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Nicéphore Phocas l’Aîné

lundi 17 juin 2024, par lucien jallamion

Nicéphore Phocas l’Aîné (vers 830-vers 896)

Général au service de l’empereur byzantin Basile 1er

Fils du fondateur de la famille des Phocas [1], nommé lui-même Phocas, qui est un natif de la Cappadoce [2]. Premier membre important de la famille des Phocas. Alors qu’il est jeune, il rentre au sein de la suite personnelle de l’empereur Basile 1er, grimpant rapidement au sein de la hiérarchie, jusqu’aux postes de protostrator [3] puis de gouverneur du thème [4] de Charsianon [5], où il combat avec succès contre les Arabes.

Au cours de l’une des campagnes de Basile 1er, vers les années 870, le père de Nicéphore attire l’attention de l’empereur et est élevé au rang de tourmarque [6]. Au même moment, Nicéphore, qui est encore jeune, rentre au sein de la cour impériale et est rapidement nommé dans le corps des Manglabites [7]. En outre, il participe peut-être à la campagne de Basile de 873 contre Samosate. [8]

Peu après, avant 878, Nicéphore est promu au rang de protostrator et reçoit de l’empereur son propre palais dans les environs de l’église de Saint-Thecla.

Nicéphore conserve son poste au Charsianon jusqu’à sa nomination comme monostratège [9] dans le Sud de l’Italie, à la place d’Etienne Maxientos qui vient d’être vaincu par les Arabes.

Cela intervient en 885 selon la chronologie traditionnelle. Toutefois, il est probable qu’il ait été envoyé en Italie avant cette date, à la tête d’un détachement de troupes venant du Charsianon, que Théophane le Confesseur mentionne comme composante de la force expéditionnaire de Maxentios. En tant que monostratège, il commande les forces de plusieurs thèmes occidentaux [10] mais Théophane le Confesseur rapporte aussi que Nicéphore reçoit des renforts supplémentaires des thèmes d’Asie mineure [11], dont un détachement de Pauliciens [12]. Nicéphore reste en Italie jusqu’à son rappel à Constantinople [13] après l’arrivée au pouvoir de Léon VI le Sage en 886.

Vers 886, il conduit une grande expédition dans le Sud de l’Italie, où ses victoires posent les bases du sursaut byzantin [14] dans la région.

Grâce à ses succès en Italie, Nicéphore reçoit un accueil triomphal à son retour à Constantinople. Toutefois, il disparaît des sources jusqu’en 894, date à laquelle éclate une guerre avec la Bulgarie. Dans le même temps, il est promu au rang de patrice [15] et est élevé au poste de domestique des Scholes [16] où il remporte des succès contre les Arabes en Orient et contre les Bulgares [17] de Siméon dans les Balkans [18].

En 895, il est envoyé contre les Bulgares à la tête d’une grande armée. Cette campagne est la dernière où Nicéphore Phocas est mentionné carSyméon le Logothète affirme qu’il est mort vers 895-896. Sa mort encourage le tsar [19] Siméon à reprendre les armes avec des succès dévastateurs contre Léon Katakalon, le successeur de Nicéphore.

Deux de ses fils lui succèdent par la suite comme domestique des Scholes. Ses petits-filsNicéphore et Léon se distinguent en tant que généraux, le premier devenant empereur de 963 à 969, reprenant plusieurs provinces aux Arabes.

Ces succès sont poursuivis par ses successeurs et posent les bases du retour en force de Byzance dans le Sud de l’Italie, culminant avec la création du thème de Longobardie [20] vers 892. Les régions d’Apulie [21], de Calabre [22] et de Basilicate [23] restent byzantines jusqu’au 11ème siècle.

P.-S.

Source : Cet article est partiellement ou en totalité issu du texte de Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs. Les Princes caucasiens et l’Empire du VIe au IXe siècle, 2006

Notes

[1] La famille Phocas est une famille de Cappadoce qui avait donné à Byzance plusieurs généraux. Elle ne semble pas avoir eu de lien de parenté avec l’empereur Phocas. Après la chute de Constantinople en 1453, Emmanouíl Fokás et son frère Andrónikos se sont exilés dans le Péloponnèse puis installés à Céphalonie sous le nom latinisé de Foca. Leurs descendants existent toujours, et se sont illustrés comme navigateurs, patriotes grecs lors de la Guerre d’indépendance grecque ou médecins.

[2] La Cappadoce est une région historique d’Asie Mineure située dans l’actuelle Turquie. Elle se situe à l’est de la Turquie centrale, autour de la ville de Nevşehir. La notion de « Cappadoce » est à la fois historique et géographique. Les contours en sont donc flous et varient considérablement selon les époques et les points de vue.

