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L’histoire pour le plaisir

Philaretos Brakhamios

vendredi 20 mai 2022, par ljallamion

Philaretos Brakhamios

Homme politique-Militaire arméno byzantin du 11ème siècle

Après la bataille de Manzikert en 1071 [1] et alors que les Seldjoukides [2] déferlent sur l’Anatolie [3], Philarète parvient à se maintenir en Cilicie [4], en Euphratèse [5] et à Antioche [6].

Personnage controversé, il y établit une principauté autonome jusque dans les années 1080, posant ainsi les bases du futur royaume arménien de Cilicie [7], avant de perdre ses territoires les uns après les autres.

Issu d’une famille noble arménienne [8] entrée au service de Byzance [9] au 10ème siècle, et qui semble s’être rapidement intégrée. Philarète est décrit comme étant grec de langue, de coutumes et de religion étant chalcédonien [10].

Philarète grimpe une à une les marches de la hiérarchie byzantine : il est tour à tour curopalate [11], stratopédarque [12] des Anatoliques [13], doux d’Antioche, domestique des Scholes [14] d’Orient. Il sert loyalement l’Empire sous Romain IV Diogène, jusqu’à la bataille de Manzikert en 1071.

La défaite byzantine de 1071 ouvre les portes de l’Anatolie aux Seldjoukides d’Alp Arslan. Philarète réunit alors les garnisons de la frontière orientale, comptant de nombreux Arméniens, avec l’aide notamment de Gabriel de Malatya à Mélitène [15] et de Basile Apokapès à Édesse [16] ; la longue résistance qu’il mène conduit à la constitution d’un réduit sous autorité nominale byzantine. Cette principauté autonome s’étend jusqu’à couvrir la Cilicie [17], Antioche, l’Euphratèse et la corne sud-ouest de la Grande-Arménie, ainsi que temporairement la Cappadoce [18] orientale et Chypre [19].

Sous Michel VII Doukas, Philarète doit faire face à l’opposition de certains de ses compatriotes qui, relèvent de l’Église apostolique arménienne [20], tels Apelgharip Arçrouni [21] et Vasak Pahlavouni, et sans doute Tornik de Sassoun. Ses relations avec Constantinople [22] ne s’améliorent qu’à partir de 1078, sous Nicéphore III Botaniatès qui reconnaît officiellement son gouvernement autonome de territoires coupés de l’Empire par les Seldjoukides.

La principauté mise sur pied par Philarète n’est pourtant qu’éphémère, et ses territoires lui sont pris les uns après les autres, malgré même une conversion temporaire à l’islam. Antioche tombe ainsi en 1084 aux mains de Süleyman 1er, sultan de Roum [23]. En 1086 débute une offensive des Grands Seldjoukides, qui prennent Édesse en 1087.

Plusieurs de ses lieutenants parviennent toutefois à se maintenir, comme Gabriel, Thoros d’Édesse et Basile le Voleur  ; les Roupénides [24] se retranchent quant à eux dans les montagnes ciliciennes et constituent un embryon du futur royaume arménien de Cilicie, à l’origine duquel Philarète se situe ainsi involontairement.

La date de la mort de Philarète n’est pas certaine.

Les relations de Philarète avec Byzance, sa fidélité à Romain IV et les problèmes rencontrés sous Michel VII en font une personnalité controversée, entre le général loyal et le rebelle. Ses croyances chalcédoniennes causent également son rejet chez certains Arméniens, comme Mathieu d’Édesse .

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Éd. Privat, 2007 (1re éd. 1982), 991 p. (ISBN 978-2-7089-6874-5)

Notes

[1] La bataille de Manzikert eut lieu le 26 août 1071. L’armée byzantine de l’empereur Romain IV Diogène y fut mise en déroute par celle du sultan seldjoukide Alp Arslan près de la ville de Manzikert [ou Mantzikert], actuellement Malazgirt, en Turquie, au nord du lac de Van. Cette défaite fragilisa considérablement l’empire byzantin dans la région.

[2] Les Seldjoukides, sont les membres d’une tribu turcique qui a émigré du Turkestan vers le Proche-Orient avant de régner sur l’Iran, puis sur un vaste domaine comprenant l’Irak actuel, et l’Asie Mineure, entre le milieu du 11ème siècle et la fin du 12ème siècle.

[3] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[4] La Cilicie est une région historique d’Anatolie méridionale et une ancienne province romaine située aujourd’hui en Turquie. Elle était bordée au nord par la Cappadoce et la Lycaonie, à l’ouest par la Pisidie et la Pamphylie, au sud par la mer Méditerranée et au sud-est par la Syrie. Elle correspond approximativement aujourd’hui à la province turque d’Adana, une région comprise entre les monts Taurus, les monts Amanos et la Méditerranée.

