Les domestications : naissance de l’agriculture et de l’élevage
Le Néolithique est défini comme le passage d’une économie prédatrice de chasseurs-cueilleurs à une économie productrice d’agriculteurs-éleveurs, ce qui place donc la question de la domestication des plantes et des animaux au centre des bouleversements apportés par cette période.
Les premières plantes cultivées au Proche-Orient, consistent en un groupe d’au moins 9 plantes [1]. Les premiers animaux domestiqués, après le chien, sont le mouton, la chèvre, le porc et la vache. Le chat domestique est également attesté durant le Néolithique.
Ces évolutions, concomitantes, sont survenues pour la première fois dans l’histoire de l’humanité au Moyen-Orient, même s’il ne s’agit pas du seul foyer à l’échelle mondiale ayant expérimenté la domestication de manière indépendante. La domestication implique d’un côté un contrôle des espèces domestiquées par l’homme : il sème et récolte, sélectionne, parque les animaux et décide lesquels vont être abattus.
Les domestications sont à l’origine de la capacité des sociétés humaines à transporter hors de leurs habitats naturels une grande variété et une grande quantité de plantes et d’animaux, ce qui enclenche sur le long terme un processus d’expansion et d’accroissement démographique.
Les domestications sont sans doute issues de nombreuses tentatives, les indices épars de pré-domestications comprennent sans doute des changements involontaires et des expérimentations avortées, étalés sur près d’un millénaire.
Vers 9000 av. jc on suppose un début de contrôle des troupeaux de moutons dans les piémonts de l’arc Taurus-Zagros
Les premières espèces de plantes morphologiquement domestiques sont attestées vers 8500 av. jc, notamment le blé et l’orge.
Des traces d’agriculture pré-domestique et de premières céréales domestiques sont en effet identifiées au Levant nord, Levant sud, Anatolie centrale, Zagros [2] et Chypre [3]. L’étendue géographique est donc importante, ce qui laisse supposer plusieurs épisodes de domestication indépendants pour une même plante.
Pour les animaux, les traces de gestion des troupeaux de type domestique émergent à partir de 8500-8000 av. jc selon les espèces, avant tout sur les sites du Moyen-Euphrate et d’Anatolie [4] du sud-est. Ainsi on retrouve des traces de contrôle poussé des chèvres au Levant central [5], et on suppose d’autres foyers, dans le Zagros [6])et au Levant sud. Les moutons sont domestiqués en Anatolie du sud-est, mais ils sont peut-être aussi domestiqués en Anatolie centrale [7] vers la même période. Quant aux vaches et sangliers, ils ne sont courants dans le Levant nord, leur foyer unique de domestication en l’état actuel des connaissances, que vers la fin du 8ème millénaire av. jc et met plusieurs siècles à se diffuser. Ce n’est qu’à la fin du Néolithique précéramique, dans la seconde moitié du 7ème millénaire av. jc, que les 4 ongulés domestiqués se retrouvent dans toutes les régions du Moyen-Orient.
C’est dans le contexte chypriote qu’apparaît la plus ancienne attestation de chats domestiques. Comme les chiens, ils se sont sans doute associés d’eux-mêmes aux humains pour profiter de leurs ressources alimentaires, avant d’être acceptés et accueillis par ceux-ci.
Le mode de culture serait plus de nature intensive qu’extensive, reposant sur la mise en valeur d’espaces cultivés de petite taille, des sortes de jardins à céréales et légumineuses, où la terre est travaillée avec des outils à forme simple. Quoi qu’il en soit l’espace requis pour les communautés villageoise de l’époque, qui dépassent sans doute rarement la centaine d’habitants, est réduit malgré l’usage de la jachère [8], et il est probable que la plupart du temps l’espace agricole à mettre en valeur ne manque pas, mais plutôt les bras pour le faire. De plus la mobilité est partie prenante des stratégies de ces agriculteurs, permettant le cas échéant de faire face à l’épuisement des sols, à la diminution des ressources locales, à des problèmes d’accès à l’eau. On cultive surtout l’orge, le blé amidonnier, les lentilles et les pois. Les céréales sont plantées entre octobre et décembre et récoltées entre avril et juin. Le passage à une économie agricole semble de plus avoir augmenté la charge de travail par rapport à l’économie de collecte, le travail des champs [9] et la surveillance des troupeaux demandant de nombreuses heures de labeur réparties entre tous les membres de la communauté.
