Romain 1er Lécapène (vers 870- 948)
Empereur byzantin de 919 à 944-Stratège de l’île d’Eubée en 911
Constantin VII Porphyrogénète, encouragé par son précepteur, fait appel à l’amiral Romain Lécapène, fils de Théophilacte Abatistos, un paysan arménien qui devint patrice [1], lui-même il devient amiral de la flotte impériale, pour éviter une prise du pouvoir par le général Léon Phocas , appelé par Zoé Carbonopsina , la mère de Constantin. Le jeudi 25 mars 919, il se présente avec sa flotte devant le port de Boukoléon [2]. Le magitros Étienne quitte le palais quant au patriarche Nicolas Mystikos un émissaire de Romain l’invite à se retirer. Romain Lécapène est le maître de la situation.
Romain s’impose, marie sa fille Hélène Lécapène à Constantin le 27 avril 919, renvoie Zoé au couvent et, le 17 décembre 920, se proclame lui-même basileus [3]. Bien qu’exerçant tout le pouvoir, il respecte la personne de Constantin VII et son titre, le reconnaissant comme co-empereur, mais à la seconde place.
Le 6 janvier 921 il couronne sa femme Théodora et le 28 mai 921 son fils aîné Christophe Lécapène . En février 923, Sophie l’épouse de Christophe, est couronné à son tour. A Noël 924, il fait proclamer ses 2 autres fils co-empereurs, plaçant l’aîné, Christophe, à la 2ème place et reléguant Constantin en 3ème position, de telle sorte que l’empire a désormais 5 empereurs associés .
Au-delà des frontières de l’empire, son principal problème demeure les Bulgares. Dès son avènement, il tente de restaurer de bonnes relations avec le roi Siméon Ier de Bulgarie , mais celui-ci refuse de négocier avec celui qu’il considère comme un usurpateur et les hostilités continuent. En 922, les Bulgares parviennent au Bosphore [4] puis, en 923, prennent Andrinople [5].
Malgré cela, Siméon fait une offre de paix qui conduit, le 9 septembre 924, à une rencontre entre les 2 souverains. Un traité de paix est conclu. Les Byzantins [6] s’engagent à donner tous les ans 1000 tuniques de soie richement brodées, en échange de quoi Siméon accepte de se retirer du territoire impérial et de restituer les forteresses qu’il a prises sur la Mer Noire [7].
Quelque temps après la mort de Siméon, le régent de Bulgarie Georges Soursouboul propose de renforcer l’alliance par le mariage du jeune roi Pierre 1er de Bulgarie avec la princesse Marie une fille de Christophe, qui a lieu à Constantinople le 8 novembre 927. Un second traité de paix est signé, par lequel Romain accepte de reconnaître au jeune souverain bulgare le titre de tsar [8], tandis que le patriarcat bulgare [9] devient indépendant de l’Église de Constantinople [10].
Cette paix avec les Bulgares permet à Romain de tourner ses forces contre le califat et ses alliées. En effet, il poursuit la politique des 1ers empereurs macédoniens en Asie Mineure [11], qui tend à contrôler systématiquement les voies d’invasions de l’Asie Mineure. Il reprend pied en Arménie. Au delà, il profite de la dislocation du Califat en états concurrents, exigeant des tributs, s’appuyant sur les uns contre les autres.
En 941, puis en 944, les Russes tentent d’envahir l’empire. Une ambassade byzantine parvient cependant à rencontrer le prince Igor de Kiev et lui propose un traité politique et commercial. La proposition acceptée, les relations entre la Russie et Byzance [12] demeurent calmes pendant un quart de siècle. L’année 944 voit aussi un assombrissement de la politique intérieure.
Agé, il délaisse les affaires de l’État pour s’enfermer avec des moines et s’enfonce dans une religiosité accrue. À la mort de Christophe, il confirme la deuxième place de Constantin, écartant ses 2 cadets devenus célèbres pour leur immoralité. Le 20 décembre 944, Étienne et Constantin, craignant pour leur avenir, le déposent et l’exilent sur l’île de Proti [13], où il est tonsuré.
Mais à Constantinople le peuple, légitimiste et resté fidèle à la dynastie macédonienne, rejette les 2 Lécapène et impose Constantin VII, dont le règne commence vraiment. Le 27 janvier 945, les 2 Lécapène sont arrêtés, tonsurés et envoyés dans des lieux d’exil distincts. Il meurt le 15 juin 948 et son corps est ramené au monastère de Myrelaion [14].
