Il fut un proche conseiller des 2 premiers rois normands d’Angleterre Guillaume le Conquérant et Guillaume le Roux.
Il est éduqué au chapitre cathédral de Bayeux patronné par l’évêque Odon de Bayeux. Contrairement à la majorité des évêques anglo-normands, il commence sa carrière en devenant moine à l’abbaye bénédictine de Saint-Calais [1] dans le comté du Maine [2], comme son père avant lui. Il en devient le prieur, puis est élu abbé de l’abbaye Saint-Vincent du Mans [3].
Après le meurtre de l’évêque de Durham [4] Guillaume Walcher , Guillaume le Conquérant choisit de nommer à la tête de cet évêché un homme plus diplomate, qui a l’expérience des régions de marches. Guillaume de Saint-Calais correspond au profil, car il a déjà eu à intervenir dans les affaires séculières, dans une région où l’emprise normande est souvent remise en question.
Le siège épiscopal lui est donné le 9 novembre 1080, et il passe donc des marches de l’Anjou aux marches de l’Écosse, avec une ville et son château entre ses mains. Il appartient aux cercles des intimes du roi, attestant ses chartes et ses actes juridiques. Il occupe une fonction équivalente à celle de Chief Justiciar [5] qui apparaît sous le règne de Henri II, et est donc impliqué dans la gestion des affaires courantes du royaume. Sous son gouvernement, le comté est pacifié, et il débute la réforme de son église et de son diocèse.
Après l’accession au trône de Guillaume le Roux, son influence ne fait que s’accroître. À la mort du Conquérant, le duché de Normandie et le Royaume d’Angleterre se retrouvent dirigés par 2 maîtres différents. Cette situation pose problème aux barons normands qui ont des possessions des deux côtés de la Manche. Une rébellion finit par éclater, afin de placer sur le trône d’Angleterre le frère aîné du roi, Robert Courteheuse, le duc de Normandie. Le meneur de cette conspiration est Odon de Bayeux, l’oncle du roi, et l’ancien tuteur de Guillaume de Saint-Calais.
Ensuite, quand le roi lui ordonne de l’accompagner dans sa campagne contre ses ennemis, il part de la cour sous le prétexte d’aller lever de nouvelles troupes, mais il ne revient pas. Il est toujours au château de Durham quand la rébellion est réprimée. Ses terres sont saisies par le shérif du Yorkshire Raoul Paynel le 12 mars 1088. Il écrit alors au roi une lettre plutôt insolente dans laquelle il lui fait remarquer qu’il ne voit pas pourquoi ses terres lui sont confisquées, alors qu’il ne lui est officiellement rien reproché.
Il se dit prêt à lui rendre justice pour peu qu’il soit jugé suivant les lois canoniques, car « il n’est pas donné à n’importe qui, toutefois, de pouvoir juger un évêque ». Guillaume le Roux lui accorde alors un sauf-conduit pour venir à la cour répondre à l’accusation de désertion, mais les négociations sur les conditions préalables, à sa venue durèrent des mois. Il vient finalement à la cour royale vers juillet 1088, mais il est immédiatement renvoyé car les 2 hommes sont en complet désaccord sur la façon dont doit se dérouler le procès. Guillaume de Saint-Calais veut évidemment être jugé par ses pairs, et il est soutenu en cela par les 2 archevêques du royaume.
De retour à Durham, il s’oppose toujours à la volonté du roi, et ce dernier envoie alors une armée menée par Roger le Poitevin, et soutenue par Alain le Roux, pour l’assiéger dans sa ville. Il finit par se rendre, et est ramené à la cour par Roger durant l’automne 1088. Il est traduit devant la cour royale le 2 novembre 1088 à Salisbury [6]. Il est accusé d’avoir briser son vœu de fidélité au roi durant une campagne, ce qui équivaut à une trahison.
L’archevêque de Cantorbéry Lanfranc, représentant le roi, insiste sur le fait que Saint-Calais est jugé en tant que seigneur séculier, et que sa position ecclésiastique n’est pas remise en question, mais seulement les possessions temporelles attachées à son diocèse. Saint-Calais invoque l’immunité canonique, arguant que suite à la réforme grégorienne, il ne peut pas être jugé par un tribunal séculier, mais uniquement par ses pairs et le pape. Lanfranc rejette cet argumentaire, le déclarant non recevable, mais Saint-Calais menace alors d’en appeler au pape. Mais Lanfranc démonte ses arguments et démontre qu’il lui est offert un procès juste et équitable, qui a déjà connu un précédent avec celui d’Odon de Bayeux en 1082. La cour rejette donc ses requêtes et Henri de Beaumont, le président du jury, le déclare coupable, et le condamne à la perte de son fief et de son château.