Le développement de la céramique durant cette période, avec des usages essentiellement pour la cuisson des aliments et le stockage, qui s’affirment durant les périodes tardives du Néolithique céramique a manifestement un lien avec l’essor de l’économie agricole.
On observe une croissance de la taille moyenne, mais l’usure des dents reste importante, les caries plus courantes ainsi que les pertes de dents.
Le mode de vie néolithique introduit des différences entre les sexes : les hommes des groupes de chasseurs-cueilleurs du Natoufien [10] semblent mourir plus jeunes que les femmes, en raison de risques liés à la chasse, puisque cette activité leur serait réservée ; en revanche les hommes du Néolithique vivraient plus vieux parce que ce risque a disparu, alors que celle des femmes diminuerait sous l’effet d’une fertilité plus importante qui augmenterait les risques liés à la grossesse et l’accouchement. D’une manière générale on n’observe pas de baisse de l’espérance de vie, au contraire : une analyse la situe à 24,6 ans au Natoufien et 25,5 ans au Néolithique ; l’âge moyen de décès est de respectivement 31,2 ans et 32,1 ans.
Il est généralement considéré que la domestication des animaux et la proximité qu’elle a induit entre humains et animaux a conduit à l’apparition des zoonoses, maladies transmises des animaux aux humains et vice-versa.
Une croissance de la population se produit durant le processus de néolithisation, avec des conséquences sur les évolutions sociales et économiques quand il y a des franchissements de seuil démographique.
En tout cas il est généralement estimé, sur la foi d’observations ethnographiques, que la sédentarité est potentiellement porteuse d’une croissance de la fécondité : par rapport à ce qui se passe dans un mode de vie mobile, le risque de fausses couches serait moindre en mode de vie sédentaire, et la durée d’allaitement plus réduite ce qui par suite diminuerait l’intervalle entre les conceptions. Surtout, il est manifeste que l’adoption de l’agriculture et de l’élevage, en permettant à une plus grande population de survivre, à surface de terres constante, a conduit à un accroissement démographique plus marqué chez les populations néolithisées que chez les collecteurs.
L’âge de la pierre polie [11] a en fait une culture matérielle dominée quantitativement par les industries lithiques en pierre taillée, qui servent de moyen principal d’identification des cultures néolithiques par les chercheurs, avant l’apparition de la poterie. Le silex est accessible partout est sert à fabriquer l’outillage de base de ces sociétés, tandis que l’obsidienne, plus rare et plus valorisée, sert a fabriquer des objets de prestige qui circulent sur de longues distances.
Les bracelets en pierre sont des anneaux qui apparaissent sous des formes circulaires ou ovales, dont les profils se diversifient avec le temps. Ils sont taillés dans des marbres ou du basalte à grain fin. Aux périodes récentes la technique de fabrication semble impliquer une forme de tournage, à partir d’un disque progressivement évidé, ce qui indique là aussi un artisanat spécialisé.
Durant le Néolithique précéramique, la terre et l’argile servent avant tout dans la construction pour les structures, avec le développement des briques, et aussi pour les silos, où elles sont mêlées avec des végétaux ; de même l’argile peut être mêlée à du plâtre. Ces technique semblent constituer un antécédent des céramiques, avec la vaisselle blanche. L’argile sert aussi pour réaliser des figurines et divers petits objets aux fonctions indéterminées de forme géométrique.
La fabrication et l’usage des céramiques se diffuse rapidement durant le 7ème millénaire av. jc d’abord sous des formes simples mais très variables, avec souvent des inclusions végétales, des décors géométriques incisés, parfois peints. Se développent ensuite deux grandes catégories de céramiques distinguées en fonction de leur conception et manifestement de leur usage, parmi ceux considérés comme prépondérants : stockage de denrées, préparation cuisson et service des aliments.
Pour ce qui concerne les techniques de fabrication, un four de potier mis au jour à Yarim Tepe [12] est daté de la seconde moitié du 7ème millénaire av. jc, et pour le millénaire suivant plusieurs autres ont été dégagés en Mésopotamie. Il s’agit en général de fours à base ronde ou ovale, à tirage ascendant et à chambre simple.
Leur perfectionnement technique atteste d’une plus grande spécialisation du métier de potiers, visible en particulier durant l’époque de Samarra puis celle de Halaf, qui voit l’apparition de la tournette, première méthode rotative de façonnage de céramiques. Cette spécialisation se voit aussi dans la capacité des potiers à sélectionner des argiles de meilleure qualité, après de nombreuses expérimentations ayant consolidé leur expertise, et aussi par le fait que les céramiques circulent entre les régions dès leur apparition, et que cela s’accentue par la suite, ce qui semble impliquer qu’une partie de la production est déjà destinée à s’écouler au-delà de sa région de fabrication.
