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Marie de Woodstock ou Marie d’Angleterre (1279-1332)

dimanche 15 décembre 2024, par lucien jallamion

Marie de Woodstock (1279-1332)

Princesse anglaise

Fille du roi Édouard 1er d’Angleterre et d’Éléonore de Castille. Elle devient nonne bénédictine [1] au prieuré d’Amesbury.

Au cours de l’année 1285, sa grand-mère paternelle Éléonore de Provence choisit de se retirer au prieuré d’Amesbury, dans le Wiltshire [2], et décide d’emmener avec elle ses petites-filles Marie de Woodstock et Aliénor de Bretagne , afin d’en faire de futures nonnes bénédictines au prieuré.

Malgré l’opposition de sa mère au projet, Marie fait le 15 août 1285, alors qu’elle a 7 ans, sa dédicace au prieuré d’Amesbury, aux côtés de 13 jeunes filles nobles. Elle y devient nonne à l’âge de 12 ans à la fin de 1291, peut-être le 8 décembre, fête de la conception de la Vierge, en présence de sa famille.

Les parents de Marie lui accordent la somme annuelle de 100 livres pour subvenir à ses besoins. Marie reçoit également le double du revenu habituel pour se vêtir, dispose d’un droit spécial concernant le vin des réserves du prieuré et vit confortablement dans des quartiers privés avec un lit fait de velours et de tapisseries, et des draps en lin. Le roi lui envoie à une occasion plus de 200 aunes de tissus ainsi que 2 000 poissons.

Son père lui rend visite à plusieurs reprises : deux fois en 1286 et en 1289, puis à nouveau en 1290 et 1291. À la mort d’Éléonore de Provence en 1291, l’hypothèse d’envoyer Marie à l’abbaye de Fontevraud [3], qui est la maison mère d’Amesbury, surgit. Il est très probable que la prieure de Fontevraud ait prié le roi d’Angleterre de lui envoyer sa fille, mais Édouard refuse, par peur que sa fille ne soit capturée par le roi Philippe IV le Bel dans l’éventualité d’une guerre avec la France.

En compensation, le roi double l’allocation annuelle de sa fille à 200 livres. En 1292, Marie bénéficie également du droit de recevoir 40 chênes par an issus des forêts royales et 20 tonneaux de vin par an de Southampton [4].

Bien que résidant à Amesbury, Marie voyage fréquemment en Angleterre après avoir pris le voile. Elle visite ainsi son frère cadet, le futur Édouard II, en 1293 et apparaît régulièrement à la cour, y passant notamment 5 semaines en 1297, juste avant le départ de sa sœur Élisabeth dite Élisabeth de Rhuddlan pour la Hollande. Sur une période de 3 mois en 1305, elle rend visite pas moins de 11 fois, chaque fois sur une durée allant jusqu’à 5 jours, à ses demi-frères Thomas et Edmond. Lors de ses visites à la cour, elle est accompagnée de demoiselles, de serviteurs ainsi que de 24 à 30 chevaux et palefreniers. Son père paie souvent ses dettes de jeu et lui fait présent de chiens de chasse. Marie reçoit également des proches à Amesbury : sa nièce Jeanne de Monthermer et sa cousine Isabelle de Lancastre y prennent le voile, tandis que sa demi-sœur Aliénor d’Angleterre (1306-1311) , sa nièce Éléonore de Bohun et sa petite-nièce Jeanne Gaveston y séjournent pendant leur enfance.

On sait que Marie est proche de sa nièce Élisabeth de Clare , fille de sa sœur Jeanne : ainsi, après la mort prématurée de son époux Théobald II de Verdun en 1316, Élisabeth se retire à Amesbury, y donne naissance à leur fille Isabelle, et accompagne quelques semaines après son accouchement sa tante Marie lors d’un pèlerinage à Canterbury [5].

Marie semble avoir entretenu d’excellentes relations avec son frère Édouard. En 1304, Édouard lui offre un lévrier, tandis que Marie lui envoie en 1307 un faucon. Dans une lettre de 1304, Édouard prie sa sœur de l’excuser pour ne pas avoir envoyé comme il les lui avait promis plusieurs présents, dont des tonneaux de vin et un orgue, car le seul vin que ses serviteurs ont pu trouver n’était pas d’assez bonne qualité et que l’orgue s’était brisé lors de son acheminement.

Les relations de Marie avec Isabelle de France, l’épouse du roi, sont cordiales : les deux femmes correspondent souvent et réalisent ensemble un pèlerinage en 1316 à Cantorbéry.

À la fin des années 1290, Marie reçoit plusieurs fonctions au prieuré d’Amesbury. Elle obtient ainsi les postes stratégiques de vice-gérante et de visitatrice, ce qui la place juste après l’abbesse dans la hiérarchie de l’institution, lui donne le droit d’autoriser le transfert de nonnes entre plusieurs couvents bénédictins et lui permet enfin de se déplacer à son gré dans le royaume afin de profiter de certaines occasions pour rendre visite à sa famille.

