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L’histoire pour le plaisir

Marc Antoine Muret

vendredi 22 mars 2024, par lucien jallamion

Marc Antoine Muret (1526-1585)

Humaniste français

Il commence très jeune une carrière d’enseignant après avoir attiré, à l’âge de 18 ans, l’attention de Jules César Scaliger qui l’invite à parler au collège archiépiscopal d’Auch [1]. Il enseigne ensuite le latin à Villeneuve-d’Agen [2], puis à Bordeaux [3] dans les années 1547/1548 où il a Montaigne comme étudiant.

En 1546, on représente sa tragédie “Iulius Cæsar” au collège de Guyenne à Bordeaux [4]. Il donna, avant 1552, une série de conférences à Paris, au collège de Boncourt [5]. Il y attira un public important, y compris le roi Henri II et la reine Catherine de Médicis.

Il a pour élèves Rémy Belleau, Jean de La Taille de Bondaroy , Étienne Jodelle ou encore Vauquelin de la Fresnaye, qui formeront bien vite la Brigade [6], avec qui il prend part à la Pompe du bouc [7]. Il se lie également d’amitié avec Dorat et certains de ses jeunes élèves comme Du Bellay et Baïf. Il est très proche de Ronsard, qui lui demande de rédiger un commentaire de ses poèmes, dont “les obscures allusions mythologiques ou les néologismes” tirés du grec et du latin ont dérouté nombre de lecteurs ; ce commentaire, lui-même très érudit, est imprimé dans le recueil des Amours de 1553.

Cette même année 1553, il est emprisonné au Châtelet [8] pour sodomie et hérésie. Il décide de se laisser mourir de faim puis est libéré grâce à l’intervention d’amis puissants. Une fois libre, il se rend à Toulouse [9] où il étudie et enseigne le droit jusqu’à ce que les mêmes accusations qu’en 1553 soient portées contre lui l’année suivante. Il ne sauve sa vie qu’en s’enfuyant avec Ludovicus Memmius Frémiot, son amant du moment.

Obligé de fuir en Italie, il y mène durant plusieurs années une vie errante et incertaine à Padoue [10], Ferrare [11] et Venise [12] où il enseigne et prépare pour Paul Manuce plusieurs éditions de textes latins dont en particulier Térence. Scaliger rapporte qu’ayant été trop proche de quelques-uns de ses étudiants, membres de nobles familles vénitiennes, il part pour Padoue en plein milieu de l’année universitaire. Là encore, de méchantes rumeurs le poursuivent jusqu’à ce que le cardinal Hippolyte d’Este l’invite à s’établir à Rome en 1559. En 1561, Muret revient en France comme membre de la suite du cardinal à la conférence de Poissy [13] entre catholiques et protestants.

Installé à Rome en 1563, il y devient professeur à l’université La Sapienza [14] ; il acquiert une réputation de niveau européen, par ses volumes de “Variae lectiones” comme par sa maîtrise de la rhétorique [15] : il est souvent sollicité pour prononcer les discours d’obédience des princes à l’élection d’un nouveau pape, en particulier au nom du roi de France.

En 1572, le pape lui accorde, pour ses mérites culturels, la nationalité romaine. Vers 1576, il est ordonné prêtre. En 1578, le roi de Pologne lui offre un poste de professeur de jurisprudence à sa nouvelle université de Cracovie [16], mais le pape Grégoire XIII le convainc de rester à Rome où il enseigne sans interruption jusqu’en 1584. Il est mort le 4 juin 1585 à Rome.

Il a réuni une importante bibliothèque de travail dont les imprimés constituent le noyau de la bibliothèque du Collegio romano [17] et se trouvent aujourd’hui en grande partie à la Biblioteca nazionale centrale de Rome [18].

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Jean-Eudes Girot, Marc Antoine Muret : des Isles fortunées au rivage romain, Genève, Droz, 2012

Notes

[1] Auch est une commune française, préfecture du département du Gers. Sur le plan historique et culturel, la commune est dans le Pays d’Auch, un territoire céréalier et viticole. Durant l’époque médiévale, la ville d’Auch fut la capitale pour un temps des comtes d’Armagnac. La ville fut prise et reprise à de multiples moments et servit de décor aux querelles anecdotiques entre les pouvoirs ecclésiastiques, municipaux et seigneuriaux. Après la bataille de Lectoure en 1473 qui marqua la chute définitive de la dynastie des comtes d’Armagnac, la ville fut investie par les troupes du roi de France, Louis XI.