Le travail des minerais métalliques précède le développement de la métallurgie qui implique la fonte du minerai avec du charbon de bois. Avant cela le cuivre natif est travaillé dès au moins le 8ème millénaire av. jc, quand il se retrouve sur plusieurs sites en Anatolie [13], puis au millénaire suivant en Mésopotamie et Iran [14].
Les objets en matières osseuses sont très présents au Natoufien après avoir été plutôt laissés de côté au Kébarien [15]. L’outillage en os est alors très divers, sans doute parce qu’il est destiné à autant d’usages : pointes, dans certains cas barbelées, poinçons, couteaux, hameçons barbelés ou courbes, des manches, parfois décorés de figures animales, etc. Leurs usages sont sans doute très divers : couture, chasse, pêche. Des perles et dents percées sont employées pour faire des ornements. Les os de gazelle sont plus travaillés, mais aussi ceux de cervidés, bovidés, renards, lièvres, oiseaux. Les techniques de travail sont variées, la perforation se développe.
Les industries textiles recouvrent la confection de tissus, cordages et la vannerie [16] ont aussi leur rôle dans les sociétés néolithiques. Les origines du tissage se trouvent dans les techniques de tressage des cordes, qui se développent au Paléolithique [17], ainsi que le tressage de paniers, filets ou nasses servant au portage, ou aux activités de chasse et cueillette, que l’on présume avoir existé aux mêmes époques. Des fragments de fibres végétales tressées ont été mises au jour à Ohalo II pour l’Épipaléolithique ancien [18] (vers 21000 av. jc).
Les objets d’arts, ou non utilitaires, du Proche-Orient néolithique sont des représentations animales ou humaines de petite taille, qu’on désigne comme des figurines si elles sont modelées en argile, plâtre ou chaux, et des statuettes si elles sont taillées dans de la pierre. Elles ont de toute manière tendance à représenter les mêmes choses.
Les représentations animales et humaines de petite taille se répandent au Proche-Orient à l’époque du Natoufien, sous la forme de manches d’outils et d’armes ou d’objets isolés, en os, représentant des animaux [19], et des statuettes en pierre d’humains, en général des têtes, parfois des corps relativement réalistes ou très stylisés.
Les décorations peintes des murs et des sols des constructions apparaissent vers 9300-9000 av. jc dans une résidence et à Dja’de [20] vers 9300-8800 av. jc dans un bâtiment communautaire, peints en noir (obtenu avec du charbon de bois) et rouge (obtenu avec de l’hématite, l’ocre rouge) sur fond blanc (poudre calcaire). Puis on trouve des représentations animales à Bouqras [21] datant de vers 6800 av. jc où une fresque représente des autruches rouges, et des onagres un peu plus tard à Umm Dabaghiyah. Les ensembles les plus complexes de peintures murales néolithiques au Proche-Orient proviennent des résidences de Çatal Höyük [22], associant humains et animaux [23] dans des scènes de chasses ou des sortes de danses rituelles.
Les croyances
L’analyse des images néolithiques conduit certains à aller s’aventurer au-delà des catégories de rites communautaires, mémoriels ou ancestraux pour essayer de déceler ce qui relève du domaines des croyances, ou de la « symbolique ».
Évolutions sociales
La constitution des sociétés villageoises du Néolithique passe par la réorganisation des structures sociales, que ce soit au niveau de la famille, de la maisonnée, et des communautés qui les font coexister, et doivent également organiser les relations avec d’autres groupes. Ces évolutions sont difficiles à déceler à partir des sources archéologiques, mais il ressort en général l’image de groupes agrégeant plusieurs familles, assurant par divers moyens pratiques ou symboliques leur cohésion et leur coexistence, dans lesquelles les éléments de distinction, de richesse ou entre les sexes, sont encore peu prononcés et la violence peu répandue.
L’organisation de base des sociétés du Néolithique du Proche-Orient consiste en des villages de plusieurs familles, peut-être liées par des relations de parenté, en tout cas dotées d’institutions assurant leur fonction interne et devant aussi gérer les relations avec les autres groupes. Les modalités d’organisation ont pu grandement varier selon les lieux et les époques, mais elles semblent peu reposer sur la contrainte et l’aliénation, et du reste la composition des groupes semble être très fluide durant toute la période.
