Flavius Stilicho dit Stilicon (vers 360-408)
Général et Homme Politique
Il est Vandale [1] par son père, sans doute commandant d’escadron de cavalerie sous Valens et Romain par sa mère, une provinciale de Pannonie [2].
Appartenant à la secte d’Arius, il sert d’abord dans l’armée romaine comme simple auxiliaire mais gravit rapidement les échelons pour devenir chef d’état major de l’armée romaine dès 385, puis épouse une Romaine de haute naissance, Serena, tout en acquérant la citoyenneté romaine. En 398, il renforce encore un peu plus son influence sur Honorius en lui faisant épouser sa fille Marie, puis après la mort de celle-ci, sa cadette Thermantia. Après la victoire de Théodose lors de la bataille de la Rivière Froide [3] en 394, il prend le titre de magister peditum praesentalis [4], la plus éclatante dignité militaire de l’Occident.
En 395, l’empereur mourant Théodose 1er lui confie la régence de l’Empire romain d’Occident au nom du jeune empereur Honorius. Il essaye d’étendre sa régence à Arcadius et à l’Empire romain d’Orient en envoyant l’officier goth [5] Gaïnas à Constantinople. Celui-ci élimine le préfet du prétoire [6] Rufin qui dirige l’empire d’Orient, mais Gaïnas s’impose auprès de Arcadius pour son propre compte en 400.
Général énergique, il protège efficacement l’Italie contre les invasions barbares mais au prix de transferts de troupes qui découvrent la frontière du Rhin.
En 401, des Vandales et des Alains [7] envahissent les provinces de Rhétie [8] et de Norique [9]. Après les avoir battus, il les installe en Italie du Nord, les incorporant dans son armée.
En 402, il sauve Honorius, menacé à Milan [10] par les Wisigoths [11] du roi Alaric 1er et les refoule en Illyrie [12]. Pour assurer une meilleure protection de l’empereur, il transfère la cour impériale de Milan à Ravenne [13] et négocie avec Alaric pour le fixer en Illyrie.
En 406, il extermine l’invasion de Radagaise près de Florence. Mais il ne peut empêcher la grande invasion de l’hiver 406/407 qui dévaste la Gaule et commence à s’attirer l’animosité des troupes romaines, suscitant une mutinerie contre les officiers d’origine germanique, de plus en plus nombreux et influents.
Persuadé par son entourage que Stilicon complote contre lui, Honorius commandite en 408 son assassinat. Stilicon, poursuivi par les séides de l’empereur, trouve refuge dans une église à Ravenne. S’étant fait promettre qu’il aurait la vie sauve s’il sortait, il est frappé à mort par Héraclien après avoir franchi le seuil de la porte, le 22 août 408.
Notes
[1] Les Vandales sont un peuple germanique oriental. Lors des Grandes invasions du 5ème siècle, leur migration les conduisit successivement en Gaule, Galice et Bétique en Espagne, Afrique du Nord puis dans les îles de Méditerranée occidentale Ils fondèrent également le « royaume vandale d’Afrique », ou « royaume de Carthage ».
L’origine des Vandales est scandinave. Les Sillings seraient originaires du Nord du Jutland, les Hasdings du golfe d’Oslo qu’ils quittent pour le Jutland également : ils sont mentionnés pour la première fois par Tacite. Entre le 1er et le 3ème siècle, ils sont établis en Germanie orientale, dans une région située entre la Vistule et l’Oder, au bord de la mer Baltique.
[2] La Pannonie est une ancienne région de l’Europe centrale, limitée au Nord par le Danube et située à l’emplacement de l’actuelle Hongrie, et partiellement de la Croatie et de la Serbie. Les habitants originaux sont les Pannoniens, qui sont envahis par les Celtes et les Boïens au 4ème siècle av. jc.
[3] La bataille de la rivière froide ou bataille de la rivière frigidus a eu lieu du 5 au 6 septembre 394 et a vu s’affronter les troupes de l’Empire romain d’Orient alliées aux Wisigoths, et commandées par l’empereur romain Théodose 1er et le roi des Wisigoths Alaric, aux troupes coalisées de l’Empire romain d’Occident et des Francs, sous le commandement d’Eugène et d’Arbogast. La défaite et la mort d’Eugène et de son commandant, le général franc Arbogast, permettent pour la dernière fois dans l’histoire romaine d’unir, sous le pouvoir d’un seul empereur, l’ensemble des territoires de l’Empire romain. Cette bataille permet également la christianisation de l’Empire romain, car l’issue de la confrontation favorise l’adoption du christianisme dans la partie occidentale de l’empire.
