Il joua un rôle clé dans la crise de 1383-1385, durant laquelle le Portugal a préservé son indépendance face à la Castille [1]. Nuno Alvares Pereira est également 2ème connétable de Portugal [2], 38ème Mordomo-Mor du Royaume, 7ème duc de Barcelos [3], 3ème comte d’Ourem et 2ème comte de Arraiolos.
Il est né à Paco Bonjardim ou Flor da Rosa. Nuno Alvares Pereira a grandi dans la maison de son père jusqu’à ses 13 ans et c’est là qu’il est initié au métier des armes, et surtout qu’il acquiert un grand goût pour la lecture. Il lit des livres de chevalerie où la pureté est une vertu qui rend invincibles les héros de la Table Ronde, et permet à l’âme et au corps de rester immaculés. Nuno a 3 frères.
À 13 ans, il rejoint la cour de Ferdinand de Portugal. La reine le prend en sympathie et souhaitant en faire son écuyer, il est adoubé chevalier en même temps que son frère Diego. Il est anobli par le roi en personne avec l’armure emprunté au Maître d’Aviz [4], frère du Roi et à partir de ce jour, les deux hommes deviennent des amis. Lors d’une mission de reconnaissance face à l’armée de Castille qui passait par Santarém [5] en route vers Lisbonne [6], le jeune homme fait un rapport indiquant que bien que l’armée ennemie soit importante, elle était mal dirigée, et qu’avec une petite troupe bien commandée elle pouvait être vaincue.
Il décide de rester vierge, comme Galaad le héros de la quête du Graal, mais il est profondément bouleversé et pratiquement forcé par son père de se marier à l’âge de 16 ans avec Leonor de Alvim en 1376 à Vila Nova da Rainha [7]. Son épouse est une riche veuve (d’un premier mariage) et sans enfant. Le couple s’installe dans le Minho [8] dans la propriété de Leonor de Alvim. Par ce mariage, son père garantit l’avenir de Nuno car celui-ci n’avait pas le droit de lui succéder dans la charge de prieur qui devait être occupée par son frère Pedro (qui hériterait d’une partie du château familial).
De ce mariage Nuno aura deux fils qui décéderont en bas âge, puis une fille, Béatrice Pereira de Alvim, qui épousera, en 1401, Alphonse 1er, le premier duc de Bragance [9], faisant de lui un ancêtre de la dernière dynastie royale du Portugal.
En 1378, le père de Nuno décède.
Le royaume de Portugal et celui de la Castille sont en conflit. En 1381, la marine portugaise est vaincue lors de la bataille de Saltes [10].
Le roi envoie Nuno pour défendre Portalegre [11] qui est dans une situation quasi intenable. Puis il le rappelle pour défendre la ville de Lisbonne face aux mouvements de troupes castillanes.
Bloqué à la cour, Nuno observe les notables qui basculent progressivement dans le parti favorable à la Castille.
Nuno demande à son frère de repartir au front, celui-ci refuse. Nuno décide alors de s’enfuir de Lisbonne pour rejoindre les troupes sur le front. À son arrivée, un nouvel accord de paix est annoncé. Le 14 mai 1383, la reine (mère) du Portugal et le roi de Castille se rencontrent. Ce dernier vient prendre comme épouse la jeune princesse portugaise, seule héritière du trône du Portugal. Ce mariage est le gage de paix entre les deux royaumes. Mais de facto, cela signifie l’annexion de la couronne du Portugal à la couronne de Castille. Durant les somptueuses fêtes qui célèbrent la paix entre les deux royaumes, et les noces des jeunes époux, Nuno, ulcéré par la lâcheté de la couronne portugaise, laisse éclater sa colère : il renverse la table royale et quitte la fête.
En octobre 1383 le roi Ferdinand 1er de Portugal décède. L’héritier du trône est donc sa fille : Béatrice, mariée à Jean 1er de Castille. Devant le risque d’annexion du Portugal par la Castille, Nuno Álvares est l’un des premiers nobles à soutenir les prétentions au trône du maître de l’ordre d’Aviz, Jean, frère du roi défunt. Bien que fils illégitime de Pierre 1er, cette candidature lui semble une solution préférable à la perte de l’indépendance du pays.
