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Charles-Jean-François Hénault d’Armorezan dit le président Hénault

mercredi 13 décembre 2023, par lucien jallamion

Charles-Jean-François Hénault d’Armorezan dit le président Hénault (1685-1770)

Ecrivain et historien français

Fils de René Jean Rémy Hénault de Cantobre, fermier général [1], et de sa femme, Françoise de Ponthon,


Charles-Jean-François Hénault est élève chez les jésuites [2] du collège Louis-le-Grand avant de faire sa philosophie au collège des Quatre-Nations [3]. Frappé par les débuts éclatants de Jean-Baptiste Massillon et ambitionnant une carrière de prédicateur, il entre dans la congrégation de l’Oratoire [4] mais en sort au bout de 2 ans pour faire son droit.

Grâce à la considérable fortune familiale, il devient conseiller au parlement de Paris [5] en 1705, puis président de la Première chambre des Enquêtes en 1710, fonction qu’il conserve jusqu’en 1731. On l’appelle dès lors le président Hénault après la mort de Montesquieu .

En 1719, avec la complicité de son amie Madame de Tencin, il ouvre pendant 3 mois rue Quincampoix [6] un comptoir d’agios, la Financière Tencin-Hénault, qui lui permet d’accroître rapidement sa fortune personnelle.

Il mène une vie mondaine active, surtout après avoir démissionné de sa charge. Il fréquente d’abord la Société du Temple, où il se lie avec Guillaume Amfrye de Chaulieu , Bernard Le Bouyer de Fontenelle et Voltaire . Galant et spirituel, on le voit à Sceaux [7] chez la duchesse du Maine, dans le cercle des Chevaliers de la Mouche à Miel [8] et aux Grandes Nuits de Sceaux [9] ; chez Madame de Lambert ou à l’hôtel de Sully [10] chez Madame de Sully.

Dans son hôtel particulier, l’hôtel Le Bas de Montargis, situé au no 7, place Vendôme [11], il accueille tous les samedis, de 5 heures du soir à 8 heures les dîners du club de l’Entresol [12], fondé en 1720 par l’abbé Pierre-Joseph Alary et qui réunit une vingtaine de participants férus de lettres et de politique.

Parmi les habitués, on note le marquis d’Argenson René Louis de Voyer de Paulmy , Montesquieu, le marquis de Balleroy, Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre dit l’abbé de Saint-Pierre , l’abbé de Bragelonne, l’abbé Henri-Charles Arnauld de Pomponne , Marie du Deffand dite Madame du Deffand , Madame de Luxembourg, Madame de Pont de Veyle, Claude-Adrien Helvétius , Madame de Rochefort, Madame Bernin de Valentinay, marquise d’Ussé, la marquise de Pompadour, Madame de Forcalquier, Andrew Michael Ramsay dit le chevalier de Ramsay et plusieurs gentilshommes comme le maréchal-duc de Coigny, le maréchal de Matignon Charles Auguste de Goyon de Matignon , le marquis de Lassay, le duc de Noirmoutier Louis II de La Trémoille (1612-1666) . Ces dîners finiront par être interdits par le roi en 1731. Il accueille son cousin Réaumur lors de son arrivée à Paris en 1703, et le présente au président de l’Académie des sciences [13] Jean-Paul Bignon .

Il plaît aux femmes par sa gentillesse. Il épouse en 1714 Catherine Henriette Marie Lebas de Montargis, petite-fille de l’architecte Jules Hardouin-Mansart et fille de Claude Lebas de Montargis , richissime trésorier général de l’extraordinaire des guerres, cousine germaine des architectes Jean Mansart de Jouy et Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne .

Il la trompe notamment avec la maréchale d’Estrées. Veuf en 1728, il entame en 1731 une liaison de plus de 10 ans avec Madame du Deffand dont il fréquente le salon littéraire.

Il compose de nombreuses chansons, dont certaines ont un grand succès, et des poèmes qui lui valent un prix de l’Académie des Jeux floraux [14] en 1708. Il remporte également le prix d’éloquence de l’Académie française [15] en 1707. Il ne manque pas de talent pour tourner une épigramme [16] ou un madrigal [17], et sa poésie légère est très appréciée dans les dîners et les salons.

