Cosimo de Migliorati dit Innocent VII (1336-1406)
204ème pape de l’Église catholique de 1404 à 1406
Pendant son règne, l’antipape Pedro de Luna dit Benoît XIII tint une cour papale à Avignon [1].
Né dans une famille modeste de Sulmona [2], dans les Abruzzes [3]. Il se distingua en apprenant tant le droit civil que le droit canon, qu’il enseigna un temps à Pérouse [4] et à Padoue [5]. Son maître Lignano l’aide à aller à Rome, où le pape Urbain VI le fit entrer à la Curie [6], l’envoya pendant 10 ans en Angleterre, le nomma évêque de Bologne [7] en 1386 puis archevêque de Ravenne [8] en 1387.
Le pape Boniface IX le fit cardinal et l’employa comme légat [9] dans plusieurs missions importantes et délicates. Lorsque Boniface IX décéda, des délégués du pape d’Avignon Benoît XIII étaient présents à Rome. Les cardinaux romains demandèrent à ces délégués si leur maître abdiquerait si les cardinaux retardaient l’élection. Les délégués répondirent que non et les cardinaux élurent alors un nouveau pape le 17 octobre 1404, Innocent VII. Ils prêtèrent toutefois d’abord serment de faire tout leur possible pour mettre fin au Grand Schisme.
À l’annonce de cette élection, les Gibelins [10] provoquèrent une émeute à Rome, mais le roi de Naples Ladislas 1er dit Ladislas d’Anjou-Durazzo dit le Magnanime et le Victorieux envoya des troupes à Rome pour aider le pape à rétablir l’ordre. En échange de cet appui, Ladislas obtint plusieurs concessions du pape, dont la promesse qu’aucun accord pouvant nuire à ses droits sur le royaume de Naples ne serait conclu avec le pape d’Avignon.
Les droits de Ladislas étaient en effet contestés par Louis II d’Anjou. Cela convenait à Innocent VII, qui n’avait aucune intention de signer un accord avec Avignon qui aurait pu compromettre ses droits sur les États pontificaux. Il su ainsi se débarrasser au plus vite des obligations découlant de son serment.
En revanche, Innocent VII fit l’erreur de nommer cardinal son neveu Ludovico Migliorati un condottiere [11] ayant mené une violente carrière de soldat, jusque-là au service du duc de Milan Jean Galéas Visconti.
Cet acte de népotisme lui coûta cher. En août 1405, Ludovico Migliorati attaqua par surprise 11 Romains qui revenaient d’une conférence avec le pape. Il les assassina dans sa maison et jeta leurs corps dans la rue depuis les fenêtres de l’hôpital de Santo Spirito. Cela provoqua du tumulte et le pape, sa cour et les cardinaux durent fuir à Viterbe [12]. Les Romains, furieux, poursuivirent les fuyards, qui perdirent 30 hommes, dont l’abbé de Pérouse qui fut tué sous les yeux du pape.
En janvier 1406, Ladislas 1er envoya à nouveau des troupes à Rome pour faire cesser les émeutes et les Romains reconnurent à nouveau l’autorité temporelle du pape, qui put retourner à Rome. En contrepartie, Ladislas souhaita toutefois étendre son autorité sur Rome et les États pontificaux. Ses troupes occupèrent le château Saint-Ange [13] et ce ne fut qu’après avoir été excommunié par le pape qu’il retira ses troupes.
Notes
[1] La Papauté d’Avignon désigne la résidence du pape en Avignon (France). Cette résidence, qui déroge à la résidence historique de Rome (Italie) depuis saint Pierre, se divise en deux grandes périodes consécutives : La première, de 1309 à 1378, celle de la papauté d’Avignon proprement dite, correspond à une époque où le pape, toujours reconnu unique chef de l’Église catholique, et sa cour se trouvent installés dans la ville d’Avignon au lieu de Rome. La seconde, de 1378 à 1418, coïncide avec le Grand schisme d’Occident où deux papes rivaux (et même trois si l’on considère l’éphémère pape de Pise) prétendent régner sur la chrétienté, l’un installé à Rome et l’autre en Avignon.
[2] Sulmona, ou Sulmone, est une ville de la province de L’Aquila dans la région Abruzzes en Italie.
[3] La région des Abruzzes, plus couramment appelée les Abruzzes, est une des régions d’Italie centre-méridionale. Sa capitale est la ville de L’Aquila. La région regroupe les anciennes provinces médiévales de l’Abruzze ultérieure au nord et l’Abruzze citérieure au sud.
[4] Pérouse, en italien Perugia, est une ville italienne, chef-lieu de la province de même nom et capitale de la Région Ombrie. Pérouse se situe sur une acropole collinaire d’une altitude moyenne de 493 m autour de laquelle se développe le centre historique qui est en grande partie entourée par les murs étrusques et médiévaux. Au 9ème siècle elle devient une propriété des papes avec l’accord de Charlemagne et de Louis le Pieux. La cité continue toutefois pendant des siècles à mener une vie indépendante, guerroyant contre les cités et territoires voisins de Foligno, Assise, Spolète, Todi, Montepulciano... Les papes ont parfois trouvé asile dans les murs de Pérouse. L’administration papale y a aussi organisé les conclaves qui ont élu Honorius III en 1216, Honorius IV en 1285, Célestin V en 1294 et Clément V en 1305. Cependant Pérouse se montra toujours réticent à l’égard des papes. Ainsi, lors de la rébellion de Rienzo en 1347, la cité ombrienne envoya dix ambassadeurs au tribun romain et résista vigoureusement aux légats du pape venus la soumettre.