[4] Le magister militum (« maître des soldats) est un officier supérieur de l’armée romaine durant l’Antiquité tardive. Son nom est souvent traduit par « maître de la milice » ou « maître des milices ». À l’origine, on distinguait le magister peditum ou commandant de l’infanterie et le magister equitum ou commandant de la cavalerie. Les deux fonctions furent à l’occasion réunies et leur titulaire prit le titre de magister utriusque militiae. Le commandant des corps demeurant à la disposition de l’empereur près de la capitale fut appelé magister militum praesentales. En Orient, la fonction cessa d’exister avec la création des thèmes où le gouverneur (strategos), cumula les fonctions militaires et civiles.
[5] Les Goths faisaient partie des peuples germaniques. Selon leurs propres traditions, ils seraient originaires de la Scandinavie. Ils provenaient peut-être de l’île de Gotland. Mais ils pourraient également être issus du Götaland en Suède méridionale ou bien du Nord de la Pologne actuelle. Au début de notre ère, ils s’installèrent dans la région de l’estuaire de la Vistule. Dans la seconde partie du 2ème siècle, une partie des Goths migrèrent vers le sud-est en direction de la mer Noire. Dès le 3ème siècle les Goths étaient fixés dans la région de l’Ukraine moderne et de la Biélorussie où ils furent probablement rejoints par d’autres groupes qui ont été plus ou moins intégrés dans la tribu. Les Goths formaient un seul peuple jusqu’à la fin du 3ème siècle. Après un premier affrontement avec l’Empire romain dans le sud-est de l’Europe au début du siècle, ils se séparèrent en deux groupes : les Greuthunges à l’Est et les Tervinges à l’Ouest qui deviendront par la suite les Ostrogoths ou « Goths brillants », à l’Est, et les Wisigoths ou « Goths sages » à l’Ouest.
[6] Le préfet du prétoire (præfectus prætorio) est l’officier commandant la garde prétorienne à Rome, sous le Haut-Empire, et un haut fonctionnaire à la tête d’un groupe de provinces, la préfecture du prétoire, dans l’Antiquité tardive.
[7] Les Alains étaient un groupe de nomades scythes. Les Alains forment un peuple scythique, probablement originaire d’Ossétie. D’ailleurs, les Ossètes d’aujourd’hui se présentent comme les descendants directs des Alains. Ce sont des cavaliers nomades apparentés aux Sarmates et très proches des Iazyges, des Roxolans et des Taïfales.
[8] La Rhétie encore appelée Rhétie-Vindélicie est une province de l’Empire romain, limitée au nord par le Danube, à l’est par le cours de l’Inn et la province de Norique, à l’ouest par la Germanie supérieure, au sud la Gaule cisalpine. Elle couvre la partie de la Bavière au sud du Danube, l’est de la Suisse, de la source du Rhin au lac de Constance, et le Tyrol autrichien. Avant la conquête romaine, le Tyrol était occupé par les Rhètes, et la Bavière par les Vindéliciens.
[9] Le Norique est un royaume celtique qui s’est constitué au 2ème siècle av. jc. Les Noriques formaient une confédération avec leurs voisins les Boïens et les Taurisques.
Par la suite le Norique est devenu une province de l’Empire romain. Elle était limitée au nord par le Danube, à l’ouest par la Rhétie, à l’est par la Pannonie et au sud par la Dalmatie. Elle correspond approximativement à la Styrie, la Carinthie et à des parties de la Bavière et aux régions de Vienne et Salzbourg.
Pendant longtemps les habitants du Norique jouirent de l’indépendance autonomie du commerce avec les Romains. En 48 av. jc ils prirent le parti de Jules César dans la guerre contre Pompée. En 16 av. jc, s’étant joint aux habitants de la Pannonie dans l’invasion d’Histria, ils furent défaits par Publius Silius, proconsul d’Illyrie. La province du Norique fut alors annexée, sans avoir l’organisation d’une province romaine, mais en restant un royaume autonome (regnum Noricum). Elle était sous le contrôle d’un procurateur impérial. Ce n’est que sous le règne de Marc Antoine que la légion II Pia (appelée par la suite Italica) fut stationnée en Norique, et le commandant de la légion devint le gouverneur de la province. Aux alentours de 40, le royaume fut entièrement intégré dans l’Empire romain par Claude, comme province impériale avec pour capitale Virunum, près de Klagenfurt.
