Considéré à juste titre comme le dernier des "grands abbés" de Cluny, il succède à Pons de Melgueil, abbé schismatique déposé par le pape Calixte II lui même moine de Cluny, après 13 années d’un abbatiat qui, s’il avait bien commencé, dégénéra dans le tumulte et un faste que ne saura supporter davantage la communauté de ses moines.
Exilé à Jérusalem pour y faire pénitence, il en reviendra pour tenter de reprendre par la force son siège abbatial. Finalement excommunié il décédera en 1126 dans sa prison romaine et, beaucoup plus tard sa dépouille sera ramenée à Cluny où son tombeau le représentera les pieds liés, une main coupée et sa crosse brisée.
A l’avènement de Pierre le Vénérable, la société était entrée dans une ère nouvelle, structurelle, politique, économique. Cette mutation, annonciatrice du déclin de la société féodale dont Cluny est issu, ne touchera réellement la grande institution que 3 siècles plus tard. Cependant, des difficultés sérieuses apparaissent. Parmi elles, l’économie domaniale autarcique fondée sur l’exploitation en faire-valoir direct, prémices du phalanstère et du kolkhoze, jusqu’alors pratiquée et seule monnaie d’échange n’a plus court. Dans l’économie monétaire qui lui succède, l’ordre s’endette faute de la maîtriser. La fréquentation de l’école monastique chère à la vocation et à la tradition bénédictine se déplace, quant à elle, vers l’école cathédrale et ses écolâtres de renom. D’autres ordres monastiques se créent et s’affirment : Cîteaux sous l’impulsion d’un Bernard de Fontaine, abbé de Clairvaux et futur saint Bernard, viendra contredire et concurrencer Cluny, la Grande Chartreuse fondée par Saint Bruno appellera au désert les plus mystiques, Prémontré fondé par Saint Norbert attirera à lui d’autres vocations, régulières et séculières à la fois, Fontevrault [1] fondé par Robert d’Arbrissel, détourna de Marcigny [2] ses moniales.
Cluny n’est plus seul ! A cela, il faut ajouter le désir d’autonomie des grands monastères anglais et allemands jusqu’alors affiliés à l’ordre.