En 1302, la somme annuelle de 200 livres que lui allouait jusque-là la couronne est remplacée par des droits sur plusieurs manoirs et le bourg de Wilton [6], situé dans le Wiltshire [7], mais à la seule condition qu’elle demeure en Angleterre.

Toutefois, ses droits lui apportent des revenus inférieurs à ses dépenses et les dettes lors de paris qu’elle mène sur des jeux de dés qu’elle accumule au cours d’une visite à la cour de son père en 1305 contraint le roi à lui re-attribuer brièvement cette année-là la somme de 200 livres pour pouvoir payer ses dettes. Malgré ces difficultés pécuniaires, Marie garde la confiance de l’ordre bénédictin, qui lui confie la gestion du prieuré de Grove [8], situé dans le Buckinghamshire [9]. Elle semble s’acquitter de cette tâche avec succès, puisqu’elle conserve ce poste jusqu’à sa mort.

En revanche, Marie ne réussit pas à obtenir la fonction d’abbesse dans l’ordre bénédictin, tandis que sa cousine Aliénor de Bretagne devient abbesse de Fontevraud en 1304. La lecture en 1303 au prieuré d’Amesbury de la bulle pontificale Periculoso, édictée 5 ans auparavant par le pape Boniface VIII, requiert des nonnes qu’elles demeurent à l’intérieur de l’établissement religieux, mais cette décision ne semble pas avoir affecté les voyages fréquents de Marie à la cour et ses pèlerinages, probablement du fait de l’influence dont elle bénéficie de par son ascendance royale. Peu après 1313, son poste de visitatrice lui est en revanche retiré.

Informé de cette décision, le roi Édouard II ordonne alors à Aliénor de Bretagne de restaurer sa sœur Marie à cette fonction, mais sa requête se révèle quand même infructueuse. La persévérance de Marie auprès de son frère pousse le roi à s’adresser au pape Jean XXII pour remédier à cette situation et, finalement, un mandat papal adressé à Aliénor lui intime l’ordre de restaurer Marie dans son poste de visitatrice. Aliénor se plie alors à l’injonction papale et adresse au prieuré d’Amesbury une lettre dans laquelle elle précise que Marie doit de nouveau être reconnue comme visitatrice.

En dépit de son conflit apparent avec sa cousine Aliénor, Marie de Woodstock continue à mener une existence confortable. En 1316, elle parvient à emprunter plus de 2 livres des fonds du prieuré d’Amesbury et envoie un clerc à Londres pour des courses personnelles, qui sont pourtant aux frais du prieuré. Le statut royal de Marie n’est pas remis en cause par l’ordre bénédictin et c’est effectivement en tant que princesse royale que Marie reçoit l’hommage du dominicain Nicholas Trivet , un universitaire et auteur alors prolifique et polyvalent.

Trivet dédicace d’ailleurs entre 1328 et 1334 son œuvre “Cronicles” à Marie, qu’elle pourrait très bien lui avoir commandé d’écrire. Conçu comme une histoire amusante du monde, l’ouvrage de Trivet devient plus tard une source importante pour plusieurs œuvres populaires de l’époque et est en partie un récit de la famille royale des Plantagenêts [10].

Marie ne s’implique cependant pas dans les affaires politiques du royaume et on ignore ses réactions lorsque son frère Édouard II est déposé en 1327. Elle est en revanche à cette date la seule sœur du roi encore vivante qui réside en Angleterre, son aînée Marguerite ayant sa propre cour dans le duché de Brabant [11]. Marie de Woodstock meurt le 29 mai 1332 à Amesbury, à l’âge de 53 ans, et est sans doute inhumée dans le prieuré. Elle est alors l’avant-dernier enfant d’Édouard 1er et d’Éléonore de Castille à trépasser, sa sœur Marguerite mourant à une date inconnue après 1333.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de David Carpenter, The Struggle for Mastery : The Penguin History of Britain 1066–1284, Londres, Penguin, 2004, 640 p. (ISBN 978-0-14-014824-4)

Notes

[1] L’ordre de Saint-Benoît plus connu sous le nom d’ordre des Bénédictins, est une fédération de monastères ayant, au cours de leur histoire, adopté la règle de saint Benoît. Ainsi saint Benoît de Nursie en est-il considéré comme le fondateur en 529.

[2] Wiltshire est un comté cérémonial du sud-ouest de l’Angleterre. Il est bordé par les comtés d’Hampshire, Dorset, Somerset, Gloucestershire, Oxfordshire et Berkshire. Son chef-lieu administratif est Trowbridge, située à l’ouest du comté. Le comté est renommé pour les pierres de Stonehenge, l’énorme cromlech d’Avebury et la cathédrale de Salisbury.