Le roi de Castille mandate la mère de Nuno à Lisbonne pour convaincre son fils de ne pas prendre le parti de la révolte. La Castille lui promet de riches présents. Mais Nuno reste ferme sur ses positions et sa mère rentre à la cour de Castille après avoir essuyé un échec. Admirant secrètement le courage de son fils, elle lui envoie en secret son jeune frère Ferdinand pour le soutenir dans la lutte du Portugal contre la Castille.
La Castille organise une expédition militaire afin de faire valoir ses droits sur la couronne du Portugal : le 6 avril 1384, 5 000 Castillans sont défaits par les 1 600 hommes commandés par Nuno Álvares à la bataille des Atoleiros [12]. Le 1er juin 1384, Nuno reçoit les titres de propriété du comté d’Ourem, mais ces terres sont encore occupées par les troupes espagnoles.
Le 6 avril 1385, Jean est reconnu par les Cortes [13] réunis à Coimbra [14] en tant que roi du Portugal sous le nom de Jean 1er de Portugal. À 31 ans, Nuno devient le chef de toute l’armée du Portugal. Ce coup de force portugais déclenche une réaction du royaume de Castille. Jean 1er de Castille envahit le Portugal par la Beira Alta [15] pour protéger les intérêts de sa femme Béatrice légalement héritière de la couronne portugaise. Nuno Alvares Pereira prend le contrôle de la situation sur le terrain et commence une série de sièges des villes fidèles à la Castille, situées principalement dans le Nord du pays.
La Castille organise une nouvelle expédition : c’est la bataille d’Aljubarrota [16], le 14 août 1385, au cours de laquelle Nuno Álvares révèle son génie militaire. Cette fois, 30 000 Castillans sont défaits par 6 000 Portugais et Anglais, alliés pour l’occasion. La bataille sera décisive dans la fin de l’instabilité politique de 1383-1385 et la consolidation de l’indépendance portugaise. Durant cette bataille, les deux frères de Nuno qui avaient pris le parti du roi de Castille décèdent. Après cette victoire, Nuno Alvares Pereira est resté comme le connétable du royaume et devient comte de Barcelos et Arraiolos.
Entre 1385 et 1390, l’année de la mort de Jean de Castille, il se consacre à effectuer des raids sur la frontière de Castille, dans le but de maintenir la pression et empêcher le pays voisin de réaliser de nouvelles attaques. C’est à cette période, en octobre 1385 que s’est déroulée la célèbre bataille de Valverde de Mérida [17] en terre castillane.
Après cette bataille, les Castillans refusèrent de lui livrer bataille en rase campagne. Le simple nom de Nuno Alvares inspirait la terreur chez les Castillans qui se sont limités à aller attaquer la zone frontière en pillant et en appliquant une politique de terre brûlée dès que Nuno entrait en Castille.
En récompenses de ses services, le roi lui donne des titres et des terres. Nuno devient maître de près de la moitié du Portugal. Pour récompenser ses compagnons d’armes, Don Nuno en 1393, durant les trêves, leur distribue ces biens. Cela entraîne une intrigue à la cour où l’on accuse le connétable de vouloir faire de ses compagnons des vassaux. L’année suivante a lieu un conflit ouvert avec le roi : le roi lui demande de rendre les terres et bien qui lui ont été alloués. Le connétable fait valoir qu’il ne peut pas rendre ce qu’il ne possède plus. La couronne va racheter certaines propriétés à quelques personnes. Ce conflit conduit Nuno à envisager de quitter le pays, il rencontre ses hommes et leur demande qui partirait avec lui ; c’est à ce moment que l’on apprend que la Castille a rompu la trêve, dès lors, Nuno repart avec son armée pour rejoindre le roi. Le roi trouve un accord : les dons effectués sont conservés, mais le roi sera le seul à avoir des vassaux, personne d’autre ne pouvant en avoir ; ceux qui avaient reçu des biens du connétable deviennent des vassaux directs du roi.
À la mort de sa femme en 1387, Nuno ne souhaite pas se remarier, préférant une vie de célibat, un fait rare à cette époque. Nuno confie sa fille Béatrice, à sa mère Iria, qui est rentrée à Lisbonne.
