Jean (roi de Danemark) (1455-1513)
Roi de Danemark de 1481 à 1513-Roi de Norvège de 1483 à 1513-Roi de Suède de 1497 à 1501 durant l’Union de Kalmar-Duc de Schleswig-Holstein
Fils de Christian 1er, à qui il a succédé, et de Dorothée de Brandebourg-Kulmbach, la fille du margrave [1] de Brandebourg [2]. En 1478, il épousa Christine de Saxe, fille d’Ernest de Saxe et d’ Elisabeth de Bavière . Ils auront plusieurs enfants
En vertu d’un ancien accord, il devait être élu par les états du Royaume, ce qui fut fait en mai 1482. Il lui restait encore à être nommé roi de Norvège et de Suède, ce à quoi l’Union de Kalmar [3] lui donnait droit.
Le Conseil Privé Norvégien le reconnut comme roi en 1483 et il pu être couronné. Le Conseil Privé de Suède fit de même plus tard dans l’année, mais Sten Sture, le régent, parvint à repousser son couronnement. Sten Sture gouvernait de facto la Suède, mais il s’est toujours abstenu de se faire couronner afin de ne pas violer ouvertement les droits du roi.
Jean dut également se faire couronner à la tête de ses vassaux, les duchés de Schleswig [4] et de Holstein [5]. Selon le Traité de Ribe [6], les diètes des duchés étaient libres d’élire leur duc parmi les fils du duc précédent.
La reine mère, Dorothée de Brandebourg-Kulmbach, fit tout son possible pour que ce soit son frère cadet, Frédéric le futur Frédéric 1er (roi de Danemark) , qui soit élu. Jean parvint tout de même à se faire élire comme co-duc aux côtés de son frère, en 1482. Bien qu’il ait été convenu qu’ils devaient gouverner les duchés ensemble, les duchés ont été divisés à la majorité de Frédéric, en 1490. Ce succès de Jean permit toutefois que les duchés ne soient pas tout à fait séparés de la couronne.
Durant les années qui suivirent, Frédéric et sa mère demandèrent à plusieurs reprises que la Norvège et la Suède soient divisées de la même manière que les deux duchés. Jean 1er parvint à s’y opposer et lors de la 3ème réunion des États du Royaume en 1494, à Kalundborg [7], le royaume fut déclaré indivisible.
Les 3 buts politiques les plus importants du roi Jean semblent avoir été la recréation de l’unité, la lutte contre la Ligue hanséatique [8] et le renforcement du pouvoir royal au Danemark. Il essaya d’obtenir ces trois choses durant son règne.
Durant les premières années de son règne, il mena une politique équilibrée. Il essaya, par des moyens diplomatiques, d’affaiblir la position du régent de Suède Sten Sture et de chercher de nouveaux alliés. Il est ainsi le premier roi danois à avoir conclu un accord de coopération politique avec la Russie. À la suite du traité de 1493, le tsar [9] Ivan III emprisonna tous les marchands de la Hanse établis à Novgorod [10] et provoqua la Guerre russo-suédoise de 1495-1497 [11]. Les villes de la Hanse furent également attaquées par des corsaires danois. À cette époque, la position de la Hanse déclinait petit à petit en raison des changements des routes commerciales, dues aux nouvelles découvertes géographiques, et à l’opposition croissante qu’elle devait affronter parmi les États d’Europe du Nord.
La politique domestique de Jean 1er a été marquée par l’appui économique apporté aux marchands et par l’emploi croissant de roturiers aux postes officiels malgré la colère de la noblesse. Son initiative la plus importante a peut-être été le début de la construction d’une flotte danoise permanente, qui jouera d’ailleurs un rôle durant les dernières années de son règne.
En 1497, Jean conquit la Suède au cours d’une brève et efficace campagne militaire après avoir miné la position de Sten Sture en gagnant à sa cause l’essentiel de la noblesse suédoise. À la tête d’une armée de 10 000 à 15 000 hommes, il conquit d’abord Kalmar [12] avant de s’embarquer sur une flotte et de débarquer à Stäket, au nord de Stockholm [13]. Sten Sture, à la tête d’une armée de paysans, dut abandonner la ville et fut vaincu à 2 reprises lors de grandes batailles. Jean fut couronné roi de Suède en novembre ; il su se montrer sage et pardonner à ses ennemis après la conquête.
En 1500, il fit l’acte qui est encore aujourd’hui le plus relié à son nom au Danemark : la tentative fatale de conquérir la Dithmarse [14], en Allemagne du nord, qui constituait alors une république paysanne indépendante. Il conduisit, avec son frère Frédéric, une campagne à grande échelle avec une armée composée essentiellement de mercenaires allemands, comptant 12 000 à 15 000 hommes au total.