Il est également l’auteur de deux tragédies [18] qui n’ont pas de succès. Il est admis à l’Académie française en 1723 alors qu’il a encore très peu publié. Il s’y montre disciple de Fontenelle, ami de Voltaire et adversaire de D’Alembert . On prétend que c’est lui qui sauve, au prix de ses manchettes brûlées, La Henriade [19] du feu où, à la suite de quelques critiques, Voltaire l’avait jetée dans un moment de dépit.

Il publie alors des œuvres à caractère moral ou historique, et notamment son “Abrégé chronologique de l’histoire de France jusqu’à la mort de Louis XIV” qui connaît une première édition en 1744 sans que son nom apparaisse. La formule est neuve, et sera très souvent imitée par la suite. Les éditions suivantes vont connaître un immense succès et le livre est traduit dans de très nombreuses langues, y compris en chinois. Voltaire dit du président qu’il est le seul homme qui ait appris aux Français leur histoire. L’ouvrage vaut à l’auteur d’être élu en 1755 comme membre honoraire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres [20].

Lecteur de William Shakespeare, le président Hénault a l’idée d’un théâtre national développant des sujets de l’histoire de France et met lui-même sa théorie en pratique dans un drame, “François II” en 1747, peu abouti mais dont la préface est digne d’intérêt. Il donne également plusieurs comédies qui ne manquent pas d’esprit [21].

De 1753 à 1768, il exerce la charge de surintendant de la Maison de la reine Marie Leszczynska , qui a pour lui une particulière amitié et contribue à le tourner vers la religion dont une grave maladie, contractée vers 1735, l’avait déjà rapproché. L’influence de Marguerite de Castelmoron contribue également à ce retour à la pratique chrétienne.

Il se convertit en 1765 et fait une confession générale. Sa dévotion lui vaut des traits satiriques de Madame du Deffand et de Voltaire qui lui reproche sa passion de plaire à tout le monde, dans laquelle il voit la cause de ses palinodies, et le juge désormais l’esprit faible et le cœur dur. Il meurt le 24 novembre 1770.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Jean de Viguerie, Histoire et dictionnaire du temps des Lumières. 1715-1789, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 2003 - (ISBN 2221048105)

Notes

[1] La Ferme générale est la jouissance d’une partie des revenus du roi de France, consentie par ce dernier, sous certaines conditions, à un adjudicataire dont les cautions forment la Compagnie des fermiers généraux, en l’occurence une « union de plusieurs personnes qui s’associent pour entrer dans les affaires du Roi » Créée par Louis XIV, à l’initiative de Colbert en 1680, l’institution avait pour vocation de prendre en charge la recette des impôts indirects, droits de douane, droits d’enregistrement et produits domaniaux. Par extension, la Ferme générale est le corps de financiers qui prend à ferme les revenus du roi ; ils ne sont donc pas de simples banquiers, mais également des gestionnaires de l’impôt. La Ferme n’assura pleinement l’ensemble de ces fonctions qu’entre 1726 et 1780. Les dirigeants et actionnaires de cette compagnie financière chargée du recouvrement de l’impôt sont appelés les « fermiers généraux ».

[2] La Compagnie de Jésus est un ordre religieux catholique masculin dont les membres sont des clercs réguliers appelés « jésuites ». La Compagnie est fondée par Ignace de Loyola et les premiers compagnons en 1539 et approuvée en 1540 par le pape Paul III.

[3] En 1661, dans son testament, le cardinal Mazarin dédie une partie de sa grande fortune à la fondation d’un collège, destiné à l’instruction gratuite de soixante gentilshommes des quatre nations réunies à l’obédience royale par le traité de Westphalie en 1648 et le traité des Pyrénées en 1659 : l’Artois, les Flandres, le Hainaut et le Luxembourg (20 étudiants) ; l’Alsace et les autres territoires germaniques (15 étudiants) ; Pignerol et les États pontificaux (15 étudiants) ; le Roussillon, le Conflent et la Cerdagne (10 étudiants). À sa mort, Mazarin souhaite être inhumé, comme son prédécesseur le cardinal de Richelieu l’avait fait à la Sorbonne, dans la chapelle du collège. Il lègue également l’ensemble de ses ouvrages à la bibliothèque du nouvel établissement (la bibliothèque Mazarine) qui devra être ouverte à tous les gens de lettres deux fois par semaine.

