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Claudine Guérin de Tencin ou Claudine-Alexandrine-Sophie Guérin de Tencin

mercredi 26 juillet 2017, par lucien jallamion

Claudine Guérin de Tencin ou Claudine-Alexandrine-Sophie Guérin de Tencin (1682-1749)

Baronne de Saint-Martin de l’isle de Ré

Portrait présumé de Madame de Tencin âgée d'après Joseph Aved (Musée des Beaux-Arts de Valenciennes). Source : wiki/ Claudine Guérin de Tencin/ domaine publicFemme de lettres qui tenait un salon célèbre. Elle est la mère de Jean d’Alembert .

Après 22 années passées de force au couvent, elle s’installe à Paris en 1711 et est introduite dans les milieux du pouvoir par ses liens avec le cardinal Dubois .

Six ans plus tard, elle ouvrira l’un des salons les plus réputés de l’époque appelé le bureau d’esprit. D’abord essentiellement consacré à la politique et à la finance avec les spéculateurs de la banque de Law, ce salon devient à partir de 1733 un centre littéraire.

Les plus grands écrivains de l’époque le fréquentent, en particulier Fontenelle , Marivaux , l’abbé Prévost , Charles Pinot Duclos et plus tard Marmontel , Helvétius , Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu .

Madame de Tencin a publié aussi avec succès quelques romans dont les “Mémoires du comte de Comminge” en 1735,“ Le Siège de Calais”, nouvelle historique en 1739 et “Les Malheurs de l’amour” en 1747.

Alexandrine est née à Grenoble dans une famille de petite robe. Son père, Antoine Guérin seigneur de Tencin [1], sera tour à tour conseiller au Parlement du Dauphiné  [2] puis premier président au Sénat de Chambéry [3] lors de l’occupation de la Savoie par la France. Sa mère est Louise de Buffévent.

Cadette de 5 enfants, Alexandrine est selon la coutume placée très tôt, à l’âge de 8 ans, au proche monastère royal de Montfleury [4], une de ces riches abbayes où la règle de saint Dominique était assouplie.

Elle répugne cependant à la vie monacale et ce n’est que contrainte et forcée qu’elle se résout à prononcer ses vœux le 25 novembre 1698. Pour dès le lendemain, cependant, avec l’aide de son directeur spirituel, dont Charles Pinot Duclos protestera en bonne et due forme devant notaire, protestation qu’elle renouvellera de nombreuses fois au cours des années suivantes afin qu’elle ne soit point caduque.

Sa ténacité portera ses fruits. Néanmoins, sœur Augustine devra attendre la mort de son père en 1705 et vaincre les résistances, l’hypocrisie de sa mère pour quitter Montfleury en 1708 et, après une cure à Aix-les-Bains [5], non loin de Chambery, pour redresser sa santé défaillante, trouver refuge l’année suivante... au couvent de Sainte-Claire à Annonay [6], où réside une de ses tantes, Mme de Simiane !

Elle obtint finalement par le bref papal du 2 décembre 1711, la relève de ses vœux le 5 novembre 1712, jugeant qu’on lui avait effectivement fait violence lors de sa prise de voile. Ce jugement fut imprimé dès 1730.

Alexandrine n’attendit pas son retour à la vie laïque pour dès la fin 1711, accompagnée de son chaperon Mme de Vivarais, se rendre à Paris. Elle s’établira quelque temps au couvent des Dames de Saint-Chaumond [7], puis, en raison de son état de santé, au couvent des dominicaines de la Croix [8]. Ses vœux annulés, elle finit par s’installer chez sa sœur la comtesse Marie-Angélique de Ferriol d’Argental qui hébergeait déjà la célèbre Mlle Aïssé .

Là, pendant les années qui suivirent, elle su conquérir les hôtes du salon de sa sœur par la vivacité de son esprit, l’humour de ses réparties et par une faculté d’adaptation surprenante compte tenu de son peu d’expérience du monde. En avril 1717, enceinte de deux mois, elle signa avec les religieuses de la Conception un bail à vie pour un appartement de la rue Saint-Honoré, sis au-dessus du couvent de la Conception [9], vis-à-vis le Sot Dôme du couvent de l’Assomption [10].

Elle y emménagea le 24 juin. Puis, en août, elle passa convention pour le reste de la maison contre le paiement d’un supplément. Elle pu ainsi, après son accouchement, ouvrir son propre salon qui jusqu’en 1733 se consacrera essentiellement à la politique.

Dès cet instant, sa devise semble être de défier l’homme sur son propre terrain, ne serait-ce peut-être que pour se venger de ces 22 années passées de force au couvent.

Devenue, au dire de Saint-Simon, la maîtresse publique du principal ministre, l’abbé puis cardinal Dubois, elle commença, avec le soutien de ce dernier, par aider à la carrière ecclésiastique et politique de son frère Pierre-Paul , homme manquant de caractère et pour qui elle fit office, pour ainsi dire, de conscience virile.