Notes
[1] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.
[2] port de Constantinople
[3] Basileus signifie « roi » en grec ancien. L’étymologie du mot reste peu claire. Si le mot est originellement grec mais la plupart des linguistes supposent que c’est un mot adopté par les Grecs à l’âge du bronze à partir d’un autre substrat linguistique de Méditerranée orientale, peut-être thrace ou anatolien.
[4] Le Bosphore est le détroit qui relie la mer Noire à la mer de Marmara et marque, avec les Dardanelles, la limite méridionale entre les continents asiatique et européen. Il est long de 32 kilomètres pour une largeur de 698 à 3 000 mètres. Il sépare les deux parties anatolienne (Asie) et rouméliote (Europe) de la province d’Istanbul.
[5] Edirne (autrefois Andrinople ou Adrianople) est la préfecture de la province turque du même nom, limitrophe de la Bulgarie et de la Grèce. Elle est traversée par la Maritsa (Meriç en turc).
[6] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.
[7] La mer Noire est une mer située entre l’Europe et l’Anatolie. Large d’environ 1 150 km d’ouest en est et de 600 km du nord au sud, elle s’étend sur une superficie de 413 000 km². Elle communique au nord avec la mer d’Azov par le détroit de Kertch, et au sud-ouest avec la Méditerranée par le Bosphore, la mer de Marmara et le détroit des Dardanelles. Dans l’Antiquité, les Grecs la désignèrent d’abord par Skythikos Pontos. Les Scythes, peuple de langue iranienne, la désignèrent comme Axaïna, c’est-à-dire « indigo ». Les Grecs quand ses courants et ses vents leur devinrent familiers, la désignèrente comme Pontos Euxeinos, traduit en français par Pont-Euxin.Les Romains l’appelèrent Mare Caecili, terme qui fut traduit par la suite par les bulgares en « mer Cécile ».Au 13ème siècle, elle apparaît sur les portulans génois, dans les chroniques de Wavrin et de Villehardouin sous les noms de mer Majoure c’est-à-dire « grande mer ». Le terme de Noire apparu dans les textes et les cartes à partir du 15ème siècle.
[8] Le mot tsar désigne un souverain de Russie (de 1547 à 1917), de Bulgarie (de 893 à 1422), et de Serbie (de 1346 à 1371).
[9] L’Église orthodoxe bulgare, officiellement le Patriarcat de Bulgarie, est une juridiction autocéphale de la communion orthodoxe en Bulgarie. Elle occupe le huitième rang honorifique parmi les Églises autocéphales. Le primat de l’Église porte le titre de Métropolite de Sofia et Patriarche de toute la Bulgarie, avec résidence à Sofia
[10] Le patriarcat œcuménique de Constantinople est, par le rang sinon par l’ancienneté, la première juridiction autocéphale de l’Église orthodoxe. Cette situation est liée au statut de capitale de l’Empire romain d’Orient dont jouissait autrefois Constantinople, l’actuelle Istanbul. Le patriarcat est un titre et une fonction de présidence attachée à un siège épiscopal, l’archevêché orthodoxe de Constantinople. Les orthodoxes considèrent que le patriarche de Constantinople n’a qu’une prééminence honorifique sur les autres Églises autocéphales orthodoxes, comme les papes d’avant le schisme de 1054.
[11] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie
[12] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.
[13] Proté, aujourd’hui Proti (ou Prodano) est une île grecque, située au nord de Sphactérie, tout près de la côte de Messénie, face à Marathopoli. Elle est restée une île déserte (à l’exception d’un petit couvent), comme au temps de Thucydide, qui est, semble-t-il, le seul historien ancien qui en fasse mention.
[14] L’actuelle mosquée Bodrum fut au temps de l’Empire byzantin l’église du monastère du Myrelaion à Constantinople, aujourd’hui Istanbul. Elle fut transformée en mosquée vers 1500 par Mesih Paşa Camii, d’où son nom actuel. De même que la présente mosquée Fenari Isa (ancien Monastère de Lips) et l’église du Sauveur de la Porte Chalkê, elle marque la première phase de l’architecture du Moyen Empire byzantin avec l’apparition à Constantinople d’églises à plan centré reposant sur quatre piliers principaux.