Bienvenue sur mon site historique. Bon surf

L’histoire pour le plaisir

Accueil du site > Histoire du 9ème siècle > Hunayn ibn Ishaq ou Abū Zayd Ḥunayn ibn Isḥāq al-’Ibādī

Hunayn ibn Ishaq ou Abū Zayd Ḥunayn ibn Isḥāq al-’Ibādī

lundi 17 juin 2024, par lucien jallamion

Hunayn ibn Ishaq ou Abū Zayd Ḥunayn ibn Isḥāq al-’Ibādī (vers 808-873)

Médecin, traducteur et enseignant arabe de Bagdad

Issu d’une famille de religion chrétienne nestorienne [1], il servi 9 califes.

Connu en occident sous le nom latin de Iohannitius ou Johannitius, célèbre par ses traductions d’ouvrages grecs, notamment médicaux, vers le syriaque, la langue de culture de sa communauté religieuse, et l’arabe, sa langue maternelle, il était surnommé le maître des traducteurs.

Il a écrit une autobiographie, exploitée par Ibn Abi Usaybi’a pour le chapitre qu’il lui consacre. Originaire d’Al-Hira [2], issu de la tribu des Banū l-’Ibād, fils d’un pharmacien nestorien, il devient lui-même diacre [3] de l’Église nestorienne.

Il quitte sa petite ville à son adolescence, pour s’installer dans la ville de Bagdad [4], où il suit les cours de médecine de Yuhanna ibn Masawaih , qui finit paraît-il par le chasser avec mépris.

Il fait ensuite un voyage de 2 ans qui l’aurait mené à Alexandrie [5] et en territoire byzantin [6], apprenant ainsi le grec, puis il séjourne quelque temps à Bassora [7] avant de revenir à Bagdad, vers 826.

Selon Ibn Abi Usaybi’a, il est alors remarqué par Gabriel bar Bokhticho et réconcilié par celui-ci avec Yuhanna ibn Masawaih. Il commence par traduire en arabe “L’anatomie” de Galien pour le compte de Gabriel, puis les “Aphorismes” d’Hippocrate pour Yuhanna. Il se spécialise alors dans la traduction des ouvrages médicaux grecs en syriaque et en arabe.

Vers 830, il est chargé de superviser les traducteurs de la Maison de la sagesse [8] du calife [9] al-Mamun. Ensuite il participe notamment aux conférences de savants organisées par le calife al-Wathiq, qui le charge de rédiger une sorte d’encyclopédie médicale. Il devient premier médecin du calife sous Ja’far al-Mutawakkil.

Mais il est en butte à l’hostilité du groupe des médecins originaires de Gundishapur [10], qui parviennent à un moment à le faire fustiger et emprisonner ; rappelé par le calife tombé malade, et ayant réussi à le guérir, il rentre en grâce et ses détracteurs sont contraints à le dédommager. Il effectue de nombreux voyages à la recherche de livres.

Il est connu pour son éthique en tant que médecin. Le calife Jafar al-Mutawakkil lui aurait demandé en échange d’une grande somme d’argent de préparer un poison pour qu’il puisse se débarrasser de l’un de ses ennemis. Mais Hunayn refusa la demande

Prenant cela comme une provocation, le calife l’emprisonne et menace de l’exécuter s’il n’accepte pas de préparer ce poison. Comme il refuse toujours d’obéir aux ordres, le calife le libère et le récompense en lui offrant une grande somme d’argent pour son intégrité morale. Il sert ensuite le calife comme médecin personnel. Il meurt à Bagdad en 873.

On lui attribue une centaine d’ouvrages dont la moitié environ existent encore de nos jours. Une grande partie a dû être rédigée en syriaque, mais presque tout n’a été conservé qu’en arabe.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Raymond Le Coz, Les Médecins nestoriens au Moyen Âge, Les maîtres des Arabes, L’Harmattan, 2004 (ISBN 978-2747564830)

Notes

[1] Doctrine hérétique de Nestorius qui reconnaissait les deux natures du Christ, humaine et divine, mais en niait la consubstantialité ; de ce fait même, l’hérésie niait que la Vierge puisse être appelée « Mère de Dieu ». Malgré sa condamnation par le concile d’Éphèse (431), le nestorianisme gagna la Perse, puis l’Asie, jusqu’à l’Inde et la Chine. Au 12ème siècle époque de son apogée, l’Église nestorienne comptait quelque 10 millions de fidèles. Aujourd’hui, seuls subsistent quelques dizaines de milliers de fidèles, principalement en Iraq et aux États-Unis, la majorité des nestoriens ayant rallié l’Église catholique à partir du 18ème siècle

[2] ancienne capitale de la dynastie arabe des Lakhmides, sur le Bas Euphrate

[3] Fonction créée par les Apôtres pour se décharger des soucis matériels. Ainsi, le diacre est chargé de distribuer les aumônes à leur place. Peu à peu, il assiste le prêtre dans des tâches spirituelles telles que la distribution de l’eucharistie et le baptême. Saint Etienne a été le premier diacre.

