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Richard de Luci ou de Lucy

mercredi 29 avril 2020, par ljallamion

Richard de Luci ou de Lucy (début du 12ème-1179)

Lord d’Ongar-Justiciar en chef d’Angleterre

Ruines de l'abbaye de Lesnes, fondée par Richard de Luci en 1178.Il est un important baron anglo-normand et agent au service des rois Étienne et Henri II d’Angleterre, qu’il servit avec une loyauté irréprochable.

Fils d’un père inconnu et d’Aveline, de parenté inconnue. Sa famille, originaire de Lucé [1], possède des terres en Angleterre [2], mais aussi en Normandie. Un de ses frères, Walter ou Gautier devient abbé de Battle [3]. Un autre frère se prénomme Robert, et un autre est possiblement Herbert.

Il est possible que Richard de Luci ait été au service du roi Henri 1er, car il semble avoir reçu de lui des terres dans le Suffolk [4]. Il est au service d’Étienne dès le début de son règne, et notamment en Normandie en octobre 1138, quand il défend le château de Falaise [5] contre Geoffroy V d’Anjou dit Plantagenêt.

Par la suite, il est en permanence dans l’entourage royal durant la guerre civile dite l’Anarchie [6]. Luci reste loyal à Étienne, alors que de nombreux barons changent d’allégeance au gré de leurs intérêts.

Il devient rapidement l’un des hommes les plus proches du roi. En 1153, il mène un raid dans la vallée de la Tamise [7], un territoire contrôlé par Henri Plantagenêt, le fils del’Emperesse, qui a repris les revendications de sa mère à son propre compte. Fin 1153, le roi Étienne négocie avec son rival, et il est décidé que Henri lui succèdera sur le trône anglais à sa mort.

Les deux hommes montrent leur confiance envers Richard de Luci en lui confiant la garde de la Tour de Londres [8] et du château de Windsor [9]. Il est convenu que Luci devra les remettre au futur roi Henri à la mort d’Étienne ; son fils sert d’otage à cet effet.

À la mort d’Étienne, en 1154, Luci se met au service d’Henri II. Il est très rapidement nommé co-justiciar [10] du royaume, avec Robert II de Beaumont, le 2ème comte de Leicester [11].

Dans les premières années du nouveau règne, il occupe les fonctions de shérif [12] de l’Essex [13] et du Hertfordshire [14]. Puis, il se consacre plus étroitement à l’administration centrale anglaise. Il participe à l’élaboration des constitutions de Clarendon [15], en 1164. La même année, il est à l’étranger, peut-être de retour d’un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle [16]. Il rencontre alors Thomas Becket, l’archevêque exilé de Cantorbéry [17]. Sur les ordres du roi, il avait joué un rôle important afin de lui obtenir le siège archiépiscopal, en 1162. Il essaie de servir d’intermédiaire à une réconciliation entre l’archevêque et le roi, mais au lieu de cela, il se querelle violemment avec l’ecclésiastique, et renonce à son hommage envers lui.

En 1166, Luci fait partie de ceux qui sont excommuniés par l’archevêque, pour avoir contribué aux constitutions de Clarendon et pour être des soutiens d’Henri II. Luci est absous par l’évêque de St Asaph [18] en 1167, et à nouveau excommunié par Becket en 1169.

Avec le départ de Becket de la chancellerie et la retraite du trésorier Néel d’Ely , le pouvoir des justiciars grandit. En 1166, Luci est parmi les premiers à être envoyé dans le royaume en tant que juge itinérant.

L’année suivante, il commande les forces militaires qui empêchent Mathieu d’Alsace, comte de Boulogne [19], de débarquer en Angleterre pour revendiquer l’honneur de Boulogne [20]. À la mort du comte de Leicester, en 1168, Luci reste le seul justiciar du royaume. Il continue donc à exercer des fonctions de vice-roi durant les absence d’Henri II du royaume.

C’est durant les dix dernières années de sa vie que son influence est la plus grande. Il est alors appelé le plus proche homme du roi et l’homme le plus puissant du royaume par les chroniqueurs. Il est le commandant des forces royales d’Angleterre lors de la révolte de 1173-1174 menée par les fils d’Henri II. Secondé par Réginald de Dunstanville, comte de Cornouailles [21], il assiège et prend la ville de Leicester, possession de Robert III de Beaumont , le comte rebelle de Leicester. Puis, aidé de Onfroy III de Bohun, il va dans le nord du royaume repousser une invasion du roi d’Écosse Guillaume le Lion.

Il conclut une trêve avec le souverain écossais, afin de revenir dans les Midlands [22] contrer victorieusement le retour en Angleterre du comte de Leicester.

Par la suite, il est une sorte d’alter ego du roi, organisant la défense, la justice et les finances du royaume. Plus généralement, il est trésorier et chef exécutif du roi. Il est dit qu’Henri II le surnommait « Richard le Loyal ».