La mise en place de la sédentarité, puis celle de l’économie agro-pastorale, aboutit à l’apparition de villages plus importants, des communautés regroupant plusieurs maisonnées qui y coexistent et mettent en place une forme d’organisation collective, ne serait-ce que pour des finalités économiques, réduire les risques inhérents à l’agriculture. Certains des édifices communautaires semblent être des lieux de réunion, et les sanctuaires semblent souvent avoir une importance qui dépasse le cadre d’une seule communauté, et peuvent avoir été l’œuvre d’un groupement de plusieurs communautés pour une finalité rituelle. Ce sont donc autant d’éléments qui indiquent la mise en place de moyens d’assurer la cohésion des groupes, alors que ceux-ci sont potentiellement traversés par plus de tensions avec la mise en place d’interactions plus nombreuses et plus étendues, qui les menacent aussi bien de l’intérieur avec la potentielle affirmation de hiérarchies sociales plus marquées, et de l’extérieur avec de potentielles rivalités entre communautés.
Les évolutions du Néolithique céramique tendent à indiquer que les organisations communautaires et les interactions sociales franchissent un nouveau stade, avec l’apparition de bâtiments de stockage collectifs, de pratiques de scellement indiquant un contrôle plus poussé de la circulation des produits, des échanges plus importants entre les communautés, et l’affirmation de “styles régionaux” plus clairs dans la culture matérielle, même s’il ne faut sans doute pas voir cela comme le reflet de l’existence de groupes ethniques ou de clans.
Même si elles sont généralement considérées comme plutôt égalitaires et réticentes aux tentatives d’affirmation de pouvoirs hiérarchiques, les sociétés du Néolithique du Proche-Orient le sont manifestement de moins en moins sur le très long terme.
Concernant la division du travail, les études ethnologiques sur les sociétés agricoles tendent à montrer que les femmes ont en charge la plupart des travaux des champs, qu’il s’agisse des semailles, des récoltes, ou des travaux de nettoyage. Il a de ce fait pu être proposé que les femmes soient à l’origine de la domestication des plantes. Les hommes peuvent venir en appui des femmes pour ces travaux, mais ils se consacreraient plutôt aux travaux nécessitant plus de force et à la chasse, quoi qu’on sache qu’il n’est pas inhabituel que des femmes et aussi des enfants participent à la chasse, notamment si elle est faite collectivement. Les femmes ont aussi la charge des activités de transformation des produits agricoles.
Concernant la santé, les études trans-périodes menées au Levant sud indiquent que les Natoufiennes vivaient plus longtemps que leur descendantes du Néolithique, peut-être est-ce la conséquence de l’augmentation de fécondité qui est supposée avoir été entraînée par la sédentarisation et les débuts de l’agriculture. Pour les hommes l’évolution est inverse, ce qui est expliqué par le fait que les activités des agriculteurs sédentaires sont moins dangereuses que celles des chasseurs mobiles. En revanche concernant les traumatismes aucune différence n’apparaît.
Les foyers identifiés aux différents éléments caractéristiques du mode de vie néolithique sont repérés pour beaucoup dans le Triangle d’or entre Levant nord et sud-est anatolien, avec le Levant sud et peut-être aussi le Zagros occidental. Depuis ces régions ces éléments ont rapidement essaimé dans la Djézireh [24] orientale, l’Anatolie centrale et Chypre.
Le sud du Caucase [25] est situé au contact des régions du Taurus et du Zagros, et son industrie lithique [26] présente des affinités avec celles de ces dernières, comme le documente le site de la grotte de Kmlo en Arménie, occupé par des groupes de chasseurs-cueilleurs épipaléolithiques jusqu’au milieu du 8ème millénaire av. jc. Après un hiatus d’un millénaire et demi, c’est au Néolithique tardif, au 6ème millénaire av. jc, que les traits du mode de vie néolithique apparaissent dans la région, avec le complexe culturel Aratashen-Shulaveri-Shomutepe qui se développe dans la vallée de la Koura [27] et aussi de l’Araxe [28] : sites d’Arukhlo et Shulaveri en Géorgie, Shomutepe, Tоirеtepe, Göytepe, Monteshtep etc. en Azerbaïdjan et Aratashen et Aknashen en Arménie. Ces sociétés semblent peu sédentarisées, disposent d’animaux domestiques, cultivent les céréales et fabriquent des poteries aux phases récentes. Des originalités locales, comme l’importance du froment, suggèrent plutôt une néolithisation par contacts, peut-être depuis le sud de la Caspienne [29].