[3] L’abbaye de Fontevraud est une ancienne abbaye d’inspiration bénédictine, siège de l’ordre de Fontevraud, fondée en 1101 par Robert d’Arbrissel et située à Fontevraud, près de Saumur en Anjou. Érigée dés sa fondation en monastère double dans l’esprit de la réforme grégorienne, l’abbaye de Fontevraud va s’attirer la protection des comtes d’Anjou puis de la dynastie des Plantagenêts qui en feront leur nécropole.

[4] Southampton est une ville portuaire, située sur la côte sud de l’Angleterre. C’est la plus grande ville du Hampshire, devant Portsmouth. Elle a le statut de Cité et d’Autorité unitaire.

[5] Canterbury ou parfois en français Cantorbéry est une cité du Kent, dans l’extrémité sud-est de l’Angleterre, sur la rivière Stour, à 86,4 km de Londres. Ancienne capitale du royaume de Kent, elle est l’une des villes les plus anciennes du pays. Augustin de Cantorbéry convertit la ville, ainsi que le roi Aethelbert de Kent et en fait pour lui un siège épiscopal en 597. La ville devient rapidement le siège de l’archevêque primat d’Angleterre.

[6] Wilton est une ville d’Angleterre, dans le Wiltshire. Située au confluent de la Wylye et de la Nadder, la ville est de nos jours étouffée par sa grande voisine Salisbury. Elle était célèbre jadis pour ses tapis et draps. Wilton fut la capitale du Wessex et la résidence du prince breton Carvilius. Cette ville eut au 10ème siècle un évêché qui fut transféré depuis à Old Sarum. Durant l’Anarchie, en 1143, Robert, comte de Gloucester, défit Étienne de Blois lors de la bataille de Wilton. Aux environs est Wilton House, le château des comtes de Pembroke.

[7] Wiltshire est un comté cérémonial du sud-ouest de l’Angleterre. Il est bordé par les comtés d’Hampshire, Dorset, Somerset, Gloucestershire, Oxfordshire et Berkshire. Son chef-lieu administratif est Trowbridge, située à l’ouest du comté. Le comté est renommé pour les pierres de Stonehenge, l’énorme cromlech d’Avebury et la cathédrale de Salisbury.

[8] Grove est un village et une ancienne paroisse civile, aujourd’hui dans la paroisse de Slapton, dans le Buckinghamshire, en Angleterre. Il se trouve à la frontière avec le Bedfordshire, juste au nord de Mentmore. Il est de la taille de certains hameaux, mais il est distinct en tant que village car il avait sa propre église paroissiale. À l’époque médiévale, il y avait une abbaye ou un prieuré de religieuses dans la paroisse, fondée en 1169 par Henri II et rattachée à l’abbaye de Fontevrault en France. Après les guerres avec la France, il fut donné au doyen et aux chanoines de Windsor.

[9] Le comté de Buckinghamshire est un comté du Sud-Est de l’Angleterre. Il est situé au nord-ouest du Grand Londres et jouxte également le Berkshire, l’Oxfordshire, le Northamptonshire, le Bedfordshire et le Hertfordshire. Son chef-lieu est Aylesbury. Le Buckinghamshire est divisé en quatre districts : Aylesbury Vale, Chiltern, South Bucks et Wycombe.

[10] ] Les Plantagenêts sont une maison royale issue de la première maison d’Anjou avec le mariage en 1127 de Geoffroy V dit Plantagenet, fils de Foulques V d’Anjou, comte d’Anjou et du Maine, avec Mathilde l’Emperesse, fille d’Henri 1er Beauclerc, duc de Normandie, comte de Bretagne et roi d’Angleterre. Ils sont rois d’Angleterre de 1154 à 1485, ducs de Normandie et d’Aquitaine, comtes de Poitou et de Nantes, seigneurs d’Irlande (très brièvement comtes de Bretagne), seigneurs de Chypre, etc. Les maisons de Lancastre et d’York sont deux des branches des Plantagenêts, qui ont cessé de régner en 1485 à la mort du roi Richard III. Quoi qu’il en soit, la maison Plantagenêt est éteinte en ligne légitime depuis l’exécution d’Édouard Plantagenêt en 1499 par Henri VII.

[11] Le duché de Brabant est un État féodal issu du démembrement de la Basse-Lotharingie en 1106 et est intégré au Saint-Empire romain germanique. Sa frontière occidentale est l’Escaut, qui le sépare du comté de Flandre, fief du royaume de France jusqu’en 1526. Devenu possession des ducs de Bourgogne sous Philippe le Bon, il passe aux Habsbourg après la mort de la duchesse Marie de Bourgogne en 1482, épouse de Maximilien d’Autriche, devenant la principale des Dix-Sept Provinces des Pays-Bas sous le règne du duc Charles VII (Charles Quint) puis de son fils Philippe IV (Philippe II d’Espagne). Bruxelles est alors la capitale des Pays-Bas, Malines le siège primatial et Anvers la principale place économique d’Europe, en liaison avec Séville et l’Amérique, Lisbonne et les Indes orientales.