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L’histoire pour le plaisir

Michel Le Tellier

lundi 10 juillet 2023, par lucien jallamion (Date de rédaction antérieure : 12 novembre 2012).

Michel Le Tellier (1603-1685)

Marquis de Barbezieux, seigneur de Chaville et de Viroflay-Homme d’État

Michel Le Tellier Marquis de Barbezieux, seigneur de Chaville et de Viroflay-Homme d'État

Conseiller d’État [1] au Grand Conseil [2] en 1624, procureur du roi [3] au Châtelet [4] en 1631, maître des requêtes [5] en 1639, puis intendant de justice [6] dans l’armée de Piémont [7] en 1640.

A la suite de la révolte des Nu-pieds [8] et des révoltes qui éclatent en Normandie en 1639, il accompagne le chancelier Séguier dans la province et il informe sur les séditions de Rouen. En 1643, à la suite de la disgrâce de François Sublet de Noyers, il est secrétaire d’Etat à la Guerre [9] nommé par Louis XIV sur le conseil de Mazarin. Il garde pendant 25 ans cette charge et la quitte au profit de son fils, le marquis de Louvois.

Pendant la Fronde, il est chargé des négociations avec les princes et participe à la signature du traité de Rueil en 1649 [10]. Par la suite, pendant les exils forcés de Mazarin, il est le principal conseiller de la reine et manifeste sa fidélité à Anne d’Autriche et à Mazarin.

Alors que débute le règne personnel de Louis XIV, Le Tellier a déjà largement œuvré à l’amélioration de la première armée d’Europe. La tâche est pourtant difficile, les commandants de compagnies, véritables propriétaires de celles-ci dans la mesure où la charge d’officier militaire est vénale, préféraient bien souvent corrompre les commissaires de guerres et préposés aux revues que d’enrôler le nombre d’hommes réglementaire afin d’accroître le bénéfice de leur charge. Le Tellier ne cesse donc de motiver ses commissaires, surveille avec soin les comptes des trésoriers généraux, les intendants aux armées.

Le Roi admire la compétence de Le Tellier. Une pluie d’ordonnances signées Louis et plus bas Le Tellier achèvent de nationaliser l’armée au début des années 1660, les ordonnances tentent aussi d’améliorer la discipline. Si les résistances sont nombreuses, les généraux de haute naissance et de grande réputation supportent mal les directives des "grands commis" de Louis XIV, de réels progrès sont cependant visibles. Un département à la guerre composé de 5 bureaux est mis en place. Les commissaires sont repris en main et multiplient les revues faisant la chasse aux "passe-volants", ces faux soldats que paient les capitaines de compagnies en défaut, le temps d’une revue, pour remplacer les hommes qui manquent.

Louis XIV et Le Tellier savent l’importance du quotidien et du matériel. Des règles de paiements sont établies dès 1660, on met aussi en place un système d’étapes, on fixe la durée des engagements.

Il associe très tôt son fils, marquis de Louvois, à la tâche. Le Tellier, sédentaire, concentre son effort sur l’administration de l’armée et la discipline, Louvois, ministre itinérant, se réserve de préférence la technique et la tactique.

Adepte du népotisme, il crée un réseau important de clients qui lui permettent d’asseoir son pouvoir à la cour. Sur les conseils de son beau-frère Jean-Baptiste Colbert de Saint-Pouange [11], il engage à son service le jeune Jean-Baptiste Colbert et pour avoir un homme à lui à une place stratégique, il le recommande en 1651 à son ami, le cardinal Jules Mazarin.

Ministre d’Etat, il devient chancelier de France [12] en 1677 et fait en sorte que son fils Louvois obtienne le poste de secrétaire d’État à la Guerre. Adversaire passionné des huguenots, Le Tellier poussa Louis XIV à révoquer l’édit de Nantes [13]. Quelques jours après, il mourut.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Louis André, Le Tellier et l’ organisation de l’armée monarchique, Paris, F. Alcan, 1906 (réimpr. 1980, Slatkine Reprints)

Notes

[1] Le Conseil du roi était un ensemble d’organes collégiaux, institutionnalisés et permanents chargés de préparer les décisions du roi de France et de le guider de leurs avis. La formule « Car tel est notre plaisir » n’était pas appliquée arbitrairement, mais après consultation. Charles V devait poser le principe, respecté par tous ses successeurs, selon lequel le roi ne décide qu’après « bonne et mûre délibération ».

[2] En France, sous l’Ancien Régime, le Grand Conseil était une formation juridictionnelle du Conseil du roi.