[2] Villeneuve-sur-Lot est une commune du sud-ouest de la France, située dans le département de Lot-et-Garonne

[3] Bordeaux est une commune du Sud-Ouest de la France. Capitale de la Gaule aquitaine sous l’Empire romain pendant près de 200 ans. Au début du 5ème siècle, Bordeaux fut prise par les Wisigoths, puis par les Francs de Clovis un siècle plus tard. Au plus tard après la division de la partie du royaume de Caribert de Paris, en 567, Bordeaux appartenait à la Neustrie. Après le mariage du roi neustrien Chilperic, la ville, ainsi que Cahors, Béarn et Bigorre, furent cependant offerts en guise de dot à son épouse Galswinthe. Ces villes étaient situées stratégiquement dans la région du beau-père Athanagild, le roi des Wisigoths. Après que Chilpéric eut ordonné l’assassinat de sa femme, cet héritage est passé au royaume d’Austrasie, selon un règlement d’un Malberg convoqué par Gontran, roi de Bourgogne. Finalement, en 573, Chilpéric, avec son fils Clovis en tant que commandant de l’armée, tente de reprendre les villes. Bien que la conquête de Bordeaux ait réussi à court terme, les troupes de Clovis furent de nouveau expulsées un mois plus tard par le margrave austrasien Sigulf. À la fin du 7ème siècle, Bordeaux devient la capitale du duché d’Aquitaine.

[4] Le collège de Guyenne est un établissement scolaire fondé en 1533 à Bordeaux. En 1533, la jurade de Bordeaux fait appel à des maîtres issus des Flandres et de Paris et crée le collège de Guyenne pour prendre la suite du Collège des Arts ou Grand Collège de Grammaire fondé, en 1441, par les jurats. Cet établissement a pour but de former une élite qui participera au rayonnement de la ville. Il est dans la lignée des collèges qui se sont créés dans le premier quart du 16ème siècle, en cette période de renaissance culturelle. Il s’en détache par une méthode pédagogique nouvelle. André de Gouveia, alors recteur de l’Université de Paris pour le collège des arts (arts libéraux), est invité à en être le Principal et reçoit toute liberté pour moderniser l’ancien collège.

[5] Le collège de Boncourt, à Paris, rue Bordet ou Bordeille (actuellement rue Descartes), fut fondé en 1353 par Pierre Becoud (qui est devenu « Boncourt » par altération). Le collège fut fondé en 1353 par Pierre Becoud, seigneur de Fléchinelle, qui donna la maison qu’il possédait, pour l’enseignement de huit écoliers du diocèse de Thérouanne. Au 16ème siècle on y joue souvent des comédies et des tragédies, notamment la Cléopâtre captive tragédie d’Étienne Jodelle. Marc-Antoine Muret y enseigna. Jacques Grévin y fut élève, ainsi qu’Etienne Jodelle, Jean Bastier de La Péruse, Pierre Pithou, Jean de La Taille et André de Rivaudeau. Le collège fut une première fois entièrement réaménagé en 1688 par Pierre Galand, son principal. Il fut réuni au collège de Navarre. Puis à partir de 1738 un nouveau pavillon prend la place de l’ancien collège. De 1804 à 1976 le bâtiment abrite les bureaux de l’École polytechnique, puis ceux du ministère de la Recherche.

[6] future Pléiade

[7] La Pompe du Bouc est le nom qu’on donne à une cérémonie potache d’inspiration antique à laquelle se livrèrent les encore jeunes poètes de la Pléiade et leurs maîtres à Arcueil en février 1553, à l’occasion du triomphe de la première tragédie française à l’antique, Cléopâtre captive, et de la première comédie, L’Eugène, représentées au collège de Boncourt devant le roi Henri II.

[8] Le Grand Châtelet de Paris était une forteresse édifiée par Louis VI sur la rive droite de la Seine, au débouché de la rue Saint-Denis. Elle a été démolie au début du 19ème siècle et a été remplacée par l’actuelle place du Châtelet. Elle abritait le siège de la police, des cachots et la première morgue de la capitale. Par son édit de 1684, Louis XIV réunit au Châtelet l’ensemble des seize anciennes justices féodales et des six anciennes justices ecclésiastiques. Le Grand Châtelet fut reconstruit. On avait décidé que, pendant la reconstruction, la cour siégerait aux Grands-Augustins, mais les moines ne voulurent pas céder leur couvent. On résolut d’en faire le siège et de s’en emparer par la force. II s’ensuivit plusieurs combats et assauts acharnés, où furent tués un grand nombre de religieux. La victoire resta au parti de la cour, qui s’y installa provisoirement

[9] L’université de Toulouse était l’une des plus importantes et des plus anciennes universités médiévales françaises. Elle fut fondée en 1229 par le comte de Toulouse, Raimond VII, à la suite du traité de Meaux. Supprimée à la Révolution, en 1793, elle fut refondée en 1896 dans le cadre de la réorganisation de l’enseignement supérieur. Elle disparut finalement en 1969 en donnant naissance aux trois universités toulousaines actuelles

[10] Padoue est une ville italienne de la région de la Vénétie, située au nord de la péninsule dans la plaine du Pô, à 40 kilomètres de Venise, sur la rivière Bacchiglione. À partir de 1405 la ville fut sous la domination vénitienne. Durant une brève période, pendant la guerre de la Ligue de Cambrai en 1509, la ville changea de mains. Le 10 décembre 1508, les représentants de la papauté, de la France, du Saint Empire romain germanique et de Ferdinand II d’Aragon conclurent une alliance (la Ligue de Cambrai) contre la République. L’accord prévoyait le démembrement complet du territoire de Venise en Italie et son partage entre les signataires : l’empereur Maximilien 1er de Habsbourg devait recevoir Padoue, en plus de Vérone et d’autres territoires. En 1509, Padoue passa pendant quelques semaines sous le contrôle des partisans de l’Empire. Les troupes vénitiennes récupérèrent rapidement la ville qui fut défendue avec succès durant le siège de Padoue par les troupes impériales en 1509. Entre 1507 et 1544, Venise construisit à Padoue de nouveaux murs, agrémentés d’une série de portes monumentales.

