Fils de Jules César Scaliger et d’ Andiette de Roques-Lobejac . Il naît à Agen et sera l’un des plus grands érudits français du 16ème siècle.
Il surpassa son père comme philologue [1], et se fit en outre un nom comme chronologiste et historien.
À douze ans, on l’envoya avec deux frères cadets au Collège de Guyenne [2] à Bordeaux, dirigé à l’époque par Jean Gelida, où il suivit entre autres l’enseignement d’ Élie Vinet . Une épidémie de peste bubonique en 1555 ramena les garçons dans leur famille, et dans les années qui suivirent, Joseph fut le principal confident de son père.
À la mort de son père, il fréquenta 4 ans l’Université de Paris, où il commença à étudier le grec avec Adrien Turnèbe. Mais au bout de 2 mois, il lui parut qu’il n’avait pas le niveau requis pour suivre avec profit les conférences du plus grand helléniste de l’époque. Il lut Homère en 21 jours, puis dévora tous les autres auteurs grecs à sa portée, poètes, orateurs et historiens, composant pour lui-même une grammaire à partir de toutes les difficultés ou singularités qu’il y rencontrait. Du grec, il passa à l’hébreu sur une suggestion de Guillaume Postel, puis se mit à étudier l’arabe ; il acquit une profonde connaissance de ces deux langues.
Son maître le plus influent fut Jean Dorat, qui non seulement savait instiller le savoir, mais aussi provoquer l’enthousiasme. C’est d’ailleurs à Dorat que Scaliger dut d’avoir un toit pour les années suivantes, puisqu’en 1563 le professeur proposa son étudiant comme compagnon de voyage au jeune seigneur de La Roche-Posay [3], Louis de Chasteigner. Une étroite amitié attacha ces deux hommes, et elle devait perdurer jusqu’à la mort de Chasteigner en 1595. Ils allèrent d’abord à Rome et y trouvèrent Marc Antoine Muret qui, lorsqu’il résidait à Bordeaux puis à Toulouse, rendait de fréquentes visites à Jules César Scaliger à Agen. Muret s’aperçut rapidement des talents du jeune Scaliger, et le présenta à plusieurs savants romains.
Il embrassa la religion réformée en 1562 et fut précepteur de cette même famille noble au sud de la Touraine, notamment dans leur château de Preuilly,
Après avoir visité une grande partie de l’Italie, les deux voyageurs partirent pour l’Angleterre et l’Écosse, passant par La Roche-Posay. Scaliger eut une mauvaise impression des Anglais : il leur reprochait leur attitude distante et leur manque d’hospitalité envers les étrangers. Il fut également déçu du petit nombre d’érudits et de manuscrits grecs qu’il trouva Outre-Manche. Il ne devait se lier à Richard Thomson et d’autres Anglais que des années plus tard.
De retour en France, il passa encore 3 ans hébergé par les de Chasteigner, qu’il accompagnait dans leurs différents châteaux du Poitou, à quoi les poussait la guerre civile. En 1570 il accepta l’invitation de Jacques Cujas et gagna Valence pour y étudier le droit auprès du plus célèbre juriste. Il y demeura 3 ans, profitant non seulement des leçons, mais aussi de la prodigieuse bibliothèque de Cujas, qui n’emplissait pas moins de sept pièces et comportait quelque 500 manuscrits.
Le massacre de la Saint-Barthélemy [4] qui survint alors qu’il allait accompagner l’évêque de Valence [5] pour une ambassade en Pologne fit fuir Scaliger et d’autres huguenots vers Genève, où on le nomma professeur de l’académie [6]. Il y donnait des conférences sur “l’Organon” [7] d’Aristote et le “De Finibus” de Cicéron à la grande satisfaction de ses étudiants, sans pourtant s’en contenter lui-même. Il détestait les cours magistraux et les prêches des pasteurs fanatiques l’ennuyaient et c’est pourquoi en 1574 il rentra en France et passa les 20 années suivantes auprès des de Chasteigner.
Cette année-là, il publia à l’occasion de son passage à Lyon des commentaires de la “traduction d’Ausone” par son ancien maître Élie Vinet, ouvrage qui l’a fait un temps suspecter, à tort, d’indélicatesse, sinon de plagiat.
Lorsqu’en 1590 Juste Lipse prit sa retraite de l’Université de Leyde [8], l’université et ses protecteurs, les États généraux des Pays-Bas et le prince d’Orange, décidèrent de nommer Scaliger comme son successeur.
Scaliger refusa car il détestait les cours magistraux, et certains de ses amis s’imaginaient qu’avec l’avènement d’Henri IV, les Belles-Lettres allaient renaître en France et que le Protestantisme ne ferait plus l’objet de discriminations.
Les autorités de l’université renouvelèrent leur invitation avec toute la diplomatie souhaitable l’année suivante. On y assurait Scaliger qu’il n’aurait pas même à assurer de cours, que l’université se contenterait de sa présence, et qu’il disposerait de ses loisirs à sa guise. Scaliger accepta cette offre à toutes fins utiles. Au milieu de 1593 il partit pour les Pays-Bas, où il allait passer les 13 dernières années de sa vie, sans jamais retourner en France.
Sa réception à Leyde combla ses espérances. Il fut pourvu d’une pension confortable, et traité avec la plus haute considération. Leyde se trouvant à mi-chemin entre La Haye et Amsterdam, Scaliger pouvait profiter, outre des cercles intellectuels de Leyde, des avantages du meilleur monde de ces deux métropoles : car Scaliger n’était pas vraiment un ermite plongé dans ses livres ; il se délectait de relations mondaines et passait pour un aimable causeur.
Les 7 premières années de son séjour à Leyde, sa réputation se maintint au zénith. Son jugement littéraire était sans réplique. De sa chaire de Leyde, il régnait sur le monde des Lettres ; il faisait et défaisait les réputations, était entouré d’un aréopage de jeunes pressés d’entendre sa conversation.
Il passa les 24 dernières années de sa vie à augmenter son “De emendatione”. C’est ainsi qu’il parvint à reconstituer la Chronique perdue d’Eusèbe, l’un des plus précieux documents de l’Antiquité, particulièrement du point de vue de la chronologie. Il la publia en 1606 dans son “Thesaurus temporum”, livre où il avait compilé, rétabli et mis en ordre tous les faits connus par les littératures grecque et latine.
Il est considéré comme le créateur de la science chronologique et notamment de la période julienne utilisée en astronomie, qui permet une datation indépendante du calendrier en vigueur.
Vaniteux comme son père, il prétendit, dans une lettre intitulée : “De vetustate gentis Scaligerae”, faire remonter sa noblesse jusqu’aux rois Alains [9]. Il eut aussi, comme son père, de vives querelles avec plusieurs de ses contemporains, notamment avec Scioppius , qui n’eut pas de peine à démontrer la fausseté de leur généalogie.