L’armée ducale fut battue à plate couture par une armée paysanne bien inférieure en nombre lors de la bataille de Hemmingstedt [15] qui eut lieu le 17 février 1500. La plupart de ses soldats furent capturés par les paysans dithmarses armés, qui les entraînèrent dans un piège après avoir ouvert les digues des zones de basse-terre. Cette campagne se transforma en une catastrophe militaire.
La défaite ébranla le prestige du roi et en 1501 déjà, la Suède proclama son indépendance. La reine Christine dut s’enfermer dans son château à Stockholm avec un millier de soldats. Après un siège de 7 mois, les 70 survivants quittèrent le château en échange de la promesse de pouvoir rentrer au Danemark sains et saufs. La promesse ne fut pas respectée et la reine resta emprisonnée jusqu’en 1503.
Au cours des années suivantes, Jean conduisit une guerre toujours plus rude contre Sten Sture et son successeur, Svante Nilsson Sture , au cours de laquelle il se montra déséquilibré et sujet aux actes de violence. La guerre conduisit à des frictions avec la noblesse danoise et les villes de la Ligue hanséatique, notamment avec Lübeck [16]. En 1509, la guerre se termina et le traité reconnut Jean 1er comme roi de Suède, mais laissa en réalité le pouvoir aux Suédois.
Les tentatives d’opposition norvégiennes furent, elles, muselées par le fils de Jean, Christian, qui était vice-roi de Norvège. Entre 1510 et 1512, le roi mena une guerre contre la Suède et Lübeck, au terme de laquelle il résulta un statu quo pour la Suède, mais un réel recul économique et politique pour Lübeck. Cette dernière vit certes ses privilèges confirmés dans les pays nordiques, mais dut accepter la venue des marchands hollandais dans les eaux danoises.
Il mourut le 20 février 1513.
Durant son règne, et partiellement après également, Jean apparut comme le roi des roturiers. Sous cette apparence, il semble avoir été un roi réaliste et un calculateur politique zélé.
Notes
[1] Le titre de margrave était donné aux chefs militaires des marches (ou mark), dans l’empire carolingien, puis à certains princes du Saint Empire romain germanique. Le titre équivalent en français est marquis. Le margraviat est la juridiction sur laquelle il a autorité.
[2] Le Brandebourg Prusse était un État européen regroupant dès 1618 la Marche de Brandebourg et le Duché de Prusse sous l’union personnelle de la dynastie de Hohenzollern. Il a été à l’origine de la création en 1701 du Royaume de Prusse.
[3] L’Union de Kalmar est une union formée par les trois royaumes scandinaves de Danemark, Suède et Norvège, réunis sous un seul monarque, malgré de nombreuses interruptions, de 1397 à 1523. Les trois royaumes maintiennent, du moins en théorie, leur indépendance (c’est-à-dire qu’ils conservent leurs lois et leur administration), mais relâchent leur souveraineté, en s’accordant pour avoir le même roi et posséder des organes administratifs communs. L’Union de Kalmar se rapproche donc d’une confédération. L’Union est fondée par l’initiative de Marguerite1ère de Danemark, qui, à partir de 1387, devient reine des trois pays avant de céder sa place à son petit-neveu, Éric de Poméranie, couronné le 17 juin 1397. Dès la mort de Marguerite en 1412, les tentatives d’accumulation du pouvoir par la couronne danoise et les guerres de suprématie entre le Danemark et la Suède font vaciller l’Union, dont la première manifestation survient en 1434 avec la révolte menée par Engelbrekt Engelbrektsson contre Éric de Poméranie. L’Union est rompue une première fois par l’élection de Karl Knutsson au trône de Suède en 1448 puis de Norvège en 1449, avant d’être renouvelée en 1457 par Christian 1er qui reprend le contrôle des trois royaumes ; puis l’union fut à nouveau rompue en 1464. Danemark, Norvège et Suède sont réunis à nouveau sous Jean 1er de Danemark en 1497. Après la reprise de la Suède par Christian II de Danemark et le Bain de sang de Stockholm en 1520, les rebelles suédois menés par Gustav Vasa forcent les Danois à quitter le territoire suédois. Gustav Vasa est nommé régent de Suède le 23 août 1521, puis élu roi de Suède le 6 juin 1523, mettant fin définitivement à l’Union. Le Danemark et la Norvège restent eux unis jusqu’en 1814, dans une entité politique communément nommée Danemark-Norvège.