[4] L’Oratoire de Saint Philippe Néri ou Confédération des oratoriens de Saint Philippe Néri (en latin Confoederatio Oratorii Sancti Philippi Nerii) est une société de vie apostolique catholique fondée à Rome par saint Philippe Néri au 16ème siècle. Le petit oratoire du fondateur, où se réunissait le groupe d’origine, avait donné son nom à la société. Elle fut érigée de manière canonique par le pape Grégoire XIII le 15 juillet 1575, en tant que société de prêtres séculiers, sans vœux, mais vivant en commun, dans le but de travailler à la sanctification de ses membres et à celle de son prochain par la prédication et l’enseignement. Sa règle fut approuvée par Paul V en 1612.

[5] Le parlement de Paris est une institution française de l’Ancien Régime. Il fait partie des cours souveraines, rebaptisées cours supérieures à partir de 1661 (début du règne personnel de Louis XIV). Issu de la Curia regis médiévale, le parlement apparaît au milieu du xiiie siècle et prend progressivement son autonomie pour juger le contentieux sous forme d’un organe spécialisé aux sessions régulières, la curia in parlamento, que saint Louis établit dans l’île de la Cité, à côté du palais de la Cité, et qui reçoit sa première réglementation générale avec une ordonnance de Philippe III le Hardi en 1278. À partir du 15ème siècle, treize autres parlements furent érigés à partir d’institutions locales parfois beaucoup plus prestigieuses, comme l’échiquier de Normandie, ou beaucoup plus anciennes, comme les États de Provence, ou mêmes créés ex nihilo ; néanmoins, celui de Paris, cour de justice du Roi, ultime suzerain, et donc d’ultime recours, devint ainsi prééminent. On le mentionnait souvent simplement comme « le Parlement ».

[6] la rue Quincampoix est une voie, ancienne, des 3e et 4e arrondissements de Paris

[7] Au début du 17ème siècle, les Potier de Gesvres, seigneurs de Sceaux depuis 1597, font construire un château de style Henri IV ou Louis XIII. C’est une famille de bourgeois qui finiront par devenir ducs : ducs de Tresmes et ensuite ducs de Gesvres. Sceaux est érigée en châtellenie en 1612 et en baronnie en 1619-1624 pour le fils cadet de Louis, Antoine Potier de Sceaux, greffier des ordres du Roi. En 1670, Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, qui souhaite disposer d’un domaine près de Paris et non loin de Versailles, pour y établir sa maison de campagne, achète la terre de Sceaux aux trois héritiers de René Potier, marquis de Gesvres, duc de Tresmes.

[8] L’ordre de la Mouche à miel est un ordre de chevalerie créé en 1703 par Louise-Bénédicte de Bourbon duchesse du Maine pour attacher à sa personne la cour qu’elle avait rassemblée au château de Sceaux.

[9] Les Grandes Nuits de Sceaux ensemble de fêtes et divertissements donnés par Louise Bénédicte de Bourbon (1676-1753) en son château de Sceaux entre 1705 et 1753.

[10] L’hôtel de Sully est un hôtel particulier entre cour et jardin de style Louis XIII, situé dans le quartier du Marais, dans le 4e arrondissement de Paris, au 62 rue Saint-Antoine. Il est le siège depuis 1967 du Centre des monuments nationaux. Bâti en 1625-1630, cet édifice est encore tourné vers le passé, inféodé qu’il est aux traditions de la Renaissance par la profusion ornementale, la silhouette des pavillons, la place et le type de l’escalier. Caractéristique des hôtels particuliers parisiens de la première moitié du 17ème siècle, il est l’une des demeures les plus accomplies du Marais.

[11] L’hôtel Le Bas de Montargis ou hôtel de Créquy est un ancien hôtel particulier situé au no 7 place Vendôme, dans le 1er arrondissement de Paris. Construit en 1708, par et pour l’architecte Jules Hardouin-Mansart, il appartient notamment à la famille Le Bas de Montargis puis d’Aumont de Créquy. Il abrite, de 1724 à 1731, le club de l’Entresol. De 1794 à 1899, l’hôtel est le siège de l’État-major de la place de Paris puis appartient à la maison de couture Beer, avant d’être cédé à la Compagnie Foncière Vendôme, qui y réalise de grands travaux dont la création de l’actuel cour Vendôme.

