Basile Lécapène dit Basile l’Oiseau (mort vers 986)
Eunuque-Parakimomène-Administrateur de l’Empire byzantin entre 945 et 985
Fils illégitime de l’empereur Romain 1er Lécapène et d’une servante d’origine russe.
Son rôle durant le règne de son père est inconnu. Il apparaît la première fois comme protovestiaire [1] de Constantin VII, l’empereur légitime de la dynastie macédonienne [2]. Toutefois, il est difficile de savoir qui l’a nommé à ce poste entre son père ou Constantin VII après la chute de son père.
L’historien Théophane le confesseur rapporte que Basile est un serviteur loyal de Constantin VII et qu’il a des relations étroites avec la femme de Constantin, Hélène Lécapène, qui est aussi sa demi-sœur.
Après la déposition de Romain Lécapène en décembre 944, Basile soutient Constantin VII quand il récupère le pouvoir aux dépens d’Étienne Lécapène et de Constantin Lécapène, qui ont tenté de s’en emparer.
Pour cela, il est récompensé par des titres et des postes importants.
En 958, il conduit des troupes en Orient pour soutenir Jean Tzimiskès dans sa campagne contre les Arabes. Les Byzantins [3] rasent Samosate [4] et infligent une lourde défaite à l’armée de secours dirigée par Ali Sayf al-Dawla , l’émir hamdanide [5] d’Alep [6]. Ils font un grand nombre de prisonniers, dont des proches de l’émir. Comme récompense, Basile a le privilège d’être célébrer lors d’un triomphe à l’hippodrome de Constantinople [7], où les prisonniers paradent devant la population de la capitale byzantine.
Basile Lécapène est aussi un opposant au patriarche Polyeucte et cherche à retourner l’empereur contre lui, sans succès. Selon les sources disponibles, cette inimité vient des critiques de Polyeucte à l’encontre de l’avarice des Lécapène et de leurs parents. Il reste aux côtés de Constantin VII jusqu’à sa mort et fait partie de ceux qui enveloppent son corps dans son linceul.
Lors de son accession au trône, Romain II le congédie au profit de Joseph Bringas , qui détient les postes de paradynasteuon, protos et parakimomène [8]. Une grande rivalité commence alors entre les 2 hommes. Basile reste à l’écart durant le règne de Romain mais à la mort de celui-ci, au début de l’année 963, ses fils Basile II et Constantin VIII sont en bas âge.
De ce fait, une lutte pour le pouvoir éclate. Basile Lécapène se range aux côtés du général Nicéphore Phocas contre Bringas. Il arme ses partisans, au nombre de 3 000 selon certaines sources et, avec la population de la capitale, il attaque Bringas et ses hommes pour s’emparer de la ville et de ses ports.
Bringas trouve refuge dans la basilique Sainte-Sophie [9], tandis que Basile mobilise les dromons [10] impériaux et les autres vaisseaux pour les envoyer à Chrysopolis [11], où Phocas attend avec son armée.
Celui-ci entre dans la ville et est couronné empereur, comme tuteur des jeunes fils de Romain II. En récompense de son rôle durant la rébellion, Basile récupère son ancien poste de parakoimomène et est élevé au nouveau rang de proèdre [12]. Cela donne lieu à une cérémonie spéciale, décrite dans le De Ceremoniis [13] et peut-être écrite ou éditée par Basile lui-même.
Le rôle exact joué par Basile sous Nicéphore Phocas est incertain. Le texte rédigé par Liutprand de Crémone durant sa visite en 968 le décrit comme l’un des plus hauts fonctionnaires de la cour byzantine.
Toutefois, le deuxième homme du régime est bien Léon Phocas le Jeune, le jeune frère de Nicéphore. Bien que Basile ne prenne pas part à l’assassinat de Phocas par Tzimiskès en décembre 969, feignant la maladie, il l’apprend rapidement et adresse son soutien total à l’ascension sur le trône de Tzimiskès. Juste avant, il a envoyé ses hommes dans la ville pour empêcher la population de créer une émeute et de se lancer dans des pillages. Selon l’historien Léon le Diacre , Basile est un ami proche de Tzimiskès ; cependant il est fort possible que le soutien de Basile vient de sa volonté de sauvegarder sa position et les droits de ses neveux Basile II et Constantin VIII car la poursuite du règne de Phocas aurait pu déboucher sur l’arrivée au pouvoir de Léon Phocas.