[5] L’Euphratèse était une province de l’Empire romain. Le nom complet est Augusta Euphratensis. Elle est créée au 4ème siècle, vers 300, selon E. Honigmann, vers 341, selon E. Devresse, 342/343 et 359, en même temps que l’Augustamnique en Basse-Égypte. Elle relève du diocèse d’Orient (Diocesis Orientis, 314-636), dont le vicaire réside à Antioche, et de la préfecture d’Orient, dont le préfet du prétoire réside à Constantinople. Elle doit son nom à l’Euphrate. Pour Ammien Marcellin elle correspond à l’ancienne Commagène

[6] Antioche, ou Antioche-sur-l’Oronte, est une ville historique originellement fondée sur la rive gauche de l’Oronte dans la Syrie historique et qu’occupe la ville moderne d’Antakya, en Turquie. C’était l’une des villes d’arrivée de la route de la soie

[7] Le royaume arménien de Cilicie ou royaume de Petite-Arménie est un État fondé en Cilicie, au sud-est de l’Anatolie, par des réfugiés arméniens fuyant l’invasion turque seldjoukide de l’Arménie. Soutenu par les Croisés de 1100 à 1250, puis allié inféodé aux Mongols de 1250 à 1300, il est finalement vaincu par les Mamelouks d’Égypte après avoir été indépendant de 1080 à 1375.

[8] les Varažnouni, originaires du Vaspourakan

[9] Byzance est une ancienne cité grecque, capitale de la Thrace, située à l’entrée du Bosphore sous une partie de l’actuelle Istanbul. La cité a été reconstruite par Constantin 1er et, renommée Constantinople en 330, elle est devenue la capitale de l’Empire romain, puis de l’Empire romain d’Orient et enfin de l’Empire ottoman à partir de 1453 date de la prise de la ville par les Turcs. Elle fut rebaptisée Istanbul en 1930.

[10] Le chalcédonisme est une doctrine christologique englobant les églises et les théologiens chrétiens qui acceptent la définition donnée au concile de Chalcédoine (451) concernant la liaison entre la nature divine et humaine de Jésus-Christ. Bien que la plupart des Églises chrétiennes modernes soient chalcédoniennes, entre le 5ème et 8ème siècle, l’ascendance du christianisme chalcédonien n’était pas toujours assurée. Les disputes dogmatiques soulevées lors du synode conduisirent au schisme chalcédonien et à la formation d’un corps d’Églises non chalcédoniennes, connues sous le nom d’Églises orthodoxes orientales ou Églises des trois conciles. Les Églises chalcédoniennes restèrent unies à Rome, Constantinople et les trois autres patriarcats grecs de l’Est (Alexandrie, Antioche et Jérusalem), et furent organisées sous Justinien II au concile in Trullo sous le nom de Pentarchie. La majorité des Chrétiens arméniens, syriens, coptes et éthiopiens rejetèrent la définition chalcédonienne, et sont rassemblées dans les Églises orthodoxes orientales. Cependant, certains Chrétiens arméniens (en particulier en Cappadoce et dans la région de Trébizonde dans l’Empire byzantin), acceptèrent les décisions du concile de Chalcédoine et prirent part à des polémiques contre l’Église apostolique arménienne. Les Églises de tradition syriaque parmi les Églises catholiques orientales sont également chalcédoniennes.

[11] La dignité de curopalate fut d’abord une fonction de la cour impériale byzantine avant de devenir l’un des titres les plus prestigieux du 6ème au 12ème siècle. Réservée aux membres de la famille impériale et à divers rois et princes du Caucase, elle finit par se déprécier et être reléguée à la fin des listes de préséance avant de tomber en désuétude sous les Paléologues. L’épouse d’un curopalate portait le titre de kouropalatissa.

[12] Le stratopédarque est un terme grec désignant un commandant militaire de haut rang à partir du 1er siècle avant de devenir une fonction propre et un titre honorifique sous l’Empire byzantin.

[13] Les Anatoliques ou le thème des Anatoliques sont un thème de l’Empire byzantin situé en Asie Mineure (Turquie actuelle). Après la division de l’Opsikion au milieu du 8ème siècle, il devient le plus important des thèmes de l’empire.

[14] La fonction de domestique des Scholes est une fonction militaire élevée dans l’Empire byzantin, du 8ème au début du 14ème siècle. À l’origine simples commandants des Scholai, la plus élevée des tagmata d’élite, ces domestiques gagnent rapidement en importance : au milieu du 9ème siècle, ils deviennent les commandants en chef de l’armée byzantine, juste après l’empereur. La fonction est toutefois éclipsée au 12ème siècle par celle de grand domestique, et, à la période des Paléologue, elle est réduite à une dignité de cour purement honoraire et de niveau intermédiaire.

