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L’histoire pour le plaisir

Jean V d’Harcourt

samedi 3 janvier 2015

Jean V d’Harcourt (mort en 1356)

Comte d’Aumale-Deuxième comte d’Harcourt-Vicomte de Châtellerault-Seigneur d’Aarschot en Brabant

Château d'Harcourt vue panoramiqueFils de Jean IV d’Harcourt , tué à Crécy, et neveu du fougueux Geoffroy d’Harcourt, maréchal d’Angleterre.

En raison de sa haute naissance et de sa parenté avec la famille royale, le roi de France lui donne la qualité de son cher et féal cousin. Il est également parfois qualifié de noble et puissant prince.

Valeureux chevalier, Jean V d’Harcourt, d’abord connu sous le titre de comte d’Aumale, est capitaine de Granville il participe à la bataille de Crécy en 1346 où il est très grièvement blessé, alors que son père y trouve la mort et que son oncle Geoffroy d’Harcourt combat à la tête des troupes anglaises.

Son caractère frondeur l’amène ensuite à se rallier au parti de son cousin, le roi de Navarre, dit Charles le Mauvais, comte d’Evreux et prétendant au trône de France. Celui-ci reçoit alors le soutien de la noblesse normande au premier rang de laquelle se trouvent les Harcourt.

Lors de la convocation des Etats normands à Vaudreuil [1] en février 1356, il proteste au nom des libertés normandes contre les nouvelles contributions demandés par le roi de France, Jean II, pour financer la guerre contre les Anglais

Jean II le Bon est averti des projets de partage du pays, ourdis par Charles le Mauvais et les Anglais à Avignon, et se décide à le mettre hors d’état de nuire.

Le 5 avril 1356, le dauphin et duc de Normandie, le futur Charles V, a convié en son château de Rouen toute la noblesse de la province, à commencer par le comte d’Évreux, Charles le Mauvais et le comte d’Harcourt qui prennent place à sa table d’honneur. La fête bat son plein lorsque surgit Jean II le Bon, coiffé d’un casque et l’épée à la main, qui vient se saisir de Charles le Mauvais.

À ses côtés, son frère Philippe d’Orléans , son fils cadet Louis d’Anjou et ses cousins d’Artois forment une escorte menaçante. À l’extérieur, une centaine de cavaliers en armes tiennent le château. Jean le Bon se dirige vers la table d’honneur, agrippe le roi de Navarre par le cou et l’arrache violemment de son siège en hurlant : « Traître, tu n’es pas digne de t’asseoir à la table de mon fils ! ».

Colin Doublet, écuyer de Charles le Mauvais, tire alors son couteau pour protéger son maître, et menace le souverain. Il est aussitôt appréhendé par l’escorte royale qui s’empare également du Navarrais. Excédé par les complots de son cousin avec les Anglais, le roi laisse éclater sa colère qui couve depuis la mort, en janvier 1354, de son favori le connétable Charles de La Cerda , bien que le traité de Mantes [2] ait soldé l’affaire le 22 février 1354.

Malgré les supplications du dauphin qui, à genoux, implore de ne point le déshonorer ainsi, le roi se tourne vers Jean V d’Harcourt, infatigable défenseur des libertés normandes, mais qui a été mêlé aux complots du roi de Navarre et était présent lors de l’assassinat du connétable Charles de La Cerda. Il lui assène un violent coup de masse d’armes sur l’épaule avant d’ordonner son arrestation.

Le roi Jean II renonce à faire exécuter le roi de Navarre, mais condamne à mort, sans aucune forme de procès et sans même lui accorder le droit de recevoir les sacrements de l’Eglise, Jean V d’Harcourt ainsi que 3 de ses compagnons. Le roi ne veut pas perdre de temps car, comme les Rouennais aimaient grandement le comte d’Harcourt, il craint des émeutes.

Le soir même donc, le comte d’Harcourt et 3 de ses compagnons, dont l’écuyer Doublet, sont conduits au lieu-dit du Champ du Pardon, à côté de Rouen. Sur ordre du roi, qui ordonne faites délivrer ces traîtres et, malgré les nouvelles implorations du dauphin, le bourreau, un criminel libéré pour la circonstance qui gagne ainsi sa grâce, leur tranche la tête.