[10] Milan est une ville d’Italie située au nord de la péninsule, à proximité des Alpes. Chef-lieu de la région Lombardie, située au milieu de la plaine du Pô. Milan est créée par des Celtes, les Insubres, une tribu probablement autochtone qui faisait partie à l’époque préhistorique de la culture de Golasecca. D’après Tite-Live, la ville aurait été fondée par des Gaulois, les Bituriges, emmenés par Bellovesos, neveu du roi mythique Ambigatos. Après la conquête définitive, la romanisation des Insubres s’avéra profonde et relativement rapide, en 89 av. jc les habitants de la région obtiennent la citoyenneté latine (Lex Pompeia) et finalement en 49 av. jc la pleine citoyenneté romaine (Lex Roscia). L’importance militaire, politique et économique permet à la ville de Milan de recevoir le titre de municipalité puis de colonie romaine. En 286, l’empereur Dioclétien divise l’Empire en deux parties ; la capitale de l’Empire romain d’Occident est déplacée à Milan, celle d’Orient à Nicomédie.
[11] Les Wisigoths ou Tervinges étaient un peuple germanique issu des Goths. Les Wisigoths sont ceux qui, migrant depuis la région de la mer Noire, s’installèrent vers 270-275 dans la province romaine abandonnée de Dacie (actuelle Roumanie), au sein de l’Empire romain, alors que les Ostrogoths s’installèrent, pour leur part, en Sarmatie (actuelle Ukraine). Les Wisigoths migrèrent à nouveau vers l’ouest dès 376 et vécurent au sein de l’Empire romain d’Occident, en Hispanie et en Aquitaine.
[12] L’Illyrie est un royaume des côtes de la rive orientale de l’Adriatique, correspondant à peu près à l’Ouest de la Croatie, de la Slovénie et de l’Albanie actuelle. Les Illyriens apparaissent vers le 20ème siècle av. jc. C’est un peuple de souche Indo-Européenne qui comprenait des Dalmates et des Pannoniens. Vers -1300 ils s’établissent sur les côtes Nord et Est de l’Adriatique. Les Illyriens sont les premiers avec les Grecs, à s’installer dans les Balkans et constituent un immense Royaume. Au VIIe siècle av. J.-C. et VIe siècle av. J.-C., l’Illyrie subit une forte héllénisation du fait de ses relations avec les Grecs, qui y ont fondé des comptoirs.
[13] Ravenne est une ville italienne de la province de Ravenne en Émilie-Romagne. Elle est considérée comme la capitale mondiale de la mosaïque. Ravenne fut une cité de première importance au tournant de l’Antiquité et du Moyen Âge. En 402, pendant le règne d’Honorius, elle fut, du fait de sa position stratégique plus favorable, élevée au rang de capitale de l’Empire romain d’Occident en lieu et place de Milan, trop exposée aux attaques terrestres des barbares. Son port de grande capacité, sur l’Adriatique, la mettait en communication aisée avec Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. La cité continua d’être le centre de l’Empire d’Occident jusqu’à la chute de celui-ci en 476. Elle devint alors la capitale du royaume d’Italie d’Odoacre, puis à partir de 493 celle du royaume des Ostrogoths, sous Théodoric le Grand, qui englobait l’Italie, la Rhétie, la Dalmatie et la Sicile. En 540, sous le règne de Justinien 1er, Ravenne fut conquise par le général de l’Empire d’orient Bélisaire ; elle fut ensuite reconquise par les Ostrogoths avant d’être à nouveau reprise par le général de l’Empire d’orient Narsès en 552. C’est pour contrer le danger né de l’invasion des Lombards en Italie à partir de 568, que Ravenne devint le siège de l’exarchat byzantin d’Italie, par décision de l’empereur Maurice. La concentration de tous les pouvoirs civils et militaires entre les mains de l’exarque, représentant personnel de l’empereur byzantin favorisa, à long terme, l’émancipation des territoires du nord de l’Italie vis-à-vis du pouvoir impérial. Ravenne fut prise en 752 par Aistolf, roi des Lombards. Deux ans après, Pépin le Bref, roi des Francs, la lui enleva et la donna au Saint-Siège.