[15] Malatya est une ville de Turquie, préfecture de la province du même nom. La population de Malatya est principalement turque, mais la ville accueille aussi une minorité arménienne et kurde. Il s’agit de l’ancien emplacement de Mélitène, fort et chef lieu de la province romaine de l’Arménie. Mélitène fut un grand centre du christianisme monophysite. Byzantine, la ville tombe aux mains des Arabes au 7ème siècle. Basile 1er l’isole mais ne réussit pas à la prendre. Reprise par les Byzantins en 934, la cité est ensuite intégrée aux possessions de Philaretos Brakhamios, serviteur arménien de l’empire qui prend son autonomie à la mort de Romain IV Diogène, en 1071. Après sa chute en 1085, Mélitène est défendue par son lieutenant Gabriel contre les Seldjoukides, qui assiègent la cité en 1097. L’arrivée des Croisés les oblige cependant à lever le siège et à quitter la région. Malgré l’alliance avec Baudouin du Bourg, comte d’Édesse, Mélitène est prise en 1103 par les Danichmendides. Militène fut le siège du patriarcat jacobite de 1094 à 1293.

[16] Şanlıurfa souvent appelée simplement Urfa est une ville du sud-est de la Turquie. Elle fut d’abord nommée Urhai puis Édesse (ou Édessa), puis Urfa et aujourd’hui Şanlıurfa ou Riha en kurde. Le nom antique d’Édesse est Osroé, qui provient peut-être du nom du satrape Osroès qui gouverna la région. Selon la légende, Adam et Ève séjournèrent dans la cité, qui serait la ville natale d’Abraham et qui abriterait la tombe de sa femme Sarah.

[17] avec notamment Tarse, Mopsueste et Anazarbe

[18] La Cappadoce est une région historique d’Asie Mineure située dans l’actuelle Turquie. Elle se situe à l’est de la Turquie centrale, autour de la ville de Nevşehir. La notion de « Cappadoce » est à la fois historique et géographique. Les contours en sont donc flous et varient considérablement selon les époques et les points de vue.

[19] L’île de Chypre, que les anciens Égyptiens nommaient « Alachia », les anciens Assyriens « Iatnana » et les Phéniciens « Enkomi », était dès l’Antiquité au carrefour d’importants courants commerciaux, assimilant au fil des siècles différentes cultures provenant de la Crète minoenne, de la Grèce mycénienne et de tout le pourtour du bassin Levantin ; son nom de « Kupros » signifie cuivre, en référence aux importants gisements de ce métal, qui assurèrent sa renommée et sa prospérité dans l’ensemble du bassin méditerranéen. Chypre était aussi connue pour ses nombreuses épices et plantations. L’histoire de Chypre fut très mouvementée et l’île subit de nombreuses tutelles : hellénistique, romaine, byzantine, arabe, franque, vénitienne, ottomane et enfin britannique.

[20] L’Église apostolique arménienne est une Église chrétienne autocéphale. C’est une des Églises des trois conciles dites aussi « Églises antéchalcédoniennes ». Elle revendique son titre d’« apostolique » en faisant remonter ses origines aux apôtres Thaddée et Barthélemy. Devenue religion officielle du royaume d’Arménie avec la conversion du roi Tiridate IV par saint Grégoire l’Illuminateur, elle développe son particularisme du 6ème au début du 8ème siècle, qui voit sa christologie se stabiliser selon la doctrine miaphysite.

[21] Les Arçrouni, Artsrouni ou Ardzrouni sont les membres d’une famille de la noblesse arménienne, qui prend de l’importance au 8ème siècle avant d’accéder à la royauté au Vaspourakan de 908 à 1021.

[22] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[23] Le sultanat de Roum (c’est-à-dire du « pays des Romains ») ou sultanat d’Iconium est un sultanat seldjoukide établi de 1077 à 1307 en Anatolie à la suite de la bataille de Mantzikert. Le sultanat est établi à la suite d’un accord entre l’Empire byzantin et le chef seldjoukide Süleyman 1er Shah. Son nom se réfère aux “romains” au sens où l’entendaient les Arabes puis les Turcs entre les 7ème et 15ème siècles : les anciens citoyens de l’Empire romain d’Orient (que l’on nomme communément, à partir du 16ème siècle donc a posteriori : « Empire byzantin ») devenus sujets (dhimmis) des seldjoukides.

[24] Les Roupénides ou Roubénides sont les membres d’une famille noble arménienne issue de Roupen 1er, qui s’installa en Cilicie après la conquête de l’Arménie par les Seldjoukides. Il parvint à en chasser les Byzantins et à se créer une principauté, qui devint royaume en 1198. La famille s’éteignit en 1222 et le trône passa à la famille rivale des Héthoumides.