Sidi Ahmed ou el Kadhi
Fondateur d’une principauté en Kabylie, le royaume de Koukou
Il prend le contrôle d’Alger [1] de 1520 à 1527, dans le cadre d’un conflit avec Khayr ad-Din Barberousse, qui finit par l’emporter.
La famille des Ben-El-Kadi [2] possède des parchemins sur lesquels leur généalogie est indiquée comme remontant aux idrissides [3], souverains de Fèz [4] et de Tlemcen [5], et, par conséquent, au prophète Mahomet, leur ancêtre est Amer-Ben-Idris.
Fonctionnaire au service des derniers Hafsides [6] de Béjaïa [7], il est, au début du 16ème siècle, gouverneur de la province d’Annaba [8]. En 1510, au moment de la prise de Béjaïa par les Espagnols, il se réfugie sur la terre de ses ancêtres ; fédérant autour de lui plusieurs tribus kabyles [9], il établit le centre de son pouvoir dans le village-citadelle de Koukou* [10], un peu au sud-ouest d’Achallam.
En 1512, il est chargé d’aider le corsaire Arudj Barberousse, à chasser les Espagnols de Béjaïa ; le siège est une réussite un premier temps, mais les troupes turcs et kabyles doivent se replier, car Barberousse est gravement atteint au bras et sera amputé plus tard à Tunis. Les Espagnols ne céderont la ville qu’en 1555, lors de la bataille de Béjaïa.
Ensuite, Sidi Ahmed ou el Kadhi est vainqueur du chef du royaume des Beni Abbès [11] de la Kalaâ [12], dans les Bibans [13].
En 1518, Arudj, ayant trouvé la mort en défendant Tlemcen, son frère, Khayr ad-Din, reprend la lutte, et accuse Sidi Ahmed de trahison. Celui-ci se réfugie dans sa forteresse de Koukou en attendant un moment propice.
En 1520, Barberousse décide de lancer une expédition contre Koukou. La bataille a lieu dans la plaine des Issers [14], à mi-chemin entre Koukou et Alger. Victorieux, Sidi Ahmed s’empare d’Alger et y règne jusqu’en 1527.
Khayr ad-Din revient alors à l’improviste, débarquant à l’embouchure du Oued Sebaou [15] ; il vainc quelques contingents kabyles près de l’oued Bougdoura [16].
Sidi Ahmed prend position au col d’Aït Aïcha. Cernés dans la plaine, Barberousse et ses partisans sont en très mauvaise posture, mais la nuit précédant le combat, Sidi Ahmed est assassiné, dans son propre camp.
Notes
[1] La régence d’Alger est une appellation historique de l’Algérie, alors État d’Afrique du Nord, intégré à l’Empire ottoman tout en étant autonome, dont l’existence, de 1516 à 1830, a précédé la colonisation de l’Algérie par la France. La régence d’Alger, fondée par les frères corsaires Arudj et Khayr ad-Din Barberousse, fut gouvernée par des sultans puis des beylerbeys, des pachas, des aghas et des deys. La Régence s’étendait à l’origine dans des limites allant de La Calle à l’Est aux Trara à l’ouest et d’Alger à Biskra, et s’est ensuite déployée jusqu’aux actuelles frontières septentrionales orientale et occidentale de l’Algérie. Elle était formée par trois beyliks qui se trouvaient sous l’autorité des beys : Constantine à l’est, Médéa dans le Titteri et Mazouna, puis Mascara et Oran à l’ouest, et qui étaient subdivisés en outan (cantons) avec à leur tête des caïds relevant directement du bey. Il y avait aussi une quatrième entité sous le contrôle direct du sultan qui comprenait Alger, le Dar Es-Soltane.
[2] Les Ath-Kadi firent leur apparition en Kabylie lors de l’arrivée des Turcs en Algérie. Selon Laurent-Charles Féraud, la généalogie de ces souverains remonterait aux Idrissides, rois de Fez et de Tlemcen. Après la chute des Idrissides, une branche de la famille d’Ath El Kadi vint s’installer directement à Koukou (commune d’Ait Yahia). Or les archives et la tradition orale ont prouvé que les At El-Kadi sont originaires du village Achallam de la tribu des Ath Ghobri (commune de Ifigha), d’ailleurs le sanctuaire d’Achallam en fait foi, car c’est là que sont inhumés certains de leurs morts
[3] Les Idrissides ou Idrisides sont une dynastie chérifienne de souche alide ayant régné au Maroc entre 789 et 985. Ils sont communément considérés comme les fondateurs du premier État marocain. La dynastie doit son nom à Idris 1er, arrière-petit-fils d’Al-Hassan ibn Ali, tenant du chiisme zaïdite, qui se fait reconnaître comme imam par la tribu berbère des Awrabas. Son fils, Idriss II, entreprend l’unification du pays et pose les bases de l’État idrisside axé autour d’une administration centrale, le makhzen. Pendant la seconde moitié du 10ème siècle, le pouvoir idrisside s’effondre sous l’effet des incursions et des interventions des Omeyyades d’Espagne, des Zirides vassaux des Fatimides et des Zénètes ; ils achèvent de perdre leur pouvoir effectif en 972. Ils sont définitivement écartés en 985, après l’échec de la restauration du dernier émir en exil, Al-Hasan ben Kannun, qui est assassiné.
[4] Fès, est une ville du Maroc central, située à 180 km à l’est de Rabat, entre le massif du Rif et le Moyen Atlas. Elle est la deuxième ville la plus peuplée du Maroc après Casablanca, et a été à plusieurs époques la capitale du pays. Sa fondation remonte à la fin du 8ème siècle, sous le règne de Moulay Idriss 1er.