[5] L’université de Padoue est une université italienne dont le siège est à Padoue. L’université de Padoue est une des plus anciennes universités du monde. Elle a été fondée le 29 septembre 1222 par des professeurs et des étudiants ayant fui l’université de Bologne, du fait de l’atteinte aux libertés universitaires et aux privilèges qui avaient pourtant été garantis aux enseignants et à leurs élèves. L’université de Padoue fut créé en réponse à un besoin, induit par des conditions sociales et culturelles spécifiques, contrairement à la plupart des universités qui doivent leur fondation à une charte avec le pape. Elle s’installe en 1493 dans le Palazzo Bo, ce qui lui donnera son surnom de « il Bô »
[6] La curie romaine est l’ensemble des dicastères et autres organismes du Saint-siège qui assistent le pape dans sa mission de pasteur suprême de l’Église catholique. « La Curie romaine dont le Pontife suprême se sert habituellement pour traiter les affaires de l’Église tout entière, et qui accomplit sa fonction en son nom et sous son autorité pour le bien et le service des Églises, comprend la Secrétairerie d’État ou Secrétariat du Pape, le Conseil pour les affaires publiques de l’Église, les Congrégations, Tribunaux et autres Instituts ; leur constitution et compétence sont définies par la loi particulière ».
[7] L’archidiocèse de Bologne est un archidiocèse catholique situé dans le Nord d’Italie. Le diocèse de Bologne a été fondé au 3ème siècle et promu archidiocèse le 10 décembre 1582. Un évêque et trois archevêques de Bologne ont été élus papes (Jules II, Grégoire XV, Benoît XIV et Benoît XV).
[8] Ravenne est une ville italienne de la province de Ravenne en Émilie-Romagne. Elle est considérée comme la capitale mondiale de la mosaïque. Ravenne fut une cité de première importance au tournant de l’Antiquité et du Moyen Âge. En 402, pendant le règne d’Honorius, elle fut, du fait de sa position stratégique plus favorable, élevée au rang de capitale de l’Empire romain d’Occident en lieu et place de Milan, trop exposée aux attaques terrestres des barbares. Son port de grande capacité, sur l’Adriatique, la mettait en communication aisée avec Constantinople, capitale de l’Empire romain d’Orient. La cité continua d’être le centre de l’Empire d’Occident jusqu’à la chute de celui-ci en 476. Elle devint alors la capitale du royaume d’Italie d’Odoacre, puis à partir de 493 celle du royaume des Ostrogoths, sous Théodoric le Grand, qui englobait l’Italie, la Rhétie, la Dalmatie et la Sicile. En 540, sous le règne de Justinien 1er, Ravenne fut conquise par le général de l’Empire d’orient Bélisaire ; elle fut ensuite reconquise par les Ostrogoths avant d’être à nouveau reprise par le général de l’Empire d’orient Narsès en 552. C’est pour contrer le danger né de l’invasion des Lombards en Italie à partir de 568, que Ravenne devint le siège de l’exarchat byzantin d’Italie, par décision de l’empereur Maurice. La concentration de tous les pouvoirs civils et militaires entre les mains de l’exarque, représentant personnel de l’empereur byzantin favorisa, à long terme, l’émancipation des territoires du nord de l’Italie vis-à-vis du pouvoir impérial. Ravenne fut prise en 752 par Aistolf, roi des Lombards. Deux ans après, Pépin le Bref, roi des Francs, la lui enleva et la donna au Saint-Siège.
[9] Titre porté par les représentants officiels de la Rome antique. Les ambassadeurs étaient des légats du Sénat romain. Sous la République romaine, les consuls, proconsuls, préteurs en campagne pouvaient charger temporairement des légats du commandement de la cavalerie, des réserves ou même d’une légion entière et de plusieurs légions. Sous l’Empire romain, à partir d’Auguste, la fonction de ces légats militaires devint permanente. Désignés par l’empereur, ils le représentaient dans les provinces et les légions. On distingua alors les légats consulaires et les légats prétoriens, qui gouvernaient les provinces « impériales » et exerçaient le pouvoir militaire, et les légats de légion, officiers expérimentés, de rang sénatorial, qui étaient chef d’une légion. Le titre de légat se transmit de l’Empire romain à l’Église catholique
[10] Les gibelins (la pars gebellina), soutiennent la dynastie des Hohenstaufen, au-delà, celles du Saint Empire romain germanique.
[11] Apparus en Italie au Moyen Âge, les condottières, sont des chefs d’armées de mercenaires. Ils sont de fait les chefs de compagnies d’hommes d’armes.
[12] Viterbe (en italien, Viterbo), chef-lieu de la province de même nom dans le Latium en Italie. Viterbe fut rattachée aux États pontificaux, mais ce statut devait être continuellement contesté par les empereurs. Tout au long de la période pendant laquelle les papes furent en conflit avec les patriciens romains, à commencer par le pontificat de Eugène III, Viterbe devint leur résidence favorite.
[13] Le château Saint-Ange est un monument romain, situé sur la rive droite du Tibre, face au pons Ælius (actuel pont Saint-Ange), à Rome, non loin du Vatican.