Marie-Françoise-Élisabeth de Savoie (1646-1683)
Reine consort de Portugal
Fille de Charles-Amédée de Savoie-Nemours , et d’ Élisabeth de Bourbon-Vendôme , elle est la petite-fille de César de Vendôme , fils légitimé que le roi Henri IV eut deGabrielle d’Estrées, et de Françoise de Lorraine . Par sa grand-mère paternelle, elle descend des Lorraine-Guise [1], de Diane de Poitiers, Charles VII et Agnès Sorel. Par les Savoie-Nemours, elle descend de Charles VII et Marie d’Anjou, Louis XII et Anne de Bretagne ainsi que de Lucrèce Borgia.
Son père ayant été tué en duel par son beau-frère le duc de Beaufort François de Bourbon-Vendôme alors qu’elle avait 6 ans, l’éducation de la petite Marie-Françoise et de sa sœur aînée Marie-Jeanne-Baptiste fut confiée à leur mère et à leur grand-mère Françoise de Lorraine, duchesse douairière de Vendôme.
Après que sa sœur eut épousé le duc Charles-Emmanuel II de Savoie en 1665, Marie-Françoise fut mariée au roi Alphonse VI de Portugal en 1666, afin de sceller une alliance entre le Portugal et la France contre leur ennemi commun, l’Espagne. Organisé par le comte de Castelo Maior Luis de Vasconcelos et Sousa, le mariage, comme il était de coutume, fut célébré en France in absentia [2]. Alphonse avait 23 ans, Marie-Françoise tout juste 20 ans.
Informés par leurs espions de la date de l’embarquement de la jeune épouse pour le Portugal, les Espagnols envoient depuis Cadix [3] une escadre pour intercepter le convoi nuptial. Le commandant de cette flotte de 15 navires décide de s’emparer au préalable du fort Saint-Jean sur les petites îles Berlengas [4], au large de Peniche [5] et du Cap Cavoeiro [6], à une centaine de kilomètres au nord de Lisbonne [7].
L’affaire tourne mal pour les Espagnols : la petite garnison du fort finit par se rendre mais résiste si bien qu’elle affaiblit l’armada qui abandonne son plan et rentre à Cadix. De leur côté, instruits peut-être des projets espagnols, les Français avaient modifié les dates du voyage.
Marie-Françoise-Élisabeth arrive à Lisbonne mais ne tarde pas à être profondément choquée par le spectacle de la cour, extrêmement exotique et arriérée vue de France, ainsi que par la personnalité de son mari. Celui-ci est décrit, dans la littérature portugaise, comme un imbécile et un caractériel. Affaibli par une maladie infantile, il fut rebelle à toute éducation et, dans sa jeunesse, passait son temps en compagnie des gens de la plus basse extraction dans et hors du palais, à jouer à des jeux jugés indignes de sa condition. Il fut sans doute un repoussoir pour Marie-Françoise qui ne tarda pas à être séduite par le propre frère du roi le futur Pierre II (roi de Portugal) .
Les deux amants réussirent à mener une cabale et à faire renvoyer Castelo Maior avant de faire prononcer par les Cortes [8] la déchéance du roi le 24 novembre 1667 et de le faire interner pendant 4 ans dans l’une des îles des Açores [9]. Ils parvinrent aussi à faire annuler le mariage de Marie-Françoise et d’Alphonse le 28 mars 1668 au moyen d’une procédure douteuse. Puis le 2 avril suivant, Marie-Françoise épousa Pierre devenu régent, avec une dispense du pape.
Marie-Françoise mena désormais une vie pieuse et édifiante, finançant notamment la construction de l’église de Nossa Senhora da Conceição, à Atouguia da Baleia [10], près de Peniche.
Alphonse fut finalement rapatrié en 1675 et confiné au palais de Sintra [11] où il mourut d’une crise d’apoplexie le 12 septembre 1683, âgé de 40 ans.
Marie-Françoise redevint reine du Portugal pour trois mois, puisqu’elle suivit son ex-mari dans la tombe le 27 décembre suivant.
Elle est enterrée au couvent des Francesinhas, fondé par elle.
Notes
[1] branches d’Aumale et d’Elbeuf
[2] en l’absence de l’époux
[3] Cadix est la capitale de la province de Cadix appartenant à la Communauté autonome d’Andalousie, en Espagne, dans le sud-ouest extrême de l’Europe continentale. Elle est avec Jerez de la Frontera l’une des deux grandes villes de la baie de Cadix. Cadix se situe à environ 30 kilomètres au sud de l’embouchure du Guadalquivir.
