Femme de lettres qui tenait un salon célèbre. Elle est la mère de Jean d’Alembert .
Après 22 années passées de force au couvent, elle s’installe à Paris en 1711 et est introduite dans les milieux du pouvoir par ses liens avec le cardinal Dubois .
Six ans plus tard, elle ouvrira l’un des salons les plus réputés de l’époque appelé le bureau d’esprit. D’abord essentiellement consacré à la politique et à la finance avec les spéculateurs de la banque de Law, ce salon devient à partir de 1733 un centre littéraire.
Les plus grands écrivains de l’époque le fréquentent, en particulier Fontenelle , Marivaux , l’abbé Prévost , Charles Pinot Duclos et plus tard Marmontel , Helvétius , Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu .
Madame de Tencin a publié aussi avec succès quelques romans dont les “Mémoires du comte de Comminge” en 1735,“ Le Siège de Calais”, nouvelle historique en 1739 et “Les Malheurs de l’amour” en 1747.
Alexandrine est née à Grenoble dans une famille de petite robe. Son père, Antoine Guérin seigneur de Tencin [1], sera tour à tour conseiller au Parlement du Dauphiné [2] puis premier président au Sénat de Chambéry [3] lors de l’occupation de la Savoie par la France. Sa mère est Louise de Buffévent.
Cadette de 5 enfants, Alexandrine est selon la coutume placée très tôt, à l’âge de 8 ans, au proche monastère royal de Montfleury [4], une de ces riches abbayes où la règle de saint Dominique était assouplie.
Elle répugne cependant à la vie monacale et ce n’est que contrainte et forcée qu’elle se résout à prononcer ses vœux le 25 novembre 1698. Pour dès le lendemain, cependant, avec l’aide de son directeur spirituel, dont Charles Pinot Duclos protestera en bonne et due forme devant notaire, protestation qu’elle renouvellera de nombreuses fois au cours des années suivantes afin qu’elle ne soit point caduque.
Sa ténacité portera ses fruits. Néanmoins, sœur Augustine devra attendre la mort de son père en 1705 et vaincre les résistances, l’hypocrisie de sa mère pour quitter Montfleury en 1708 et, après une cure à Aix-les-Bains [5], non loin de Chambery, pour redresser sa santé défaillante, trouver refuge l’année suivante... au couvent de Sainte-Claire à Annonay [6], où réside une de ses tantes, Mme de Simiane !
Elle obtint finalement par le bref papal du 2 décembre 1711, la relève de ses vœux le 5 novembre 1712, jugeant qu’on lui avait effectivement fait violence lors de sa prise de voile. Ce jugement fut imprimé dès 1730.
Alexandrine n’attendit pas son retour à la vie laïque pour dès la fin 1711, accompagnée de son chaperon Mme de Vivarais, se rendre à Paris. Elle s’établira quelque temps au couvent des Dames de Saint-Chaumond [7], puis, en raison de son état de santé, au couvent des dominicaines de la Croix [8]. Ses vœux annulés, elle finit par s’installer chez sa sœur la comtesse Marie-Angélique de Ferriol d’Argental qui hébergeait déjà la célèbre Mlle Aïssé .
Là, pendant les années qui suivirent, elle su conquérir les hôtes du salon de sa sœur par la vivacité de son esprit, l’humour de ses réparties et par une faculté d’adaptation surprenante compte tenu de son peu d’expérience du monde. En avril 1717, enceinte de deux mois, elle signa avec les religieuses de la Conception un bail à vie pour un appartement de la rue Saint-Honoré, sis au-dessus du couvent de la Conception [9], vis-à-vis le Sot Dôme du couvent de l’Assomption [10].
Elle y emménagea le 24 juin. Puis, en août, elle passa convention pour le reste de la maison contre le paiement d’un supplément. Elle pu ainsi, après son accouchement, ouvrir son propre salon qui jusqu’en 1733 se consacrera essentiellement à la politique.
Dès cet instant, sa devise semble être de défier l’homme sur son propre terrain, ne serait-ce peut-être que pour se venger de ces 22 années passées de force au couvent.
Devenue, au dire de Saint-Simon, la maîtresse publique du principal ministre, l’abbé puis cardinal Dubois, elle commença, avec le soutien de ce dernier, par aider à la carrière ecclésiastique et politique de son frère Pierre-Paul , homme manquant de caractère et pour qui elle fit office, pour ainsi dire, de conscience virile.
L’argent a occupé une place primordiale dans la vie de Mme de Tencin. Tous les moyens lui furent bons pour accroître sa fortune. Ainsi, son rang ne la prévint pas d’ouvrir le 28 novembre 1719 un comptoir d’agio à la rue Quincampoix et de créer une société en commandite, équivalent ancien d’une société d’investissement à capital variable, vouée explicitement à la spéculation sur les actions.
Si depuis 1730 elle a mis une sourdine à ses intrigues religieuses, politiques et affairistes, elle est loin de les avoir abandonnées. En effet, depuis son retour d’exil, son grand projet est de faire de son frère un cardinal. Mais, pour cela, il faut l’accord du roi Louis XV , pour qui, ainsi qu’elle l’écrit dans sa correspondance, tout ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder , sauf peut-être les intrigues d’Alexandrine qui lui donne, ce sont ses mots, “la peau de poule”. Si elle ne peut l’atteindre directement, ce sera indirectement. Et pour cela, elle n’hésitera pas à jouer les entremetteuses.
Elle procurera des maîtresses au roi qui se devront de réciter les livrets hagiographiques du frère tant aimé. Cette stratégie portera ses fruits, notamment grâce à l’aide de la duchesse de Châteauroux . Pierre Guérin de Tencin son frère, devient cardinal-archevêque de Lyon en 1740 et ministre d’État 2 ans plus tard. Mme de Tencin se trouve alors au faîte de sa puissance et parvient peu à peu à faire oublier ce que ses débuts eurent de scandaleux en conquérant des amitiés célèbres et édifiantes, telle celle du pape Benoît XIV.
Le 23 août 1743, un décret d’adjudication rendu au Parlement de Paris attribue le logis de la Baronnie de Saint Martin de Ré à Claudine, Alexandrine, Marie Gérin de Tencin. Le 23 mars 1751, sa sœur, Françoise de Guérin, marquise de Tencin, veuve de Laurent Ducros, chevalier, comte de Groslé, du Roussillon et autres places... hérite de la demeure.
Après la mort de Fleury en 1743 et de la duchesse de Châteauroux en 1744, Claudine perd toute influence à la cour.
Devenue impotente et obèse, elle se retire fin 1748 dans son nouvel appartement de la rue Vivienne où elle mène les derniers mois de sa vie un ultime combat contre la censure, afin que “De l’esprit des Lois” de son ami Montesquieu puisse enfin être édité.