[4] Bagdad ou Baghdad est la capitale de l’Irak et de la province de Bagdad. Elle est située au centre-Est du pays et est traversée par le Tigre. Madīnat as-Salām fut fondée ex nihilo au 8ème siècle, en 762, par le calife abbasside Abou-Djaafar Al-Mansur et construite en quatre ans par 100 000 ouvriers. Selon les historiens arabes, il existait à son emplacement plusieurs villages pré-islamiques, dont l’un s’appelait Bagdad.

[5] Alexandrie est une ville en Égypte. Elle fut fondée par Alexandre le Grand en -331 av. jc. Dans l’Antiquité, elle a été la capitale du pays, un grand centre de commerce (port d’Égypte) et un des plus grands foyers culturels hellénistiques de la mer Méditerranée centré sur la fameuse bibliothèque, qui fonda sa notoriété. La ville d’Alexandrie est située à l’ouest du delta du Nil, entre le lac Maréotis et l’île de Pharos. Cette dernière était rattachée à la création de la ville par l’Heptastade, sorte de digue servant aussi d’aqueduc, qui a permis non seulement l’extension de la ville mais aussi la création de deux ports maritimes.

[6] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.

[7] Bassora ou Bassorah ou Basra est la deuxième ville d’Irak, après Bagdad, la capitale. C’est la capitale de la province d’Al-Basra. Principal port du pays, la ville est située sur le Chatt-el-Arab, estuaire commun des fleuves Tigre et Euphrate, à 55 km en amont du golfe Persique et à 550 km de Bagdad. Bassora est, avec Koufa (située plus au nord), un ancien « misr » (au pluriel « amsar » : ville-camp), bâtie en 638 par Omar, le deuxième calife bien-guidé, lors de l’expansion musulmane. Afin de maintenir la distinction entre « croyants » (les convertis à l’islam) et les autres populations, les musulmans y vivaient. Ce confinement ethnique et religieux a, à maintes reprises, fait de la ville un lieu de bouillonnement idéologique.

[8] Les maisons de la sagesse sont apparues au début du 9ème siècle dans le monde arabe. Bien que l’on ait encore du mal à cerner ces institutions, elles auraient associé, pour certains auteurs, des bibliothèques, des observatoires, des hôpitaux, des lieux de réunion et des centres de traduction d’ouvrages de cosmologie, d’astrologie, de mathématique, de philosophie, de poésie et d’histoire. D’autres auteurs, comme Houari Touati en 2014, l’envisage plus modestement comme une institution bibliothécaire, le dépôt de livres de la sagesse des Anciens. Sans les y réduire, on évoque couramment leur rôle majeur dans la transmission de l’héritage des civilisations : bien sûr grecque, perse et du Moyen-Orient, mais aussi indienne, chinoise, etc. Cet aspect fait de ces maisons un des symboles de l’âge d’or de la science arabe, comme lieu de collecte, de diffusion, de copie et de traduction de la littérature d’adab (les belles-lettres).

[9] Le terme calife, est une romanisation de l’arabe khalîfa, littéralement « successeur » (sous-entendu du prophète), titre porté par les successeurs de Mahomet après sa mort en 632 et, pour les sunnites, jusqu’à l’abolition de cette fonction par Mustafa Kemal Atatürk en 1924. Les ibadites ne reconnaissent plus aucun calife depuis 657. L’autorité d’un calife s’étend sur un califat. Il porte aussi le titre de commandeur des croyants, titre aboli chez les chiites après la mort d’Ali. Les critères de choix sont différents entre les chiites et les sunnites mais le porteur du titre a pour rôle de garder l’unité de l’islam et tout musulman lui doit obéissance : c’est le dirigeant de l’oumma, la communauté des musulmans.

[10] Gundishapur (ou Gondishapur, Jondishapur, Jundishabur.) est une ville ancienne de l’Iran, dans la province du Khuzestan, dont les ruines se trouvent près de la localité de Shahabad, à environ 14 km au sud-est de Dezfoul. Elle s’appelait en pehlevi Wêh Andiokh Shahphur, « La Meilleure Antioche de Shapur », et en syriaque Beth Lapat. Elle fut fondée par Shapur 1er, deuxième roi de la dynastie des Sassanides, quand il se fut emparé d’Antioche en 253 et en eut déporté les habitants. Les déplacements de population eurent lieu entre 256 et 260. L’empereur Valérien, vaincu et capturé en 259 par Shapur 1er, y fut sans doute conduit avec les restes de son armée et y mourut peu après. La ville servit à la fin du 3ème siècle et au début du 4ème siècle de résidence d’été aux rois sassanides qui voulaient bénéficier du climat favorable de cette région située en altitude. C’est à Gundishapur que le prophète Mani mourut incarcéré sous le règne de Vahram Ier en 276/277.