Leurs corps sont ensuite exposés au gibet de Rouen. Plus tard, le corps du comte d’Harcourt fut enlevé par ses proches et inhumé dans l’église du prieuré Notre-Dame du Parc, près du château d’Harcourt.

Dès le surlendemain, le roi envoie le bailli de Rouen avec 50 hommes d’armes, 25 arbalétriers et plusieurs officiers pour saisir le château d’Harcourt.

A court terme, cette exécution sommaire provoque la colère de Geoffroy d’Harcourt qui, à l’instar de Philippe de Navarre , frère de Charles le Mauvais, entre à nouveau en rébellion ouverte contre le roi de France et se tourne vers Édouard III d’Angleterre. L’oncle de Jean V d’Harcourt reconnaît alors les droits du roi d’Angleterre sur la France et le duché de Normandie, lui jure obéissance et lui lègue tous les biens qu’il possède en Normandie par lettres du 18 juillet 1356.

Edouard III d’Angleterre profite de la situation pour débarquer dans le Cotentin le 18 juin 1356 et reprendre les hostilités qui aboutissent à la capture de Jean le Bon à Poitiers, le 19 septembre 1356.

Le dauphin, futur Charles V, devient alors régent du royaume. Le 3 décembre 1357 il scelle un accord de réconciliation avec Charles le Mauvais qui comporte la réhabilitation de Jean V d’Harcourt et des 3 autres victimes du Champ du Pardon.

Cette réhabilitation se manifeste de manière spectaculaire le 10 et le 11 janvier 1358 par une procession à travers les rues de Rouen conduite par le roi de Navarre qui chevauche derrière le catafalque du comte d’Harcourt.

Conscient du caractère injuste, maladroit et impopulaire de l’exécution de Jean V d’Harcourt par son père, le dauphin Charles restitue au même moment à Jean VI d’Harcourt, fils aîné de Jean V, le comté d’Harcourt ainsi que les terres saisies par le roi.

Peu après la paix de Pontoise le 21 août 1359 [3], soucieux de rallier à lui l’héritier de la plus puissante dynastie normande, le dauphin organise même le mariage du jeune comte Jean VI d’Harcourt avec sa propre belle-sœur, Catherine de Bourbon, et lui accorde des lettres de rémission en octobre 1359, effaçant ainsi le souvenir du Champ du Pardon.

Jean V d’Harcourt avait épousé Blanche de Ponthieu , comtesse d’Aumale, princesse de Castille, fille de Jean de Ponthieu, comte d’Aumale, et de Catherine d’Artois, princesse du sang de France

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Georges Martin, Histoire et Généalogie de la Maison d’Harcourt, 1994

Notes

[1] Le Vaudreuil est une commune française située dans le département de l’Eure

[2] Le Traité de Mantes fut signé le 22 février 1354 à Mantes par Jean II de France et Charles II de Navarre. Par ce traité, Charles II le Mauvais, roi de Navarre accepta de perdre Asnières-sur-Oise, Pontoise et Beaumont. En contrepartie il reçut le comté de Beaumont-le-Roger, les châteaux de Breteuil, Conches et de Pont-Audemer, le clos du Cotentin avec la ville de Cherbourg, les vicomtés de Carentan, Coutances et Valognes en Normandie. Ce traité lui donnait également la permission de tenir chaque année un échiquier, prérogative ducale et surtout les affaires ne pourront plus être jugée en appel à Paris ! De plus ce traité lui donna l’assurance de percevoir rapidement la dot de son épouse Jeanne de France, dot qui s’élevait à 60 000 deniers or.

[3] Les négociations du traité de Pontoise débutèrent dans cette ville entre les émissaires du dauphin Charles (futur Charles V de France) régent du royaume de France et ceux de Charles II de Navarre. Le roi de Navarre était un personnage versatile, oubliant l’Endenture (traité de Londres signé le 24 mars 1359, Charles II le Mauvais n’hésita pas à négocier avec le régent de France.