[4] L’archipel des Berlengas est un groupe d’îles granitiques au large des côtes du Portugal, dans l’océan Atlantique. Situées à une dizaine de kilomètres du cap Carvoeiro, elles sont visibles depuis la ville de Peniche. Berlenga Grande, l’île principale, fait environ 1,5 kilomètre de longueur pour 0,8 kilomètre de largeur avec une altitude maximale de 85 mètres. Elle abrite un fort et un phare, le phare de Berlenga. Deux autres îles, l’île Estela et Grande Farilhão, donnent également leur nom aux deux sous-archipels des Berlengas.
[5] Peniche est une ville portugaise du district de leiria, située dans le sous-région de l’Ouest, dans la province de l’Estremadura, et la région Centre. Premier port de pêche du Portugal, Peniche est en partie encerclée par des murailles du xvie siècle. Du côté sud, près de la mer, se dresse la forteresse du 15ème siècle utilisée comme prison pendant le régime de Salazar, d’où s’est évadé le secrétaire général du parti communiste, Álvaro Cunhal. Située sur le cap Carvoeiro, avec ses églises blanches typiques, Peniche a attiré les artistes et notamment le peintre français Maurice Boitel.
[6] Le cap Carvoeiro est un cap du Portugal situé à l’extrémité de la péninsule de Peniche, face à l’océan Atlantique, dans la commune de Peniche, sous-région Ouest. Depuis ce point, il est possible de voir, par temps clair, l’archipel des Berlengas, réserve naturelle terrestre et maritime.
[7] Lisbonne est la capitale et la plus grande ville du Portugal. Lisbonne est prise par les Maures vers 719 et est rebaptisée al-ʾIšbūnah, sous le gouvernement desquels la ville prospère. Les Maures, qui étaient des musulmans du nord de l’Afrique et du Proche-Orient, construisent plusieurs mosquées, des habitations et les murailles de la ville, actuellement appelées Cerca Moura. La ville abrite une population mélangée de chrétiens, de berbères, d’arabes, de juifs et de saqālibas. L’arabe est imposé comme langue officielle. Le mozarabe reste parlée par la population chrétienne. L’islam est la religion officielle, pratiquée par les Maures et les muladís, alors que chrétiens et juifs peuvent pratiquer leur religion, en qualité de dhimmis’, à condition d’acquitter la djizîa.
[8] Dans les pays de la péninsule Ibérique (Espagne et Portugal), les Cortes ou Cortès sont les assemblées des états et royaumes, de même qu’il y a des Cortes de Castille, d’Aragon, de Valence, etc. Elles sont convoquées par le roi. Au Moyen Âge, on trouve en Espagne les Cortes de León réunies par le roi Alphonse IX dans le cloître de la basilique de San Isidoro de León avec des représentants des trois états, la noblesse, le clergé et les représentants des villes. Elles sont considérées comme l’un des premiers parlements en Europe. En Castille, dès le début de l’ère moderne, les Cortes ne réunissent plus que des représentants (procuradores) de 18 villes du royaume, chargés d’accorder la levée des impôts. En Aragon, ce sont les Cortes qui reçoivent du roi le serment de respect des fueros et qui le reconnaissent ensuite comme leur souverain. Elles sont dissoutes le 28 août 1982.
[9] Les Açores sont un groupe d’îles portugaises qui se trouvent dans l’océan Atlantique nord, à environ 1 500 km à l’ouest de Lisbonne et du nord-ouest du Maroc, et à 3 900 km de la côte est de l’Amérique du Nord. L’histoire moderne semble retenir Diogo de Silves comme découvreur de l’archipel en 1427, mais rien n’est véritablement certain, car des cartes plus anciennes feraient mention de l’existence de ces îles. Leur reconnaissance complète s’effectua sur plusieurs années à partir de 1432 par Gonçalo Velho Cabral pour se terminer en 1452 par Corvo et Flores, reconnues par le navigateur Diogo de Teive. Ces expéditions furent armées par Dom Henrique (Henri le Navigateur), 3e fils du roi Jean 1er du Portugal qui joua un rôle très important dans les découvertes de nouveaux territoires par les Portugais.
[10] Atouguia da Baleia est un village et une freguesia (paroisse civile) portugaise du concelho (commune) de Peniche, avec une superficie de 46,04 km2
[11] Sintra (anciennement Cintra) est une ville et un municipio portugais située à 25 km au nord-ouest de Lisbonne dans le district de Lisbonne (région de Lisbonne et sous-région de la Grande Lisbonne)