[5] Tlemcen est une commune de la wilaya de Tlemcen, dont elle est le chef-lieu. Elle est située au nord-ouest de l’Algérie, à 520 km à l’ouest d’Alger, à 140 km au sud-ouest d’Oran et, proche de la frontière du Maroc, à 76 km à l’est de la ville marocaine d’Oujda. La ville est érigée dans l’arrière-pays, est distante de 40 km de la mer Méditerranée. Ancienne capitale du Maghreb central, la ville mêle influences berbère, arabe, hispano-mauresque, ottomane et occidentales. De cette mosaïque d’influences, la ville tire le titre de capitale de l’art andalou en Algérie
[6] Les Hafsides sont une dynastie d’origine berbère masmoudienne qui gouverne puis règne sur l’Ifriqiya, constituée par le Constantinois, la Tunisie et la Tripolitaine, entre 1207 et 1574. C’est sous leur règne que Tunis prendra de l’importance, à la suite de l’installation des souverains dans la ville, au détriment notamment de Kairouan. Étroitement liés aux Almohades, au nom desquels ils gouvernent l’Ifriqiya à partir de 1207, les Hafsides deviennent indépendants sous Abû Zakariyâ Yahyâ en 1236 et se maintiendront au pouvoir jusqu’à l’annexion de la Tunisie par l’Empire ottoman en 1574.
[7] Béjaïa anciennement Bougie, est une commune algérienne située en bordure de la mer Méditerranée, à 180 km à l’est d’Alger, dans la wilaya de Béjaïa et la région de Kabylie. Elle est le chef-lieu éponyme de la wilaya de Béjaïa et de la daïra de Béjaïa. Connue à l’époque romaine sous le nom de Saldae, elle devient au Moyen Âge l’une des cités les plus prospères de la côte méditerranéenne, capitale de grandes dynasties musulmanes notamment les Hammadides et une branche des Hafsides. D’abord connue en Europe grâce à la qualité de ses chandelles faites de cire d’abeille auxquelles elle a donné son nom, les bougies, Béjaïa a également joué un rôle important dans la diffusion des chiffres arabes en Occident.
[8] Hippone, en latin Hippo Regius, est le nom antique de la ville d’Annaba (renommée Bône par les Français), se trouvant au Nord-Est de l’Algérie. Elle devint l’une des principales cités de l’Afrique romaine. Saint Augustin fut évêque de la ville de 395 jusqu’à sa mort en 430.
[9] Les Tribus de Kabylie représentent des tribus Kabyles kabylophones situées dans la partie nord de l’Algérie. D’après diverses études, cette région allait d’Alger au large des côtes d’Annaba, distinguant Kabylie du Djurdjura à l’ouest et Kabylie des Babors à l’est.
[10] dans l’actuelle commune d’Aït Yahia, wilaya de Tizi Ouzou
[11] Le sultanat des Beni Abbès, est un ancien État d’Afrique du Nord, puis un fief et une principauté, contrôlant du 16 au 19ème siècle la petite Kabylie et ses alentours, dans l’actuelle Algérie. Sa capitale est la Kalâa des Beni Abbès, une citadelle imprenable de la chaîne montagneuse des Bibans. Le royaume est longtemps un bastion de résistance aux Espagnols, puis à la régence d’Alger avec laquelle toutefois elle conclut un pacte dès 1550 pour mener des expéditions conjointes. Bénéficiant d’une position stratégique, sur la route d’Alger à Constantine et sur celle de la mer Méditerranée au Sahara, sa capitale la Kalâa des Beni Abbès attire au 16ème siècle des Andalous, des chrétiens et des Juifs, fuyant l’Espagne ou Alger. Leur savoir-faire enrichit un tissu industriel local dont l’artisanat de la tribu des Aït Abbas est l’héritage. Les tribus aux alentours sont aussi le siège d’une intense activité intellectuelle et d’une tradition lettrée rivalisant avec celles d’autres villes du Maghreb. À son apogée, l’influence du royaume des Beni Abbès s’étend de la vallée de la Soummam au Sahara et sa capitale la Kalâa rivalise avec les plus grandes villes. Au 17ème siècle, ses chefs prennent le titre de cheikh de la Medjana, mais sont encore décrits comme sultans ou rois des Beni Abbès
[12] La Kalâa des Beni Abbès est une ancienne citadelle d’Algérie, capitale du royaume des Beni Abbès, fondée au 16ème siècle dans les Bibans et presque totalement détruite lors de la révolte des Mokrani en 1871.
[13] Les Bibans sont une chaîne de montagnes qui culmine à 1 862 mètres d’altitude dans le Nord de l’Algérie, entre la vallée de l’oued Sahel-Soummam et les hautes plaines de la Medjana dans la Petite Kabylie et constituant une partie de l’Atlas tellien. En partie territoire de la tribu kabyle des Aït Abbas (Beni Abbès), elle a été marquée, entre les 16 et 19ème siècles, par le rayonnement de la Kalâa des Beni Abbès et du royaume éponyme.
[14] actuelle commune des Issers, wilaya de Boumerdès
[15] Le Sebaou est un fleuve d’Algérie, situé dans la wilaya de Tizi Ouzou en Kabylie. Le Sebaou se jette dans la Méditerranée près de la ville de Dellys (Tadellest) ville côtière de Kabylie, rattachée à la wilaya de Boumerdes. Sebaou c’est aussi l’appellation donnée à la vallée traversée par cette rivière qui va de Boubhir jusqu’à Dellys.
[16] actuelle commune de Draâ Ben Khedda