Basile aide le nouvel empereur à se débarrasser des partisans de Phocas ainsi que ses parents. Il aide aussi la veuve de Romain II et Phocas, Théophano, à se retirer et conseille à Tzimiskès de se marier à Théodora, une fille de Constantin VII, pour consolider sa position. Sous Tzimiskès, Basile joue un rôle majeur dans la gouvernance de l’Empire, notamment en matière fiscale, tandis que Tzimiskès se concentre plus particulièrement sur la politique étrangère et les campagnes militaires. Basile lui-même prend part à la grande campagne contre les Rus’ [14] en Bulgarie [15] en 971, à la tête des forces de réserve et de l’approvisionnement.
Au cours de cette période, Basile amasse une immense fortune, dont des propriétés au sein des régions nouvelles conquises au sud-est de l’Anatolie [16].
Ces richesses sont la cause de la rupture entre Basile et Tzimiskès. Selon les sources, c’est à son retour de sa campagne en Syrie [17] en 974 que l’empereur constate l’ampleur des propriétés de Basile Lécapène et se résout à agir contre lui. Apprenant cela, Basile décide d’empoisonner Tzimiskès bien que les sources divergent quant à la manière et du moment. Tout ce qui est certain est que Tzimiskès tombe malade au cours de sa campagne et meurt à Constantinople [18].
Basile Lécapène reste à son poste au début du règne de Basile II mais en 985, le jeune empereur, qui souhaite exercer le gouvernement lui-même après avoir subi la tutelle de régents pendant 13 ans, l’accuse de sympathies avec le rebelle Bardas Phocas et le congédie. Toutes ses terres et ses possessions sont confisquées et toutes les lois passées sous son administration sont déclarées nulles et non avenues. Basile Lécapène lui-même est exilé et meurt peu de temps après.
Notes
[1] Le protovestiaire était un haut dignitaire de la cour des empereurs byzantins. Jusqu’au 11ème siècle, la charge de protovestiaire resta en général réservée aux eunuques. À partir du 12ème siècle, elle fut donnée à des grands seigneurs non eunuques, souvent des membres de la famille impériale, notamment un neveu de l’empereur. Au 13ème siècle, le titre ne correspondait plus qu’à une fonction d’apparat pendant les cérémonies : signaler la présence de l’empereur, agiter la main portant des clefs à travers la tenture dissimulant le souverain à la vue des assistants, recevoir la couronne et les vêtements impériaux des mains du préposé... Le protovestiaire avait aussi le privilège exclusif, s’il apercevait un insecte ou une tache sur le vêtement impérial, d’y porter la main sans y être invité. Il faisait partie des « familiers » dont la tente, en campagne, était dressée près de celle de l’empereur, l’un des rares à avoir accès au vaisseau impérial.
[2] La dynastie macédonienne régna pendant presque 2 siècles à Constantinople, soit de 867 à 1057. Elle doit son nom à son fondateur, Basile 1er qui naquit dans le thème byzantin de Macédoine (district administratif correspondant à la région d’Andrinople en Thrace). Elle a compté plus de 20 souverains, certains accédant au trône soit par usurpation, soit par mariage.
[3] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[4] également appelée Antioche de Commagène, une ancienne cité dont les ruines se situent dans l’actuelle province d’Adıyaman, près de l’Euphrate, en Turquie
[5] La dynastie hamdanide est une dynastie arabe d’émirs chiites (890-1004) originaires de la partie Est de la Djazira, qui règne sur un espace allant du nord de l’Irak à la Syrie. Les capitales de cet émirat sont Mossoul et Alep. La famille des hamdanides descend de ‘Adi b. Ousama b. Taghlib, membre de la tribu des Banu Taghlib. Cette dynastie apparaît dans un contexte d’affaiblissement du pouvoir central abbasside, qui voit dans cette période du 10ème siècle l’émancipation et l’affirmation de petites dynasties qui s’emparent des pouvoirs temporels et spirituels du califat à une échelle locale ou régionale. Les Hamdanides constituent une de ces dynasties autonomes gouvernées par des émirs.