[3] Le procureur du roi, ou procureur général, faisait partie des « gens du roi », officiers chargés de parler au nom du roi et de défendre ses intérêts. Jusqu’au 14ème siècle, le roi choisissait ses gens parmi les avocats et les procureurs, puis il a eu des officiers particuliers : avocat du roi, procureur du roi et substituts. Les gens du roi se réunissaient dans une chambre particulière du parlement, le parquet, où ils se répartissaient les affaires à traiter devant les différentes chambres du parlement. Il présentaient devant la cour leurs conclusions pour le roi et donnaient leur avis sur la gravité des intérêts sur lesquels ils avaient à trancher. Cependant, ils n’entraient pas dans le conseil de la cour où les juges rédigeaient leurs arrêts. Le procureur général est assisté dans l’exercice de ses fonctions de trois avocats généraux qui portent la parole aux audiences. Les gens du roi sont devenus le ministère public.

[4] Le Grand Châtelet de Paris était une forteresse édifiée par Louis VI sur la rive droite de la Seine, au débouché de la rue Saint-Denis. Elle a été démolie au début du 19ème siècle et a été remplacée par l’actuelle place du Châtelet. Elle abritait le siège de la police, des cachots et la première morgue de la capitale. Par son édit de 1684, Louis XIV réunit au Châtelet l’ensemble des seize anciennes justices féodales et des six anciennes justices ecclésiastiques. Le Grand Châtelet fut reconstruit. On avait décidé que, pendant la reconstruction, la cour siégerait aux Grands-Augustins, mais les moines ne voulurent pas céder leur couvent. On résolut d’en faire le siège et de s’en emparer par la force. II s’ensuivit plusieurs combats et assauts acharnés, où furent tués un grand nombre de religieux. La victoire resta au parti de la cour, qui s’y installa provisoirement

[5] Le titre de maître des requêtes est porté en France, ainsi que dans certains autres pays d’Europe, depuis le Moyen Âge, par les titulaires de certaines hautes fonctions judiciaires et administratives. Les maîtres des requêtes ordinaires de l’hôtel du Roi étaient, depuis le Moyen Âge, des officiers propriétaires d’une charge extrêmement prestigieuse et devenue, sous Louis XIV, particulièrement coûteuse. L’office coûtait 200 000 livres en 1710 et 100 000 en 1750. Pour pouvoir devenir maître des requêtes, il fallait avoir exercé pendant 6 ans dans une cour supérieure (Parlement, Chambre des comptes) ; les enfants des magistrats de ces cours bénéficiaient d’une durée réduite de 3 ans seulement. Les maîtres des requêtes étaient les collaborateurs du chancelier de France, dont ils dépendaient étroitement. Ils étaient associés à l’œuvre de justice à travers l’audience du sceau et le Conseil des parties, auquel ils assistaient. Ils siégeaient par quartiers trimestriels. Chaque quartier avait son doyen. Le doyen des doyens avait rang de conseiller d’État. Au Conseil, les maîtres des requêtes étaient debout et découverts. Ils étaient membres du parlement de Paris où ils pouvaient siéger mais pas plus de quatre en même temps. Ils n’étaient justiciables que devant les chambres assemblées du Parlement. Ils étaient fréquemment appelés comme rapporteurs dans les Conseils de gouvernement. Du fait de leurs formations de juges et d’administrateurs, ils formaient le vivier dans lequel se recrutaient naturellement les très hauts fonctionnaires et les membres du Gouvernement royal

[6] Sous l’Ancien Régime, les intendants étaient les personnages centraux de l’administration royale dans les provinces. Leur rôle s’apparente à celui des actuels préfets, dans une moindre mesure. Les intendants exerçaient leur administration dans le cadre des généralités et étaient secondés par un secrétaire nommé Subdélégué général. Chaque généralité était divisée en subdélégations (sortes de sous-préfectures) à la tête desquelles se trouvait un Subdélégué (sorte de Sous-préfet) nommé par l’Intendant. Chaque subdélégation était elle-même subdivisée en arrondissements (équivalent de nos actuels cantons) qui regroupaient plusieurs paroisses et qui portaient l’appellation officielle d’Arrondissement de correspondance de la subdélégation. À la tête de chacun de ces arrondissements se trouvait un Correspondant nommé par l’Intendant sur proposition de son Subdélégué

[7] Au cours du Moyen Âge, se constitue autour de Turin la principauté de Piémont, gouvernée par une branche de la maison de Savoie, la lignée de Savoie-Achaïe. En 1418, à la mort de Louis de Savoie-Achaïe, la principauté du Piémont revient au duc de Savoie, qui a la faveur de l’empereur en tant que membre du parti gibelin. À partir de 1494, le Piémont est embrasé par les guerres d’Italie : dans la première moitié du 16ème siècle, le pays devient un théâtre d’opérations d’armées étrangères, ce qui bloque la vie culturelle. En 1563, le duc de Savoie et prince de Piémont décide de faire de Turin sa principale capitale, au détriment de Chambéry.

