Fils de Hippocrate , Pisistrate s’empara du pouvoir par la ruse, en occupant l’Acropole en 561 av. jc et fut le premier tyran [1] d’Athènes [2], ainsi que le fondateur de la dynastie des Pisistratides [3], dynastie qui ne lui survivra que 17 ans.
Par son œuvre d’homme politique et d’homme d’État, il a arraché définitivement Athènes à la domination de l’antique oligarchie aristocratique et préparé, par une politique extérieure nouvelle et audacieuse, la domination militaire et commerciale d’Athènes en mer Égée [4], condition préalable à l’instauration de la démocratie et à l’apogée de la puissance athénienne au 5ème siècle, le « siècle de Périclès ».
La conquête du pouvoir par Pisistrate s’inscrit dans un mouvement général des cités grecques, où se généralise la tyrannie. À Corinthe [5], Milet [6], Sicyone [7], Samos [8], Mytilène [9], dans les colonies d’Asie Mineure [10], des tyrans et des dynasties de tyrans prestigieux liquident la domination oligarchique, enrichissent et renforcent leurs cités, mais aussi développent le commerce et son corollaire, les conquêtes.
Après les grandes réformes des 7ème et 6ème siècle av. jc, dues à Dracon et à Solon, la domination de l’aristocratie terrienne et son système politique, l’oligarchie, sont menacés à la fois par les nouveaux riches, aristocrates ou non, dont la fortune est mobilière, et par les petits propriétaires paysans, dont le mécontentement va croissant.
Pisistrate sait l’art d’exciter les passions populaires. Blessé accidentellement par son barbier, il montre son visage ensanglanté dans les rues affirmant qu’on vient de tenter de l’assassiner. Hérodote rapporte qu’il se serait affiché sur un char en compagnie d’une jeune femme portant le costume d’Athéna, et que les Athéniens y crurent.
La crise agraire est particulièrement sensible à Athènes. Trois factions de partisans se constituent, avec un chef à leur tête : Les Paraliens [11], faction soutenue par les Alcméonides [12]. Mégaclès est leur représentant. Les Pédiens [13], leur représentant est Lycurgue. Les Diacriens, qui représentent la paysannerie pauvre et particulièrement celle des montagnes du nord-est de l’Attique [14]. Pisistrate à leur tête, obtient la tyrannie. Aristocrate d’origine, issu d’une famille qui prétendait descendre de Nestor , il devient le chef des Diacriens grâce à son prestige militaire acquis lors d’une bataille d’Athènes contre Mégare [15].
Allié aux Alcméonides par son mariage, il monte un attentat simulé contre lui pour se faire attribuer des gardes du corps. On les lui accorde avec comme seule restriction d’être munis seulement de gourdins, d’où leur nom de ’porte-matraque’. Avec cette milice il prend le pouvoir et s’installe sur l’Acropole, ancienne demeure des rois légendaires en 561 av.jc. Chassé par l’opposition conjuguée de Lycurgue, chef des Pédiens, et de Mégaclès, chef des Alcméonides, Pisistrate revient 11 ans plus tard. Vers 554 Mégaclès s’allie à Pisistrate et manipule le démos athénien pour légitimer Pisistrate. Il déguise une femme en Athéna qui entre dans Athènes accompagnée de Pisistrate. Une fois au pouvoir, Pisistrate est de nouveau écarté car il rompt son alliance avec Mégaclès en 552.
De là il gagne la région du mont Pangée [16], riche en minerais précieux, comme d’autres aventuriers athéniens, il exploite les richesses naturelles du pays, s’y procurant assez d’or et d’argent pour pouvoir ensuite y rassembler une armée de mercenaires, qu’il fera en 542 débarquer en Attique. Vainqueur de ses adversaires dans une bataille qui se déroule près du temple d’Athéna Pallènis, il rentre à Athènes, définitivement cette fois.
La tradition unanime a gardé le souvenir de la bienveillance du tyran, de sa modération dans l’exercice du pouvoir et de ses bienfaits. Les auteurs anciens affirment d’abord que Pisistrate gouverna en respectant les lois existantes. Cela suppose qu’il maintint la législation solonienne et que les magistrats furent élus comme par le passé. Tout au plus, le pouvoir de fait qu’il exerçait lui permettait de réserver les fonctions politiques à ses partisans et aux membres de sa famille. Comme il avait condamné à l’exil ses adversaires après son dernier retour, il n’avait pas à craindre une opposition venant de l’intérieur.
Homme d’État prudent, il est l’instigateur d’une vaste réforme politique et sociale qui prolongeait l’œuvre de Solon et s’attaque aux privilèges des riches, résout la question agraire en instaurant dans l’Attique une sorte de crédit agricole, favorise l’industrie et le commerce maritime.
Les finances sont assainies grâce aux mines d’or du Pangée et à la mise en valeur de celles d’argent du Laurion [17], de surcroît, un impôt de 5 % sur le revenu permet de financer les conquêtes en mer Égée.
Il commença par abroger toutes les lois de Dracon, excepté celles qui regardaient le meurtre, excessivement sévères dans les punitions, elles ne prononçaient qu’une même peine pour toutes les fautes, c’était la peine de mort. Ceux qui étaient convaincus d’oisiveté, ceux qui n’avaient volé que des légumes ou des fruits, étaient punis avec la même rigueur que les sacrilèges et les homicides.
Il tend à se concilier les paysans par des mesures destinées à porter remède à leur misère, distribution monétaire, vente de grains à bas prix, sans toutefois, procéder à ce partage des terres qu’avait, avant lui, rejeté Solon. En même temps, ses revenus augmentaient quand la campagne était cultivée.
En matière de politique extérieure, il fut le premier à orienter la politique d’Athènes vers la mer d’Egée et la région des Détroits. En cela, il permit l’établissement de colonies militaires sur l’Hellespont [18], entreprit la conquête des Cyclades [19], de Naxos [20], où Pisistrate établit la tyrannie de son ami Lygdamis, et de Délos [21], centre religieux et commercial. C’était ainsi s’assurer l’approvisionnement en blé qui, au 5ème et au 4ème siècle, alimente Athènes. Pour payer ce blé, il encouragea le développement de la céramique athénienne.
A la fin de son règne vers 530, il fit frapper les premières monnaies de l’Attique connues sous le nom de wappenmünzen [22]. Soucieux d’affirmer l’unité de l’Attique, il favorisa le développement des cultes autour desquels pouvaient se rassembler les Athéniens, celui d’Athéna, celui de Dionysos.
À sa mort, en 527, il lègue à ses deux fils, Hippias et Hipparque, une Athènes prospère et puissante, qui connaît un essor culturel sans précédent. L’époque des Pisistratides fut celle des premières grandes constructions sur l’Acropole, l’Olympiéion, le Lycée, le temple d’Apollon Pythien et de grands travaux d’adduction d’eau. Il ouvrit la première bibliothèque publique, fit rassembler et publier les rhapsodies homériques et les œuvres de plusieurs anciens poètes. Il contribua de toute manière à préparer la grandeur politique et artistique d’Athènes. Mais l’aristocratie marchande, les Alcméonides en particulier, qu’il a pourtant enrichie, va tenter de se débarrasser d’une tyrannie devenue particulièrement policière après l’assassinat d’Hipparque par les tyrannoctones [23].
Pour en finir avec la dictature d’Hippias, ils feront appel à l’intervention militaire de Sparte [24], qui met fin au règne des Pisistratides et ouvre la voie à la réforme démocratique dont Pisistrate avait jeté les bases économiques et militaires.