[4] Le duché de Schleswig a existé en tant que vassal du Danemark jusqu’à la guerre des Duchés, en 1864. La capitale était Schleswig. Durant le bas Moyen Âge, ce duché était nommé Jutland-du-Sud. Politiquement, le Schleswig était un duché vassal du roi du Danemark depuis le 12ème siècle. À partir du 14ème siècle, une liaison plus étroite se développa avec le Comté de Holstein, qui faisait partie du Saint Empire romain germanique. C’est ainsi que la noblesse du Holstein acquit de grandes possessions au Schleswig. Les Schauenburger, qui avaient reçu le Holstein en fief au 12ème siècle, purent s’établir comme ducs de Schleswig et comtes de Holstein, jetant ainsi les bases d’une seigneurie commune. Le duché de Schleswig resta cependant un vassal danois, tandis que le comté de Holstein demeurait un vassal de l’Empereur. À la mort d’Adolphe VIII en 1459, la lignée des Schauenbourg de Holstein s’éteignit ; le Schleswig et le Holstein étaient si liés qu’il fut naturel aux nobles des deux entités de se doter d’un seigneur commun. Elles choisirent le roi Christian 1er de Danemark, un neveu d’Adolphe VIII. Dans le traité de Ribe de 1460 signé avec Christian 1er figurait le fait que les deux entités devaient rester liées pour l’éternité. Bien que cela n’eût alors rien à voir avec une unité territoriale, ce paragraphe fut la base du mouvement de Schleswig-Holstein du 19ème siècle, qui demandait une séparation du Danemark et l’intégration du Schleswig germanophone à la Confédération germanique. Les danophones demandaient, eux, le rattachement pur et simple du Schleswig et du Holstein au Danemark.
[5] Le comté de Holstein, exista de 811 à 1474 date à laquelle il fut élevé au rang de duché de Holstein. Il appartenait au duc de Schleswig dépendant du royaume de Danemark. La capitale était Kiel. Le nom de Holstein vient d’une tribu saxonne, Holcetae, qui vivait sur ce territoire. Après la conquête de la Saxe par l’empereur Charlemagne, ce dernier accorde au roi Hemming de Danemark, en vertu du Traité de Heiligen, les territoires situés au-delà de la rivière Eider et constituant la partie septentrionale du Holstein, les terres orientales et méridionales du Holstein étant attribuées aux peuplades slaves des Abodrites et des Wagriens. Les Saxons furent chassés de leurs territoires du Holstein.
[6] Le Traité de Ribe titré officiellement Ripener Privileg, constitué d’une lettre du roi Christian 1er de Danemark signée le 5 mars 1460 à Ribe et de la Tapferen Verbesserung (amélioration courageuse) de Kiel datée du 4 avril 1460. Les deux manuscrits donnent la souveraineté des duché de Schleswig et de Holstein au Danemark pour les 400 prochaines années. La convention de Gastein du 14 août 1865 met fin à la validité du contrat tout en mettant fin définitivement aux conflits qui avaient déclenché les guerres des duchés.
[7] Kalundborg (Callumbourg en français) est une ville portuaire danoise située au Nord-Ouest de Seeland (Sjælland), la principale île du pays.
[8] La Hanse, Ligue hanséatique, Hanse germanique ou Hanse teutonique était l’association des villes marchandes de l’Europe du Nord autour de la mer du Nord et de la mer Baltique. Cette Hanse se distinguait des autres hanses en ce que son commerce reposait sur des privilèges jalousement défendus qui leur avaient été octroyés par divers souverains européens. Pendant 3 siècles, cette Hanse en particulier, et à moindre degré les hanses par extension, eurent un rôle dominant au niveau commercial, puis politique, en Europe. Actives du 12ème au 17ème siècle, leur déclin et quasi-disparition ont été achevés en 1648 avec les traités de Westphalie signant la fin de la guerre de Trente Ans et de la guerre de Quatre-Vingts Ans. La croissance de la ligue hanséatique a lieu dans un monde où colonisation et évangélisation vont de pair. Elle est particulièrement liée à la montée de l’ordre des Chevaliers teutoniques, au prosélytisme catholique servant de façade aux jeux de pouvoir mondiaux de l’époque.
[9] Le mot tsar désigne un souverain de Russie (de 1547 à 1917), de Bulgarie (de 893 à 1422), et de Serbie (de 1346 à 1371).
[10] Novgorod, est une ville historique du nord-ouest de la Russie et la capitale administrative de l’oblast de Novgorod. Novgorod est arrosée par la rivière Volkhov et se trouve à 6 km au nord du lac Ilmen, à 491 km au nord-ouest de Moscou et à 167 km au sud-est de Saint-Pétersbourg.