L’argent a occupé une place primordiale dans la vie de Mme de Tencin. Tous les moyens lui furent bons pour accroître sa fortune. Ainsi, son rang ne la prévint pas d’ouvrir le 28 novembre 1719 un comptoir d’agio à la rue Quincampoix et de créer une société en commandite, équivalent ancien d’une société d’investissement à capital variable, vouée explicitement à la spéculation sur les actions.

Si depuis 1730 elle a mis une sourdine à ses intrigues religieuses, politiques et affairistes, elle est loin de les avoir abandonnées. En effet, depuis son retour d’exil, son grand projet est de faire de son frère un cardinal. Mais, pour cela, il faut l’accord du roi Louis XV , pour qui, ainsi qu’elle l’écrit dans sa correspondance, tout ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder , sauf peut-être les intrigues d’Alexandrine qui lui donne, ce sont ses mots, “la peau de poule”. Si elle ne peut l’atteindre directement, ce sera indirectement. Et pour cela, elle n’hésitera pas à jouer les entremetteuses.

Elle procurera des maîtresses au roi qui se devront de réciter les livrets hagiographiques du frère tant aimé. Cette stratégie portera ses fruits, notamment grâce à l’aide de la duchesse de Châteauroux . Pierre Guérin de Tencin son frère, devient cardinal-archevêque de Lyon en 1740 et ministre d’État 2 ans plus tard. Mme de Tencin se trouve alors au faîte de sa puissance et parvient peu à peu à faire oublier ce que ses débuts eurent de scandaleux en conquérant des amitiés célèbres et édifiantes, telle celle du pape Benoît XIV.

Le 23 août 1743, un décret d’adjudication rendu au Parlement de Paris attribue le logis de la Baronnie de Saint Martin de Ré à Claudine, Alexandrine, Marie Gérin de Tencin. Le 23 mars 1751, sa sœur, Françoise de Guérin, marquise de Tencin, veuve de Laurent Ducros, chevalier, comte de Groslé, du Roussillon et autres places... hérite de la demeure.

Après la mort de Fleury en 1743 et de la duchesse de Châteauroux en 1744, Claudine perd toute influence à la cour.

Devenue impotente et obèse, elle se retire fin 1748 dans son nouvel appartement de la rue Vivienne où elle mène les derniers mois de sa vie un ultime combat contre la censure, afin que “De l’esprit des Lois” de son ami Montesquieu puisse enfin être édité.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Christophe Bois, La Construction de l’illusion dans les récits de Madame de Tencin, thèse de doctorat, Lyon, université Lyon-III, 2005.

Notes

[1] Tencin est une commune française située dans le département de l’Isère

[2] Le Parlement du Dauphiné ou Parlement de Grenoble, est une cour souveraine de justice sous l’Ancien Régime français. Il est créé le 29 juillet 1453 par le dauphin Louis II, futur roi Louis XI, lors de son séjour en Dauphiné de 1447 à 1456. Approuvé le 4 août 1455 par un édit de Charles VII, père du dauphin, ce troisième parlement de France prend le relais du Conseil delphinal créé par Humbert II le 22 février 1337. C’est donc la principale institution issue de la principauté delphinale qui devient une cour souveraine de justice, dans la mesure où elle juge en dernier ressort sur le fond. Elle va siéger à ses débuts dans le palais delphinal dont il ne reste rien, puis du début du 16ème siècle jusqu’en septembre 1790 dans un bâtiment spécifique, maintes fois agrandi, le palais du Parlement du Dauphiné, situé à Grenoble. Au 18ème siècle, le ressort du Parlement recoupe les limites de la Province du Dauphiné et de l’enclave du pays d’Orange, bien qu’amputé par l’établissement de cours présidiales mises en place à Valence en 1639 et à Gap en 1641.

[3] Le Sénat de Savoie, dit souverain Sénat de Savoie, est une institution judiciaire créée au 16ème siècle par le duc de Savoie Emmanuel-Philibert. Jusqu’au 16ème siècle, la justice sur les terres de la Maison de Savoie, en deçà des Alpes, est rendue par un Conseil suprême (conseil comtal) composé d’ecclésiastiques, de barons et de jurisconsultes. Ce dernier prend le titre de Conseil souverain sous le règne du comte Aymon de Savoie. Après l’invasion de la Savoie par la France en 1536, François 1er institue un Parlement installé au château de Chambéry et une politique « modéré(e) et respectueu(se) des droits et usages des populations », bien qu’il y ait eu aussi des abus. Les attributions de ce parlement sont de dépouiller les sacs à procès et en réalité « allaient d’ailleurs plus loin encore ; par la voie juridique, il arrivait à se mêler de tout ». En 1559, à la suite des traités du Cateau-Cambrésis, Emmanuel-Philibert rentre dans ses terres. Il érige le Souverain Sénat de Savoie à Chambéry le 14 août 1559. Il est confirmé par un édit du 11 février 1560 qui subsista jusqu’à une nouvelle occupation du duché de Savoie par la France, de 1792 à 1814

