardin, galeries, théâtre) au nord du palais du Louvre dans le 1er arrondissement de Paris, est un haut lieu de l’histoire de France et de la vie parisienne. Construit par Richelieu en 1628, le Palais-Cardinal, donné au roi Louis XIII en 1636, sert de résidence à Louis XIV enfant pendant les troubles de la Fronde et devient le Palais-Royal.

[10] Le parlement de Paris est une institution française de l’Ancien Régime. Il fait partie des cours souveraines, rebaptisées cours supérieures à partir de 1661 (début du règne personnel de Louis XIV). Issu de la Curia regis médiévale, le parlement apparaît au milieu du xiiie siècle et prend progressivement son autonomie pour juger le contentieux sous forme d’un organe spécialisé aux sessions régulières, la curia in parlamento, que saint Louis établit dans l’île de la Cité, à côté du palais de la Cité, et qui reçoit sa première réglementation générale avec une ordonnance de Philippe III le Hardi en 1278. À partir du 15ème siècle, treize autres parlements furent érigés à partir d’institutions locales parfois beaucoup plus prestigieuses, comme l’échiquier de Normandie, ou beaucoup plus anciennes, comme les États de Provence, ou mêmes créés ex nihilo ; néanmoins, celui de Paris, cour de justice du Roi, ultime suzerain, et donc d’ultime recours, devint ainsi prééminent. On le mentionnait souvent simplement comme « le Parlement ».