L’Asie centrale se trouve à l’arrivée d’un axe de néolithisation qui passe par les régions situées dans le bassin du lac d’Ourmia [30] puis le sud et le sud-est de la Caspienne [31].
La première culture néolithique d’Asie centrale, la culture de Jeitun, se trouve dans la région du Kopet-Dagau Turkménistan actuel. Elle émerge vers la fin du 7ème millénaire av. jc et présente sans surprise des affinités avec les cultures néolithiques du Proche-Orient. C’est par l’Asie centrale que les cultures fondatrices du Proche-Orient pénètrent en Chine du Nord où se cultivent déjà d’autres céréales, le millet et le riz, puisque le blé et l’orge sont attestés au Gansu [32] de la culture de Majiayao vers 2700 av. jc d’où il se répandent vers la vallée du fleuve Jaune [33] ; le mouton et la chèvre y sont présents au moins vers 2400 av. jc.
Pour le sous-continent indien, c’est dans l’actuel Baloutchistan pakistanais [34], sur le site de Mehrgarh [35], que sont identifiés les débuts du Néolithique, qui remontent au moins à 7000 av. jc. Cela marque le début de ce que les spécialistes de la région appellent la période de début de production de nourriture, point de départ de la tradition de l’Indus qui devait conduire à l’émergence de la civilisation de l’Indus. Ici se retrouvent plusieurs des plantes fondatrices du Proche-Orient (blé, orge) et aussi des animaux qui y ont été domestiqués (chèvres, moutons).
Les autres éléments du package agricole du Néolithique proche-oriental arrivent par la suite dans le sous-continent indien. Cependant les cultures locales sont rapidement actives dans le processus de domestication, puisque les habitants de Mehrgarh domestiquent le zébu et le coton.
La néolithisation de la péninsule Arabique semble s’être faite dans la seconde moitié du 7ème millénaire av. jc par des groupes nomades pratiquant l’élevage caprin.
Au millénaire suivant, l’élevage s’est généralisé à toutes les parties de la péninsule, mais la culture des plantes ne se développe pas avant le début de l’âge du Bronze [36], à partir de la fin du 4ème millénaire av. jc, les stratégies de subsistance continuant à reposer beaucoup sur la collecte notamment la pêche dans les régions côtières. De même la céramique ne se diffuse que tardivement.
En Égypte, le Néolithique se développe dans le désert de l’Ouest, vers 8500-6100 av. jc [37], à une époque où le climat du Sahara était plus humide que de nos jours, et son profil est très différent de celui du Levant puisqu’on y trouve dès le début des céramiques, mais pas d’agriculture et l’élevage s’y développe tardivement, avec le bœuf domestique, dont la domestication provient ici du Soudan central. La situation dans la vallée du Nil à ces époques est mal connue. Les cultures néolithiques plus tardives du nord de l’Égypte, qui débutent à partir du milieu du 5ème millénaire av. jc, celles du Fayoum [38] et de Merimdé, présentent certes des affinités avec le Néolithique saharo-soudanais, mais aussi un profil plus proche-oriental, comme la proximité géographique le suggère : présence d’animaux et de plantes fondateurs du Néolithique proche-oriental, dont les variétés sauvages ne sont pas connues dans la région, ce qui indique que le mode de subsistance néolithique y a une origine levantine. L’Égypte est donc une région de rencontre entre deux traditions néolithiques différentes, tout en ayant un profil culturel essentiellement nord-est africain.
En Europe, le mode de vie néolithique est manifestement introduit depuis l’Anatolie. On considère en général que la Grèce continentale est la première région concernée, puis que c’est à partir de cette région que les Balkans [39] puis la Méditerranée occidentale sont néolithisés, mais la situation est sans doute plus complexe. L’agriculture et l’élevage, avec les céramiques et les autres principaux éléments du package néolithique apparaissent dans le sud-est européen à la fin du 7ème millénaire av. jc, aussi bien en Crète [40] qu’en Grèce continentale, en Bulgarie, Serbie méridionale. Il ne fait en tout cas aucun doute que l’origine du Néolithique européen est proche-orientale, puisqu’il est établi que les plantes et animaux domestiqués sont génétiquement originaires de cette région, et que cela concerne aussi l’auroch, qui est pourtant présent à l’état sauvage en Europe.