[6] Alep est une ville de Syrie, chef-lieu du gouvernorat d’Alep, le gouvernorat de Syrie le plus peuplé, situé dans le Nord-Ouest du pays. Pendant des siècles, Alep a été la ville la plus grande de la région syrienne et la troisième plus grande ville de l’Empire ottoman
[7] L’hippodrome de Constantinople est l’arène hippique monumentale de la capitale de l’Empire byzantin, dans laquelle se déroulaient des courses de chars et d’autres manifestations. Sa construction est commencée par l’empereur Septime Sévère dans la ville qui s’appelait encore Byzance, pour être achevée par Constantin 1er pour sa nouvelle capitale, Constantinople. L’hippodrome a été ensuite utilisé jusqu’à la fin du 12ème siècle, avant d’être partiellement incendié par les Croisés en 1203. Aujourd’hui, les vestiges de l’hippodrome sont visibles sur la place du Sultan-Ahmet à İstanbul.
[8] Parakimomène était un titre porté par un haut dignitaire du palais des empereurs byzantins. Il était conféré par édit impérial, c’est-à-dire que le titulaire était révocable au gré du souverain. C’était l’une des 10 charges palatiales par édit, et la plus haute, qui étaient tout spécialement réservées aux eunuques. C’était un responsable chargé tout particulièrement d’assurer la protection du souverain pendant la nuit (portant d’ailleurs une arme), et en qui celui-ci devait avoir toute confiance. À partir du 9ème siècle, plusieurs titulaires de cette charge jouèrent un rôle politique de premier plan.
[9] Ancienne église chrétienne de Constantinople du vie siècle, devenue une mosquée au 15ème siècle sous l’impulsion du sultan Mehmet II. Elle est édifiée sur la péninsule historique d’Istanbul. Depuis 1934, elle n’eétait plus un lieu de culte mais un musée. Le 10 juillet 2020, un décret du Conseil d’État turc décide de sa réouverture au culte musulman comme mosquée.
[10] Un dromon est un navire long, manœuvrant et rapide mû à la rame et voile et employé dans l’Empire byzantin du 6ème au 12ème siècle. Ils furent indirectement développés à partir de la trière antique.
[11] Üsküdar, autrefois connu sous le nom de Scutari, est un des trente-neuf districts de la ville d’Istanbul, en Turquie. Il est situé sur la rive asiatique du Bosphore et jouxte le district de Kadiköy. Un de ses emblèmes est la tour de Léandre, Kız kulesi.
[12] proedros tes Synkletou, président du Sénat
[13] Le De Ceremoniis est le titre latin donné habituellement à un recueil décrivant les cérémonies liées à la cour des empereurs byzantins et le protocole qui s’y rattache. Le titre officiel complet que l’on trouve en tête de cette préface est "Traité et œuvre vraiment digne de l’activité impériale de Contantin, ami du Christ, et dans le Christ, Roi éternel, Empereur, fils de Léon, le très sage Empereur, d’éternelle mémoire". En français on lui donne généralement pour titre "Livre des Cérémonies". Composé de 2 livres rédigés par l’empereur Constantin VII à des époques différentes, il traite de différentes cérémonies religieuses et civiles, de même que de différentes festivités populaires, le tout du point de vue de la cour et des règles d’étiquette que les participants devaient observer. L’unique manuscrit parvenu jusqu’à nous incorpore des ajouts dont certains sont antérieurs à la période traitée par l’empereur ou postérieurs à la mort de celui-ci.
[14] Rusʹ, ou Ruthénie, l’État puis les États des Slaves orientaux du 10ème au 13ème siècle, dont le territoire, variable au cours du temps, est aujourd’hui réparti entre la fédération de Russie, la Biélorussie et l’Ukraine
[15] Le Premier Empire bulgare désigne un État médiéval chrétien et multiethnique qui succéda au 9ème siècle, à la suite de la conversion au christianisme du Khan Boris, au Khanat bulgare du Danube, fondé dans le bassin du bas Danube. Le Premier Empire bulgare disparut en 1018, son territoire au sud du Danube étant réintégré dans l’Empire byzantin. À son apogée, il s’étendait de l’actuelle Budapest à la mer Noire, et du Dniepr à l’Adriatique. Après sa disparition, un Second Empire bulgare renaquit en 1187.
[16] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[17] La Syrie fut occupée successivement par les Cananéens, les Phéniciens, les Hébreux, les Araméens, les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs, les Arméniens, les Romains, les Nabatéens, les Byzantins, les Arabes, et partiellement par les Croisés, par les Turcs Ottomans et enfin par les Français à qui la SDN confia un protectorat provisoire pour mettre en place, ainsi qu’au Liban, les conditions d’une future indépendance politique.
[18] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.