[11] La Guerre russo-suédoise de 1495-1497 est un résultat de l’alliance entre Ivan III de Russie et Jean 1er de Danemark, qui était en guerre contre la famille Sture dans l’espoir de regagner le trône de Suède. On pense que Jean avait promis quelques parties du territoire finlandais au tsar de Russie, mais il ne se soucia pas d’honorer cet accord après avoir été couronné roi de Suède, à la fin de la guerre.
[12] Kalmar (Calmar en français) est l’une des plus anciennes villes de Suède, construite sur le détroit de Kalmar, détroit de la mer Baltique. La ville est le chef-lieu du comté de Kalmar, dans la province historique de Småland. Son patrimoine principal est le château de Kalmar, dont la tour carrée date du début du 12ème siècle. Cependant, son centre-ville baroque, avec en particulier la cathédrale de Kalmar, est aussi digne d’intérêt. La ville est également connue pour avoir été le lieu de proclamation de l’union éponyme qui scelle la réunion des trois royaumes scandinaves de 1397 à 1523
[13] Stockholm est la capitale et la plus grande ville de Suède. Elle est le siège du gouvernement et du parlement suédois ainsi que le lieu de résidence officiel du roi. Située au bord de la mer Baltique, la ville est construite en partie sur plusieurs îles, à l’embouchure du lac Mälar, ce qui lui a valu, à l’instar d’autres cités européennes, son surnom de « Venise du Nord » Au 17ème siècle, Stockholm devient une ville européenne d’envergure. Entre 1610 et 1680, sa population est multipliée par six. Ladugårdslandet, maintenant appelé Östermalm ainsi que l’île de Kungsholmen sont alors rattachés à la ville. En 1628, le Vasa coule dans Stockholm. Peu après, sont instaurées des règles qui donnent à celle ci un monopole sur les échanges entre les négociants étrangers et les territoires scandinaves. À cette époque, sont bâtis nombre de châteaux et de palais, dont la maison de la noblesse (riddarhuset) et au 18ème siècle le palais royal.
[14] La Dithmarse est une petite contrée historique de l’Allemagne septentrionale (Schleswig-Holstein). Elle s’étend sur environ 40 kilomètres sur 25 entre l’Elbe, l’Eider et la mer du Nord. Ses villes principales sont Heide et Meldorf. Son territoire correspond aujourd’hui à l’arrondissement de Dithmarse. Les Dithmarses, quoique nominalement soumis à l’empire d’Allemagne, ont presque toujours vécu indépendants. Leur pays a fait successivement partie du comté de Stade, du duché de Saxe (1144-1180), de l’archevêché de Brême (contre lequel ils se révoltent pour se donner à l’évêché de Schleswig). En 1474, Christian 1er , roi de Danemark, obtient de l’empereur Frédéric III du Saint Empire la réunion du Holstein, du Schleswig et du pays des Dithmarses en un duché relevant de la couronne de Danemark ; mais bientôt les Dithmarses se révoltent. Le roi de Danemark Jean 1er leur fait en vain la guerre en 1500 ; Frédéric II de Danemark les soumet en 1559, à l’aide des ducs de Holstein. Le pays est alors partagé.
[15] La bataille de Hemmingstedt se déroula le 17 février 1500 près du village homonyme dans le Schleswig-Holstein, en Allemagne. Elle fut la conclusion d’une tentative de Jean 1er et de son frère Frédéric, co-ducs de Schleswig et de Holstein, de soumettre la paysannerie de Dithmarse, qui avait fondé depuis le Moyen Âge une république paysanne (en allemand : Bauernrepublik) sur la côte de la mer du Nord. Jean était à l’époque roi de l’Union de Kalmar et son frère Frédéric le deviendra.
[16] Lübeck est une ville hanséatique d’Allemagne du Nord, dans le Land de Schleswig-Holstein. Ce port de la mer Baltique est également surnommé « la reine de la Hanse » : c’était en effet la capitale de la Ligue hanséatique. En 1160, Lübeck obtint la Soester Stadtrecht. Cette époque est aujourd’hui considérée par les historiens comme le commencement de la Hanse des marchands (au contraire de la Hanse des villes). L’argument principal justifiant cette position consiste dans le privilège de Artlenburg en 1161, dans lequel les commerçants de Lübeck devinrent égaux en droit avec les, jusque-là dominants, commerçants goths pour le commerce sur la mer Baltique. À cette époque commença avec la Chronica Slavorum sous Helmold von Bosau et son successeur Arnold von Lübeck le témoignage détaillé sur les événements concernant les tribus slaves du nord-ouest. En 1182, l’empereur Frédéric Barberousse donna un fief à Lübeck au duc Bogislav 1er avec le duché de Poméranie. Le privilège de Barberousse en 1188 dota Lübeck d’un territoire et de nouvelles possibilités commerciales.