Se sentant certainement vieux, il abandonne sa fonction de justiciar à l’hiver 1178-1179, et entre comme chanoine dans l’abbaye augustine de Lesnes [23] qu’il avait fondée en 1178. C’est là qu’il meurt le 14 juillet 1179, et qu’il est enterré. Il est un bienfaiteur du prieuré de la Sainte-Trinité de Londres, et de l’abbaye de la Bataille [24], où son frère est abbé de 1139 à 1171. Ses deux petits-fils lui succèdent tour à tour, puis ses filles et petites-filles.

Étant proche du pouvoir pendant de longues années, Richard de Luci a été très régulièrement récompensé de ses services avec des terres. Son héritage était constitué par des terres devant un service militaire de 7 chevaliers. Il y ajoute de généreuses donations du roi Étienne dans son honneur de Boulogne, notamment à Ongar [25], qui deviendra sa résidence et où il bâtira un château. De Henri II, il reçoit une nouvelle donation dans le hundred [26] d’Ongar. Luci devient de plus un allié et un vassal de plusieurs proches du roi. En 1166, il doit un service militaire de 30 chevaliers.

Luci est aussi connu pour avoir, avec son frère Walter, conclu un traité d’amitié avec Réginald de Dunstanville, comte de Cornouailles, un fils illégitime d’Henri 1er, et donc oncle d’Henri II ; et avec Richard du Hommet [27], le constable [28] royal.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de histoire de Emilie Amt, « Lucy, Richard de (d. 1179) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004

Notes

[1] aujourd’hui dans l’Orne

[2] Kent, Est-Anglie

[3] Sussex de l’Est

[4] Le Suffolk a des frontières au nord avec le Norfolk, à l’ouest avec le Cambridgeshire et au sud avec l’Essex. Il est bordé à l’est par la mer du Nord. La capitale du comté est Ipswich et les autres villes importantes sont Lowestoft et Bury St Edmunds. La ville de Felixstowe est, quant à elle, l’un des plus grands ports de containers d’Europe.

[5] Le château de Falaise dit Château Guillaume-le-Conquérant se situe sur un éperon rocheux au sud-ouest de la ville de Falaise dans le Calvados.,en Normandie.

[6] qui oppose les partisans d’Étienne et de Mathilde l’Emperesse, la fille et héritière d’Henri Ier, pour le trône d’Angleterre

[7] La Tamise est un fleuve du sud de l’Angleterre, qui se jette dans la mer du Nord. D’une longueur totale de 346 km, c’est le plus long fleuve dont le cours se trouve entièrement en Angleterre (qui à la fois commence et finit en Angleterre) et le second plus long pour le Royaume-Uni (après la Severn). La Tamise prend sa source à Thames Head, dans le Gloucestershire, puis coule en direction de l’est, vers Oxford et Reading, puis traverse Londres, dont elle tire sa renommée et aboutit enfin dans la mer du Nord, grâce à son estuaire.

[8] La tour de Londres est une forteresse historique située sur la rive nord de la Tamise à Londres en Angleterre à côté de Tower bridge. La tour se trouve dans le district londonien de Tower Hamlets situé à l’est de la Cité de Londres dans un espace appelé Tower Hill. Sa construction commença vers la fin de l’année 1066 dans le cadre de la conquête normande de l’Angleterre. La tour Blanche qui donna son nom à l’ensemble du château, fut construite sur l’ordre de Guillaume le Conquérant en 1078 et fut considérée comme un symbole de l’oppression infligée à Londres par la classe dirigeante. Le château fut utilisé comme prison dès 1100. Il servait également de grand palais et de résidence royale.

[9] Le château de Windsor est une forteresse médiévale située à Windsor dans le Berkshire au Royaume-Uni. Le château est célèbre pour son architecture et parce qu’il est l’une des résidences de la famille royale britannique. Sa construction commença peu après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant au 11ème siècle. Depuis le règne d’Henri 1er d’Angleterre, le château a abrité de nombreux monarques ; il est le plus ancien palais habité sans interruption en Europe.

[10] Dans l’Angleterre et l’Irlande médiévales, le Chief Justiciar (appelé plus tard Justiciar ou justicier) occupait des fonctions semblables à celle du premier ministre du Royaume-Uni en tant que ministre en chef du roi.

[11] Le titre de comte de Leicester fut créé au 12ème siècle dans la pairie d’Angleterre (aujourd’hui éteinte), et est dorénavant un titre de la pairie du Royaume-Uni, créée en 1837. Le siège du comte est à Holkham Hall, près de Wells-next-the-Sea (Norfolkshire).