[11] Ferrare est une ville italienne de la province de Ferrare en Émilie-Romagne. Située dans le delta du Pô sur le bras nommé Pô de Volano, la cité actuelle remonte au 14ème siècle, alors qu’elle était gouvernée par la famille d’Este. Sans héritier mâle, en 1597 Ferrare fut déclarée fief vacant par le pape Clément VIII. Par la Dévolution de 1598, la ville et son territoire, abandonnés par les Este passent sous le contrôle politique et administratif direct du Saint-Siège jusqu’à son intégration dans le Royaume de Sardaigne en 1859.

[12] Venise est une ville portuaire du nord-est de l’Italie, sur les rives de la mer Adriatique. Elle s’étend sur un ensemble de 121 petites îles séparées par un réseau de canaux et reliées par 435 ponts. Située au large de la lagune vénète, entre les estuaires du Pô et du Piave, Venise est renommée pour cette particularité, ainsi que pour son architecture et son patrimoine culturel

[13] Le colloque de Poissy est une conférence religieuse qui s’est tenue du 9 septembre au 14 octobre 1561 dans le prieuré royal Saint-Louis de Poissy. En vue de maintenir la paix religieuse en France, la reine mère Catherine de Médicis tente d’effectuer un rapprochement entre catholiques et protestants, en réunissant 46 prélats catholiques, 12 ministres du culte protestant et une quarantaine de théologiens. Malgré l’échec du colloque, Catherine de Médicis fait signer en janvier 1562 un édit de tolérance, l’édit de janvier, mais ne peut empêcher le massacre de Wassy, qui marque, le 1er mars 1562, le début de la première guerre de Religion en France. Ce colloque est également un des facteurs qui contribue à relancer la troisième séance du concile de Trente et à l’installation des jésuites en France, introduits dans le royaume à l’occasion de cette conférence.

[14] L’université de Rome « La Sapienza », est la principale université italienne. Elle est également appelée La Sapienza, et fait référence à l’église Sant’Ivo alla Sapienza qui fut édifiée en tant que chapelle de l’université. Le pape Boniface VIII fonde cette université comme un Studium pour des études ecclésiastiques qui soit davantage sous son contrôle que celles de Bologne et de Padoue. En 1431, le pape Eugène IV introduit une nouvelle taxe sur le vin, de façon à obtenir un budget pour l’université. L’argent est utilisé pour construire le Palazzo alla Sapienza, situé près de la basilique Sant’Eustachio.

[15] La rhétorique est d’abord l’art de l’éloquence. Elle a d’abord concerné la communication orale. La rhétorique traditionnelle comportait cinq parties : l’inventio (invention ; art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre), la dispositio (disposition ; art d’exposer des arguments de manière ordonnée et efficace), l’elocutio (élocution ; art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments → style), l’actio (diction, gestes de l’orateur, etc.) et la memoria (procédés pour mémoriser le discours).

[16] Chef-lieu de la voïvodie de Petite-Pologne, elle est située à 300 km au sud de Varsovie, sur la Vistule. Datant du 7ème siècle, c’est une des villes les plus anciennes et les plus importantes de Pologne, dont le patrimoine architectural est très bien conservé. La ville historique se situe au pied de la colline du Wawel. Cracovie était, avant Varsovie, la capitale de la Pologne et elle est souvent considérée comme le véritable centre du pays avec ses traditions et son passé vieux de plus de 1 000 ans. Elle est le centre culturel et scientifique du pays, avec l’Université jagellonne de Cracovie, la deuxième plus ancienne université d’Europe centrale (1364, après celle de Prague fondée en 1348 ; celle de Varsovie date de 1816).

[17] L’Université pontificale grégorienne (Pontificia Università Gregoriana – PUG), dite la Grégorienne, est une université pontificale romaine dirigée par les Jésuites, et dépendant du Saint-Siège.

[18] La Bibliothèque nationale centrale de Rome est l’une des deux bibliothèques nationales de l’Italie, avec la Bibliothèque nationale centrale de Florence. Les deux bibliothèques nationales sont tenues d’assumer la responsabilité de la mission du dépôt légal en Italie. Elle est située dans la zone de Castro Pretorio à Rome, à proximité de la gare de Rome-Termini. La mission de la bibliothèque est de collecter et de conserver toutes les publications italiennes et les ouvrages étrangers les plus importants, en particulier ceux liés à l’Italie, et de les mettre à la disposition de tous.