100 ans avant la prise de la Bastille, c’était déjà la Révolution, mais à Londres en 1689. Cette “Glorieuse révolution” [1] sans effusion de sang allait inspirer tous les mouvements démocratiques à venir. Dans les salons français, on cultivait l’art de la conversation et l’on brassa des idées nouvelles sur la liberté individuelle et les droits naturels des hommes. On remit aussi en cause l’autorité du clergé et du roi. De Paris, ces idées gagnent toute l’Europe et même traversent l’Atlantique. Les insurgés américains s’en réclament. Dans leur Déclaration d’indépendance, ils proclament le droit de chacun à la recherche du bonheur !
De Philadelphie [2] à Saint-Pétersbourg [3], c’est en français que s’exprime cette foi dans le progrès et la bonté du genre humain. Le 18ème siècle sera le siècle français par excellence. Ce succès s’appuie sur un dynamisme démographique qui fait de la France le pays le plus peuplé d’Europe avec une jeunesse nombreuse.
En France où le Roi Soleil est au sommet de sa puissance, la “Glorieuse Révolution” suscite l’irritation que l’on devine. Louis XIV accueille le souverain déchu et poursuit avec un succès mitigé ses guerres tous azimuts. La fin de son règne sera affectée par des famines et la guerre de Succession d’Espagne [4].
Le vieux roi fait face à toute l’Europe ou presque pour maintenir sur le trône d’Espagne son petit-fils, le duc d’Anjou. La Succession d’Espagne inaugure une nouvelle guerre d’environ 100 ans entre la France et l’Angleterre. Elle prendra fin à Waterloo en 1815 .
Le 18ème siècle verra la création de La Ferme générale [5], elle sera l’institution la plus honnie qui soit de l’Ancien Régime. Les rois avaient pris l’habitude d’affermer par appel d’offres la collecte des taxes et des impôts indirects sur les marchandises à des financiers. Les heureux bénéficiaires de cette charge s’engageaient à verser au roi une somme annuelle forfaitaire. Moyennant quoi, ils collectaient les taxes en question et recevaient le droit de poursuivre eux-mêmes les contrebandiers.
En 1681, Colbert, ministre de Louis XIV, regroupa les fermiers dans une Ferme générale. Celle-ci prit sa forme définitive en 1726, sous Louis XV , sous la forme d’une association de 40 fermiers établie à Paris, avec 42 directions provinciales et plusieurs milliers de personnes à son service.
La principale taxe collectée par les fermiers généraux était la gabelle [6] ou impôt sur le sel, un produit indispensable aux paysans pour la conservation des viandes [7]. Son montant était très variable d’une province à l’autre et alimentait une contrebande importante. Les contrebandiers ou “faux-saulniers” étaient impitoyablement pourchassés par les agents de la Ferme générale, les gabelous.
Les paysans n’étaient pas les seuls à être lésés par la Ferme générale. A la veille de la Révolution, celle-ci prélevait au titre de la gabelle un total de 120 millions de livres et en reversait seulement 40 millions au roi !
Le 18ème verra un recul colonial de la France. Celui-ci est dû à l’affaiblissement progressif de sa marine. Vers 1680, la France de Louis XIV pouvait aligner, grâce à Colbert et son fils Jean-Baptiste Colbert de Seignelay , une flotte de guerre d’environ 200 navires, sans compter la flotte marchande. Ce fut l’âge d’or de la « Royale ». Elle faisait la loi sur les océans et les mers avoisinant son territoire et soutenait un empire colonial qui se développait régulièrement.
50 ans plus tard, la France ne disposait déjà plus que d’une flotte de guerre de 50 à 80 navires tandis que la Navy britannique comptait 200 unités. C’était le résultat du désintérêt porté à la guerre maritime continentale et du recentrage de l’effort militaire sur la guerre continentale. C’était aussi le résultat du traité de La Haye [8] avec l’Angleterre négocié par l’abbé Dubois en 1718, sous la Régence. Cette politique pacifiste fut poursuivie à la majorité du roi Louis XV par son Premier ministre, le cardinal Fleury .
Sur mer, en l’absence de guerre déclarée, la rivalité franco-anglaise se traduisit par la guerre de course [9]. Les corsaires français munis de leur lettre de course attaquaient allègrement les convois britanniques avec une ingéniosité tactique sans égale qui compensait leur faiblesse numérique. Lorsque survint enfin la guerre de Sept Ans*, la Grande-Bretagne compensa ses faiblesses militaires en tirant parti de sa supériorité navale. Celle-ci lui permit d’envoyer au Canada des troupes relativement nombreuses pour attaquer les unités françaises. C’est ainsi que survint le désastreux traité de Paris.
Dans les années qui suivirent, les responsables de la marine française tentèrent de se ressaisir, notamment avec le plan de réforme de 1763 du comte Charles-Henri d’Estaing . Sous les ordres de l’amiral François Joseph Paul de Grasse , la « Royale »allait s’illustrer 20 ans plus tard dans le soutien aux insurgés américains.