[12] La fonction de shérif est originaire de l’Angleterre prénormande. Le terme est né d’une contraction des mots anglo-saxons Shire reeve, désignant respectivement : pour le Shire, une circonscription administrative similaire au comté ; pour le reeve, un officier, agent d’un seigneur féodal (très proche du concept du bailli) qui faisait appliquer l’ordre parmi les serfs du domaine. En définitive, le shérif était un grade supérieur de cette fonction de Reeve, correspondant littéralement à celle d’un « bailli du comté ». Après la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, la fonction perdura, dans le cadre de vicomté. Elle reprit finalement l’appellation de shérif, tandis que vicomte devint un titre héréditaire de pairie.

[13] L’Essex est un comté du sud est d’Angleterre au nord-est de Londres.

[14] Le Hertfordshire est un comté qui se trouve à l’intérieur du Royaume-Uni. Situé au nord de Londres, une grande partie sud du comté se trouve à la périphérie nord de la capitale. Le comté est entouré des comtés d’Essex à l’Est, Buckinghamshire à l’ouest et Bedfordshire et Cambridgeshire au nord.

[15] constitutions de Clarendon

[16] Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ou pèlerinage de Compostelle est un pèlerinage catholique dont le but est d’atteindre le tombeau attribué à l’apôtre saint Jacques le Majeur, situé dans la crypte de la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle en Galice (Espagne).

[17] L’archevêque de Cantorbéry est, après le Gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre (c’est-à-dire le monarque du Royaume-Uni), le chef de l’Église d’Angleterre et de la Communion anglicane.

[18] au nord du Pays de Galles

[19] Le comté de Boulogne est issu d’un pagus franc. Dès le 9ème siècle, ce comté se trouve sous la suzeraineté du marquisat de Flandre. Philippe Auguste le confisquera en 1212 pour le donner en apanage à son fils. Le comté suivra ensuite les destinées de l’Artois et sera finalement annexé au domaine royal au xve siècle

[20] Un honneur est une composante de la féodalité ; il s’agit au Moyen Âge en France et en Grande-Bretagne d’un fief possédé à l’origine par l’un des barons d’un prince ou d’un roi. Il comprend généralement un domaine principal, qui donne son nom à l’honneur, et plusieurs « extensions » plus petites généralement dispersées dans la principauté ou royaume du suzerain dont il dépend. D’une manière générale, le terme d’honneur désignait l’ensemble des terres d’un puissant seigneur

[21] Le titre de comte de Cornouailles a été créé plusieurs fois dans la pairie d’Angleterre avant 1337. Il a ensuite été remplacé par le titre de duc de Cornouailles, qui fut alors porté par les héritiers présomptifs du trône d’Angleterre.

[22] Les Midlands forme une région géographique du centre de l’Angleterre. Elles sont divisés administrativement entre Midlands de l’Est et Midlands de l’Ouest. Historiquement, les Midlands correspondent au territoire du royaume anglo-saxon de Mercie.

[23] à Westwood, Kent

[24] L’abbaye de Battle, ou abbaye Saint-Martin, est un complexe abbatial partiellement en ruine dans la petite ville de Battle (Sussex de l’Est), en Angleterre. Son nom fait référence à la bataille d’Hastings, en 1066. En 1070, le pape Alexandre II ordonna aux Normands de faire pénitence pour avoir tué tant de gens en conquérant l’Angleterre. Aussi Guillaume le Conquérant s’engagea-t-il à construire une abbaye là où la bataille d’Hastings avait eu lieu, avec le maître-autel de son église à l’endroit même où le roi Harold était tombé le samedi 14 octobre 1066. Il commença la construction et la nomma « Battle Abbey », mais il mourut avant la fin des travaux. Son église fut achevée vers 1094 et consacrée sous le règne de son fils Guillaume II, dit le Roux. Elle fut remaniée à la fin du 13ème siècle, mais pratiquement détruite lors de la dissolution des monastères sous le règne du roi Henri VIII.

[25] Essex

[26] Un hundred est une subdivision géographique en usage en Angleterre, au Danemark et en Australie-Méridionale, ainsi que dans différentes régions des États-Unis, d’Allemagne (Schleswig-Holstein, alors possession danoise, sous le nom de Harde), de la Suède, de la Norvège, mais aussi de la Finlande actuelle.

[27] La famille du Hommet, qui tire son nom de Le Hommet, village de la Manche, a fourni au duché de Normandie de nombreux connétables

[28] On nommait sous le nom de Constables en Angleterre des officiers municipaux chargés de l’exécution des lois et du maintien de l’ordre ; ils étaient placés sous l’autorité du juge de paix et ont pour insignes un bâton d’un mètre environ de longueur, surmonté des armes royales, et une petite verge de cuivre de 30 à 40 centimètres, avec laquelle ils touchent ceux qu’ils doivent arrêter. Ce service, institué sous Édouard III d’Angleterre, a été longtemps gratuit, comme l’était en France celui de la Garde nationale.