[8] Le soulèvement des Nu-Pieds est l’aboutissement d’une succession de troubles ou « émotions » qui agitent la Normandie depuis plus d’une décennie. Depuis longtemps le budget royal est en déficit (de 58 millions de livres en 1639 pour un total de dépenses de 172 millions). La royauté a recours, pour se financer, à des expédients fiscaux. La Normandie, une des plus riches provinces du royaume, est mise à forte contribution. À chaque fois la pression fiscale provoque des troubles, comme à Rouen en 1623, pour protester contre l’obligation d’acheter au fisc les charges de brouettiers, de chiffonniers… ou en 1628 et 1634 pour protester contre une taxe sur le marquage du cuir.

[9] En France, sous l’Ancien Régime, il était le responsable et conseiller du roi au sujet des affaires militaires.

[10] La paix de Rueil, du 11 mars 1649, est un compromis qui met fin à la Fronde parlementaire qui depuis 1648 oppose le parlement de Paris à la royauté. Les négociations, qui sont entamées dès le 25 février, se tiennent à Rueil, aujourd’hui Rueil-Malmaison, où est le château du duc d’Orléans, oncle du roi Louis XIV. Elles sont menées par le président du parlement de Paris, Mathieu Molé. Les pourparlers aboutissent le 11 mars 1649 à la signature de la paix de Rueil et à la levée du blocus. Le parlement obtient, entre autres, l’amnistie pour les parlementaires, la suppression des intendants et l’interdiction pour le roi de créer de nouveaux offices. En échange, le parlement annule l’arrêté d’expulsion de Mazarin pris en janvier et promet de ne plus tenir d’assemblée « pour quelques causes et quelques prétextes et occasions que ce soit ». Le parlement s’engage ainsi à renoncer à s’imposer comme un contre-pouvoir indépendant.

[11] La famille de Colbert est une famille subsistante de la noblesse française, originaire de Reims (Marne). Issue de marchands et banquiers installés à Reims et à Troyes au 16ème siècle, cette famille forma plusieurs branches qui accédèrent successivement à la noblesse au cours du 17ème siècle. La lignée de Troyes, lignée cadette et seule branche aujourd’hui subsistante, a été anoblie la première en 1603 par l’achat d’une charge de Conseiller Secrétaire du Roi. À la suite de Jean-Baptiste Colbert, conseiller de Mazarin qui, à la mort du cardinal, entra au service de Louis XIV pour devenir son ministre, la famille Colbert sut tirer les bénéfices de l’ascension sociale du ministre de Louis XIV et faire accéder ses membres aux plus hautes charges et fonctions du royaume. Outre le célèbre ministre de Louis XIV, la famille Colbert a donné de nombreux dignitaires au royaume de France, ministres, évêques, et officiers généraux, de la seconde moitié du 17ème siècle à la fin du 18ème siècle

[12] Le chancelier de France est un important personnage de l’Ancien Régime, il est le second officier de la couronne, puis le premier, en 1627, avec la suppression du connétable et de l’amiral de France. La conservation d’une copie de tous les actes de gouvernement (édits, traités, capitulaires, dénombrements, etc.) est une des fonctions principales du chancelier. La France a sans doute, après le Vatican, la seconde plus vieille chancellerie du monde, puisqu’elle conserve encore 47 actes originaux datant des rois mérovingiens (481-751). La collection des plus anciens, toujours appelée Trésor des Chartes, constitue le fonds original des Archives nationales de France. Lacunaires jusqu’au 12ème siècle, ce n’est qu’à partir de sa réorganisation par frère Guérin, évêque de Senlis et garde des Sceaux de Philippe Auguste, que l’on conserve véritablement au palais du roi à Paris un exemplaire de tous les actes expédiés ou reçus par le roi. L’office de chancelier, ou cancellariat, dérive de celui de secrétaires et de notaires du roi, il est le chef de l’administration de la justice, et de tous les conseils du roi. Il est le dépositaire des sceaux de France, dont il use pour la distribution de la justice, dons, grâces, et offices. Il préside le conseil du roi, et expose les volontés du roi devant le parlement quand il va y tenir son lit de justice. Cet office ne peut être récusé, sauf démission et forfaiture. Le chancelier est le porte-parole et le représentant du roi, et à la mort de celui-ci, il est le seul personnage de la cour à ne pas porter le deuil pour marquer la pérennité de sa charge. Il est deuxième grand officier de la couronne dans l’ordre des préséances. Il y a toujours un chancelier chef de la justice et il devient de fait l’officier le plus important de la couronne

[13] L’édit de Nantes a été révoqué par Louis XIV en octobre 1685 par l’édit de Fontainebleau, mais son application avait déjà subi des restrictions, notamment sous Louis XIII, à la suite de la crise de 1627-1629 marquée par le siège de La Rochelle et conclue par la paix d’Alès et sous Louis XIV, en raison de la politique de conversion des protestants menée à partir de 1661.