Il participe à la prise de Ceuta [18] en 1415, et il est invité par le roi à commander la garnison de la ville. Le connétable refuse parce qu’il veut quitter l’armée et embrasser la vie religieuse.
Bien qu’entré dans l’ordre du Carmel en 1423, il est sollicité en 1425 pour participer à une expédition à Ceuta, menacée par une offensive musulmane. Après des hésitations, il s’embarque avec la troupe, enthousiaste, qui le considère comme invincible. Mais la menace de guerre s’étant dissipée, l’expédition ne prend pas la mer et Nuno regagne définitivement son couvent.
Avant d’entrer au couvent, Nuno distribue ses biens à ses petits-enfants. Sa petite-fille Isabelle de Bragance , épouse le prince Jean de Portugal , futur Connétable.
Il entre au Carmel sous le nom de Frère Nuno de Sainte Marie le 15 août 1423 et prononce ses vœux solennels. Il est admis comme frère convers malgré les demandes pressantes de ses supérieurs d’accepter la fonction de frère choriste.
Au couvent des Carmes, il donne aux frères les biens qui lui restaient. En devenant le frère Nuno, il abdique du titre de comte et de connétable. Il abandonne également les souvenirs de sa vie militaire et dépose son épée aux pieds de l’autel de la Vierge Marie dans l’église du Carmel qu’il a fait construire. Il souhaitait aller dans les rues pour mendier, le roi, effrayé, demanda au prince Don Édouard, qui avait une grande admiration pour Nuno, de le convaincre de n’en rien faire. Le prince réussit à convaincre le frère Nuno d’accepter l’aumône du roi. Nuno qui souhaite vivre dans l’autérité et le silence, se retrouve contraint de recevoir un nombre important de nobles venant le visiter. Il envisage de quitter la capitale pour se soustraire à ces visites, mais le fils du roi très attaché à sa personne intervient pour lui demander de ne pas quitter la capitale.
Le frère Nuno va dans les rues de Lisbonne pour distribuer des aumônes à ceux qui en ont besoin. Touché par le nombre croissant de pauvres, il fait rechercher et retrouver le grand chaudron qu’avait utilisé pour la cuisine de ses soldats durant ses campagnes militaires, et le fait ramener au couvent des carmes. Chaque jour il prépare dans ce chaudron le repas pour les pauvres qu’il distribue personnellement dans la rue. Cette œuvre caritative s’est poursuivie après la mort de Nuno, jusqu’à la fin de la présence des carmes à Lisbonne.
Nuno s’occupe également des prisonniers : il leur rend visite et il met en place la visite des prisons par tous les religieux du couvent avec le supérieur, le Vendredi saint, pour leur apporter un repas et un peu d’argent, particulièrement à ceux qui sont en prison pour cause de dettes (afin de leur permettre de payer leurs dettes, et ainsi d’être libéré). Cette visite des carmes en prison est devenue une tradition qui s’est maintenue.
Lors de la dernière année de sa vie, le roi Jean 1er rend visite à Nuno au Carmel. Le roi a toujours considéré que Nuno Alvares Pereira était son ami le plus proche, mais aussi celui qui l’avait placé sur le trône et sauvé l’indépendance du Portugal.
Le 30 octobre 1431, le Portugal et la Castille signe un accord de paix définitif, garantissant l’indépendance du Portugal et les droits légitimes de Jean 1er sur le royaume du Portugal. Nuno meurt le lendemain, au couvent des carmes, le 1er novembre 1431 à l’âge de 71 ans, entouré par le roi et ses enfants.
Nuno Álvares est considéré comme le meilleur guerrier portugais, un génie militaire : il a gagné toutes les batailles auxquelles il a participé, y compris lorsqu’il commandait des forces en infériorité numérique face à ses adversaires. Il a été célébré par Luís de Camões dans son poème épique Les Lusiades, reprenant 14 fois, dans un sens allégorique ou non, le personnage de Nuno. Il est représenté en sculpture en différents lieux du pays, notamment sur l’Arc de triomphe de la rue Augusta à Praça do Comércio, de Lisbonne.
À son décès, il était considéré comme un saint par la population. Le roi de Portugal lui a fait célébrer des obsèques solennelles.
Saint Nuno a été canonisé par le pape Benoît XVI le 26 avril 2009. Il est le saint patron de l’infanterie portugaise.