[4] Le monastère royal de Montfleury fut à l’origine château des seigneurs de Bouquéron, notamment Siboud de Châteauneuf. Ce château, dominant la vallée du Grésivaudan et à proximité de Grenoble, attira bientôt la convoitise des dauphins, qui parvinrent à le faire entrer dans leur domaine. Le dauphin Humbert II, avant de partir en croisade, donna Montfleury aux dominicaines, qui y installèrent un couvent en 1342, qui fut directement rattaché au pouvoir royal après le transport du Dauphiné à la France. Les dominicaines y restèrent jusqu’à la Révolution : elles en furent chassées en 1790, le chœur de l’église du couvent fut détruit.

[5] Aix-les-Bains, nommée localement Aix, est une commune, station balnéaire et thermale française, située dans le département de la Savoie. Ville-phare de la Belle Époque de renommée internationale, fut un haut-lieu de villégiature pour les familles princières et les gens fortunés. L’histoire d’Aix-les-Bains est directement liée au lac du Bourget et surtout à ses sources chaudes qui en firent une station thermale des plus réputées au monde. L’analyse historique de la ville doit être rapprochée de l’histoire de la Savoie, si l’on veut mieux comprendre son évolution et ses influences culturelles. Au début du 17ème siècle, les Aixois et le monde médical commencent à être sensibilisés à la valeur des sources d’eau chaude d’Aix, grâce aux célèbres écrits du médecin dauphinois Jean Baptiste Cabias, qui est suivi en ce domaine par d’autres médecins de renommée. En effet, depuis l’antiquité l’exploitation des sources d’eau chaude n’a jamais totalement été oubliée. On se baignait à Aix au Moyen Âge et jusqu’à la fin du 18ème siècle, soit dans la seule piscine romaine existant encore, à l’air libre, soit chez l’habitant où l’on se faisait apporter l’eau thermale par porteur.

[6] Dès le 13ème siècle, des clarisses s’implantent à Annonay. Leur couvent est reconstruit au milieu du 14ème siècle, grâce au cardinal Pierre Bertrand sur un autre site. La chapelle conventuelle est détruite une première fois pendant les guerres de Religions en 1574. Ses voûtes sont alors remplacées par un plafond à caisson peint en hommage au cardinal Bertrand. Fermés à la vie religieuse elle fut vendus comme bien national durant la Révolution.

[7] Maison des Dames de Saint-Chaumont (Couvent des Filles de l’Union chrétienne), établie en 1685 dans un hôtel de Saint-Chaumond dont il ne reste rien mais qui a laissé son nom à la communauté. Les religieuses ont fait construire en 1734-1735 dans leur jardin, par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, petit-fils de Jules Hardouin-Mansart, un logis pour les dames de la bonne société souhaitant se retirer du monde, qui a été conservé (seulement surélevé). Bâtiment de qualité exceptionnelle, décoré par le grand ornemaniste rocaille Nicolas Pineau, il témoigne, par son plan en courbes et contre-courbes, des influences de l’architecte italien Borromini sur l’architecture rocaille parisienne de la première moitié du 18ème siècle. C’est le seul témoignage conservé des grands établissements pieux ou charitables construits le long de la rue Saint-Denis. L’entrée se trouvait originellement du côté de la rue Saint-Denis et un jardin s’étendait entre le logis et l’immeuble haussmannien du 131 boulevard de Sébastopol. À l’angle de la rue de Tracy, se trouvait l’église conventuelle, construite en 1782 par Pierre Convers dans le style antique (aujourd’hui détruite).

[8] En 1540, les Filles de la Croix achètent, rue des Barres, une maison de ville appelée couvent des Filles de la Croix. Elles achètent en 1639 une autre maison, rue de Charonne, et y font construire un couvent où elles s’installent en 1641. Le couvent comporte une église petite mais richement décorée, un cloître, un vaste jardin. Cyrano de Bergerac est inhumé dans l’église en 1655. Pendant la Révolution française les sœurs se dispersent, les sœurs de chœur vont dans des appartements à Paris et les sœurs converses à la campagne. Le couvent est fermé en 1790 jusqu’à la Restauration. Après le vote de la loi de 1901 sur les associations qui n’admet que les congrégations autorisées, le monastère des Filles de la Croix est fermé en 1904 puis démoli en 1906.

[9] Le couvent se situait autour du 382 rue Saint-honoré à Paris. Fondé par Anne Petau le 3 février 1635. En septembre 1635, 13 Cordelières du tiers ordre de Saint-François, de la congrégation des Filles de la Conception, arrivèrent de leur maison mère de Toulouse pour s’y installer. Le couvent fut fermé en 1790 ; a cette date il restait 24 religieuses et 8 converses. Le couvent fut démoli en 1807, par le percement des rues Duphot et Richepanse

[10] aujourd’hui l’Église polonaise