[3] chef des étables impériales

[4] Les thèmes ont constitué des divisions administratives de l’Empire byzantin.

[5] Charsianon est une forteresse importante du plateau anatolien, entre Césarée de Cappadoce et la vallée de l’Halys, et le centre du thème byzantin du même nom. Charsianon est stratégiquement située sur la route Est-Ouest qui relie Constantinople à Mélitène par Ancyre, et sur une route Nord-Sud entre la côte du Pont et Césarée.

[6] Une turme ou tourme est un escadron de cavalerie dans l’armée romaine durant la période de la République et de l’Empire. Durant la période byzantine, le terme désigne la plus large division administrative et militaire d’un thème.

[7] Les manglabites ou manglavites étaient un corps de garde dans l’Empire byzantin.

[8] également appelée Antioche de Commagène, une ancienne cité dont les ruines se situent dans l’actuelle province d’Adıyaman, près de l’Euphrate, en Turquie

[9] commandant en chef

[10] Thrace, Macédoine, Céphalonie, Longobardie et Calabre

[11] L’Anatolie ou Asie Mineure est la péninsule située à l’extrémité occidentale de l’Asie. Dans le sens géographique strict, elle regroupe les terres situées à l’ouest d’une ligne Çoruh-Oronte, entre la Méditerranée, la mer de Marmara et la mer Noire, mais aujourd’hui elle désigne couramment toute la partie asiatique de la Turquie

[12] Le paulicianisme est une religion d’origine chrétienne orientale, probablement arménienne. Ce mouvement néo-manichéen apparaît en Asie mineure, alors part de l’Empire byzantin, à la fin du 7ème siècle. Il a été considéré comme hérétique par les Églises catholique et orthodoxe.

[13] Constantinople est l’appellation ancienne et historique de l’actuelle ville d’Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 au 28 mars 1930). Son nom originel, Byzance, n’était plus en usage à l’époque de l’Empire, mais a été repris depuis le 16ème siècle par les historiens modernes.

[14] L’Empire byzantin ou Empire romain d’Orient désigne l’État apparu vers le 4ème siècle dans la partie orientale de l’Empire romain, au moment où celui-ci se divise progressivement en deux. L’Empire byzantin se caractérise par sa longévité. Il puise ses origines dans la fondation même de Rome, et la datation de ses débuts change selon les critères choisis par chaque historien. La fondation de Constantinople, sa capitale, par Constantin 1er en 330, autant que la division d’un Empire romain de plus en plus difficile à gouverner et qui devient définitive en 395, sont parfois citées. Quoi qu’il en soit, plus dynamique qu’un monde romain occidental brisé par les invasions barbares, l’Empire d’Orient s’affirme progressivement comme une construction politique originale. Indubitablement romain, cet Empire est aussi chrétien et de langue principalement grecque. À la frontière entre l’Orient et l’Occident, mêlant des éléments provenant directement de l’Antiquité avec des aspects innovants dans un Moyen Âge parfois décrit comme grec, il devient le siège d’une culture originale qui déborde bien au-delà de ses frontières, lesquelles sont constamment assaillies par des peuples nouveaux. Tenant d’un universalisme romain, il parvient à s’étendre sous Justinien (empereur de 527 à 565), retrouvant une partie des antiques frontières impériales, avant de connaître une profonde rétractation. C’est à partir du 7ème siècle que de profonds bouleversements frappent l’Empire byzantin. Contraint de s’adapter à un monde nouveau dans lequel son autorité universelle est contestée, il rénove ses structures et parvient, au terme d’une crise iconoclaste, à connaître une nouvelle vague d’expansion qui atteint son apogée sous Basile II (qui règne de 976 à 1025). Les guerres civiles autant que l’apparition de nouvelles menaces forcent l’Empire à se transformer à nouveau sous l’impulsion des Comnènes avant d’être disloqué par la quatrième croisade lorsque les croisés s’emparent de Constantinople en 1204. S’il renaît en 1261, c’est sous une forme affaiblie qui ne peut résister aux envahisseurs ottomans et à la concurrence économique des républiques italiennes (Gênes et Venise). La chute de Constantinople en 1453 marque sa fin.