Comme il refuse d’accepter le verdict et de rendre le château, il est menacé d’être emprisonné, et décide alors d’en appeler au pape. Finalement, il se rend compte que toute résistance est inutile, et après la reddition du château le 14 novembre, il est autorisé à s’exiler en Normandie, probablement en décembre. Il y est si bien accueilli par le duc Robert Courteheuse, qu’il décide d’entrer à son service comme conseiller.
En 1091, alors que Guillaume le Roux a envahit l’est du duché de Normandie, Saint-Calais sert de médiateur entre les hommes du roi assiégés et les assiégeants. Grâce à lui, ces derniers quittent les lieux. Il prend aussi part aux négociations entre les 2 frères qui aboutissent au traité de Caen un peu plus tard. Le roi le restaure alors dans ses possessions anglaises. Le 11 septembre 1191, alors que les 2 frères mènent ensemble une campagne contre les Écossais, il reprend possession de Durham. Il est par la suite toujours loyal à son suzerain. Il reprend sa place de proche conseiller, bien qu’il est peu probable qu’il soit aussi proche de lui qu’auparavant.
En février 1095, au Concile de Rockingham [7], il mène la charge des évêques contre l’archevêque Anselme de Canterbury. Agissant comme procureur du roi, il accuse le primat d’avoir violé son vœu de fidélité au roi en reconnaissant Urbain II comme pape, alors que le roi n’avait fait son choix. Anselme, qui s’appuie sur des bases légales solides, refuse de revenir sur sa décision, et préfère s’exiler en attendant que le roi reconnaisse Urbain II. Saint-Calais, qui avait été incapable de produire des arguments juridiques solides pour contrer l’archevêque se voit reprocher l’échec du concile par le roi.
Durant sa présence à la tête du comté de Durham, il réorganise complètement son évêché. Il importe la tradition monastique de l’ancien évêché de Lindisfarne [8], car son évêché est récent et n’a été créé qu’en 995. En 1083, il remplace les clercs séculiers, dont certains sont mariés, par les moines venus de Evesham [9] et Winchcombe [10] qui avaient refondé les monastères de Monkwearmouth et Jarrow [11] sous son prédécesseur, l’évêque Guillaume Walcher. Il décide aussi d’organiser son église en prenant pour modèle ce que Lanfranc avait fait à Cantorbéry. Il décide donc d’être à la fois évêque et abbé de ses moines. Un peu plus tard, il fait de son prieur son archidiacre, achevant ainsi l’intégration. Le 11 août 1193, en présence du roi Malcolm III d’Écosse, il pose la première pierre de la future cathédrale de Durham, qui est considérée comme l’un des plus beaux exemples d’architecture normande qui nous soit parvenus. Il tisse aussi de nombreux liens avec d’autres communautés religieuses afin de réduire l’isolement de son église.
En plus de s’occuper de son diocèse, il doit aussi réduire l’instabilité de son comté et le sécuriser. Il n’a pas la tache facile, car d’une part, c’est le dernier comté dans lequel les Anglo-Saxons ont un peu d’influence, d’autre part, les invasions y sont fréquentes, les rois écossais ayant l’ambition de s’accaparer le territoire. Il a, qui plus est, un rival en la personne de son voisin Robert de Montbray, le comte de Northumbrie [12]. Pour neutraliser les Écossais, il décide de se lier d’amitié avec leur roi Malcolm III, et de l’attacher, ainsi que toute sa famille, à son église de Durham. Cette tactique ne fonctionne pas, car en mai 1091, puis en novembre 1093, les Écossais envahissent à nouveau le nord de l’Angleterre. Finalement, Malcolm III est tué lors d’une embuscade par le comte de Northumbrie, et Guillaume le Roux parvient à mettre sur le trône d’Écosse Edgar, l’un des fils du défunt qui est aussi son protégé. Lorsque Robert de Montbray complote puis se rebelle contre le roi en 1095, Saint-Calais assiste le roi dans sa campagne victorieuse contre le comte. Entre-temps, la situation du comté a été assainie, et il est désormais sous contrôle.
Cette année-là, il est à la cour de Noël qui se tient à Windsor pour assister au procès du comte. L’un de ses chevaliers lui révèle qu’il a une vision dans laquelle il le voyait mourir sous peu. Quelques jours plus tard, le jour de Noël, il tombe gravement malade, et meurt à l’aube du 2 janvier 1096. Il est inhumé le 16 janvier dans la salle capitulaire de l’église Saint-Cuthbert.