[12] Le Club de l’Entresol était un cercle privé créé à Paris en 1724 sur le modèle anglais et qui avait vocation à discuter des questions politiques et économiques.

[13] L’Académie des sciences, nommée l’Académie royale des sciences lors de sa création en 1666, est l’une des cinq académies regroupées au sein de l’Institut de France et composée de 262 membres dont 28 femmes en mars 2016. Elle encourage et protège l’esprit de recherche, et contribue aux progrès des sciences et de leurs applications.

[14] L’Académie des Jeux floraux est une société littéraire, reconnue comme académie royale en 1694 par Louis XIV, qui a pris la suite du Consistori del Gay Saber fondé en 1323 à Toulouse par 7 troubadours, avec la protection des capitouls. Elle doit son nom aux Jeux floraux, fêtes célébrées à Rome en l’honneur de la déesse Flore, et aux cinq fleurs d’or ou d’argent : la violette, l’églantine, le souci, l’amarante et le lys qui récompensent chaque 3 mai les auteurs des meilleures poésies en français et en occitan. Celui qui reçoit trois de ces fleurs porte le titre de maître des Jeux, tandis que les membres de l’Académie sont appelés mainteneurs. Elle a été reconnue d’utilité publique par décret du 1er mars 1923.

[15] L’Académie française, fondée en 1634 et officialisée le 29 janvier 1635, sous le règne de Louis XIII par le cardinal de Richelieu, est une institution française dont la fonction est de normaliser et de perfectionner la langue française. Elle se compose de quarante membres élus par leurs pairs. Intégrée à l’Institut de France lors de la création de celui-ci le 25 octobre 1795, elle est la première de ses cinq académies. La mission qui lui est assignée dès l’origine, et qui sera précisée le 29 janvier 1635 par lettres patentes de Louis XIII, est de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure et compréhensible par tous, donc d’uniformiser cette dernière. Elle doit dans cet esprit commencer par composer un dictionnaire : la première édition du Dictionnaire de l’Académie française est publiée en 1694 et la neuvième est en cours d’élaboration. L’Académie française rassemble des personnalités marquantes de la vie culturelle : poètes, romanciers, dramaturges, critiques littéraires, philosophes, historiens et des scientifiques qui ont illustré la langue française, et, par tradition, des militaires de haut rang, des hommes d’État et des dignitaires religieux.

[16] À l’origine, une épigramme est une inscription, d’abord en prose, puis en vers, qu’on gravait sur les monuments, les statues, les tombeaux et les trophées, pour perpétuer le souvenir d’un héros ou d’un événement. À partir du 4ème siècle av. jc, l’épigramme devient une petite pièce de poésie sur un sujet quelconque, imitant par sa brièveté les inscriptions, offrant une pensée ingénieuse ou délicate exprimée avec grâce et précision. Les plus anciennes épigrammes ne revêtent qu’un caractère pratique, visant à identifier le propriétaire ou la personne dédiant l’objet.

[17] Le madrigal est une forme ancienne de musique vocale qui s’est développée au cours de la Renaissance et au début de la période baroque (16ème siècle - début 17ème siècle).

[18] Cornélie vestale, Marius à Cirthe

[19] La Henriade est une épopée en dix chants de Voltaire, qui fut écrite en l’honneur du roi de France Henri IV, et qui plaide pour la tolérance.

[20] L’Académie des inscriptions et belles-lettres a été fondée par Colbert en 1663 sous un autre nom. C’est en 1816 que son appellation actuelle apparaît. Au début, elle devait établir les inscriptions et devises des monuments et médailles en l’honneur de Louis XIV. Par la suite, elle s’est tournée vers l’histoire et l’archéologie. Aujourd’hui intégrée à l’Institut de France, elle poursuit cette mission.

[21] “La Petite Maison, Le Jaloux de lui-même, Le Réveil d’Épiménide”