[15] Patrice est un titre de l’empire romain, créé par Constantin 1er. Dans les années 310-320, Constantin abolit le patriciat romain, vieille distinction sociale qui avait ses racines au début de la république romaine. Le titre de patrice est désormais accordé par l’empereur à des personnes de son choix, et non plus à des familles entières. Dès son apparition, le titre de patrice permet à son titulaire d’intégrer la nobilitas, comme le faisait déjà le patriciat républicain. Le titre était décerné à des personnages puissants mais non membres de la famille impériale ; il vient dans la hiérarchie immédiatement après les titres d’Auguste et de César. Ce titre fut ensuite conféré à des généraux barbares au service de l’empire. Le titre fut encore porté par des notables gallo-romains au 6ème siècle. Sous les Mérovingiens, le titre de patrice était donné au commandant des armées burgondes. Les papes l’ont notamment décerné à plusieurs reprises pour honorer des personnages qui les avait bien servis. Le titre fut également conservé dans l’Empire byzantin, et son importance fut même accrue au 6ème siècle par Justinien 1er, qui en fit la dignité la plus haute de la hiérarchie aulique. C’était une dignité accordée par brevet. Dans les siècles suivants, elle fut progressivement dévaluée par la création de nouveaux titres. La dignité de patrice disparut à Byzance au 12ème siècle.

[16] général en chef des armées

[17] Le Premier Empire bulgare désigne un État médiéval chrétien et multiethnique qui succéda au 9ème siècle, à la suite de la conversion au christianisme du Khan Boris, au Khanat bulgare du Danube, fondé dans le bassin du bas Danube. Le Premier Empire bulgare disparut en 1018, son territoire au sud du Danube étant réintégré dans l’Empire byzantin. À son apogée, il s’étendait de l’actuelle Budapest à la mer Noire, et du Dniepr à l’Adriatique. Après sa disparition, un Second Empire bulgare renaquit en 1187.

[18] Les Balkans sont une des trois « péninsules » de l’Europe du Sud, mais cette appellation traditionnelle est parfois contestée en l’absence d’un isthme : les géographes préfèrent le terme de « région ». Elle est bordée par des mers sur trois côtés : la mer Adriatique et la mer Ionienne à l’ouest, la mer Égée au sud et la mer de Marmara et la mer Noire à l’est. Au nord, on la délimite généralement par les cours du Danube, de la Save et de la Kupa. Cette région couvre une aire totale de plus de 550 000 km²

[19] Le mot tsar désigne un souverain de Russie (de 1547 à 1917), de Bulgarie (de 893 à 1422), et de Serbie (de 1346 à 1371).

[20] La Longobardie est le nom byzantin désignant les territoires contrôlés par les Lombards en Italie. Aux 9 et 10ème siècles, il désigne aussi un territoire romain d’Orient au sud-est de l’Italie.

[21] Ancien nom de la région des Pouilles, en Italie.

[22] La région de Calabre, plus couramment appelée la Calabre, est une région d’Italie située à l’extrême sud de la péninsule. La capitale régionale est Catanzaro et la plus grande ville Reggio de Calabre. À partir de la fin de l’Antiquité, elle n’échappe pas aux invasions barbares : elle est pillée et saccagée par les Wisigoths des rois Alaric et Athaulf (410/411). Alaric meurt sous les murailles de Cosenza et est enterré avec un important trésor dans le lit du Busento, qui arrose la ville. Le « trésor d’Alaric », qui a toujours échappé aux pillards et aux chercheurs de trésor, est toujours autant recherché. Elle est également pillée par les Vandales installés en Afrique romaine, puis passe partiellement sous la domination des Ostrogoths. Lors des guerres gothiques opposant les Ostrogoths aux Byzantins, elle est ravagée par les guerriers de Totila avant de passer sous domination byzantine, puis par des bandes de Francs et d’Alamans venus aider les Goths du nouveau roi Teias. Les Lombards pénètrent eux aussi en Calabre peu de temps après leur invasion de l’Italie et la région subit régulièrement les attaques du duché lombard de Bénévent. Le roi lombard Liutprand est peut-être à l’origine de l’actuelle ville calabraise de Longobardi, fondée vers 735, qui tire son nom du peuple lombard. À partir du 9ème siècle, elle commence à subir les incessants raids de pirates Sarrasins puis au 10ème siècle, elle est peut-être atteinte et pillée par des bandes magyares qui se sont aventurées en Italie jusqu’à Bénévent.

[23] La région de Basilicate (en italien : Regione Basilicata, anciennement Lucanie, dite plus couramment la Basilicate, est une région d’Italie méridionale Faisant partie de la Grande-Grèce et peuplée par des colonies grecques côtières, elle fut conquise par Rome, et fit partie, avec la Calabre voisine, de la région du Bruttium. Les Romains finirent par distinguer cette région qu’ils baptisèrent la Lucanie du nom du peuple italique des Lucanii de la Calabre.